Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur l'avenir des réservistes, leur recrutement et leur condition d'emploi et les contrats passés entre l'Etat et les employeurs (texte de la convention en annexe), Paris le 10 avril 1996.

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Circonstance : Remise aux Présidents des Associations de cadres de réserve de questionnaire sur l'avenir du service national-signature des conventions de partenariat armées-entreprises le 10 avril 1996

Texte intégral

Messieurs les Présidents des Associations nationales de cadres de réserves,
Messieurs les Présidents de sociétés,
Mesdames et Messieurs,

La cérémonie qui nous réunit ce soir est symbolique.

Le Président de la République a fait connaître le 22 février les décisions prises pour que la France dispose, à l'avenir, d'une défense plus efficace, plus moderne et moins coûteuse.

Au moment où s'engage devant la Nation et devant le Parlement un grand débat sur l'évolution du Service National, j'ai tenu, en vous réunissant pour la première fois, à ce que soient évoqués la place et le rôle des réserves de la nouvelle organisation de notre appareil de défense.

Winston Churchill avait coutume de dire que les réservistes sont « deux fois citoyens ».

J'ai donc naturellement souhaité que vous preniez part à ce grand débat, au niveau national, comme au niveau local, à travers le questionnaire que le Gouvernement vient d'adresser aux Maires et aux Préfets.

J'avais prévu de vous remettre officiellement le 3 avril le questionnaire servant de base à cette consultation, mais les contraintes de mes fonctions m'ont obligé à reporter au dernier moment cette cérémonie.

Dans ces circonstances, j'ai souhaité que ce questionnaire vous soit adressé sans retard. Sachez que je porterai une attention toute particulière aux observations que vous m'adresserez en qualité de responsables nationaux des associations de cadres de réserves. Je vous demande donc de vous investir pleinement dans cette consultation.

J'ai également tenu à ce que vous soyez les témoins de la signature, ce soir, des premières conventions entre le Ministre de la Défense et les grands responsables des structures civiles d'emploi, entreprises, chambres consulaires, confédérations des petites et moyennes entreprises, représentants de la Fonction Publique de l'État. C'est d'un véritable partenariat de responsabilité qu'il s'agit.

Ce partenariat permettra, – grâce à vous et à ceux qui suivront cet exemple – de répondre à la fois à nos besoins militaires, au désir des réservistes de servir la Défense et aux légitimes aspirations des entreprises publiques et privées qui les emploient.

Chacun d'entre vous connaît les grandes orientations de notre nouvelle politique de défense et les raisons profondes de la réforme qui s'engage. La conséquence majeure est le passage de l'armée de conscription à l'armée professionnelle.

Depuis la disparition d'une menace identifiée, l'émergence de menaces nouvelles et le développement de la gestion internationale des crises, le passage à l'armée professionnelle décidé par le Président de la République devenait inévitable.

C'est pourquoi la France sera dotée, à l'horizon 2002, d'une armée professionnelle.

Dans ces conditions, quelle place et quelles missions les réserves auront-elles à remplir ?

Je rappellerai tout d'abord l'état actuel du dossier et les avancées du Plan « Réserves 2000 ». Elles demeurent en tout état de causes valables pour l'avenir.

Face à l'évolution de la menace et des délais de réaction qu'elle induit, le Plan « Réserves 2000 » a prévu :

– l'adéquation aux seuls besoins des armées du nombre des effectifs gérés ;
– l'appel au volontariat, essentiellement des officiers et sous-officiers de réserve, le recrutement à partir des anciens conscrits et anciens cadres d'active ;
– des activités axées principalement sur la formation, mais aussi la possibilité d'occuper un emploi dans les armées, dès le temps de paix.

Parallèlement, des études très détaillées ont été menées sur le projet de statut social du réserviste destiné à assurer la garantie de l'emploi et les protections sociales nécessaires en raison de ses obligations. Vous y avez été, les uns et les autres, largement associés.

J'ai indiqué devant le Parlement que ces dispositions statutaires seront évoquées dans le projet de loi de programmation qui sera prochainement déposé.

C'est sur ce socle tant attendu que nous allions bâtir ensemble la politique des réserves, dont je vais préciser les nouvelles données.

J'évoquerai successivement les conditions d'emploi et les modalités de recrutement des réserves.

Les conditions d'emploi

Sans exclure l'hypothèse de leur engagement dans les forces de projection, ces réserves se verront confier tout naturellement des tâches de complément ou de substitution sur le territoire national, notamment dans la Gendarmerie.

En conséquence, les conditions de disponibilité des hommes et des femmes de la réserve seront, pour certains d'entre eux, comparables à celles des militaires d'active.

Le recrutement

Les nouvelles missions des réserves ont conduit à prévoir le recrutement non plus seulement de cadres de réserve, mais également de militaires du rang et ce, en nombre significatif.

La « Réserve 2015 » sera constituée essentiellement d'anciens militaires de carrière ou sous contrat, mais aussi de volontaires ayant ou non une expérience militaire préalable.

Il ne s'agit pas, ce soir, de conclure sur le caractère obligatoire ou volontaire du Service National, puisque la consultation est en cours. Il s'agit seulement de dessiner les contours des catégories de réserves qui viendront épauler l'année d'active totalement professionnalisée.

La « Réserve 2015 » sera composée de deux ensembles.

Une « première réserve » de 100 000 hommes (dont 50 000 pour la gendarmerie), sélectionnés pour leur compétence et leur disponibilité, leur permettant d'être rapidement opérationnels. Cette « première réserve », complémentaire de l'armée professionnelle, permettra de répondre aux besoins globaux de notre défense.

Une « deuxième réserve » comprendra ceux qui ne pourront pas ou plus, satisfaire aux exigences de la première réserve. Ce vivier comptera, bien évidemment, les cadres de réserve désireux, eux aussi, de contribuer sous des formes nouvelles et adaptées, au maintien du lien Armées-Nation.

Par ailleurs, je ne saurai oublier les réservistes participant aux actions civilo-militaires dont les principes de recrutement et de mise en oeuvre ont déjà été définis dans le plan « Réserve 2000 ». Détenteurs d'une qualification civile rare, ils feront l'objet d'une gestion personnalisée et leur disponibilité, sans formation particulière, sera organisée avec le concours des structures civiles concernées.

Ce sont bien 100 000 réservistes environ dont la défense aura besoin demain, comme je l'ai indiqué devant le Parlement.

Une nouvelle répartition entre les années, la gendarmerie et les services sera étudiée.

De même, pourra être modifiée la répartition entre les différentes catégories de personnels officiers, sous-officiers et militaires du rang.

Nouvelle enfin sera, au moins pour certains, l'astreinte opérationnelle, c'est-à-dire la disponibilité des intéressés.

Pour assurer cette disponibilité, tant individuelle que collective, une forte contractualisation avec les structures civiles d'emploi, appuyée sur leur statut social légal, est indispensable.

Tel est le message que je voulais vous délivrer. Il éclairera votre participation en tant que citoyens, au grand débat sur l'avenir du service national, et en tant que réservistes à la consultation qui est l'objet du questionnaire.

C'est pourquoi j'ai demandé à la Mission Réserve et aux Inspecteurs des Réserves de prendre en compte vos contributions au débat, d'ici le 6 mai.

Ce travail contribuera utilement à l'élaboration de la synthèse gouvernementale.

Parallèlement, sur le terrain, vos représentants devront s'exprimer dans le cadre de la consultation confiée aux Maires et aux Préfets.

Les Délégués Militaires Départementaux, qui disposent déjà du même document, pourront, à la demande des Préfets, faciliter le débat afin qu'il soit tenu compte des avis et suggestions de tous les cadres de réserve, qu'ils soient ou non membres d'une association.

Tels sont les points sur lesquels je souhaitais appeler votre attention avant de faire remettre à chacun d'entre vous les lettres et le questionnaire qui les accompagne.

J'aborde maintenant le volet contractuel qui justifie la présence, ce soir, de chefs d'entreprises, de représentants d'organismes consulaires, de Présidents de PME-PMI et je suis heureux de saluer ce soir, parmi eux, la présence du Président Rebuffel qui, chacun le sait, est aussi colonel de réserve.

Je souligne avec la même satisfaction, le souci de partenariat qui anime le Ministre de l'Équipement, M. Pons et ses services : le premier engagement des directions régionales de l'Équipement de Lorraine et de Rhône-Alpes est là pour le prouver.

L'État a voulu être partie prenante, au moment où les entreprises et les partenaires sociaux réfléchissent à une conception moins rigide de la durée et de l'organisation du travail.

Il était donc normal que soit défini entre le Ministère de la Défense et les structures civiles d'emploi, un mécanisme souple, permettant de gérer le dossier des réserves au mieux des intérêts, à la fois des individus, du monde économique et de la Défense.

Chacun sait, mais il faudra toujours le rappeler, que la présence des cadres de réserve dans les entreprises est un atout d'importance.

Chacun sait enfin que les réservistes peuvent apporter à la Défense leurs compétences et, parallèlement, procurer à leurs employeurs de véritables « retours d'investissement », non seulement sur le plan personnel mais aussi sur un plan professionnel. Cette remarque ne se limite pas seulement à des contreparties économiques.

Les conventions que nous allons signer sont une « première » en Europe. En définissant de manière adaptée les droits et obligations des partenaires, elles offrent un champ d'expérimentation prometteur qu'il faudra gérer avec intelligence et pragmatisme. Je tiens à remercier particulièrement tous ceux, présents ou non, qui ont joué un rôle pionnier en ce domaine.

Ces conventions aideront également à convaincre nos concitoyens :

– que le concept de Défense a évolué ;
– que les combats que nous menons, tant sur le plan social que sur le plan économique, sont des « combats communs » ;
– que les efforts d'adaptation de notre appareil de défense concernent toutes nos régions ;
– que la résolution des difficultés présentes et futures relève bien de la pratique du « donnant-donnant » ou plutôt de celle du « gagnant-gagnant ».

Notre rencontre de ce soir constitue donc un signal fort :

– vis-à-vis des cadres de réserve dont je connais l'engagement sincère ;
– vis-à-vis des militaires d'active, parce que ces derniers – à l'instar de ce qui existe chez beaucoup de nos alliés – doivent mesurer à quel point le mot « professionnel » peut aussi caractériser la compétence et la disponibilité des cadres de réserve ;
– vis-à-vis des employeurs enfin, dont je souhaite qu'ils apprécient tout l'intérêt de cette politique contractuelle et qu'ils contribuent à renforcer, par leurs actions vis-à-vis des réservistes, le consensus sur la défense. Ils devront, à ce titre, recueillir les justes contreparties de leur engagement et la reconnaissance de la Nation.

La défense d'un pays, tout comme la puissance d'une nation, est désormais globale, mêlant de façon indissociable l'efficacité militaire, la performance économique, l'excellence scientifique et la force d'une communauté de citoyens décidée à vivre, à prospérer, à rayonner ensemble. Votre présence ce soir au Ministère de la Défense, vous, Présidents des Associations nationales de réservistes, vous Présidents de grandes entreprises et d'administrations publiques, montre que vous l'avez compris.