Interview de Mme Christiane Lambert, présidente du CNJA, dans "La Croix" du 6 mai 1996, sur le partage des responsabilités familiales et syndicales.

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Média : La Croix

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J’ai deux garçons Guillaume, 7 ans, et Thibault, 5 ans. Devenir parent vous change profondément. On ressent au moment de la naissance un sentiment très fort de responsabilité, qui effraie. Cela change votre rapport au temps, vous vous inscrivez dans la durée. Et puis, il y a une joie immense, les liens qui se renforcent avec le père, l’oubli de soi, au début.

Se pose ensuite la question du deuxième enfant. On a peur de délaisser le premier. Quand on voit qu’on peut aimer autant les deux, on ressent presque de la fierté et en tout cas une grande joie de voir l’amour se démultiplier.

Avoir des enfants vous renvoie à votre propre enfance, à ses bons et mauvais souvenirs. On a terriblement peur de mal faire, de reproduire ce qui vous a laissé un mauvais souvenir. Pour ce qui est de ma personnalité, j’ai développé une capacité d’écoute et de patience dont je ne me sentais pas capable. Mes sœurs n’en reviennent pas !

Au quotidien, votre vie est bien sûr transformée. Avant d’avoir des enfants, j’étais agricultrice célibataire et j’avais mes parents sur l’exploitation qui se chargeaient des tâches matérielles. J’ai dû apprendre à mieux gérer mon temps et à faire des choix. Aujourd’hui, les enfants sont ma priorité absolue quand je rentre chez moi. Mes responsabilités syndicales m’obligent à être souvent absente.

Comme je les vois peu, je leur parle beaucoup. J’utilise le téléphone mais aussi le fax. Je leur envoie un dessin tous les jours : un portrait de Yasser Arafat que j’ai rencontré une fois, ou les salons de l’Élysée ou encore un poisson le 1er avril. Il y en a toute une collection !

J’aimerais leur faire partager la passion de notre métier. C’est vrai que je serais déçue s’ils ne deviennent pas agriculteurs. Pour le moment, vie familiale et vie de l’exploitation étant très liée, nous en profitons avec mon mari pour leur inculquer quelques principes de vie fondamentaux. Qu’une truie meure, et nous leur expliquons la vie et la mort, le passe de l’un à l’autre. Nous leur apprenons le respect des autres.