Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, en réponse à une question sur la restructuration nécessaire de l'industrie aéronautique, et la concurrence américaine, à l'Assemblée nationale le 22 novembre 1995.

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Q. : Les entreprises françaises sont en pleine guerre économique mondiale. Chaque année, plus de 50 000 entreprises tombent sur le champ de bataille, allongeant le cortège des chômeurs. La première raison de cette chute est l'assèchement économique que l'État impose pour payer son train de vie et rembourser l'expérience socialiste, qui n'en finit pas de coûter chaque jour un peu plus à notre pays. Comment s'opère cet assèchement ? Par un dépouillement de plus de 50 % du chiffre d'affaires de nos entreprises, à la suite de prélèvements sociaux et fiscaux directs et indirects. Par un retrait de près de 300 milliards de prêts bancaires ces dernières années ce qui les asphyxie. Et voilà – c'est la dernière trouvaille de l'un de nos collègues – que l'on va maintenant déposséder les entreprises des Codevi pour les donner aux collectivités locales.

Votre propre ministère s'apprête à retirer son soutien à des grands secteurs performants comme l'aéronautique. Or savez-vous que l'industrie aéronautique française est le numéro deux mondial, qu'elle est une industrie stratégique qui pousse et protège nos PME à l'export, qu'elle soutient plusieurs centaines de milliers d'emplois ? Il faut savoir que la construction d'un avion fait travailler près de 2 000 personnes et donne du travail à près de 400 PME. Si vous diminuez votre soutien à cette industrie, que va-t-il se passer ? On va détruire 30 000 emplois à forte valeur ajoutée. Beaucoup de députés vont connaître ce problème dans leur circonscription. On va ôter toute protection à l'export pour nos PME-PMI. On va perdre un savoir-faire de haut niveau pour nos produits de demain, donc pour nos emplois de demain. Belle vision stratégique de l'emploi ! Certes, vous n'êtes pas responsable de cette situation mais au lieu de soutenir des entreprises comme le Crédit Lyonnais, ne serait-il pas plus moral, plus productif, de soutenir notre industrie aéronautique qui, je vous le rappelle, est une industrie d'excellence, multiplicatrice d'emplois, de valeur ajoutée, d'exportations et surtout de commandes pour nos PME , Votre décision de diminuer les crédits affectés au titre V du budget de la défense, donc à l'aéronautique, a-t-elle en compte de la priorité absolue que le président de la République a fixée ? Est-elle bonne pour l'emploi d'aujourd'hui et, surtout, pour l'emploi de demain ?

R. : Il est vrai que l'industrie aéronautique traverse une passe difficile et il faut peut-être en répertorier d'abord les raisons :

La première tient aux fluctuations monétaires. Le dollar varie tous les jours sur les marchés, ce qui, reconnaissons-le, favorise les exportations américaines dans le monde entier. Il conviendra donc de voir comment y faire face.

Deuxième raison : les crédits du budget américain de la défense ont diminué d'une manière tout à fait significative, ce qui a conduit les entreprises américaines de l'aéronautique et celles de la défense à se lancer dans une politique agressive d'exportations sur tous les marchés, d'Amérique, d'Asie ou du Moyen-Orient.

Troisième raison : l'industrie américaine est en train de se restructurer. Chacun a en mémoire la fusion du numéro un et du numéro deux des entreprises aéronautiques américaines, c'est-à-dire de MCDonnell Douglas et de Boeing, nouveau groupe qui domine l'ensemble du marché mondial. Que peut faire la France ?

Je donne trois pistes de solutions qui n'ont rien à avoir avec la démagogie ou le court terme, mais qui veulent s'enraciner dans le moyen ou le long terme :

Premièrement, il est indispensable d'avoir une politique budgétaire qui conduise une politique monétaire stable. Si le premier ministre a lancé certaines réformes, en particulier en faveur de la protection sociale, c'est pour permettre à notre pays d'aborder l'étape de la monnaie unique en position de force, car, qui dit monnaie unique dit absence de fluctuations sur les marchés monétaires, donc possibilité d'exporter.

Deuxièmement, vous avez parlé du titre V. Ce titre doit être utilisé prioritairement pour favoriser la recherche en matière aéronautique. C'est ce que nous faisons et c'est ce que nous ferons.

Enfin – et je me permets d'insister sur cet aspect – il conviendra de réfléchir, avec les industriels de l'aéronautique, à la restructuration du secteur. En effet, face à certains regroupements, à certaines fusions qui ont lieu dans des pays concurrents, la France devra se donner les moyens d'y parvenir. Croyez bien que le ministère dont j'ai la charge ainsi que celui de mon collègue Bernard Pons mettront tout en oeuvre pour atteindre ces objectifs.