Déclaration de M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'État à l'action humanitaire d'urgence, en réponse à une question sur l'aide humanitaire de la France à la Bosnie-Herzégovine, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et les mines antipersonnel, à l'Assemblée nationale le 7 mars 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réponse du secrétaire d'État à l'Action humanitaire d'urgence à une question orale de madame Michèle Alliot-Marie, députée des Pyrénées-Atlantiques.

Texte intégral

Q. : La paix est là. Elle doit beaucoup, nous le savons tous, à l'action courageuse de la France et à l'implication personnelle du président de la République, qui a imposé sur le terrain une nouvelle donne, un nouveau rapport de forces qui a conduit à la signature des accords de Paris. Hélas, nous savons aussi qu'une signature – et les évènements tragiques qui secouent Israël de façon aussi violente que barbare nous le rappellent – ne suffit pas à éradiquer à jamais la violence. Les responsabilités de la France en Europe et le souvenir du sacrifice des soldats français morts sous le casque bleu nous imposent un devoir particulier de vigilance pour que cela ne recommence pas. Or nous sommes inquiets de lire, ici ou là, qu'on assiste à un regain d'activisme de l'Iran en Bosnie.

Au-delà des actions militaires pour le maintien de la paix, quelles réponses donnons-nous concrètement au problème des réfugiés, aux souffrances des populations qui guettent, dans le quotidien, les bienfaits de la paix ? Quelles réponses apportons-nous pour restaurer les principes du droit et de la justice, en particulier pour soutenir les travaux du tribunat pénal international ? Je sais que vous êtes sensible à ces questions. Nous attendons que la France s'engage. Car, nous le savons bien les uns et les autres, c'est ainsi que nous pourrons éviter que demain la Bosnie ne revienne brutalement sur le devant de l'actualité.

R. : Je pense comme vous, qu'il serait naïf de croire que la paix est définitivement installée en Bosnie. J'ai effectué récemment un déplacement de plusieurs jours qui m'a conduit à Sarajevo, Banja Luka, Srebrenica, Gorazde et Mostar. J'ai pu constater par moi-même que la population de ce pays vit dans un sentiment de découragement, d'abandon et de revendication, qui s'ajoute aux clivages traditionnels entre communautés. Ce sont autant de menaces pour la paix. La France a pris une position claire dans la recherche d'un règlement politique au conflit. Elle a maintenant le devoir de faire vivre la paix en aidant la population à retrouver une dignité et des conditions de vie qui lui permettent d'envisager l'avenir. Mon souci a été d'agir en complément de l'aide humanitaire apportée par les Nations Unies et par la Communauté européenne, qui jouent un rôle majeur dans la reconstruction de ce pays. C'est pourquoi j'ai fixé à notre aide cinq priorités :

Amélioration des conditions de vie

Première et deuxième priorité, l'amélioration des conditions de vie des personnes déplacées à Banja Luka : alimentation, soutien psychologique, aide à la scolarisation ; le désenclavement de Gorazde avec la fourniture de générateurs électriques et d'eau, l'aide à la scolarisation des enfants et une aide particulière – vous vous doutez pourquoi – à l'hôpital.

Troisième priorité, la contribution au retour à la vie normale à Sarajevo par l'aide aux organisations non gouvernementales pour le reboisement et par des actions de soutien psychologique et d'animation dans les quartiers.

Matériel pour le TPI

Quatrième priorité, à laquelle j'ai tenu personnellement ; que notre action en faveur du tribunal pénal international soit la plus claire et la plus pragmatique possible. La France a ainsi adapté sa législation pour coopérer avec le Tribunal pénal international. Par ailleurs, lors de la visite du président Cassese – que j'ai rencontré avec M. le ministre des Affaires étrangères et M. le garde des sceaux – j'ai veillé à ce que le soutien accordé au tribunal soit aussi d'ordre matériel. La France va donc fournir du matériel de protection pour les témoins, faire don de quatre véhicules tout-terrain et dépêcher une équipe de médecins légistes pour aider le tribunal pénal international dans ses investigations. Je puis vous dire que le président du tribunal a été particulièrement sensible à l'importance du soutien que lui apporte la France.

Mines anti-personnel

La cinquième priorité concerne le problème des mines anti-personnel, qui nous tient particulièrement à cœur. C'est même la préoccupation incessante de la France. Au vu de la situation particulièrement grave que connaît la Bosnie, au vu du bilan établi avec les intervenants sur le terrain, civils et militaires, étrangers et Bosniaques, organismes institutionnels et ONG, j'ai proposé au haut représentant de la Communauté européenne, M. Carl Bildt, de nommer auprès de lui un adjoint spécialiste des mines anti-personnel pour collecter l'information et coordonner les actions.