Déclarations de M. Charles Millon, ministre de la défense, en réponse à des questions sur le regroupement d'organismes militaires de la région parisienne et la restructuration de GIAT Industries, à l'Assemblée nationale le 26 novembre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Q. : Monsieur le ministre de la défense, au début de l’année, la décision a été prise de transférer le centre d’énergie atomique de Vaujours, en Seine-et-Marne à Bruyères-le-Châtel dans l’Essonne. Cette opération permettra de regrouper différents centres autour du nouveau siège de la DAM (Direction des applications militaires). Nous savons que ce redéploiement résulte de l’arrêt définitif des essais nucléaires et de la réorientation de ces activités vers la simulation.

Le 20 mars dernier dans cet hémicycle, lors du débat d’orientation sur la politique de défense, vous avez souligné, monsieur le ministre, que le Gouvernement a le souci de réduire les effets pervers en termes d’emplois et d’aménagement du territoire des restructurations industrielles ou des dispositions d’emprise militaire qui résulteront de la contraction de notre outil de défense. Alors, s’il est vrai que l’opération de regroupement dans l’Essonne permettra de constituer un centre de pointe voué à la recherche théorique, il convient de se préoccuper aussi de l’avenir du centre de Vaujours, situé en partie sur la commune de Courtry dans la septième circonscription de Seine-et-Marne dont je suis l’élu.

Dans le cadre de la mission interministérielle aux restructurations de la défense nationale, il me paraît essentiel de trouver un repreneur, une personne morale, susceptible de tirer le meilleur parti de ce site. Les anciens employés du CEA de Vaujours, qui sont nombreux à habiter à proximité, et les riverains ne comprendraient pas que ce lieu soit abandonné ou détruit. Il semble qu’à l’heure actuelle plusieurs projets soient à l’étude. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer où en sont les travaux sur la nouvelle affectation du CEA de Courtry et nous préciser quel projet recueille les faveurs de votre ministère et aurait le plus de chances d’aboutir ?

R. : Monsieur le député, vous avez eu raison de rappeler que l’adaptation de la direction des applications militaires du CEA est une nécessité absolue. C’est d’abord une nécessité stratégique, car le CEA doit être en mesure de réaliser les armes nucléaires de notre dissuasion. C’est ensuite une nécessité économique car il s’agit de garantir la crédibilité de cette dissuasion en maîtrisant la dépense publique. Et le schéma que vous avez décrit s’inscrit dans ce plan de rééquilibrage et de contrôle de nos finances publiques.

Installation d’organismes publics au fort de Vaujours (Seine-et-Marne)

Le projet prévoit effectivement le regroupement à Bruyères-le-Châtel de toutes les installations de la direction des applications militaires situées en région parisienne, et le fort de Vaujours est concerné. Ce fort, qui appartient au patrimoine immobilier du ministre de la défense, fait aujourd’hui l’objet d’analyses portant sur la valorisation et le maintien de l’activité. L’objectif recherché est l’installation d’organismes publics dans l’enceinte du fort. La délégation interministérielle aux restructurations est chargée d’établir la coordination avec toutes les administrations afin que la recherche interministérielle aboutisse. Il est bien évident, monsieur le député, que je vous tiendrai informé de la suite de ces négociations et de ces recherches. Dans l’état actuel des choses, je ne peux donner de piste définitive, mais croyez bien que le fort de Vaujours est au centre de nos préoccupations.

Tarbes (restructurations)

Q. : Je souhaite appeler une nouvelle fois votre attention sur la situation du bassin d’emploi tarbais qui subit de plein fouet les restructurations de l’industrie de défense qui touchent à la fois le GIAT et la SOCATA, filiale d’Aérospatiale. Le 22 juillet dernier, le délégué interministériel aux restructurations des industries de défense, venu sur place pour plusieurs réunions de travail, s’est vu remettre par l’ensemble des élus locaux et des responsables syndicaux et associatifs regroupés dans un comité de défense local un plan de réindustrialisation du bassin tarbais qui contient quinze propositions précises et concrètes. Or, quatre mois après, le Gouvernement n’a toujours pas apporté la moindre réponse à ces propositions, ce qui apparaît en parfaite contradiction avec les déclarations d’intention bienveillantes et optimistes quant à la volonté de l’État de venir en aide au bassin d’emplois tarbais. Pire, les dernières nouvelles concernant aussi bien le GIAT que la SOCATA ne sont pas rassurantes.

Pour le GIAT, le plan de retour à l’équilibre – c’est comme cela qu’il s’appelle – apparaît d’autant plus inacceptable aux élus locaux et aux responsables syndicaux et associatifs qu’aucun avenir industriel n’est tracé, aucun investissement n’est prévu, aucun nouveau programme n’est annoncé ni dans les domaines de l’armement c’est-à-dire dans celui des savoir-faire traditionnels de GIAT – ni pour une éventuelle diversification. On a le sentiment que l’on se contente d’opérer des coupes claires sans définir de projets à moyen ou à long terme, ce qui engendre l’inquiétude voire le désespoir dans l’établissement.

Pour la SOCATA, l’annonce du contrat mirifique d’Airbus à l’exportation avait fait naître un très grand espoir, aujourd’hui démenti par le maintien du plan social qui prévoit la suppression de plus de 200 emplois et qui traduit concrètement une politique de « déménagement du territoire » puisque le groupe Aérospatiale licencie à Tarbes pour embaucher à 200 kilomètres de là, à Toulouse, la capitale régionale, qui n’est pas la plus défavorisée de la région.

Monsieur le ministre, quand pourront s’ouvrir de véritables négociations pour la réindustrialisation du bassin tarbais ? Quand l’État daignera-t-il apporter des réponses aux quinze propositions avancées par l’ensemble des élus politiques et des responsables syndicaux et associatifs des Hautes-Pyrénées ? Je le rappelle, celles-ci avaient été unanimement saluées comme originales, sérieuses et crédibles.

GIAT (déficit public)

R. : Monsieur le député, avant de répondre précisément à votre question, je ferai quelques rappels car il ne faut pas avoir la mémoire courte. La situation difficile du GIAT n’est pas apparue comme cela un beau matin lorsque ce gouvernement s’est installé et que j’ai pris en charge le ministère de la défense. Elle se dégrade régulièrement depuis 1990 faute, sans doute, de courage politique ou de prévisions économiques.

J’ai demandé à la direction du GIAT de mettre en œuvre un plan de redéploiement, de redressement et de retour à l’équilibre, car une entreprise qui accumule les déficits ne peut assurer son développement futur. Cette condition est indispensable si l’on veut développer l’exportation, engager la mise au point de nouveaux produits et garantir la pérennité des emplois. Aujourd’hui, la direction, les cadres et les salariés de GIAT conjuguent tous leurs efforts pour la mise en œuvre de ce plan de retour à l’équilibre. Il serait bon que la représentation nationale, unanime, les soutienne dans leur action et leurs efforts.

Propositions d’industrialisation (à l’étude)

Vous m’avez interrogé sur les propositions d’industrialisation soumises par les élus tarbais. Certaines d’entre elles, comme la revalorisation des terrains militaires pour le développement du pôle universitaire tarbais, la création d’une zone d’accueil d’entreprises à la communauté des communes de Tarbes, les projets industriels dans la mécanique, les moteurs d’aviation ou la pyrotechnie civile, sont intéressantes et font actuellement l’objet d’études. Des éléments pratiques pourront ainsi être donnés lors du futur comité interministériel aux restructurations. Les décisions du Gouvernement devraient être prises dans les prochaines semaines, et je ne manquerai pas de la faire connaître aux élus tarbais.

Il n’est pas question pour nous de retenir des propositions qui correspondraient au maintien de la situation actuelle, car des modifications sont indispensables si l’on veut meure en œuvre un véritable plan de redressement. Nous ne voulons pas non plus revenir en arrière comme d’autres nous le suggèrent ; il convient au contraire de faciliter le redéploiement et le redressement de la société GIAT.


Date : 26 novembre 1996
Source : Assemblée nationale

Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Aloyse Warhouver, député de Moselle

Phalsbourg-Toul (implantation de la société de fret DHL)

Q. : Dans certains aérodromes militaires qui accueillent, des régiments d’hélicoptères notamment, les pistes ne servent plus. C’est le cas de l’ancien aéroport militaire américain de Phalsbourg, en Moselle, qui abrite le 1er régiment et le 9e régiment de soutien aéromobile.

La ville de Phalsbourg a élaboré un projet inhabituel. Elle souhaite en effet accueillir la société européenne de fret DHL sur la zone industrielle intercommunale qui jouxte le terrain militaire, mais cela suppose que la piste militaire soit partagée. La réalisation de ce projet exigerait la remise en état de cette piste pour un montant de 300 millions de francs à charge des collectivités territoriales, mais cela permettrait à votre ministère de toucher une redevance pour utilisation de l’ordre de 20 millions de francs par an.

De façon générale, accepteriez-vous, Monsieur le ministre, d’ouvrir des infrastructures militaires à des sociétés civiles si cela permet de créer des milliers d’emplois ? Phalsbourg est l’un des derniers sites pouvant accueillir la société DHL, laquelle cherche à s’implanter dans le sillon rhénan. Dans ce cas particulier, accepteriez-vous que la piste serve également à cette société civile, en maintenant les deux régiments en place, bien sûr ?

R. : Monsieur le député, étant donné les conséquences qu’elle aurait en termes d’emploi, il est bien évident que le ministre de la défense a étudié avec attention l’implantation de DHL sur des plates-formes aéronautiques militaires. Celle de Phalsbourg accueille actuellement le 1er régiment d’hélicoptères de l’ALAT – aviation légère de l’armée de terre ainsi que son unité de soutien. Le régiment emploi près d’une centaine d’hélicoptères et il n’est pas prévu de le déplacer dans le cadre de l’adaptation des armées. En effet, il a une intense activité d’entraînement qui est totalement incompatible avec celle de DHL en ce qui concerne tant la gestion technique du trafic que la sécurité. En outre, comme vous l’avez indiqué, la poste ne peut pas être utilisée par des aéronefs gros porteurs car elle n’est pas suffisamment longue et les aménagements nécessaires seraient extrêmement coûteux. C’est la raison pour laquelle il ne nous paraît pas possible de retenir le projet de Phalsbourg.

Cela dit, je le répète, le ministère de la défense s’intéresse à DHL, et il est tout à fait disposé à étudier son implantation sur le site de Toul-Rosières, ce qui serait bénéfique pour l’emploi et contribuerait à la restructuration de la défense. Vous le voyez bien, Monsieur le député, le ministère de la défense est ouvert à l’utilisation des infrastructures militaires pour favoriser les activités économiques civiles créatrices d’emplois, mais à condition d’examiner les dossiers cas par cas afin de s’assurer qu’une telle utilisation n’entraînera pas une dégradation dont notre défense pourrait souffrir. Vous le comprenez, j’en suis sûr.