Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans "Le Journal du dimanche" du 10 janvier 1999, sur la "solution républicaine" ayant conduit à l'élection de l'UDF Anne-Marie Comparini à la présidence de la région Rhône-Alpes avec l'appui des voix de la gauche pour éviter une alliance entre le Front national et le RPR.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Florence Muracciole
Après l'élection de l'UDF Anne-Marie Comparini, grâce aux voix de la gauche, êtes-vous prêt à cogérer avec la droite la région Rhône-Alpes ?

François Hollande
Nous n'avons plus aucun engagement de responsabilité dans l’exécutif régional. Nous avons fait valoir une solution républicaine pour permettre d'écarter l’alliance - qui n'était pas virtuelle - entre la droite et l’extrême-droite, les amis de Jean-Marie Le Pen ayant apporté leurs suffrages à M. Gascon. Pour nous, il n'y a ni confusion entre la droite et la gauche ni cogestion. Nous sommes seulement partisans d'une attitude républicaine et nous laisserons Madame Comparini constituer l'exécutif avec ses propres amis de l'UDF et du RPR. Même si le RPR national ne veut pas que ses élues s'y associent, j'espère que le RPR local fera preuve d'une lucidité plus grande que celle de M. Séguin.

Florence Muracciole
Concrètement, comment cela va-t-il se passer ?

François Hollande
Dès lors qu'elle récusera toute alliance avec le FN, ce dont je ne doute pas, nous jugerons les actes de Madame Comparini au coup par coup comme ce fut le cas lors de la précédente mandature régionale de 1992. Mais on ne peut pas imaginer qu'après la bévue commise par le RPR et DL, ces organisations continuent à faire la politique du pire à l’égard de Madame Comparini, pourtant membre de l'alliance que préside M. Séguin. Sauf à penser que la droite RPR-DL a rejoint la droite de M. Millon.

Florence Muracciole
Une dissolution du conseil régional, comme l'avait suggéré Raymond Barre, ne serait-elle pas préférable ?

François Hollande
Une telle solution suppose le blocage de l'institution régionale. Nous, nous essaierons de l'éviter mais certains, à droite et à l' extrême-droite, peuvent être tentés. Une dissolution ne pourrait trouver son accomplissement positif que si il y avait un changement de mode de scrutin. Sinon, les mêmes causes risqueraient de produire les mêmes effets. Voilà pourquoi nous avons fait voter en deuxième lecture à l'Assemblée nationale un texte qui permet de donner une prime majoritaire à la liste arrivée en tête et d’éviter la reproduction dans les conseils régionaux d'un régime d'assemblées dignes de la IVe République. Or la droite au Sénat fait obstruction à l'adoption rapide de ce projet de loi.

Florence Muracciole
Peut-on parler d'un front républicain UDF-gauche ?

François Hollande
Il ne s' agit pas d'un front républicain ou d’une nouvelle alliance. Il s’agit d’une solution républicaine dans le cadre des clivages gauche-droite. La meilleure preuve, c’est que l’ensemble de la gauche plurielle a choisi en toute responsabilité d’apporter ses suffrages à Madame Comparini alors qu’elle n’avait obtenu que 17 voix. Cette décision, certes courageuse, est une décision de circonstance. Elle n’a pas à nos yeux d’autre valeur que d’éviter le pire. Ne lui faisons donc pas dire ce qu’elle ne signifie pas ! C’est justement parce que M. Séguin a commis cette erreur grave de vouloir récuser les voix de la gauche plurielle qu’il s’est retrouvé en compagnie de Charles Millon et des élus lepénistes.

Florence Muracciole
Pourrait-on tout de même envisager une alliance PS-UDF à l’avenir ? Aux européennes, par exemple ?

François Hollande
Nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure. Nous sommes fidèles à notre stratégie de gauche plurielle et je ne doute pas que l’UDF, comme Madame Comparini, se situe dans l’opposition. Mais il est des moments où l’enjeu est celui de la République.

Florence Muracciole
Comment jugez-vous l’attitude de Philippe Séguin ?

François Hollande
Il est tout de même surprenant que, le Président de la République ayant pris des positions fortes par rapport à l’extrême-droite, le RPR ait été aussi aveugle dans ses choix et contradictoire dans ses positions successives. Philippe Séguin se veut un opposant systématique à la gauche plurielle mais il oublie que le rassemblement dont il est président est un « Rassemblement pour la République ».