Article de M. Charles Millon, ministre de la défense, dans "Armées d'aujourd'hui" de décembre 1996 janvier 1997, sur la nécessité de la communication pour ouvrir la communauté de défense sur le monde extérieur et pour aider à la gestion des crises.

Prononcé le 1er décembre 1996

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Texte intégral

Communication

Nous vivons, pour le meilleur et pour le pire, dans une civilisation de l’information. Pour le meilleur, car la liberté de presse est la pierre angulaire de toute démocratie. Pour le pire, car la frontière est souvent franchie entre débat démocratique et dérives qui le pervertissent songeons à la tentation d’imposer à la politique le rythme des sondages plutôt que celui des élections, ou encore à la propension de certains médias à vouloir « faire justice » eux-mêmes... Dans ce contexte, rien ne serait plus dangereux que de s’en tenir, vis-à-vis des médias, à une attitude frileuse et à courte vue. Cette remarque est particulièrement vraie dans un domaine aussi essentiel que celui de notre défense. Plus que jamais, les armées doivent développer et maîtriser leur communication.

La publication, par « Armées d’Aujourd’hui », d’un numéro spécial consacré à la communication de crise témoigne, s’il en était besoin, de l’ouverture résolue de la communauté de défense vers le monde extérieur. Le besoin de communication des armées est prioritaire pour trois raisons :
    - la première raison, c’est que la communication, à l’instar de la nature, a horreur du vide. Le silence exposerait les armées à devenir une cible privilégiée pour les commentaires malveillants et la désinformation, ou tout simplement à être victimes de l’incompréhension que suscite la méconnaissance ;
      - la deuxième raison, c’est que la communication se situe désormais au cœur de l’opérationnel. L’incapacité des armées à communiquer peut compromettre l’action des forces, et pis que tout, la sécurité des militaires. Cela impose au chef militaire des savoir-faire indispensables ;
      - la troisième raison, c’est qu’à l’heure de la professionnalisation, l’option du dialogue et de la transparence permettra de désamorcer définitivement les fantasmes qui se sont exprimés, ici et là, sur une prétendue tendance des armées à se replier sur elles-mêmes. Bien sûr, des progrès restent à faire en termes de formation, et de prise en compte de la communication à tous les échelons de la hiérarchie. Mais l’expérience des dernières années illustre tout le chemin parcouru et démontre le bénéfice que les armées peuvent retirer d’une politique d’ouverture. Aujourd’hui, l’habitude de travail en commun, la connaissance réciproque des contraintes qui pèsent sur les militaires et les journalistes sont en train de faire parvenir les relations média-défense à une véritable maturité.

Communication « à chaud »

Naturellement, il convient de distinguer la communication « à froid » de la communication « à chaud » qui caractérise le temps de crise. La situation de crise impose en effet une limite évidente de la communication : celle d’un secret minimal au niveau de la préparation des opérations comme de la sécurité des troupes. Cela n’empêche pas, bien au contraire, la qualité de l’Information donnée.

Il peut s’agir, aussi, de contrer une offensive médiatique délibérée contre l’action de la France. La façon dont les armées, grâce aux équipes du SIRPA et de l’ECPA, ont fait éclater au grand jour les méthodes et les ressorts d’une organisation qui tentait d’empêcher la reprise de notre ultime série d’essais nucléaires, montre assurément la voie.

Aujourd’hui, la communication est souvent au cœur de la montée en puissance, du déroulement et du règlement des crises. Mieux vaut s’y préparer, car loin de s’improviser, elle exige la rigueur et les réflexes que confère le professionnalisme. Ce numéro spécial contribuera à diffuser et à ancrer encore plus profondément au sein des armées cette culture de la communication qui favorise le développement de l’esprit de défense.