Ensemble des déclarations à la presse, aux radios et aux télévisions, de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur l'évolution des négociations de cessez-le-feu entre Israël et le Liban, durant sa tournée de médiation au Proche-Orient, du 15 au 27 avril 1996.

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Circonstance : Tournée de médiation de M. de Charette au Proche-Orient du 15 au 27 avril 1996, à la suite de la reprise des raids israéliens contre les positions du Hezbollah au Liban.

Média : Emission Forum RMC L'Express - Europe 1 - France 2 - France 3 - France Inter - L'Express - Le Journal du Dimanche - Presse étrangère - Radio France Internationale - Télévision

Texte intégral

Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette avec France 2, à Jérusalem, le 15 avril 1996

Q. : Monsieur de Charette est arrivé à Jérusalem au moment où Israéliens et Américains entamaient des contacts diplomatiques pour trouver une solution à la crise. Shimon Peres ne veut entendre parler que d'un seul médiateur, les États-Unis. C'est toutefois avec beaucoup d'intérêt qu'il a reçu Monsieur de Charette.

R. : Je suis venu aujourd'hui en Israël. Je serai demain en Syrie et au Liban d'abord pour m'informer comme l'a demandé le Président de la République et ensuite pour examiner si, quand et comment, il peut exister une solution politique à cette crise, le plus tôt sera le mieux.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à Jérusalem, le 15 avril 1996

Mesdames et Messieurs, merci de m'avoir attendu. J'espère ne pas vous avoir fait trop attendre. Je vais être bref. Comme vous le savez, la France suit avec beaucoup d'attention, beaucoup d'émotion aussi, la crise actuelle à la frontière entre Israël et le Liban. Le Président de la République m'a demandé hier soir de venir dans la région. J'ai donc décidé de commencer ce petit périple par Israël où je me suis rendu ce soir et où j'ai rencontré, ensemble d'ailleurs, le Premier ministre Shimon Peres et M. Ehud Barak, le ministre des affaires étrangères. Demain matin, je me rendrai en Syrie puis, en fin de journée, à Beyrouth.

La France, qui a des liens d'amitié avec Israël, comprend et partage les préoccupations de sécurité qui sont celles du peuple israélien et de son gouvernement. La France est aussi liée par des liens très étroits qui remontent dans l'histoire, loin dans notre histoire, avec le Liban. Elle comprend et partage les préoccupations du Liban et c'est pourquoi je crois que dans ce déplacement nous sommes sensibles aux préoccupations des uns et des autres. Ma mission est d'abord une mission d'information, mais bien entendu, dans le même temps, je ne manquerai pas de m'enquérir des possibilités de trouver une issue à la crise. Cette issue ne peut pas être militaire, elle sera donc politique. C'est ce à quoi je m'emploie, et bien entendu lorsque j'aurai achevé cette mission, j'en rendrai compte au Président de la République française.

Q. : M. de Charette, le Premier ministre Shimon Peres a dit que le temps n'est pas prêt pour les négociations sur la situation (le reste inaudible) ?

R. : Eh bien ça prouve que la situation est difficile et que l'issue de la crise n'est pas encore à la portée de la main.

Q. : On est loin de celle solution ?

R. : Je travaille pour qu'on s'en rapproche.

Q. : Ça veut dire qu'Israël ne veut pas avoir une solution négociée, qu'il veut continuer la guerre ? Il veut détruire le Hezbollah ?

R. : Je ne crois pas qu'on puisse dire au point où nous en sommes que qui que ce soit refuse la paix.

Q. : Quel peul être le poids d'une initiative française lorsque l'on parle en Israël, et les dirigeants israéliens insistent là-dessus, d'une initiative américaine de Warren Christopher de l'administration américaine ?

R. : Toutes les initiatives sont utiles si elles vont toutes dans le même sens. J'ai eu Warren Christopher au téléphone hier soir et nous avons convenu entre nous d'échanger nos informations et nos idées.

Q. : C'est donc une initiative conjointe ?

R. : Je vous répète ce que je viens de vous dire. Nous avons convenu d'échanger nos informations et nos idées et naturellement, pour parvenir à un bon résultat, il faut que chacun travaille dans la même direction. C'est ce que Américains et Français feront. Je n'en doute pas.

Q. : Quelles sont les idées et les propositions de la France ?

R. : Pour l'instant, je vous ai dit que je souhaitais écouter, entendre, comprendre l'ensemble des éléments du problème, rechercher quelles sont les issues possibles, et il est prématuré aujourd'hui d'aller au-delà.

Q. : (Inaudible).

R. : Je serai au Liban demain soir. Je rencontrerai les dirigeants libanais. Le Président de la République a reçu hier, en fin d'après-midi, à l'Élysée, le président du gouvernement, M. Rafie Hariri, et j'en saurai sans doute plus demain soir sur l'appréciation que l'on peut porter sur la situation actuelle.

Q. : Monsieur le ministre, serez-vous porteur de messages des Israéliens pour les Syriens et les Libanais ?

R. : Cela ne se présente pas comme ça. Je ne suis pas d'ailleurs un porteur de messages. Je suis, par contre, par ce déplacement, attentif à ce que chacun me dira. J'ai écouté les dirigeants israéliens. J'écouterai demain à Beyrouth et à Damas ce qui peut m'être dit et c'est au terme de cette tournée que je serai en mesure d'apprécier ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Je souhaite qu'on puisse aller le plus loin et le plus vite possible. Je crois qu'il y a une réelle urgence.

Q. : M Peres, qu'est-ce qu'il vous a dit précisément ?

R. : Demandez-lui ce qu'il m'a dit !

Q. : (Inaudible).

R. : Madame, j'ai eu en effet M. Velayati au téléphone ce matin avant de quitter Paris. Je lui ai expliqué quel était le sens de ma mission. Comme je l'ai fait à tous les interlocuteurs que j'ai eus au cours de ces derniers jours, j'ai insisté sur la nécessité absolue que chacun concoure, dans la mesure de ses moyens et de son influence, à faire en sorte que la crise touche à sa fin dans les meilleurs délais.

Q. : Monsieur le ministre, vous n'avez pas parlé de cessez-le-feu aujourd'hui, est-ce parce que vous pensez que ce n'est pas quelque chose de réaliste... dans les prochains jours ?

R. : Mais, Monsieur, je souhaite le cessez-le-feu dans les meilleurs délais et c'est même pour cela que je suis ici. Merci.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à la présidence de la République libanaise, à Baabda, le 16 avril 1996

Je me trouve à Beyrouth ce soir où j'ai rencontré le Président Hraoui, le Président Nabih Berri et le Président Hariri. Je suis à la troisième étape de cette tournée que j'ai entreprise dans la région et qui m'a conduit successivement en Israël, en Syrie et au Liban.

Je mesure pleinement l'extrême gravité de la situation. Je comprends – et la France aussi – les difficultés et les épreuves auxquelles le peuple libanais est soumis.

Comme vous le savez, la France a décidé de prendre un certain nombre de dispositions pour alléger ces épreuves. Nous avons envoyé un avion chargé de produits alimentaires et humanitaires qui est arrivé dimanche. Un autre arrivera jeudi. Chacun est chargé d'une trentaine de tonnes à destination du peuple libanais. Le Président de la République a pris personnellement l'initiative de faire en sorte que soit sur place dès demain une équipe spécialisée qui pourra mesurer les dommages subis par deux centrales électriques de telle façon qu'elles puissent être réparées dans les meilleurs délais. La France s'y engage. Le Président de la République a contacté le président de l'Union européenne pour que celle-ci engage une action rapide et massive de secours aux populations libanaises conduites à quitter leurs domiciles et à se réfugier.

De mon côté, j'ai poursuivi la mission que le Président de la République m'avait confiée et après ces deux jours au cours desquels j'ai visité Tel-Aviv, Beyrouth et Damas. La France saisira dans les toutes prochaines heures les parties concernées de propositions susceptibles de permettre de résoudre cette crise. Elle doit l'être dans les meilleurs délais. Il est désormais urgent que les décisions soient prises pour permettre de mettre un terme à la crise et de faire revenir la paix.

Soyez assurés que je poursuivrai cette tâche. Je partirai demain matin à Tel-Aviv pour y faire part des enseignements que j'ai tirés et pour commenter la proposition française.


Propos du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à la presse, à Damas, le 16 avril 1996

R. : Nous avons eu une très longue conversation avec le Président Assad et le vice-président Khaddam ainsi qu'avec mon collègue et ami M. Chaara, ministre des affaires étrangères. Je crois que cette mission s'avère pleinement utile. Nous voulons, de façon déterminée, apporter la contribution de la France au rétablissement de la paix dans cette partie du monde. J'ai à l'esprit la situation tragique des populations civiles afin qu'elles puissent rentrer chez elles. Nous avons, ce soir, échangé beaucoup d'idées et je crois que nous avons fait sérieusement avancer les choses.

Q. : D'après les Américains, il n'y a pas d'initiative française ?

R. : Et qu'est-ce que je fais sinon de prendre des initiatives ? Je suis en pleine initiative et croyez-moi, je vais continuer. J'ai trop de liens avec le Liban. Nous avons trop d'amitié aussi avec Israël. Nous avons des liens très forts avec la Syrie, mais dans cette partie du monde nous avons des amis, beaucoup d'amis et nous voulons apporter la contribution de la France, avec d'autres bien sûr, au rétablissement de la paix.

Q. : Est-ce que les Israéliens sont d'accord pour cette initiative française ?

R. : Pour l'instant, j'ai écouté et j'ai, en effet, décidé qu'il y aurait une initiative française précise.

 

Propos du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à la presse, à Beyrouth, 17 avril 1996

R. : Mesdames et Messieurs, en effet, j'achève à Beyrouth la première phase de la mission que j'ai entamée à Tel-Aviv hier et à Damas aujourd'hui. La situation de crise qui prévaut au Liban a atteint un degré qui ne peut plus durer. Il faut en sortir vite. J'ai maintenant écouté un certain nombre des interlocuteurs. Je vais bien entendu écouter et interroger les autorités libanaises et la France sera amenée à faire, dans les jours qui suivent, des propositions précises.

Q. : Inaudible.

R. : D'abord, il faut qu'il y ait un cessez-le-feu maintenant extrêmement rapide. Cela devient urgent. Cela ne peut plus attendre. Assez de dégâts ! Trop de dégâts ! Il faut maintenant que chacun retrouve son calme. Je vais aller à Tel-Aviv. Bien entendu je vais aller dans ce sens comme je le fais dans toutes les capitales que j'ai visitées depuis trois jours.

Q. : Vous y allez maintenant ?

R. : Oui, je pars directement de Beyrouth à Tel-Aviv. Je crois qu'on commence à voir assez clairement quelles sont les conditions d'un retour durable au calme. Pour cela, il faut s'inspirer des arrangements de 1993 qui avaient fourni un cadre et des règles. Simplement, il faut donner à ce cadre et à ces règles plus de force et plus de précision. La France a donc fait des propositions aux trois pays concernés, et plus particulièrement aux autorités libanaises et aux autorités israéliennes, qui s'inspirent de cette idée. Nous souhaitons qu'il y ait un texte écrit approuvé par les uns et par les autres. La méthode importe peu. Ce qui compte, c'est le résultat ! Ce texte écrit doit permettre de fixer les règles de façon précise et claire. Elles doivent mettre à l'abri les populations civiles de part et d'autre de la frontière. Il ne faut plus qu'il puisse y avoir ni au Liban ni en Israël des attaques contre les populations civiles. C'est cela qui était la base même des principes verbaux qui avaient conduit à cet arrangement de 1993, et c'est cela que la France propose d'écrire.

Q. : Est-ce que vous pouvez être en mesure de dire quand la crise pourrait se terminer à peu près ? Est-ce qu'il faut une semaine, dix jours, deux semaines, un mois ?

R. : C'est long ! Il faut aller vite, je vous l'ai dit tout à l'heure, il y a maintenant urgence. Il faut donc que la crise se termine dans les meilleurs délais. Toutes les raisons de mettre un terme à cette crise sont là, et donc c'est dans cet esprit que je vais travailler. Le plus tôt est le mieux. On peut s'arrêter quand on le veut. Maintenant, on a tous les éléments sur la table qui permettent de rassurer et les uns et les autres.

Q. : Monsieur le ministre, après Tel-Aviv, voulez-vous retourner à Damas ?

R. : Mais si c'est utile, bien entendu ! Je continuerai cette mission jusqu'à sa réussite totale, c'est-à-dire jusqu'à l'arrêt de tous les combats.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, après son entrevue avec les ministres des affaires étrangères égyptien, saoudien, syrien et libanais, au Caire, le 17 avril 1996

Q. : Quelle est la teneur de vos entretiens avec M Amr Moussa ?

R. : Bien sûr, nous avons fait ensemble le point de la situation en ce qui concerne en particulier la crise qui sévit au Liban. Nous avons, je crois, exprimé sur beaucoup de questions un point de vue commun. Nous souhaitons une issue rapide à cette crise. Le peuple libanais est soumis à des épreuves très dures et qui sont injuste. En même temps, nous mesurons les épreuves mais aussi les difficultés pour sortir de cette crise. Nous sommes convenus, mon collègue et ami M. Amr Moussa et moi-même, de joindre nos efforts et de travailler ensemble pour accélérer la résolution de ces difficultés. Nous partageons la conviction, je crois, qu'il y a une extrême urgence à sortir de cette crise.

Q. : À la lumière de votre entretien téléphonique cet après-midi avec M. Christopher et de vos entretiens avec M. Charaa et avec les ministres arabes, est-ce que vous pensez qu'il y aura une sorte d'initiative commune franco-américaine ? Est-ce que vous pensez que toutes les parties sont prêtes à accepter la proposition française ? Est-ce qu'elles demandent des modifications ?

R. : Vous allez un peu vite en besogne. Je voudrais vous confirmer qu'avec Warren Christopher nous avons décidé de travailler la main dans la main et de joindre nos efforts et nos énergies pour contribuer à la solution de cette crise dans les meilleurs délais.


Entretien conjoint du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, et du président de l'autorité palestinienne, M. Yasser Arafat, avec la presse, à Gaza, le 18 avril 1996

Mesdames, Messieurs, combien j'éprouve de la joie à me trouver au côtés du Président Arafat à Gaza. Les Palestiniens ont traversé une période difficile, très difficile, auxquelles ils ont dû faire face avec grande peine. De nouveau, des épreuves et des difficultés. Le Président Arafat sait que la France a soutenu les efforts qui ont été faits par les autorités palestiniennes pour contribuer à la solution de ses difficultés. J'ai indiqué au Président que, bien entendu, nous continuions à le faire.

Il nous semble en effet, que le bouclage des territoires continue de poser des problèmes très sérieux, qui doivent être impérativement surmontés, résolus. Je ne peux que saluer les décisions qui ont été prises aujourd'hui par le Président Arafat et par M. Shimon Peres et qui sont un signal très positif pour la reprise du processus de paix. Le Président Arafat m'a parlé des difficultés financières qui viennent de ce que les aides promises n'arrivent pas au rythme promis et j'ai indiqué au Président que j'en parlerai à mes collègues de l'Union européenne et à la Commission européenne dès lundi, puisque lundi je me trouverai à Luxembourg pour un conseil des ministres des affaires étrangères où cette question sera donc inscrite pour que ces difficultés puissent être résolues, en tout cas, pour ce qui concerne l'Union européenne qui continuera à apporter un soutien amical et, comme vous le savez, important auprès de l'Autorité palestinienne.

Avec le Président Arafat, nous avons parlé de la situation qui prévaut au Liban, la situation de crise à laquelle nous devons faire face et j'ai commenté auprès du Président, à la fois l'esprit d'initiative que j'ai pris sur instruction personnelle du Président de la République, sur les contacts nombreux que j'ai pu avoir au cours de ces quelques jours et sur le contenu de la proposition française Les événements que nous venons d'apprendre, tragiques témoignent une fois de plus qu'il est urgent de remplacer la logique de la désescalade aux lieux et places de la logique de l'escalade permanente.

Je voudrais, une fois de plus, dire qu'il est temps que cesse le feu, que ces drames devraient inciter l'ensemble des parties à convenir de suspendre toutes les activités militaires pour que l'on puisse donner la parole aux diplomates et que dans les jours qui viennent, une solution durable puisse être trouvée.

En attendant, Monsieur le Président, la France et d'autres, les États-Unis, et beaucoup d'autres pays et vous-même, je le sais, nous travaillons et nous continuerons notre démarche inlassable pour que la paix s'installe durablement dans cette partie du monde qui nous est si chère.

Merci Monsieur le Président.

Q. : Inaudible.

R. : En ce qui concerne les débats du Conseil de sécurité, je sais qu'ils se poursuivent. J'ai été informé, cet après-midi même, de ce que des contacts nombreux avaient lieu, pour l'instant, pour rechercher une rédaction d'une résolution qui pourrait recueillir l'accord du Conseil de sécurité. La France est favorable à ce que cette résolution puisse obtenir le vote de tous et c'est ce à quoi nous essayons d'apporter notre contribution aux côtés des autres pays membres du Conseil. Le Conseil de sécurité s'honore quand, en face de situation difficile, il parvient néanmoins, non pas à être paralysé, comme vous le disiez à l'instant, mais à prendre des décisions. J'espère que ce sera le cas dans les heures qui viennent.

En ce qui concerne la question du bouclage des territoires dont vous avez parlé, après ma visite ici même auprès du Président Arafat, nous avons, les uns et les autres, travaillé d'arrache-pied pour convaincre Israël de modifier les règles, d'assouplir les dispositions et de faire en sorte que les victimes d'actes terroristes ne soient pas finalement les populations. C'est toujours la même liste inutile. Certains progrès ont été accomplis mais, en effet, ça n'est pas encore le bout de la route. D'autres progrès doivent être accomplis. Ils sont absolument nécessaires pour la pop'.1lation de la Palestine. Comme naturellement, nous continuerons à travailler la main dans la main de façon très intense pour faire progresser rapidement cette question.

Q. (au Président Arafat) : Monsieur le Président, quel est le rôle que vous jouez en tant que Président de l'Autorité palestinienne et du Comité exécutif de l'OLP afin de mettre un terme à la crise que connaît le Liban et pour mettre un terme aux attaques ?

R. : Le Président Arafat : C'était un point essentiel parmi ceux que j'ai discutés, lors de mes entretiens avec M. Peres et j'ai déclaré dans la conférence de presse, comme vous le savez, que nous étions pour un terme rapide à cette situation car nous ne pouvons pas résoudre autant de questions autrement que par le dialogue, afin de préserver la paix, car le dialogue aussi difficile soit-il est toujours préféré à toute action militaire et comme vous vous en souvenez certainement, j'ai évoqué les efforts déployés par la France, par les États-Unis d'Amérique, par l'Égypte, par tous les frères et amis, afin de mettre un terme à la situation qui prévaut au Liban et également pour mettre un terme à la situation dont souffre le peuple palestinien dans la vie. En tant que Libanais et Palestiniens, nous payons un très lourd tribut.

Q. (au ministre) : Inaudible.

R. : Le ministre : Écoutez, c'est précisément, ce qui est devant nous, le chantier que nous avons devant nous. La position française, c'est une position impartiale et qui cherche à trouver un chemin entre les préoccupations des uns et des autres. Il faut que vous sachiez qu'il y a entre Français et Américains une bonne coopération. Nous sommes convenus, Warren Christopher et moi, de travailler la main dans la main avec nos informations, avec l'ensemble des moyens que nous pouvons avoir, de convaincre ou de faire pression sur les uns, sur les autres. Et je le répète, ce soir nous savons plus qu'hier encore l'urgence de parvenir à une solution.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France Inter » et « Europe 1 », à Tel-Aviv, le 18 avril 1996

Q. : Monsieur le ministre, après votre entretien, ce matin, avec Shimon Peres, quelles sont les raisons que vous avez d'être optimiste ?

R. : Je regarde la situation et je vois, en effet, des éléments encourageants. Premier élément encourageant, l'ensemble des parties est d'accord sur un certain nombre de points, par exemple sur le fait que désormais il faut revenir à l'esprit de l'arrangement de 1993, qui avait permis pratiquement deux ans et demi de calme vis-à-vis des populations civiles dans le sud-Liban et dans le territoire d'Israël du nord. C'est à cet arrangement qu'il faut revenir. Ensuite, chacun comprend aussi que cet arrangement était verbal et n'avait pas de forme écrite, qu'il faut maintenant passer à un texte écrit qui doit engager les gouvernements concernés, c'est-à-dire le gouvernement libanais et le gouvernement israélien. Ce sont des éléments assez solides qui fournissent une bonne hase de départ à la recherche d'une solution.

Et puis il y a aussi, me semble-t-il, en tout cas c'est ce que me disent les dirigeants que j'ai rencontrés, ils m'expriment tous leur désir de parvenir à une solution rapide de cette crise. Ce sont des raisons d'optimisme. Malheureusement, il faut les nuancer par d'autres éléments qui, hélas, me rendent plus inquiet. En particulier je dois dire que la situation qu'on observe au Liban est une situation humainement extrêmement sérieuse, extrêmement grave, éprouvante pour les populations, et bien entendu si on ne parvient pas rapidement à un cessez-le-feu, on s'expose à voir une aggravation de la crise, et il est grand temps d'arrêter !

Q. : Vos contacts avec les Américains, vous en êtes où Monsieur le ministre ?

R. : Nous avons des contacts très étroits avec les Américains, aussi bien moi-même avec le ministre des affaires étrangères et le secrétaire d'État américain, Warren Christopher, qu'à Washington ou même ici en Israël avec l'ambassadeur des États-Unis en Israël. Nous multiplions les contacts de façon à coordonner l'action française et l'action américaine, et je peux vous dire que des deux côtés nous exprimons cette volonté de travailler la main dans la main.

Q. : Il y a des différences entre les deux plans, le français et l'américain ? Est-ce qu'il y a une rivalité ?

R. : Je ne crois pas qu'on puisse dire cela. Il y a des sensibilités qui s'expriment, qui sont un peu différentes. Nous avons les uns et les autres des contacts. Les Américains ont beaucoup de contacts dans la région. Moi aussi, comme vous le savez. Et de ces contacts, nous tirerons des conclusions parfois un peu différentes, pas divergentes, cela voudrait dire en opposition, mais un peu différentes sur ce qui est possible ou ce qui ne l'est pas, ce qu'il faut faire ou ce qu'il faut éviter de faire. Mais je le répète, nous avons dans l'idée de travailler la main dans la main de façon que l'initiative française et l'initiative américaine se rejoignent pour parvenir à la paix.

Q. : Par exemple, vos contacts avec l'Iran, qu'est-ce que vous en retirez comme conclusion ?

R. : J'ai eu le ministre iranien des affaires étrangères au téléphone avant de partir. Je lui ai dit des choses extrêmement sérieuses et extrêmement pressantes sur la nécessité d'être, je dirais, à la hauteur de ce qu'on attend de lui aujourd'hui, c'est-à-dire de contribuer de façon décisive à la paix.

Q. : Que vous a-t-il répondu ?

R. : Il m'a assuré que telle était son intention. Mais j'attends de voir.

Q. : Monsieur le ministre, quelles sont les exigences d'Israël ?

R. : Israël veut avoir des garanties fermes pour sa sécurité. De ce point de vue, la France comprend très bien et partage cet objectif.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à Tel-Aviv, le 18 avril 1996

Je vais, si vous le voulez bien, d'abord faire un peu le bilan, en tout cas le point des démarches que j'ai entreprises depuis maintenant trois jours, bientôt quatre. Comme vous le savez, dès l'éclatement de la crise, la France a appelé à la cessation des hostilités de part et d'autre. Le Président Chirac s'est entretenu au téléphone le 12 avril dernier avec le Président Clinton et avec M. Shimon Peres. Le lendemain, j'ai eu des entretiens téléphoniques avec M. Ehud Barak et M. Boueiz, les ministres israélien et libanais des affaires étrangères. J'ai adressé des messages écrits à MM. Charaa, ministre syrien des affaires étrangères et Velayati, ministre iranien des affaires étrangères. Le 14 avril, j'ai eu M. Amr Moussa au téléphone, qui m'a informé de la rencontre entre le Président Moukarak et M. Hariri. Le dimanche 14 avril, le Président de la République a reçu le Président Hariri à Paris, à l'Élysée et, au cours des différents entretiens que j'ai eus avec le Président de la République ce jour-là, celui-ci m'a demandé de me rendre dans la région.

J'ai donc informé le soir même Mme Agnelli, en sa qualité de président en exercice de l'Union européenne, de l'initiative que la France allait prendre. J'ai également téléphoné à Warren Christopher. Avant de quitter Paris, j'ai eu M. Velayati au téléphone et comme vous le savez, j'ai eu lundi un long entretien à Jérusalem, dès mon arrivée, avec M. Peres et M. Barak. Je me suis rendu le lendemain à Damas où j'ai eu une séance de travail avec M. Charaa et j'ai été reçu ensuite longuement en audience par le Président Assari et le vice-président Khaddam. Le soir même, j'étais à Beyrouth où je me suis entretenu avec le Président Hraoui, le président du Conseil, M. Hariri, et le président de l'Assemblée, M. Nabih Berri, et naturellement le ministre des affaires étrangères, M. Boueiz.

Et curieusement, dans cette première partie de ma mission, il y a eu, sans doute, une erreur d'interprétation. On a cru que la démarche française était une démarche d'information, c'est-à-dire que je ne venais que pour avoir des nouvelles. Naturellement, il n'en était pas question. Pour avoir des nouvelles, les journaux, vous-mêmes, pouviez faire cela très bien pour moi, et je n'avais qu'à lire ce que vous écrivez. Il y a aussi les télégrammes des ambassadeurs qui sont également très bien faits. Je n'étais donc pas venu ici pour m'informer mais pour apporter la contribution de la France à la recherche d'une solution politique à la crise. C'est pourquoi, au terme de ces premières rencontres, j'ai remis à Israël, au Liban et à la Syrie les propositions françaises en vue de mettre fin aux actions militaires et aux opérations violentes. Naturellement, ces propositions ont été portées à la connaissance des États-Unis, de la Russie – comme vous le savez, j'ai eu M. Evgueni Primakov au téléphone, longuement – ainsi naturellement qu'aux autres pays concernés de la région et à l'ensemble de mes collègues de l'Union européenne. Nous nous sommes abondamment consultés avec les États-Unis. J'ai eu de nouveau, hier, Warren Christopher au téléphone depuis Le Caire où je me trouvais, alors que lui-même était à Tokyo, et nous avons convenu, une nouvelle fois, de travailler la main dans la main. Ce matin même à Tel-Aviv, M. Bauchard, directeur d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ; s'est entretenu avec l'ambassadeur des États-Unis en Israël, M. Martin·Indyk, afin de confronter nos vues et de coordonner nos efforts en vue d'un cessez-le-feu au Liban.

Naturellement, contrairement à ce que je lis de temps en temps, nous travaillons en liaison étroite avec nos partenaires de l'Union européenne. Je viens de m'entretenir, il y a très exactement une heure, une nouvelle fois avec Madame Agnelli, et je serai lundi au Conseil Affaires générales qui réunit les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, afin d'examiner ensemble la situation, et bien sûr je rendrai compte à mes collègues des démarches que j'effectue dans la région. M. Bauchard, dont je parlais à l'instant, va rencontrer en fin de journée la Troïka européenne qui arrive, je crois, dans une demi-heure en Israël. Bref, nos consultations mutuelles sont abondantes et étroites. Nous avons, bien entendu, consulté un certain nombre d'autres pays arabes concernés. Je vous le disais, j'étais hier au Caire où j'ai rencontré M. Amr Moussa et où j'ai eu l'occasion de m'entretenir, en marge du Conseil de la Ligue arabe, avec les ministres des affaires étrangères d'Égypte, de Syrie, d'Arabie Saoudite et du Liban. Je dois vous dire que j'ai été frappé, au cours de ces échanges de vue que j'ai eus hier au Caire, par le fait que, y compris les pays arabes qui ont établi des liens avec Israël, tous expriment un réel embarras devant la situation actuelle.

Permettez-moi maintenant, si vous le voulez bien, ayant fait ainsi un rappel des démarches entreprises par la France au cours de ces quatre ou cinq derniers jours, de porter quelques appréciations sur ce que nous faisons. Je voudrais d'abord vous rappeler les motifs qui ont justifié la démarche française. D'abord, l'intérêt que la France porte pour le Proche et le Moyen-Orient. Cet intérêt est ancien, naturellement, chacun le sait. Mais le fait est que le Président de la République, dès son élection, a marqué sa détermination, a donné plus de corps, plus de substance, a donné un nouvel élan à cet intérêt de la France pour votre région. La venue du Président Chirac au Liban, il y a dix jours, puis au Caire, à l'invitation du Président Moubarak, ont été autant d'occasions de marquer l'importance, le caractère crucial de l'intérêt que la France porte à votre région aujourd'hui plus que jamais.

Je voudrais aussi rappeler les liens, ceux-là séculaires, qui attachent la France et le Liban. C'est une démarche qui a neuf siècles derrière elle, neuf siècles d'amitié. Et je voudrais en fin vous rappeler que l'amitié franco-israélienne ne s'est jamais démentie et a été réaffirmée à l'occasion de la venue de M. Rabin à Paris il y a quelques mois, de la venue de M. Peres, Shimon Peres, alors ministre des affaires étrangères, également à Paris, des déplacements que plusieurs membres du gouvernement et moi-même, nous avons faits ici. Le Président Chirac, lui-même, s'est rendu à Jérusalem, à l'occasion tragique, hélas, de l'attentat qui a coûté la vie à M. Rabin. J'étais avec lui. Tout cela pour rappeler qu'il y a entre nos deux pays des liens très étroits, très sincères je crois, et auxquels les uns et les autres nous attachons beaucoup d'importance.

Toutes ces raisons font qu'il nous semblait inimaginable que cette crise puisse laisser la France indifférente, muette ou paralysée. Je vaudrais ajouter qu'il ne faut pas se méprendre sur le sens de notre initiative. Nous voulons aider à la solution de la crise. Nous croyons que nous pouvons rendre service aux uns et aux autres, à la fois par notre connaissance approfondie de la région que j'évoquais tout à l'heure, mais parce que nous y avons des amis, beaucoup d'amis, parfois d'ailleurs aussi des pays avec lesquels nous avons des relations que d'autres n'ont pas, qui peuvent servir parce que, aussi, nous sommes capables d'impartialité. Être impartial, cela ne signifie pas être froid et sans coeur. Cela veut dire que l'on a comme souci élémentaire de tenir compte de tous les éléments de la situation et de rechercher ce qui peut être fait pour répondre aux préoccupations légitimes des uns et des autres.

Je suis donc, ici, l'envoyé direct du Président de la République qui a voulu et décidé cette initiative française. Je voudrais ajouter que la France ne peut être ni ignorée, ni suspectée. Bien entendu, nous ne prétendons pas à je ne sais quel monopole ! D'autres peuvent être très utiles et nous ne méconnaissons pas bien sûr l'intensité des liens que les États-Unis ont dans cette région. C'est pourquoi nous avons recherché à travailler avec les États-Unis. C'est la raison pour laquelle je vous ai rappelé tout à l'heure les contacts que j'ai eus personnellement avec mon collègue et ami Warren Christopher, les contacts qui ont été poursuivis, c'est moins public mais c'est très intense, entre l'ambassadeur de France à Washington et la diplomatie américaine et dont la réunion de ce matin porte témoignage, entre M. Bauchard et l'ambassadeur lndyk. Nous sommes d'ailleurs convenus, Warren Christopher et moi, de travailler ensemble, de coordonner nos efforts, de joindre nos énergies pour convaincre, pour entraîner et pour trouver une issue à la crise. Tel est le sens de notre initiative.

J'ai rencontré ce matin M. Shimon Peres et M. Ehud Barak. Je voudrais vous dire que j'ai toujours eu beaucoup de considération et de respect pour Shimon Peres dont chacun connaît les qualités d'homme d'État et dont nombreux apprécient la vision d'avenir qu'il a toujours exprimée pour son pays et pour la région. Notre entretien a été, comme toujours, chaleureux et amical. Je lui ai parlé de plusieurs points. D'abord j'ai insisté sur l'urgence qu'il y a, selon nous, à trouver l'issue de cette crise dont les conséquences humaines sont très lourdes. Ensuite, nous avons parlé de nos propositions, je veux parler des propositions françaises et des démarches que j'ai effectuées depuis quatre jours. J'ai constaté avec plaisir qu'Israël reconnaît l'importance des liens franco-libanais et l'importance de ces liens pour la contribution nécessaire à la résolution de la crise. J'ai aussi constaté la disponibilité d'Israël pour un arrangement, pourvu qu'il tienne compte, ce que je comprends, des exigences de sécurité de la population israélienne. Nous en sommes là et bien entendu, ça n'est pas le moment de relâcher nos efforts, c'est pourquoi je me rendrai demain à Damas pour poursuivre mes consultations. Voilà Mesdames, Messieurs.

Q. : Où voyez-vous le principal obstacle à l'heure actuelle ? Quelle sont les vraies difficultés ?

R. : Il y a des difficultés, mais commençons par regarder les raisons d'optimisme, si vous le voulez bien. D'abord, je vous ferai observer qu'il y a des idées communes qui sont maintenant sur la table. Les propositions américaines, les propositions françaises, les interventions publiques des uns et des autres permettent de clarifier les choses au moins sur un certain nombre de points que je peux résumer de la façon suivante. D'abord je constate qu'il y a un accord général sur l'idée qu'il faut revenir à l'esprit des arrangements de 1993. C'est bien la base à laquelle il faut se référer pour trouver une solution. Ensuite, j'ai constaté que les uns et les autres étaient d'accord pour que l'arrangement recherché prenne une forme écrite et donc s'engage de façon plus claire, plus ferme. À partir de là, les réflexions peuvent se prolonger. Comme vous le savez, la France a fait une proposition concernant un système de sécurité, vérification propre à éviter les escalades de la violence auxquelles nous avons assisté dans le passé, et même si la procédure elle-même ne fait pas l'unanimité, j'ai eu le sentiment que cette proposition était un plus dans la discussion. Donc il y a des idées communes. J'ai observé, d'ailleurs dans l'ensemble, un bon accueil à la proposition française. Si j'écoute les propos américains – je vois que vous marquez quelque hésitation mais moi, j'ai une tendance à regarder non pas le verre à moitié vide mais le verre à moitié plein – eh bien si j'écoute les propos de M. Beilin à Washington, qui sont des propos officiels, pas des commentaires rapportés – on ne sait jamais s'ils sont officieux, ou officiellement officieux, ou officieusement officieux ou officieusement inexacts, propos que d'ailleurs le Premier ministre a contesté vigoureusement, je tiens à vous le dire, ce qui m'a fait plaisir parce que j'avais été affecté par ces propos – eh bien donc, je constate que les uns et les autres ont, dans l'ensemble, bien accueilli les propositions françaises.

Autre raison d'optimisme enfin, tous mes interlocuteurs ont exprimé un désir qui m'a paru sincère d'aboutir dans les meilleurs délais. Donc ce sont des éléments positifs. Qu'est-ce qu'il manque aujourd'hui ? Je crois que ce qu'il manque aujourd'hui, c'est sans doute deux choses. D'abord, s'il y a un certain nombre de points sur lesquels les idées se précisent, elles ne sont pas encore assez nettes, précises, clarifiées. Il y a donc encore des zones d'ombre.

Q. : Par exemple ?

R. : Mais même sur les points que j'ai évoqués. Tout n'est pas terminé. Il n'y a pas eu une rédaction, un texte, dont chacun a dit : « Il me convient ».

Q. : On négocie sur la proposition française ou américaine ? Sur le plan, sur le renforcement de l'accord de 93 ou sur les exigences américaines qui ont été présentées en même temps que votre plan ? On a l'impression que maintenant on est revenu à ce que vous disiez, au plan français et qu'il s'agit de trouver une solution. Alors quelle est la base de la négociation, des entretiens qu'aura ce soir M. Bauchard avec M lndyk ?

R. : Non, c'était ce matin ! Pour l'instant on n'en est pas, comment dire, à une sorte de négociation où les gens seraient autour de la table. Si c'était le cas, je vous dirais quel papier on prend ! Mais pour l'instant, dans les discussions que nous avons, les deux propositions sont sur la table et je crois que c'est bien ainsi parce que, par la phase actuelle en tout cas, ça a permis de faire émerger un certain nombre de convergences que je rappelais tout à l'heure, qui sont utiles, et bien entendu nous souhaitons que progressivement on puisse arriver à un document unique.

Q. : On en est loin d'après vous ?

R. : Pas nécessairement, je ne crois pas. Je crois que c'est la prochaine étape et naturellement c'est dans cet esprit que la France travaille.

Q. : Qui doit signer cet accord ? Le Hezbollah, la Syrie, le Liban ?

R. : Monsieur, ne me demandez pas quelle est la solution définitive des questions qui se posent. Vous avez raison de poser cette question. Elle est bienvenue, parce que c'est bien l'une des questions qui se posent. Dans notre esprit, il est très clair que les engagements doivent être pris par les pays concernés, c'est-à-dire par Israël et par le Liban.

Q. : Et la Syrie ?

R. : Il n'y a pas de conflit en Syrie, mais bien entendu, il va de soi, et cette idée est reprise dans les propositions françaises, qu'un certain nombre de pays intéressés seront associés.

Q. : Dans vos contacts avec l'Iran, est-ce que vous avez l'impression que Téhéran fait pression actuellement sur le Hezbollah pour restreindre ses attaques ?

R. : C'est ce qu'il dit.

Q. : C'est ce que dit M. Velayati ?

R. : C'est ce que m'a dit M. Velayati, en effet, au cours de la conversation que j'ai eue avec lui.

Q. : Qu'est-ce qui empêche un cessez-le-feu, ce soir à minuit ?

R. : Ah, bien écoutez, ça n'est pas moi en tout cas !

Q. : A votre avis ! Puisque vous faites déjà le tour de la région ?

R. : Vous savez, depuis le premier jour que je suis ici, je ne pense qu'à cela.

Q. : Mais quel est l'empêchement ? Puisqu'Israël a annoncé que si le Hezbollah arrête le tir, Israël va arrêter le tir ?

R. : Je le souhaite ardemment ! Et je peux vous dire que c'est la principale question que j'évoque d'entrée de jeu avec les uns ou avec les autres. Pour l'instant, je ne peux que constater que chez les uns et chez les autres, cette disponibilité n'existait pas pleinement.

Q. : Monsieur le ministre, quand on observe les propositions d'accord américaine et française, on a le sentiment que la proposition française est plus floue, ce qui donne un avantage diplomatique puisqu'elle ménage certaines sensibilités, et que la position américaine détermine de manière beaucoup plus nette les gens qui seront responsables du respect de cet accord. Les Américains impliquent directement, vous le savez, les Syriens et les Libanais dans l'aspect de cet accord. Un des points qui fait problème par rapport à Israël, c'est le fait de savoir qui va garantir qu'on ne se retrouvera pas dans la situation qui a suivi celle de la violation de l'accord de 93 ?

R. : Dans le texte français, il est tout à fait clairement indiqué qu'il doit y avoir un certain nombre de garants de l'accord.

Q. : Oui, par exemple que la Syrie et le Liban ne sont pas tenus d'empêcher des violations de cet accord par le Hezbollah, parce que cet accord a déjà été violé !

R. : Non pas du tout ! Non, excusez-moi !

Q. : Vous pouvez nous donner des précisions ?

R. : Je vous dis d'abord que nous pensons que ça doit être un accord qui concerne le Liban et Israël. Je vous ai dit aussi qu'il va de soi que la Syrie ne peut pas se désintéresser de ce problème, quand il faut trouver des modalités pratiques qui permettent de répondre concrètement à ces questions.

Q. : C'est sûr, mais la Syrie n'est pas étrangère dans le conflit dans la mesure où elle est présente sur le territoire libanais ? Ce n'est pas un pays qui, par ricochet, serait intéressé à une telle situation, on est bien d'accord ?

R. : Bien entendu, nous sommes tout à fait d'accord sur ce point. Il n'y a pas de doute ! il n'y a pas d'ambiguïté.

Q. : Là où il y a différence peut-être, vous corrigez si j'ai tort, c'est que les Américains impliquent directement et clairement la responsabilité de l'accord aux Syriens et que la France préfère, disons, trouver un certain nombre d'intermédiaires.

R. : Je ne crois qu'on puisse le dire tout à fait comme ça parce que pour l'instant, le document américain ne fixe pas les formes juridiques qui répondraient à votre question et ce sont les formes juridiques, en droit international, qui peuvent répondre à ces questions. Donc je ne crois pas qu'il y ait de ce point de vue un écart sensible entre la position américaine et la position française. D'ailleurs, le problème est plutôt de rechercher ce que chacun est prêt à faire et naturellement, il faut aller le plus loin possible de sorte qu'il y ait un accord concret où chacun puisse trouver l'aspiration à laquelle il a droit, c'est à dire la sécurité pour les populations israéliennes, et la sécurité pour ceux qui habitent dans les villes et les villages au Liban.

Q. : Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les points qui vous gênent dans le plan américain ?

R. : Eh bien je vais vous dire que je ne suis pas gêné par le plan américain. Du tout, au contraire, nous travaillons, je le répète, en très bonne intelligence avec nos partenaires et amis américains. La question est de savoir quel est le sentiment des uns et des autres ? C'est ça le problème, ce n'est pas la France qui va s'opposer à une proposition américaine. Ces sept points américains, s'ils trouvent un accord, ça me va très bien, mais c'est ça la difficulté, c'est pour ça que nous sommes là d'ailleurs, c'est parce qu'il faut que des tierce-parties ayant des liens particuliers avec cette région, les Américains les ont, la France en a, je les ai évoqués tout à l'heure, peuvent aider les parties à trouver un accord.

Q. : Une des principales divergences entre les plans américain et français concerne la zone contrôlée par Israël au Sud-Liban. La France accorde le droit à la résistance libanaise de continuer de résister, puisqu'il n'y a pas, dans le plan américain, d'échéancier pour un retrait israélien. Est-ce que vous avez constaté une évolution dans la position à la fois américaine et israélienne sur ce point-là ?

R. : C'est une question très importante. Ce que nous souhaitons tous c'est une situation de paix. La paix est un accord dont la négociation n'a pas commencé et qui naturellement comprend la stricte application de la résolution 425, le respect, de la souveraineté de chaque État, de l'intégrité de son territoire, et la sécurité absolue de ses voisins. Hélas, on n'en est pas là, le processus de paix en est au point que vous connaissez, c'est à dire en suspension. Ce que nous recherchons, c'est une situation dans laquelle il puisse y avoir un arrangement du type de celui de 1993, intermédiaire en quelque sorte, avec une grande différence toutefois sur laquelle je voudrais appeler votre attention, c'est qu'en 1993 on était à la recherche d'un équilibre, je ne sais pas si c'est le mot qui convient, d'une durée indéterminée, puisqu'il n'y avait pas d'horizon de paix devant soi. Aujourd'hui nous sommes dans une situation différente, on l'espère, ce n'est encore qu'un espoir. On espère que le processus de paix pourra reprendre son cours. Et dès lors, les questions auxquelles nous avons à répondre, sont pour un temps dont on peut considérer qu'il est déterminé.

Q. : Qui sont les partenaires de cet accord écrit ? Puisque les Syriens se déclarent observateurs et les Libanais se déclarent incompétents ? M. Hariri, hier à la télévision, a annoncé que le Liban ne peut pas garantir que le Hezbollah ne violera pas les accords, il ne peut pas se porter garant pour le Hezbollah. Si la Syrie est un observateur, qui est le garant ?

R. : Écoutez-moi ! Je ne suis pas ici, comme vous semblez le penser Monsieur, l'expression des positions libanaise ou syrienne. J'exprime le point de vue de la France qui mérite considération comme les autres. Et ce point de vue est tout à fait simple. C'est qu'il faut garantir à Israël la sécurité de ses populations civiles sur son territoire. Et donc il faudra bien, en effet, que cette garantie soit donnée à Israël. Hors de cette garantie, point de salut ! Que ce soit bien clair !

Q. : Monsieur le ministre, pour être positif, est-ce que vous pensez que la négociation qui se mène actuellement peut, d'une certaine manière, jouer favorablement dans la reprise d'un processus de paix, du moins d'un dialogue entre Israël et la Syrie ?

R. : Oui, je le pense tout à fait. D'abord je pense que nous sommes pour l'instant concentrés sur la résolution de la crise actuelle qu'il faut résoudre rapidement et efficacement.

Q. : (inaudible) ?

R. : Je ne crois pas qu'on puisse le faire. Par contre, je crois qu'en faisant cela, on travaille aussi à rendre possible demain un nouveau départ du processus de paix.

Q. : Quelle est votre opinion sur l'agression d'Israël au Liban ?

R. : Monsieur, la France a fait connaître son opinion par la voie du Président de la République et par celle du Premier ministre. Moi, je suis le chef de la diplomatie française et mon travail consiste très précisément à rechercher les issues possibles. Et tout à l'heure, je vous l'ai dit, la tâche des diplomates est difficile parce qu'elle consiste à écouter les uns et les autres avec une oreille attentive. Ça n'empêche pas qu'on le fait avec son coeur et avec ses convictions. Je le fais avec mon coeur et avec mes convictions. La France a du coeur, elle l'a toujours exprimé au Moyen-Orient. Elle a des convictions et elle essaye de les mettre en oeuvre. Mais vous ne pouvez pas lui demander de renoncer à l'un ou à l'autre.

Q. : Hier, vous avez rencontré au Caire M. Charaa. La Syrie n'a pas vraiment fait connaître sa position, mais qu'est-ce qu'elle vous a dit sur le plan français ? Ça peut être une base de discussion ?

R. : J'ai observé que jusqu'à présent mes interlocuteurs syriens se sont tous intéressés au plan français.

Q. : M. Hariri a dit qu'il trouvait le plan français meilleur que le plan américain. M. Charaa vous a dit « Le plan français, c'est une base de départ »?

R. : Je crois vous en avoir dit suffisamment dans cette tâche qui est la mienne, trouver des solutions appropriées, trouver des réponses appropriées à des questions simples à énoncer mais difficiles dans leurs réponses. Cela comporte beaucoup d'échanges de vues, de discussions, et la discrétion fait partie des éléments indispensables à leur succès.

Q. : Est-ce qu'on envisage le cessez-le-feu avant même d'arriver à un accord pour pouvoir négocier avant qu'il y ai tant d'innocentes victimes qui tombent ?

R. : Ce serait hautement souhaitable, Monsieur ! C'est une question qu'il faut considérer avec une très grande attention. C'est en effet une des issues possibles.

Q. : Ce malin, lors de votre rencontre avec M. Peres, il vous a fait part de ses intentions de mettre un terme au conflit comme il l'a dit par ailleurs, sous quelques jours ?

R. : Écoutez, je dois dire que dans toutes les conversations que j'ai eues jusqu'à présent avec M. Shimon Peres, celui-ci m'a fait part de son souhait ardent que cette crise soit résolue dans les meilleurs délais, pourvu que les garanties de sécurité faites à Israël soient satisfaites.

Q. : Sur quel point porte la réserve israélienne en ce qui concerne le plan français ? L'essentiel de la réserve israélienne, puisqu'on sait pour l'instant qu'Israël n'a pas accepté le plan français tel qu'il est en tout cas ?

R. : Je ne crois pas qu'il faut prendre les choses comme cela. Je crois qu'il faut que vous acceptiez de considérer qu'il y a actuellement deux documents sur la table. Ces deux documents ne reçoivent pas un blanc-seing me semble-t-il, ni des uns, ni des autres. Et donc, pour l'instant, on en est à essayer de travailler à raccrocher les voitures. Il y a dans le document français des choses qui ne se trouvent pas dans le document américain. Il y a dans le document américain des choses qui ne se trouvent pas, dans le document français. Naturellement, ça isole des zones de difficultés. Non pas parce qu'il n'y a pas d'accord entre la France et les États-Unis – il y a entre la France et les États-Unis une analyse très convergente de la situation – mais parce que cela veut dire qu'il y a des difficultés de la part des partenaires, des parties plutôt que partenaires - hélas, nous n'en sommes pas là. Voilà Mesdames et Messieurs.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 2 », à Tel-Aviv, le 18 avril 1996

Q. : Monsieur de Charette, question simple pour démarrer. Terrible tragédie cet après-midi. Où en est votre négociation, où en sont vos démarches ce soir pour rétablir un cessez-le-feu dans cette région ?

R. : Vous savez, ce soir, c'est l'émotion que l'on ressent, ces images, tout ce malheur qui s'abat sur le peuple libanais qui est une fois de plus dans une tragédie, alors que, depuis quatre ans, il s'était remis à espérer, et qu'il avait lancé un projet de reconstruction physique, matérielle, et puis aussi un effort de reconstruction morale de ce pays éprouvé par vingt ans de tragédie. Tout recommence.

Q. : Monsieur de Charette, vous êtes un diplomate. Mais tout de même, il faut prendre position, faire la part des choses. Quelle est la responsabilité d'Israël ? Quelle responsabilité attribuez-vous à Israël ?

R. : Écoutez, je veux d'abord vous dire que ce que nous avons vu n'est pas acceptable. C'est vrai, c'est impossible. C'est vrai, on ne peut pas continuer comme cela. Vous savez, je suis un diplomate, pas un diplomate de métier, mais le responsable de la diplomatie française, et on ne peut pas faire de la diplomatie sans coeur et sans émotion. Oui, ce soir, je suis comme tout un chacun, je suis malheureux, troublé, profondément ému par ce qui arrive au peuple libanais, et cela ne m'empêche pas de continuer cette mission, mais quand on voit ça, cela a l'air d'une mission impossible.

Q. : Le Président de la République française, M Chirac, a demandé instamment à M. Peres d'arrêter les bombardements du sud-Liban. C'est ce que vous allez lui répéter ce soir ?

R. : Je vais le redire, bien entendu. On voit bien que, quelle que soit la cause, il y a un moment où il faut s'arrêter. Et je supplie ce soir les responsables libanais, les dirigeants israéliens, ceux qui ont de l'influence ailleurs, notamment les dirigeants syriens et aussi les dirigeants iraniens, de prendre les décisions nécessaires pour que cela cesse, qu'on s'arrête un jour, deux jours, et qu'ensuite on cherche la solution. On la trouvera si on possède la volonté politique.

Q. : Il semble que le grand obstacle du côté israélien, Monsieur de Charette, ce soit la présence de ces milices du Hezbollah pro-iranien dans la région du Sud-Liban, près de la zone tampon entre les deux pays. Pensez-vous que l'on puisse faire quelque chose dans ce domaine ?

R. : Vous savez, ces milices sont là parce que la paix n'est pas terminée au Sud-Liban. Quelle est la situation ? Vous le savez, mais peut-être que les téléspectateurs ne le savent pas dans le détail. Je vais être bref. Le Sud-Liban, aujourd'hui, est occupé par l'armée israélienne.

Ces milices, des milices chiites, sont là et combattent en effet les Israéliens au motif, disent-ils, qu'ils veulent libérer le territoire libanais.

Naturellement, ce n'est pas par le combat que l'on peut arriver à la solution. C'est par la discussion et la négociation. C'est pour cela que le processus de paix est la seule bonne voie pour résoudre le problème libanais, comme le problème syrien, et il faut bien en passer par là. Et c'est pourquoi, ce soir, je fais cet appel derrière le Président Chirac, qui l'a fait tout à l'heure.

Q. : Vous croyez que la France peut être entendue, Monsieur le ministre ?

R. : Il faut qu'elle le soit, pas elle seulement, les Américains, tous ceux qui ont quelque chose à dire pour la paix, mais il faut que la paix gagne.

Q. : Monsieur de Charette, vous allez rencontrer le Premier ministre, M Peres, ce soir ou dans les heures qui viennent ?

R. : Je l'ai vu ce matin. J'aurai, ce soir, M. Barak, le ministre des affaires étrangères, au téléphone et je vais lui dire la même chose. J'aurai le ministre libanais des affaires étrangères, je lui dirai la même chose. Il faut absolument que l'on arrête pour que l'on puisse enfin essayer de parler et de trouver une solution.

Je me rends bien compte que vous avez, en m'écoutant, le même sentiment que j'ai, c'est-à-dire : est-ce que l'on va y arriver ? Celui qui parle pour la paix n'a que ses mains, ses paroles et son coeur, pour convaincre. C'est cela aujourd'hui, le dur métier qui est le mien, que je fais ici avec coeur, passion, avec le sentiment aussi qu'on voudrait les conduire et les convaincre. Il le faut.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « Europe 1 », à Tel-Aviv, le 19 avril 1996

Q. : Un cessez-le-feu est-il possible ce matin ?

R. : J'avais un peu espéré qu'on pourrait l'obtenir dans les heures qui ont suivi le drame de Cana. On n'en est pas là, mais je reste confiant. Je pense que dans les 24 heures ou les 48 heures qui viennent, les discussions secrètes, confidentielles, qui sont en cours de tous côtés, devraient nous conduire vers cela.

Q. : Shimon Peres évoquait un cessez-le-feu à la condition que le Hezbollah arrête les hostilités ?

R. : C'est une position traditionnelle dans ce genre de situation. L'un vous dit : « j'arrêterai si l'autre arrête », et l'autre dit : « j'arrêterai si le premier arrête ». Il faut bien que quelqu'un commence.

Q. : Au début de la semaine, les Israéliens étaient résolus à aller jusqu'au bout de leur offensive. Vous ont-ils semblé fléchir ?

R. : Le drame de Cana a fait comprendre aux dirigeants israéliens qu'il y avait beaucoup de difficultés qu'ils ne pourraient pas surmonter par le conflit, et qu'il fallait maintenant songer à une solution de paix.

Q. : Ont-ils le sentiment d'avoir été trop loin ?

R. : Ce conflit n'aurait pas dû commencer. Bien entendu, il y avait toutes sortes de dérapages à la frontière israélienne. Je reste persuadé qu'on aurait pu trouver une solution à ces difficultés par la voie pacifique. Mais on ne refait pas l'Histoire. On en est là. Il faut prendre le problème tel qu'il est. Je pars dans les heures qui viennent à Damas. Je vais travailler avec les dirigeants syriens qui détiennent une des clés du problème.

Q. : Où doit agir la pression diplomatique, aussi bien les demandes de cessez-le-feu de Jacques Chirac et de Bill Clinton que la pression sur les Syriens ?

R. : La décision est forcément entre les mains des trois principaux intéressés, c'est-à-dire le gouvernement israélien, le gouvernement libanais et les autorités syriennes. Mais il ne faut pas oublier non plus que l'Iran a beaucoup d'influence sur le Hezbollah, qui est un mouvement d'obédience iranienne.

Q. : Qui a vraiment les moyens de faire pression sur le Hezbollah via la Syrie ?

R. : Je crois que toutes les bonnes volontés sont utiles. Moi, cela fait bientôt une semaine que je fais ici des navettes d'un pays à l'autre, que je parle avec les uns, que je rencontre les autres, non seulement pour comprendre, mais pour faire pression et pour tenter de convaincre. Je crois que bientôt nous aurons le concours des Américains. Tout cela est très bien.

Q. : Warren Christopher doit vous rejoindre et soutenir l'action diplomatique engagée par la France ?

R. : Je ne demande pas qu'on me soutienne ! Ce qui est utile, c'est que les États-Unis et la France qui sont les deux pays les plus influents dans la région – ils ne peuvent pas tout, d'ailleurs – joignent leurs efforts pour obtenir un heureux résultat.

Q. : En début de semaine, les Américains ne semblaient pas sur la ligne du cessez-le-feu : ils avaient apparemment donné leur feu vert mec opérations israéliennes au Liban-Sud ?

R. : C'est un fait que c'est la France qui a pris la première initiative. C'est le Président Chirac qui a pris dès dimanche soir l'initiative que vous savez, qui a consisté à m'envoyer sur le terrain. Donc, c'est de nous qu'est venu l'appel le plus pressant à la paix. Mais maintenant, et depuis quelques jours, nous travaillons en pleine coopération avec les Américains. Nous poursuivons le même but : convaincre et trouver la solution qui soit susceptible de parvenir à l'arrêt des combats.

Q. : On pensait votre mission dérisoire. Le drame de Cana peut-il changer les choses ?

R. : Laissez-moi vous arrêter un instant sur le mot que vous avez prononcé : dérisoire. Oui, j'ai lu cela dans la presse. Mais au fond, qu'est-ce que je fais depuis huit jours ? J'essaie de donner à l'influence française au Moyen-Orient la dimension qu'elle doit avoir. Nous sommes attendus dans cette région. Nous en avons été largement absents pendant 15 ans. Voilà pourquoi beaucoup de journalistes et quelques hommes politiques avaient le sentiment que cela ne servait à rien. Mais si, cela sert ! Mais si, c'est utile ! La France est un grand pays et très attendu, et rayonnant dans cette partie du monde. Je fais mon travail sans vanité personnelle, mais avec le sentiment que derrière le Président de la République, c'est une tâche essentielle qui correspond à la fois au bien des gens vers lesquels je me tourne, et aussi à la grandeur de la nation.

Q. : Quand vous apprenez le carnage d'hier, vous éprouvez un sentiment de découragement ?

R. : Un sentiment de folie, un sentiment de drame épouvantable. C'est une tragédie. Vous êtes loin, et je suis sur le terrain : vous avez vu les images à la télévision. Cela ne peut pas continuer. Il faut s'arrêter. Il faut que les dirigeants israéliens, libanais, syriens, quels que soient les conflits, les rivalités, les tensions, les haines, comprennent qu'il faut qu'enfin les combats cessent.

Q. : Israël a vraiment dépassé la mesure de ce qui est incompréhensible en matière de défense ?

R. : Il y avait de la part d'Israël un désir certes très légitime : celui de ne plus voir à sa frontière des attaques contre le territoire libanais, notamment contre les villes et les villages israéliens. C'est cela, le fond du problème. De l'autre côté, le Hezbollah a pour lui le sud du Liban actuellement occupé par Israël. Tant que le processus, de paix n'aura pas repris, ce problème se maintiendra. À nous de faire en sorte que cela ne se transforme pas en drame.

Q. : La paix vous semble-t-elle durablement compromise ?

R. : Non. Elle n'est pas durablement compromise. Le processus de paix recommencera dans les mois qui viennent. Mais d'ici là, il ne faut pas que les saboteurs de la paix l'emportent sur ceux qui veulent la construire.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 3 », le 19 avril 1996

Q. : Où en est la France dans ses négociations ?

R. : C'est un peu tôt pour faire le bilan de cette semaine que j'ai passée ici et des efforts que la France a faits. Mais on voit déjà un certain nombre de progrès ; on voit que désormais les pays du monde s'intéressent à ce qui se passe dans cette crise tragique du Liban, alors que dimanche dernier, lorsque le Président de la République a pris l'initiative, après avoir vu M. R. Hariri, le Premier ministre du Liban, de m'envoyer ici, nous étions un peu seuls et personne ne paraissait s'intéresser à cette crise pourtant tragique pour le peuple libanais.

Q. : Shimon Peres parle d'un cessez-le feu proche, les États-Unis disent le contraire, qui dit vrai ?

R. : Pour l'instant, les choses se passent à Damas. Des discussions extrêmement serrées ont lieu entre l'ensemble des parties prenantes à ce cessez-le-feu et je crois que tout est encore possible. On a devant nous probablement deux hypothèses : un cessez-le-feu très rapide, dans les heures qui viennent, ou bien un plus de temps, quelques heures de plus dans la journée de demain ou dans les vingt-quatre heures, pour que les discussions se poursuivent. C'est que, comme l'a dit M. Hariri tout à l'heure à votre micro, nous ne sommes pas avec une armée régulière, c'est plus compliqué et donc c'est un peu plus difficile qu'on ne le pense. Je le répète parce que je l'ai dit tout à l'heure, je suis optimiste. Nous sommes désormais entrés dans une phase où on travaille à la recherche effective d'une solution. Il a fallu malheureusement 250 morts pour arriver à cela et comme vous le savez, beaucoup de dégâts et ce carnage.

Q. : Vous et vos interlocuteurs syriens, êtes-vous capables de calmer le Hezbollah et son bailleur de fonds iranien ?

R. : Je crois qu'il y a aujourd'hui des efforts convergents dans ce sens. Je n'aperçois pas pour l'instant que des forces consistantes chercheraient à se mettre en travers de la route. C'est pour cela que tout à l'heure je vous ai parlé d'un jugement positif sur les heures et les deux jours qui viennent.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à « RFI », à Damas, le 20 avril 1996

Q. : Est-ce que de nouveaux éléments sont apparus ?

R. : Plusieurs éléments, en effet, sont sur la table. Le premier, c'est la perspective d'un cessez-le-feu qui tantôt avance, tantôt recule. Nous en sommes toujours là dans les discussions compliquées, difficiles entre l'ensemble des parties en cause et je peux vous dire que c'est vraiment un moment extrêmement complexe et extrêmement chaud de la négociation.

En même temps, deuxième élément, bien entendu, les quatre ministres des affaires étrangères qui sont ici présents sur place, nous rejoignent, j'en suis bien content. Warren Christopher pour les États-Unis, M. Primakov pour la Russie, Mme Agnelli pour la présidence de l'Union européenne. Nous essayons de nous concerter, nous nous concertons afin d'aller dans le même sens.

Mais se poursuivent les tirs d'un côté et de l'autre, de moindre intensité quand même, que ceux que nous avons connus il y a quelques jours.

On observe une réduction des opérations militaires aussi bien du côté du Hezbollah que du côté de l'armée israélienne. Je crois qu'il y a des éléments qui contribuent à faire baisser la tension.

Q. : Depuis quelques jours, on parle d'un cessez-le-feu, est-ce que ce cessez-le-feu est beaucoup plus proche aujourd'hui ?

R. : Ce n'est pas moi qui ai employé le mot imminent. D'ailleurs il a été démenti aussitôt comme chacun le sait. Je crois que ce n'est pas le mot qui convient, le cessez-le-feu peut intervenir à tout moment, mais tant qu'il n'est pas intervenu il faut être prudent et donc il faut regarder les choses avec à la fois la volonté de se battre que nous avons, que j'ai sur le terrain, la volonté de la France de s'occuper du Liban et d'être présente au Proche-Orient où nous sommes attendus. Nous avons la volonté de nous battre d'arrache-pied pour convaincre, pour faire pression, pour impulser, pour obtenir le cessez-le-feu. Je dois dire que cela fait bientôt une semaine que nous faisons ce dur labeur.

Q. : Pour quelle destination prendrez-vous l'avion après Beyrouth ?

R. : Après Beyrouth, j'irai à Tel-Aviv, parce que maintenant Je veux revoir les responsables israéliens et faire le point.

Q. : En un mot quels sont les points d'achoppement précis en matière de garantie de la sécurité pour les uns et les autres ?

R. : C'est un sujet compliqué dont chacun a son interprétation. Nous sommes dans un moment où la France fait un retour important qui n'est pas si facile que cela dans le Moyen-Orient, zone du monde où elle a occupé une très grande place et où elle avait au cours des dernières années parfois disparues. Ce retour correspond à une réelle attente du côté du monde arabe et je crois que pour être vraiment utile, il faut avoir une certaine fierté de son pays. Il faut que celui qui nous écoute se dise qu'après tout, la France est une grande nation et que ses dirigeants doivent essayer non seulement de maintenir la flamme et, si possible, la développer. Eh bien c'est ce que nous essayons de faire. Je le fais modestement vous savez, par ce que je me bats avec les modestes forces qui sont les miennes au service de notre pays et puis aussi au service de l'amitié franco-libanaise.

Q. : Entre Washington et Paris les violons sont définitivement accordés ou sont en voie de l'être ?

R. : Oui. Je crois qu'ils n'ont jamais été désaccordés en vérité. Simplement les Américains ont leur sensibilité, leur proximité ce que je comprends très bien et nous, nous avons aussi les nôtres. En même temps, nous essayons, je crois que les Américains font la même chose, de rester objectifs, de ne pas prendre parti. De toute façon, on ne peut pas aider à résoudre les problèmes si on se range dans un camp. Il faut essayer d'être ouvert et attentif aux uns et aux autres. Bien entendu Français et Américains différent parce que nous sommes différents. Alors nous essaierons, je crois, de travailler ensemble.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à la présidence de la République libanaise, à Baabda, le 21 avril 1996)

Q. : Peut-on savoir quelles sont les principales lignes du nouvel accord élaboré ?

R. : Madame si vous voulez bien, je voudrais d'abord faire devant vous un peu le point sur la façon dont la France voit les choses. Je suis venu à Beyrouth afin de procéder avec les dirigeants libanais, avec le Président Hraoui, avec le Président Hariri, avec le Président Nabih Berry, avec vous-mêmes mon cher collègue, à la mise au point sur les analyses que nous pouvons faire ensemble sur la situation, et bien entendu, comme vous le savez, sur l'initiative française qui a été principalement motivée par le souci d'aider le Liban à sortir de cette crise dramatique. Je ne suis pas surpris donc que nous ayons échangé des vues qui marquent entre nous un accord très profond, très étroit sur les actions et les effort à mener dans les heures et les jours qui viennent.

La France poursuit trois objectifs. Le premier est que nous parvenions tous ensemble, sans exclusive, à un cessez-le-feu rapide afin que le drame cesse, que les populations réfugiées, que les familles puissent rentrer dans leurs villes, dans leurs villages, dans leurs maisons et y reprendre leurs activités normales comme un droit fondamental.

Pour que le cessez-le-feu puisse être discuté en ce qui le concerne, c'est la deuxième étape, le renouvellement de l'arrangement de 1993 y compris, en le perfectionnant ou en le précisant. Je sais, par exemple, nous savons tous, que plusieurs parties souhaiteraient que ce document soit désormais écrit, alors que ce n'était pas le cas et que plusieurs souhaitent des compléments à l'arrangement de 1993. C'est à cela que l'on pourra s'atteler pour que le cessez-le-feu soit obtenu.

Et enfin la troisième étape, bien entendu celle de la paix, qui doit permettre d'obtenir à la fois le retrait complet de l'armée israélienne du sud-Liban, conformément à la résolution 425, et en même temps, le désarmement des milices, afin que le Liban puisse retrouver la paix, la sérénité, et se consacre à son redressement et à son effort de construction formidable engagé depuis bientôt quatre ans.

Voilà la perspective, qui est la perspective française. C'est aussi la perspective libanaise. Voilà à quoi nous concentrons, et consacrons tous nos efforts.

Je constate aujourd'hui quelques éléments : d'abord, il y a une volonté générale d'aboutir qui est confirmée de toute part. Et je constate que toutes les déclarations émanant des dirigeants de la région disent la même chose sur ce point. En second lieu, je crois aussi que le sentiment de l'urgence est partagé par tous. Voyez-vous, j'étais, il y a encore quelque moins d'une heure, à Nakoura et à Cana où je me suis rendu au nom de l'émotion que nous avons tous ressentie après le drame de Cana, et afin de rendre visite aux soldats de la FINUL qui font, je crois qu'on peut le dire, un travail admirable. Je voulais saluer la dignité, le courage, la générosité de ces soldats au service de la population.

Enfin, bien entendu, les États-Unis ont un rôle très important à jouer. Très important dans la solution de la crise. Et je me réjouis de voir Warren Christopher arriver, de le rencontrer longuement hier avec mes collèges, Evgueni Primakov, ministre des affaires étrangères de Russie et Mme Suzanne Agnelli, ministre des affaires étrangères italien, mais aussi et surtout en l'occurrence, Président de l'Union européenne. Nous avons ainsi marqué ensemble notre commune détermination. Eh bien, c'est dans cette voie que nous allons continuer de travailler. J'ai été heureux de constater que venant à Beyrouth, il y avait bien entre nous un accord très étroit sur les objectifs à poursuivre et les moyens d'y parvenir.

Q. : Est-ce qu'on est loin, Monsieur le ministre ?

R. : Est-ce qu'on est loin ? Je crois qu'on est plus près qu'on ne l'imagine.

Q. : C'est-à-dire ? 48 heures ?

R. : Écoutez, si j'avais la réponse à cette question, c'est qu'on aurait déjà pris la décision.

Q. : Est-ce que vous avez senti chez M. Christopher et M. Velayati le même esprit ?

R. : Vous avez dit M. Christopher et M. Velayati ? C'est un rapprochement original.

Q. : Vous avez parlé d'un nouvel accord (inaudible)...

R. : Je n'ai pas dit ça Madame. J'ai dit que nous travaillons en pleine concertation, en des contacts étroits les uns et les autres, pour faire en sorte que nous parvenions dans les meilleurs délais aux résultats que je vous ai exprimés comme étant les objectifs que nous poursuivons. D'abord, le cessez-le-feu. Ensuite le renouvellement de l'arrangement de 1993, et le cas échéant son amélioration. Enfin, dernier point, l'étape décisive, dont j'espère qu'elle surviendra dès 1996. La décision finale de paix qui permettra le départ de l'armée israélienne du sud-Liban et le désarmement des milices.

Q. : M. de Charette, est-ce qu'on est dans un cercle vicieux ?

R. : Non pas du tout.

Q. : Vous avez dit ce matin que vous êtes optimiste. Maintenant ce n'est pas le cas.

R. : Je vous en prie, n'essayez pas de doser chaque mot que je prononce, sinon vous me mettriez dans un grand embarras. Je dis la même chose que ce matin. Je continue à être optimiste.

Q. : Qu'est-ce que vous dites après que M. Peres ait refusé l'initiative ?

R. : Écoutez, je vois M. Peres ce soir. Donc je serais à même d'en parler ce soir. Pour ce qui me concerne je pense que chacun peut apporter sa contribution à la paix. C'est dans cet esprit que j'agis avec l'idée d'une vraie concertation. La France dans cette affaire est à la fois sereine, déterminée, ouverte à tous et concentrée sur les intérêts fondamentaux du Liban ?

Q. : Vous allez rester dans la région après le cessez-le-feu ?

R. : Oui, je vais ce soir en vous quittant à Tel Aviv et donc je continue.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à Cana, le 21 avril 1996

Je me suis rendu auprès de la FINUL d'abord pour rendre hommage au courage, au dévouement et à la générosité des soldats de l'ONU. Je suis venu en particulier à Cana pour marquer notre émotion devant le drame épouvantable qu'ont vécu les familles réfugiées ici. Je viens de vivre un moment extrêmement bouleversant. Toutes ces images ont été à travers le monde le témoignage du malheur qui s'est abattu sur le Liban. La France travaille, travaille d'arrache-pied pour mettre un terme à ces combats inutiles et malheureux.

Q. : Quand sera annoncé le cessez-le-feu ?

R. : Madame, ça fait maintenant une semaine que je suis arrivé dans la région. Jour après jour, je vais ici même au Liban, en Syrie, en Israël. Je travaille, je rencontre les dirigeants de ces pays, et je crois que nous avons progressé.

Q. : Dans quelques jours alors ?

R. : Je crois que nous sommes aujourd'hui dans les jours cruciaux qui doivent nous permettre d'obtenir enfin ce pour quoi je suis venu ici. C'est vrai qu'on aurait pu faire l'économie de ces jours de malheurs. On aurait donc dû le faire.

Q. : Il y a encore des bombardements à Awali. Qu'en pensez-vous ? Est-ce pour ne permettre jamais aux familles de retourner ?

R. : Madame, nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir le cessez-le-feu, puis un arrangement stable et durable et le retour des familles sur leur droit de vivre dans leurs maisons, dans leurs villages et sur leur terre. Ensuite avec un objectif, très important, qui est enfin la paix pour le Liban.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, avec « radio Kol Israël », à Tel-Aviv, le 21 avril 1996

Q. : Qu'avez-vous entendu de la part des Syriens ?

R. : Je crois que les Syriens sont désireux de trouver une issue à cette crise, qu'ils souhaitent sincèrement trouver une issue politique et par conséquent on peut travailler avec eux pour rechercher ensemble cette issue dans des délais rapides.

Q. : Quel type de solution souhaitent les Syriens ?

R. : Les Syriens veulent une solution politique et je crois que les Israéliens aussi. J'ai observé qu'aujourd'hui M. Shimon Peres avait proposé une trêve et la recherche d'un arrangement pour éviter que les incidents ne se reproduisent, n'affectent la sécurité des populations civiles du nord d'Israël et n'affectent aussi la sécurité des populations civiles au Liban. Il faut que nous travaillions ensemble à rechercher cela. Je crois que désormais, c'est possible. Qu'il y ait une égale volonté des uns et des autres d'y parvenir.

Q. : Avez-vous également rencontré des Iraniens ?

R. : Oui, j'ai rencontré M. Velayati pour lui dire, avec beaucoup de clarté, que la France attachait une très grande importance à ce que l'Iran use de son influence auprès des milices armées au Sud-Liban afin que nous parvenions à l'issue politique dont je vous parlais à l'instant.

Q. : Que vous a dit M. Peres ?

R. : Nous avons parlé ensemble de tout cela. Nous avons beaucoup parlé ensemble de ce que la France peut apporter comme contribution, très utile de ce point de vue à l'issue de cette crise.

Q. : Est-ce que M. Peres a demandé que la France soit plus active ?

R. : Je crois qu'Israël souhaite s'appuyer sur les États-Unis mais aussi sur la France pour la recherche de cette solution. Nous souhaitons, bien entendu, une coordination étroite avec les Américains. Nous avons, chacun nos sensibilités, nos proximités. Les Américains ont les leurs, nous avons les nôtres. Je crois qu'il faut joindre nos efforts, associer nos énergies de façon à aller plus vite vers le résultat positif que nous espérons, c'est-à-dire un cessez-le-feu qui, désormais, devient urgent.

Q. : Demain, vous retournez à Damas ?

R. : Oui, demain je vais à Damas pour continuer cet effort, afin que nous ayons, dans les plus brefs délais, maintenant, ce cessez-le-feu, dont je souligne l'urgence.

Q. : Avez-vous un message d'Israël ?

R. : Je ne suis le porteur de messages de personne. Merci.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, au quotidien israélien « Haaretz », à Tel-Aviv, le 21 avril 1996

Q. : Monsieur le ministre, quel est l'obstacle au cessez-le-feu ? Je veux dire les deux côtés veulent un cessez-le-feu, qu'est-ce qui l'empêche ?

R. : Dans cette crise, la France a cherché dès le début à apporter sa contribution pour la paix. Nous sommes les premiers à nous en être préoccupés. Je suis arrivé dans la région à un moment où on ne parlait que de combats. Je suis le premier à avoir demandé un cessez-le-feu. Pendant plusieurs jours, j'ai eu l'impression d'un dialogue de sourds. Je me réjouis que désormais ce soit la seule question dont on parle. Peut-être aurait-on pu faire l'économie de tout cela ! J'ai souvent l'impression que depuis le début de cette crise, qu'en Israël on doute de la contribution française. Il m'est même arrivé de me demander si une certaine partie de l'opinion et des gens en Israël. Je ne pensais pas que nous exprimions des opinions défavorables. J'en ai été profondément ému.

Q. : Vous en êtes ému ?

R. : Profondément.

Q. : Je pense que le principal problème a été par exemple la visite de votre Président dans la région qui a parlé de la nouvelle politique arabe de la France et non de la politique moyen-orientale en omettant ainsi Israël.

R. : Je crois que ces appréciations ne sont pas exactes. Je les trouve même profondément injustes envers la France. La France est l'amie d'Israël. Elle l'a montré en de nombreuses circonstances. Le peuple français est profondément attaché au peuple israélien. Dès mon arrivée ici, j'ai parlé des légitimes exigences de la sécurité des habitants du Nord d'Israël.

Tout au long de ces dures journées, nous nous sommes efforcés de trouver des réponses, d'utiles réponses de cette exigence. Je crois que le peuple israélien peut comprendre cela. Le peuple israélien peut aussi comprendre que la France est liée au Liban depuis neuf siècles. Qu'il y a entre le Liban et la France des liens extrêmement profonds. Peut-on avoir deux amis ? La réponse est oui. Même lorsque ces deux amis ont des problèmes entre eux et nous n'entendons pas sacrifier une amitié à l'autre. Aujourd'hui, qui est le plus durement éprouvé ? Allez au Liban et vous verrez que cette crise impose au Liban une tragédie. Voilà pourquoi depuis huit jours, je m'efforce, sur l'instruction personnelle du Président de la République française, de trouver les voies et les moyens qui permettront de sortir de cette crise dans des conditions qui permettent d'assurer la sécurité d'Israël et en même temps de permettre aux familles de revenir dans leur ville et leur village et d'y vivre en sécurité. Je sais bien que le problème est difficile mais je suis sûr que c'est possible et je suis sûr que la France occupe une place particulière qui lui donne la possibilité d'apporter une contribution importante dans cette voie. Cela suppose qu'Israël veuille bien considérer que tel est notre tactique et que telle pourrait être une solution. J'en ai parlé longuement à Shimon Peres hier soir et je crois avoir réussi à commencer de le convaincre.

Q. : De ce que j'ai entendu de vos propositions, je pense que le point le plus important manquant aux yeux des Israéliens est l'absence d'interdiction d'opérations du Hezbollah dans les villages ou les zones civiles. Tout ceci est renvoyé à de vagues discussions de paix ultérieures et Israël voudrait avoir des garanties que l'action du Hezbollah sera réduite.

R. : Vous avez raison et de leur côté les Libanais voudraient avoir plus de garanties, que les populations civiles ne soient pas les victimes permanentes de ce conflit. C'est pourquoi, il faut inscrire nos efforts d'aujourd'hui dans une perspective qui est là. Aujourd'hui, nous travaillons pour un cessez-le-feu. Je dis nous, c'est-à-dire bien sûr les parties concernées, c'est-à-dire Israël, le Liban et la Syrie, chacun le sait, ont une grande influence, mais aussi les États-Unis qui ont depuis de longues années acquis des responsabilités que je ne méconnais pas. Ce sont des responsabilités considérables, mais la France aussi y travaille parce que Libanais et Israéliens sont ses amis, et qu'elle veut les aider à trouver une solution équitable et juste.

Q. : Quelle a été votre impression en Syrie ? Qu'est-ce qu'Assad veut des autres ?

R. : Vous avez évoqué un problème qui existe et qui n'est pas résolu encore. Il faut, en effet, éviter à l'avenir que des tirs soient déclenchés contre les troupes israéliennes, à partir de forces militaires installées dans les villes ou dans les villages.

Q. : (inaudible).

R. : Je n'ai pas dit ça, j'ai dit qu'il fallait éviter que les troupes israéliennes soient attaquées à partir de batteries installées dans des villes et des villages libanais.

Q. : Qu'est-ce qu'Assad vous a dit ?

R. : Non, non, c'est une des questions qui se posent. C'est l'une des questions actuellement en discussion et il y en a une autre, c'est de savoir comment éviter que tout incident, que toute violation de l'arrangement ne provoque une escalade de la violence, comme nous avons pu l'observer au cours de ces dernières semaines, la France a fait des propositions à ce sujet en suggérant que soit créé un comité de sécurité qui aurait à discuter, à être saisi de toute violation des arrangements. C'est vous dire que les problèmes sont importants et difficiles, mais je suis persuadé qu'il faut trouver une solution, y compris dans un délai rapide.

Q. : Est-ce que la France est d'accord sur l'idée d'avoir non seulement un tel comité de sécurité, mais plutôt un retrait israélien et l'installation d'une force internationale au Sud-Liban telle que vous l'avez en Bosnie et cette force aurait la responsabilité de préserver à la fois la paix dans les villages et sur la frontière israélienne.

R. : Il faut inscrire nos travaux d'aujourd'hui dans une perspective plus large. En effet, l'objectif, non pas l'objectif lointain mais l'objectif à terme proche ou raisonnablement proche, doit être de parvenir à la solution définitive de nos problèmes. Cela signifie qu'il faut avoir comme but le retrait des troupes israéliennes installées dans le Sud-Liban en contrepartie les milices militaires installées au Liban devront être désarmées et la sécurité assurée à la frontière israélo-libanaise. C'est l'objectif que nous poursuivons. La France a déjà indiqué qu'elle était prête à y contribuer dans le cadre des forces internationales à déterminer.

Q. : Mais je sais qu'Israël a proposé de nombreuses fois et vous devez l'avoir entendu de notre Premier ministre, une sorte d'arrangement intérimaire au Sud-Liban selon lequel Israël se retirerait et le gouvernement libanais désarmerait le Hezbollah et prendrait soin des collaborateurs sur place.

R. : C'est possible s'il y a un retrait de l'année israélienne. Je répète que dans ce domaine, la France peut apporter une contribution très importante, contribution qui soit jugée bonne aussi bien par les Israéliens que par les Libanais.

Q. : Mais Assad a rejeté ceci. Il n'a pas autorisé les Libanais à négocier avec nous.

R. : Je ne crois pas que la question se pose comme cela. C'est vrai que le dispositif de paix doit mis en oeuvre de façon conjointe entre les trois pays de la région, le Liban, la Syrie et Israël.

Q. : Et vous pensez que c'est possible ? Avez-vous entendu des réactions positives ?

R. : On ne va pas continuer dans une situation qui est bloquée depuis vingt ans. Il faut bouger maintenant.

Q. : C'est l'impression que vous avez d'Assad aussi ?

R. : Bien sûr.

Q. : Une dernière chose. Qu'avez-vous entendu de la part du Premier ministre iranien ? Nous ne parlons pas avec eux, leurs vues nous intéressent.

R. : Votre question prouve que le dialogue critique que nous avons avez l'Iran peut, à un certain moment, s'avérer utile.

Q. : Quelles sont les vues iraniennes ? Que veulent-ils ? Pourquoi sont-ils venus à Damas ?

R. : Les Iraniens ont, évidemment, de l'influence sur certaines milices militaires. C'est pourquoi j'ai exercé une forte pression auprès de M. Velayati pour que le gouvernement iranien apporte sa contribution aux efforts de paix des uns et des autres. Nous pourrons juger, certainement, assez vite ce qu'il en advient.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à l'aéroport de Damas, le 21 avril 1996

Q. : Quels sont les résultats de votre visite ?

R. : Nous sommes entrés dans une période décisive, l'heure des décisions approche à grands pas. Je suis très content de mes entretiens avec les dirigeants syriens : le Président Assad, le vice-président Khaddam et le ministre des affaires étrangères. Tous les entretiens ont été positifs et m'ont paru très encourageants.

Q. : Pensez-vous revenir prochainement à Damas ?

R. : Certainement, selon le cours des choses. Pour l'instant, je vais à Beyrouth rencontrer les dirigeants libanais. J'irai au Sud-Liban, voir les Casques bleus de la FINUL, puis à Cana dans le camp de la FINUL pour rendre hommage à ceux qui ont subi la terrible épreuve que nous connaissons.

Q. : Pouvez-vous nous donner des précisions sur votre visite au Sud-Liban ?

R. : Je vais maintenant à Naqoura, au poste de commandement de la FINUL. Puis j'irai à Cana, objet du drame, qui nous a tant éprouvés les uns et les autres il y a quelques jours. Je vais saluer la mémoire des victimes et rendre hommage aux soldats de la FINUL qui font un travail formidable au service des Nations unies, au péril de leur vie (il y a encore eu hier des blessés). Je leur apporterai le salut de la communauté internationale et de la France qui a 250 soldats à qui je compte particulièrement rendre visite.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à l'aéroport international de Beyrouth, le 21 avril 1996

Je voudrais d'abord vous informer que je m'en vais dans l'instant au sud-Liban. Je vais aller à la rencontre de la FINUL à Nakoura, le siège de la FINUL et j'irai dans l'établissement de la FINUL qui est à Cana, où s'est passé le drame. J'y vais pour saluer le courage des forces de la FINUL qui sont dans le sud-Liban, pour les remercier de leurs efforts et pour marquer la préoccupation de la France pour tout ce qui est fait en faveur des réfugiés.

Q. : Vos espérances sur le plan diplomatique ?

R. : Nous sommes dans un moment désormais crucial. Je crois que nous avons désormais sur la table l'ensemble des éléments qui permettent d'aboutir à une solution positive.

Q. : Mais qu'est-ce qui bloque encore ?

R. : Il faut encore résoudre un point ou deux. Il faut aussi que chacun prenne pleinement ses responsabilités.

Q. : Vous espérez le cessez-le-feu pour quand ?

R. : J'espère un cessez-le-feu prochain. Mais vous dire à quel moment, avec précision, c'est encore un peu tôt.

Q. : Vous disiez avant hier que c'était dans les 24 heures. Aujourd'hui vous ne donnez plus de date.

R. : Je continue à penser que le léger retard qui a été pris peut être rapidement comblé.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à Beyrouth, le 21 avril 1996

Q. : À quoi attribuez-vous ce léger retard que vous venez d'indiquer ?

R. : Je crois que simplement les choses évoluent. Elles évoluent positivement. Je n'ai jamais dit que ce serait un délai de 24 heures. J'ai dit que tout pouvait arriver à tout moment, donc nous en sommes là.

Q. : Et ces points vous ne pouvez les préciser ?

R. : Non merci.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, avec « Europe 1 », le 21 avril 1996

Il y a une volonté générale d'aboutir. Ça n'était pas le cas il y a huit jours. C'est le cas aujourd'hui. Il y a une volonté générale d'aboutir qui est confirmée de toute part. Je constate que toutes les déclarations émanant des dirigeants de la région disent la même chose sur ce point. En second lieu, je crois aussi que le sentiment de l'urgence est partagé par tous. Enfin, bien entendu, les États-Unis ont un rôle très important à jouer, très important dans la solution de la crise. Je me suis réjouis de voir Warren Christopher arriver. Je l'ai rencontré longuement hier et nous avons ainsi marqué ensemble notre commune détermination. C'est dans cette voie que nous allons continuer de travailler. J'ai été heureux de constater que, venant à Beyrouth, il y avait bien entre nous un accord très étroit sur les objectifs à poursuivre et les moyens d'y parvenir. Pour ce qui me concerne, je pense que chacun peut apporter sa contribution à la paix ; et c'est dans cet esprit que j'agis avec l'idée d'une vraie concertation. La France, dans cette affaire, est à la fois sereine, déterminée, ouverte à tout, et concentrée sur les intérêts fondamentaux du Liban.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, avec « TF1 », le 21 avril 1996

Il faut que les combats arrêtent. Il faut que nous passions d'une logique de l'escalade permanente à une logique de la désescalade et il faut que le cessez-le-feu intervienne rapidement. Nous y travaillons les uns et les autres, et je répète que je continue à avoir l'espoir ferme au coeur. Je crois que tout le monde travaille dans le même sens. Les Américains le font aussi, je le fais, la France le fait, et je crois que c'est ça qui est complètement nouveau. C'est que la France est présente dans cette partie du monde où elle est attendue.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, avec le « Journal du Dimanche », le 21 avril 1996

« Je ne lèverai le camp que lorsque le cessez-le-feu sera accepté », affirmait hier soir au téléphone depuis Damas, vers 21 heures, Hervé de Charette qui, comme il le dit, « a planté sa tente » au Proche-Orient depuis lundi dernier. Et de nous expliquer : « Je sors d'une réunion, à trois, qui s'est déroulée dans un excellent climat, amical et chaleureux, à l'ambassade des États-Unis, avec mes homologues américain et italien, Warren Christopher et Susanna Agnelli. Nos objectifs sont communs. Et maintenant nous allons dîner, à trois toujours, à l'ambassade de France, sans l'Américain mais avec le Russe Evgueni Primakov qui revient tout juste d'un entretien avec le Président syrien El Assad ». Il ne faut donc pas croire en des divergences ou mésententes si la réunion, à quatre, annoncée depuis Moscou, n'a pas formellement eu lieu : « C'est une histoire d'horaires de rendez-vous sur place, vous savez, ils viennent d'arriver ». M. de Charette veut remettre « les choses en perspective » : "Nous avons fait des propositions. Les États-Unis en on fait aussi, qui sont le souhait des Israéliens. Nous travaillons pour rechercher une solution qui convienne à tout le monde. Je suis là depuis une semaine, j'ai vu les uns et les autres plusieurs fois, deux fois Shimon Peres, et Jacques Chirac lui a téléphoné plusieurs fois, trois fois Ehud Barak chef de la diplomatie israélienne, deux fois Hafez el Assad, trois fois son ministre des affaires étrangères, deux fois les dirigeants libanais... Je commence à me faire une idée de ce qui est possible ou non, mais la France reste tout à fait disponible pour modifier, corriger, améliorer ses propositions qui n'ont qu'un seul objectif : faire en sorte que les combats cessent dans le Liban tout entier et que les familles chassées de leur maison par la crise puissent rentrer chez elles. La France s'est engagée à fond, rien ne l'arrêtera ».

Q. : Votre objectif est-il en bonne voie ?

R. : Les choses bougent désormais très vite, d'heure en heure. Oui, un cessez-le-feu est possible désormais dans les tout prochains jours, parce qu'aujourd'hui il y a un fait nouveau, c'est qui de part et d'autre on le souhaite.

Q. : Même le Hezbollah ?

R. : Oui.

Q. : Mais que signifient les encouragements au combat de l'ayatollah Khamenei ?

R. : J'en ai parlé avec mon homologue iranien Velayati et lui ai clairement dit que l'heure n'était pas à exciter les extrémistes mais à encourager le retour au calme. Il est sur cette ligne. Il y a toujours eu à Téhéran des différences d'appréciation entre les religieux et les gouvernants. Nous attendons du gouvernement iranien qu'il contribue de façon décisive au cessez-le-feu. J'ai un espoir réel qu'il en serait ainsi mais seuls les faits diront ce qu'il en est.

Q. : Sur quelles bases envisagez-vous un cessez-le-feu durable ?

R. : Au-delà du cessez-le-feu temporaire qu'on peut espérer rapidement, la question porte sur le renouvellement de « l'arrangement de 93 » mais cette fois, avec des engagements écrits de part et d'autre et sur le contenu desquels les discussions se poursuivent. Les choses ne sont pas encore claires sur ce point. La France propose la création d'un comité de sécurité qui éviterait qu'un incident ne provoque l'escalade de la violence. C'est une base acceptable par les Syriens.

Q. : Votre mission a-t-elle été vraiment utile ?

R. : Oui, très utile. J'ai commencé entouré d'un scepticisme narquois alors qu'à la demande du Président, je suis allé défendre l'influence de la France au Moyen-Orient.

Q. : Et quel est le rôle de la France maintenant ?

R. : De toute évidence, il y a une réelle attente vers notre pays et un réel soulagement à nous voir revenir de façon active.

Q. : Israël aussi ?

R. : Même s'il arrive que nos positions divergent, la France est très attentive aux exigences légitimes du peuple israélien pour sa sécurité. Il faut concilier cette exigence avec l'aspiration également légitime du peuple libanais à vivre en paix dans ses frontières.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, au « L'Orient le Jour », à Beyrouth, le 22 avril 1996

Je voudrais d'abord dire que toutes les démarches que j'effectue actuellement sont entreprises à la demande du Président de la République française, M. Jacques Chirac, qui suit de façon extrêmement attentive, jour par jour, heure par heure ce qui se passe ici. Nous nous parlons au téléphone, plusieurs fois par jour, et il est personnellement engagé dans la recherche d'une issue à la crise. Nous admirons les efforts entrepris par le Liban pour sa reconstruction. Ce qui se produit à l'heure actuelle nous désole et nous voulons donc soutenir le Liban, être à ses côtés pendant cette crise et faire en sorte qu'il puisse aller de l'avant sur la voie de la reconstruction physique, matérielle, politique et morale. Voilà le sens de la démarche française.

Q. : Au huitième jour de votre mission, on a l'impression qu'elle tourne en rond. Sur quels obstacles bute-t-elle ?

R. : D'abord, il y a eu de grands changements. Il y a huit jours, on n'entendait parler que de guerre et nul n'évoquait la recherche d'une solution. Les Israéliens paraissaient alors fermement décidés à poursuivre leurs opérations militaires, qu'ils estimaient justifiées. Je crois que la présence de la France a eu deux effets positifs : d'abord, tout le monde désormais est convaincu qu'il faut rechercher une solution – et je dirais que les plus grands pays s'y sont engagés. Je constate ainsi avec plaisir la présence de Warren Christopher sur le terrain. C'est une contribution importante à la recherche de la paix dans la région. Ensuite, tous les dirigeants de la région ont admis l'urgence d'un démarrage dans cette direction. On ne peut donc pas dire qu'il ne s'est rien passé. Quand je suis arrivé au Proche-Orient, il y avait une dynamique de guerre ; aujourd'hui, on n'a plus qu'un souci comment en sortir, sans que personne n'ait le sentiment de perdre la face. Il y a eu une évolution complète.

Q. : La rivalité franco-américaine pourrait-elle retarder la solution ?

R. : Non. Il n'y a pas de rivalité. Tous les propos que j'ai tenus sont amicaux à l'égard des Américains.

Q. : Ce n'est apparemment pas réciproque...

R. : Je lis leurs propos officiels, en tout cas, et je n'ai rien constaté de tel. J'ai rencontré hier (samedi) Warren Christopher longuement et je l'ai eu au téléphone plusieurs fois au cours de cette période. Je persiste à croire que les États-Unis ont un grand rôle à jouer, en raison de leur influence et leur contribution déterminante du processus de paix.

Q. : Les États-Unis pensent-ils que la France a un rôle à jouer dans la région ?

R. : Moi, je le pense en tout cas. Et je ne suis pas le seul ; sinon je serais déjà reparti. Franchement, si j'avais le sentiment que nous n'étions pas nécessaires et que l'on pouvait trouver une solution sans nous, comme je n'avais qu'un seul désir : aider le Liban et lui permettre de sortir de la crise. Je serais reparti en France où m'attendent beaucoup de dossiers. Je suis resté parce que beaucoup de dirigeants m'ont demandé de continuer, aujourd'hui encore, j'ai rencontré longuement le Président Hraoui et les autres dirigeants libanais et ils m'ont vivement encouragé à poursuivre dans ma mission.

Q. : N'y-a-t-il aucun risque que M de Charette annonce demain, par exemple (aujourd'hui) qu'il renonce à sa mission ?

R. : C'est hors de question. Nous allons continuer parce qu'on nous le demande et parce que je crois que nous pouvons être utiles pour parvenir à une issue positive par tous. Je le répète, on ne peut aboutir à une solution si on n'a pas en tête de trouver une issue qui soit acceptable pour les uns mais aussi pour les autres. Personne ne peut penser qu'il a toutes les cartes en main et qu'il pourrait dominer la région.

Q. : Qu'a-t-il dit au ministre iranien des affaires étrangères ?

R. : Je l'ai rencontré parce que je crois que l'Iran influence sur le cours des événements au Liban. Mon devoir était donc de parler avec M. Velayati. Je lui ai demandé d'apporter sa contribution pour l'aboutissement des pourparlers. Vous savez que nous les Européens, nous avons avec l'Iran ce que nous appelons un « dialogue critique ». Contrairement aux États-Unis, nous n'avons pas voulu rompre toute relation avec l'Iran. Mais dans le même temps, nous n'avons jamais cessé de faire valoir ce que nous avions à dire. J'ai demandé à M. Yelayati que l'Iran pèse de tout son poids pour que le conflit aille vers sa fin et qu'il y ait un cessez-le-feu rapide.

Q. : A-t-il donné son accord ?

R. : Il m'a paru trouver cette démarche justifiée.

Q. : Au huitième jour de sa mission, comment qualifie-t-il l'opération israélienne ? S'agit-il d'une lutte entre l'Iran et Israël par Hezbollah interposé, d'une campagne électorale pour M. Peres...

R. : Je ne veux pas me livrer à des rêveries géostratégiques. Je regarde les faits. Si je veux être en mesure d'influer d'une façon ou d'une autre sur le cours des événements dans les jours qui viennent, je dois m'efforcer de ne pas prononcer de jugement ou de condamnation, qui rendrait ma mission impossible. Je cherche en réalité à parvenir à une solution qui doit être acceptable par tous. J'ai un préjugé, et chacun le sait, c'est que la France est l'amie du Liban. Elle entend soutenir ce pays dans ses efforts très courageux et très difficiles. Cela étant, je suis soucieux d'écouter les uns et les autres et de tenter de rapprocher les points de vue. Nous aurons un cessez-le-feu et un bon arrangement lorsque chacun aura le sentiment que ses intérêts légitimes et la justice qu'il réclame pour lui auront été préservés.

Q. : Nous n'en sommes donc pas au point mort ?

R. : Non, croyez-moi, nous avons beaucoup progressé et vous aurez certainement des surprises.


Déclaration du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, après sa rencontre avec le ministre syrien des affaires étrangères, M. Farouk Al-Charaa, à Damas, le 23 avril 1996

Q. : Attendez-vous un cessez-le-feu aujourd'hui ou demain ?

R. : J'attends un progrès substantiel dans les discussions mais il n'est pas encore temps de faire des annonces. Nous avons discuté aujourd'hui avec M. Charaa de la question des garanties du futur accord. C'est une question très importante. Vous savez que nous avons proposé à cet effet la création d'un Comité spécial. Je pense que cette idée fait son chemin. Une autre question est celle du lien entre la conclusion du futur accord et la possibilité d'un progrès du processus de paix sur les volets syrien et libanais.

Q. : La presse israélienne vous cite aujourd'hui comme ayant proposé le déploiement d'une force internationale au Sud-Liban. Est-ce vrai ?

R. : Non. J'ai proposé la création d'un Comité international pour assurer l'entière application du futur accord.


Point de presse conjoint à l'issue de la rencontre du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec le ministre chargé du processus de paix, M. Yossi Beilin, à Tel Aviv, le 23 avril 1996

M. Beilin : Nous avons eu avec M. de Charette un très intéressant échange de vues à l'instant. Je pense que la disponibilité de pays tiers, dont la France, pour nous aider à stabiliser le Proche-Orient est très importante.

La négociation pour un cessez-le-feu au Sud-Liban se poursuit et j'espère qu'il ne faudra pas trop longtemps pour rétablir la situation. Je fais référence à la résolution de l'Union européenne, elle est très importante et équilibrée. Je pense que nous devions tous faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à cette folie dans notre partie du monde, faire ce qui est possible dans un proche avenir pour continuer le processus de paix qui a malheureusement trop d'adversaires.

Le ministre – Merci Monsieur le ministre. Nous avons eu une longue discussion ensemble, M. Beilin et moi, et je le remercie de m'avoir donné ce temps pour examiner ce que nous avons fait ensemble, les propositions qui ont été faites par la France il y a maintenant cinq jours, à la lumière des discussions que nous avons eues tout au long des journées passées. Nous avons bien sûr examiné aussi l'ensemble des propositions y compris les suggestions américaines qui pour beaucoup de points se rejoignent pour former aujourd'hui les points essentiels de la discussion.

Je crois que les discussions sont complexes, je crois que la route n'est pas facile, je pense aussi que nous progresserons et que nous arriverons au moment décisif. Le moment décisif, c'est celui où l'on doit prendre des décisions.

Je suis confiant au terme de cette discussion et j'espère que nous allons bientôt arriver à rétablir une situation de paix et de sérénité qui assure la sécurité et en particulier la sécurité des populations civiles en territoire israélien comme dans le Sud-Liban.

Q. : Est-ce que vous pouvez nous dire quels sont les problèmes qui achoppent encore, qui ne sont pas encore réglés ?

R. : Il faut demander ça à l'ensemble des parties. Toutes les questions qui sont sur la table sont aujourd'hui connues.

Q. : Vous évoquiez il y a quelques jours deux points qui restaient à régler. Ces deux points ont-il été réglés et quels sont-ils ?

R. : Je ne me souviens pas avoir fait une liste limitative.

Q. : Qu'est-ce qu'il reste à régler ? Est-ce qu'il y a un agenda qui peut être établi ce jour ?

R. : Non, dans une négociation, faire un agenda n'est pas dans l'ordre des choses ; mais si votre question est : est-ce que le calendrier se resserre, oui, je crois. Voilà maintenant plusieurs jours que l'ensemble des parties, les États-Unis, la France, d'autres pays, ont apporté leur contribution. L'Union européenne a fait hier une déclaration excellente et que la France a pleinement approuvée. Tout cela, ce sont des éléments qui montrent que nous sommes dans la bonne direction et, je crois, dans le moment décisif.

Q. : Est-ce que les Américains sont prêts à accepter certains points du plan français ?

R. : Mais oui vous savez, aujourd'hui, il n'y a pas vraiment deux plans différents. Il y a ces mêmes questions de part et d'autre, et des réponses qui sont très proches. Vous savez que nous avons une concertation entre Français et Américains, une concertation étroite. J'ai eu Warren Christopher au téléphone ce matin, je l'aurai très probablement ce soir, nous travaillons ensemble.

Q. : La base de l'accord aujourd'hui c'est le renforcement de l'accord de 93 et d'autres conditions où c'est simplement l'accord de 93 ?

R. : La discussion reste ouverte sur les modalités mais tout le monde part de l'accord de 93.

Q. : Est-ce qu'il y aura des observateurs internationaux ?

R. : Je ne sais pas. Je crois que personne n'a vraiment émis cette idée.

Q. : M. Beilin, les Israéliens acceptent-ils maintenant le plan français ?

R. : Nous ne sommes pas dans cette situation. Nous sommes en train de négocier avec les Syriens par l'intermédiaire de pays-tiers. Nous évoquons différentes idées. Il y a des idées qui ont été émises, l'une d'elles est l'idée française. Comme je l'ai dit, les idées du gouvernement français sont les bienvenues, cela ne veut pas dire que nous les acceptons ou que nous les rejetons. Elles font partie d'une analyse qui n'est pas arrivée encore à sa conclusion et le résultat à ce que je peux en dire, est que les idées suggérées par le gouvernement français, d'autres idées suggérées par d'autres administrations, toutes ces idées sont analysées par nous et par l'autre côté dans le but de parvenir à un cessez-le-feu que nous soutenons.

Q. : M de Charette, est-ce qu'une rencontre entre vous-même et M. Warren Christopher est envisagée dans les heures qui viennent ?

R. : Oui, oui, elle est envisagée dans les heures qui viennent. Je vous ai dit que nous avions parlé au téléphone hier soir et encore ce matin. Je suis sûr que je l'aurai au téléphone ce soir et si nous sommes au même endroit, au même moment, nous verrons. Mais l'essentiel, c'est que nous parlions, les moyens modernes de communication, le téléphone, c'est formidable.

Q. : Monsieur le ministre, est-ce qu'il y a un accord sur un comité de sécurité de pays garants pour faire respecter sur le terrain l'application du cessez-le-feu ?

R. : Comme vous le savez, cela a été l'une des propositions françaises il y a quelques jours. Cette question continue aujourd'hui de faire l'objet de discussions.

Q. : Et le droit à la résistance libanaise dans la zone contrôlée par Israël, où en est-on aujourd'hui sur ce point qui est un des points cruciaux si je puis dire ?

R. : Non, ce n'est pas comme cela que ça se pose. Nous cherchons des réponses concrètes à des questions concrètes, nous ne cherchons pas des réponses idéologiques à des questions idéologiques.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « Europe 1 », le 23 avril 1996

Les discussions sont complexes. La route n'est pas facile, et je pense aussi que nous progressons et que nous arriverons au moment décisif. Nous avons examiné aussi l'ensemble des propositions, y compris les suggestions américaines qui, sur beaucoup de points, se rejoignent, pour former les points essentiels de discussion. En réalité, aujourd'hui, il n'y a pas vraiment deux plans différents. Il y a les mêmes questions de part et d'autre, et des réponses qui sont très proches. Nous avons une concertation entre Français et Américains, concertation étroite. J'ai eu Warren Christopher au téléphone ce matin, je l'aurai très probablement ce soir. On peut travailler ensemble.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « RFI », « France Info » et « France Inter », à Damas, le 23 avril 1996

Q. : 12 jours de guerre, 4 jours de négociations menées tambour battant.

R. : Plutôt 8 jours de négociations menées tambour battant puisque je suis arrivé ici le lundi de la semaine dernière, cela fera exactement 8 jours. S'il n'y avait pas eu cette mobilisation française, dès le départ, je crois que les choses en seraient encore au plus bas. C'est nous qui avons provoqué la mobilisation internationale ; c'est parce que la France était présente que sont arrivés les Russes, les Européens, beaucoup d'autres pays arabes et finalement les Américains, et je m'en réjouis. Alors c'est vrai il y a eu une période de difficultés, on ne voyait pas bien les issues depuis deux, trois jours, les choses paraissaient même bloquées. C'est la raison pour laquelle, hier, j'ai rappelé avec fermeté que...

Q. (interrompant M de Charrette) : La France s'impatiente.

R. : Oui, elle ne pouvait pas rester comme ça, car pendant ce temps-là les bombardements continuent de part et d'autre, les populations continuent de souffrir, les populations libanaises durement touchées, ainsi que les populations israéliennes. Je crois qu'aujourd'hui je suis plus optimiste, je sens que tout est reparti depuis hier soir. On est dans le vif du sujet, aussi bien les Américains que les Israéliens, les Syriens, les Libanais et nous-mêmes. Nous sommes maintenant dans le vif du sujet, il y a quelques questions qui se posent bien sûr, mais ce matin, je redeviens optimiste. Je ne voudrais pas souffler le chaud et le froid. Je vous dirais mon sentiment, le vent souffle dans les voiles.

Q. : Plus de convergence donc que de points de divergence ?

R. : Les questions qui sont débattues sont des questions que nous avons identifiées, nous les Français, dès la semaine dernière. Les réponses, ce sont aujourd'hui des réponses françaises, telles que nous les avons proposées mercredi dernier qui sont au coeur de la discussion. C'est ainsi.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 2 », à Damas, le 23 avril 1996

Q. : En quoi les initiatives françaises diffèrent-elles des initiatives américaines ?

R. : La discussion est faite en pratique sur les propositions françaises, sur les idées que nous avons mis sur la table mercredi dernier. C'est vrai, la discussion a traîné, a eu du retard, les Américains sont arrivés ici samedi, autant de temps perdu. C'est la mobilisation française, il y a huit jours maintenant – nous sommes ici depuis huit jours – ce sont les idées que, après avoir entendu les uns et les autres, nous avons mises sur la table qui sont en réalité au coeur des débats.

Q. : Est-ce qu'il n'y a pas une spécificité française avec cette proposition d'un comité de sécurité ?

R. : L'une des questions essentielles, c'est la question de la garantie qu'un certain nombre de pays peuvent apporter aux Israéliens, aux Libanais, aux Syriens, qu'il n'y aura pas d'escalade de la violence, qu'il n'y aura pas de violation de la paix et que toute violation sera examinée, suivie, maîtrisée pour ne pas avoir à nouveau la crise que nous avons maintenant. Nos efforts sont au coeur des débats.

Q. : Dimanche, on pensait que le cessez-le-feu était imminent, aujourd'hui tout le monde est plutôt sceptique.

R. : Je crois que vous avez tort. C'est vrai qu'il y a eu une période de refroidissement, en quelque sorte, dans la discussion. Je l'ai dit hier à l'ensemble des parties, il faut relancer le processus, il faut accélérer le processus, parce que pendant ce temps-là les bombardements continuent des deux côtés, les souffrances des populations civiles continuent. Mais je crois que depuis hier soir, les choses se sont remises en mouvement et peut-être même s'accélèrent.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « TF1 », à Damas, le 23 avril 1996

Q. : La crise dure et cela fait plus d'une semaine que vous travaillez là-dessus. Ça fait trois ou quatre jours que l'on sent qu'il y a des problèmes. C'est quoi le problème principal ?

R. : Écoutez, je crois que, en effet, le processus de règlement de cette crise a pris du retard et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé hier, à l'ensemble des parties au conflit d'accélérer le processus. Je crois que depuis hier soir, c'est ce qui se passe et je constate que le débat aujourd'hui porte sur les idées françaises, celles que nous avons proposées il y a maintenant six jours, ce sont celles qui sont au coeur de la discussion. 
Je crois que ça bouge et que ça va dans le bon sens. On peut retrouver désormais la dynamique.

Q. : Y-a-t-il une pierre d'achoppement ?

R. : Toutes les questions sont en attente mais toutes les réponses qui sont envisagées ce sont des réponses que la France a proposées mercredi dernier.

Q. : Est-ce qu'il y a un problème de garanties ?

R. : Oui. C'est une des questions qui sont au coeur des débats. Il faut que nous ajoutions aux arrangements de 1993, qu'il s'agit maintenant d'écrire noir sur blanc, un mécanisme de garanties internationales qui soient de nature à empêcher l'escalade lorsqu'a été commise une erreur ou une violation de l'arrangement. 
En même temps il faut assurer un lien entre l'arrangement qui permet à la limite de calmer le jeu et la reprise d'ailleurs très prochaine du processus de paix.

Q. : Et ça, ça prend du temps ?

R. : Ce sont des questions qui ont déjà été débattues et je le répète, maintenant, ça y est, c'est fait.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec radio Kol Israël, à Tel-Aviv, le 24 avril 1996

R. : Nous avons dit que dans le cadre du processus de paix, le moment venu, si les pays concernés le souhaitent, la France était prête à ce moment-là, à participer à une force multinationale qui aurait pour objet de donner des garanties de sécurité aux Libanais et aux Israéliens. Mais je le répète, ce n'est pas pour maintenant, ce n'est pas pour sortir de la crise aujourd'hui, c'est pour demain lorsque le processus de paix sera parvenu à sa fin et si les pays le souhaitent ; si chacun se sent de taille à résoudre soi-même les problèmes, c'est-à-dire à assurer la sécurité entre le Liban et Israël, la France ne demande rien.

Q. : Vous venez de rencontrer le ministre Yossi Beilin afin d'examiner la proposition française et d'obtenir un cessez-le-feu, avez-vous rencontré un écho favorable auprès de votre interlocuteur ?

R. : Écoutez, cela a été une discussion extrêmement intéressante, M. Beilin est une personnalité tout à fait remarquable avec lequel j'ai un très grand plaisir à travailler. Et donc nous avons fait ensemble un tour d'horizon très précis des questions en cours et je crois que tout cela va dans le bon sens, est très positif et continue à faire avancer les discussions qui sont maintenant dans la phase cruciale.

Q. : À votre sens, Monsieur le ministre, un accord est-il envisageable dans les tout prochains jours ?

R. : Il faut qu'il y ait un accord, on ne peut pas rester dans cette situation de conflit et de tension. Je suis persuadé qu'il y en aura un. Je suis très optimiste. Maintenant le calendrier ? Quand est-ce qu'on y parviendra ? Là, je serai par contre plus prudent car cela dépend de beaucoup d'impondérables et puis cela dépend principalement de la décision des gouvernements considérés, ce n'est pas la France qui va décider, ni les États-Unis, ni quelqu'un d'autre, c'est Israël et le Liban.

Q. : J'ai cru comprendre que vous aviez obtenu une réaction assez positive de M Beilin qui semble mieux comprendre la position française et donc comprendre que vous voulez plutôt conforter la position américaine que de mettre des bâtons dans les roues ?

R. : Qu'est-ce que je vous entends dire là ! Nous n'avons jamais eu l'idée de mettre les bâtons dans les roues de qui que ce soit ! Nous sommes les amis d'Israël, nous aussi, vous le savez, les amis du Liban. Quand deux amis ont des problèmes, il est normal que l'on essaie d'apporter sa contribution pour les réconcilier et faire qu'ils n'aient plus de problème. Voilà le sens de la démarche française et je ne conteste pas du tout, je ne vois pas pourquoi je le ferais, l'importance du rôle du gouvernement américain pour contribuer à tout cela. Et d'ailleurs nous cherchons depuis le début, c'est ce que nous faisons, à coordonner nos initiatives et nos actions. J'ai eu Warren Christopher que je connais bien, et depuis longtemps, je l'ai eu plusieurs fois, j'ai parlé avec lui à plusieurs reprises, on s'est vu, on s'est téléphoné et on continuera à se voir et à se téléphoner, croyez-moi.

Q. : Alors donc vous avez l'impression aujourd'hui que Jérusalem est plus disposée à vous écouter qu'il y a une semaine ?

R. : Vous savez, j'ai été frappé quand je lisais ou j'écoutais les médias israéliens, de ce qu'on pouvait avoir l'impression qu'il y avait un problème entre la France et Israël, c'est impensable, c'est inimaginable. Nous avons trop de liens entre nous pour qu'il puise y en avoir de quelque façon que ce soit. Nous cherchons à résoudre les problèmes, de vrais problèmes. Nous sommes très attentifs, bien entendu, aux exigences légitimes de sécurité du peuple israélien et du gouvernement israélien et nous sommes aussi les amis du Liban et nous cherchons aussi à répondre à ses exigences également légitimes de vivre en paix et en sécurité, et bon, il y a des problèmes, dont le travail consiste à essayer de rapprocher les points de vue, de trouver des solutions qui conviennent aux uns et aux autres, voilà ce que nous faisons.

Q. : Vous allez rencontrer le Président Assad, qu'est-ce que vous allez lui dire de précis ?

R. : Bon, écoutez, je vais certainement lui rendre compte, lui rapporter le point où j'en suis des analyses que je fais en face des problèmes à résoudre et je ferai certainement quelques suggestions, c'est normal.


Déclaration à la presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à Damas, le 24 avril 1996

Je viens d'apprendre que le CNP a voté la suppression des articles de la Charte niant l'existence d'Israël. 
Il s'agit d'un événement historique, j'avais eu l'occasion et encore il y a quelques jours, d'insister auprès du Président Arafat sur l'importance déterminante pour l'avenir du processus de paix d'une telle décision. 
Ce vote adopté à une majorité écrasante est un succès personnel du Président Arafat. Ce succès devrait permettre de commencer comme prévu le 4 mai les négociations sur le statut final sous les meilleurs auspices. C'est un succès pour tous les bâtisseurs de la paix.
C'est une victoire pour le camp de la paix.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 2 », à Damas, le 24 avril 1996

C'est aussi bien entendu un formidable moyen de présence de la France. Il n'y avait pas de meilleur signe possible à donner à l'ensemble du monde méditerranéen que ce qu'avait dit le Président de la République au Caire. C'est-à-dire que désormais la France est présente activement sur le terrain dans l'ensemble de la Méditerranée. Il n'y avait pas d'autre signe plus positif. Tous les pays, bien au-delà des trois que je visite dans cette période, l'ont très bien compris. C'est un signal extrêmement fort.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à Damas, le 24 avril 1996

Nos consultations en vue d'un accord de cessez-le-feu assorti d'un engagement à ne plus s'en prendre aux populations civiles si douloureusement éprouvées au cours de ces derniers jours progressent. Les propositions qui ont été faites par la France le 17 avril dernier, soit deux jours après mon arrivée dans la région continuent, en pratique, à servir de guide aux discussions en cours. Je vous les rappelle :

– qu'il n'y ait plus de tirs de Katiouchas vers le nord d'Israël ;
– que les forces israéliennes s'abstiennent de déclencher des opérations contre les populations civiles libanaises ;
– que les parties s'engagent à ne plus attaquer d'objectifs civils ;
– enfin, que soit constitué un Comité comprenant les parties en cause et quelques pays extérieurs qui puisse servir de moyen d'éviter que s'impose la logique de l'escalade et qui soit chargé d'examiner les litiges et les difficultés qui peuvent survenir dans l'application de cet arrangement.

Je crois que ces idées-là sont aujourd'hui les « idées forces » qui guident les travaux et les discussions actuelles et qui, je dois le dire, progressent de façon positive. Naturellement on n'est pas arrivé au bout du chemin, il y a encore besoin de travailler mais nous sommes, je le crois, dans une période positive et je crois aussi qu'une bonne partie du travail a été faite. Ce soir je dirais que le soleil se couche avec l'espoir que l'aube qui se lèvera sera décisive.

Q. : Est-ce que la France est déterminée poursuivre ses efforts jusqu'à la fin pour parvenir à un cessez-le-feu ?

R. : Oui, bien sûr. Ceux qui miseraient sur le découragement de la France feraient une erreur d'appréciation. La France est à la fois déterminée et désintéressée. Son engagement, l'engagement personnel du Président de la République qui m'a envoyé dans la région, est directement lié au sort du Liban pour lequel nous voulons alléger les épreuves et dont nous voulons que les familles puissent rentrer dans leur foyer le plus vite possible.

Q. : La France s'était plaint de la lenteur des négociations il y a un certain temps soulignant que les civils souffrent pendant que les diplomates prennent leur temps. Pourquoi cette lenteur continue-t-elle selon vous ?

R. : Pour l'instant on ne traîne pas. C'est vrai qu'à plusieurs moments j'ai trouvé que cela n'avançait pas et il m'est arrivé de le dire. Pour l'instant j'ai le sentiment que l'on est entré dans une phase décisive. Cela n'a que trop duré. Si j'ai rappelé tout à l'heure la date de nos propositions, le 17 avril, en faisant observer qu'aujourd'hui ce sont ces sujets là que l'on traite ; c'était pour mettre en valeur le fait que l'on aurait pu gagner du temps.

Q. : M. Burns vous a dit tout à l'heure que la Syrie, le Liban et Israël ont choisi fa voie américaine pour la solution.

R. : Si vous voulez une déclaration du porte-parole français, Madame, vous pourrez l'avoir. J'échange régulièrement sur ce sujet, avec M. Christopher, et cela se passe toujours très bien.

Q. : Monsieur le ministre, vous avez fait référence à des obstacles, quels sont-ils ?

R. : Je n'ai pas fait référence à des obstacles...

Q. : Vous avez dit qu'il y avait encore du travail à faire, quel est-il ?

R. : J'ai dit que nous continuons à travailler.

Q. : Pourquoi n'a-t-on pas annoncé d'accord aujourd'hui ?

R. : Ce serait formidable mais espérons que ce sera pour très bientôt. Mais votre impatience est sympathique, c'est aussi la mienne.

Q. : Est-ce qu'Israël admet l'initiative française ?

R. : Vous savez, Madame, la question ne se pose pas dans ces termes. Aujourd'hui nous travaillons sur les sujets que j'ai évoqués et en réalité selon la logique que la France a proposée le 17 avril. C'est ça qui compte. Ce qui compte en effet ce n'est pas de savoir qui gagne et qui perd. Quels sont ceux qui gagnent et qui perdent ? Ce sont les populations civiles qui souffrent. Le plus tôt elles seront rentrées chez elles, plus nous serons contents.

Q. : Monsieur le ministre, après les entretiens intensifs que vous avez eu à Tel Aviv et en Syrie...

R. : ... et à Beyrouth...

Q. : … Vous attendez-vous à un cessez-le-feu d'ici vingt-quatre heures ?

R. : Je le souhaite, mais je ne commettrai pas l'imprudence de vous annoncer aujourd'hui le calendrier parce que dans une négociation compliquée, difficile, tant que ça n'est pas décidé, des difficultés imprévues peuvent surgir.

Q. : M. Christopher a annoncé aujourd'hui à Chtaura, après sa rencontre avec MM. Hariri et Berri, qu'il y a encore des points qui doivent être discutés et avec de nombreuses complications, qu'en pensez-vous ? Est-ce qu'il y aura un accord sur un cessez-le-feu ? Y-a-t-il encore des divergences entre la vision française et celle américaine ?

R. : Non. Les convergences sont totales. Le problème, Monsieur, je voudrais le redire, n'est pas d'opposer une prétendue vision américaine à la vision française. Le problème c'est de faire en sorte que les parties concernées soient d'accord sur les modalités concrètes pour aboutir au cessez-le-feu et au retour des familles dans leurs foyers. Sur cette voie, des progrès significatifs, importants, ont été faits même s'il reste d'autres progrès à faire. Je crois qu'on peut être confiant.

Q. : L'accord sera un accord écrit. Il sera signé par les parties. Est-ce que cette question est acceptée par toutes les parties ?

R. : Non, cette question est toujours en discussion.

Q. : J'ai une question au sujet du Comité de sécurité. Est-ce le principal acquis de l'initiative française ?

R. : Je crois que c'est un des points importants non pas pour la France mais pour la résolution du problème. Comme l'est la renonciation à s'en prendre aux populations civiles. Je le répète tous ces points font l'objet des négociations en cours et sur lesquels on progresse.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à « L'Express », à Paris, le 25 avril 1996

Q. : Quel est l'objet de votre mission ?

R. : Faire cesser le bruit des armes. À une situation d'urgence il fallait apporter une solution d'urgence. Compte tenu de nos liens avec Israël et le Liban, deux amis proches, il était impensable que la France reste penchée à son balcon en spectateur impuissant. Ces quinze dernières années, notre pays a laissé l'histoire de la région s'écrire sans lui. Depuis la récente visite de Jacques Chirac à Beyrouth et au Caire, je constate que la France est attendue ici. Celui qui penserait pouvoir éliminer la France du Proche-Orient se tromperait !

Q. : Que proposez-vous concrètement ?

R. : Tout d'abord, remplacer la logique de l'escalade par la logique de la discussion, et je m'y emploie. À Tel-Aviv, à Damas et à Beyrouth, j'ai dit qu'il fallait d'abord un cessez-le-feu, puis régler le problème de la sécurité des populations civiles. Enfin, dans un second temps, obtenir un règlement de paix qui permette le désarmement des milices au Sud-Liban et, simultanément, l'évacuation de l'armée israélienne de la zone de sécurité.

Q. : Votre initiative semble déranger la diplomatie américaine.

R. : J'ai observé un certain scepticisme, teinté d'ironie à l'occasion, émanant surtout des milieux français. Or Washington et Paris poursuivent un objectif commun : la consolidation du processus de paix, même s'il peut apparaître des divergences dans les modalités. La France a des idées ; elle n'a pas la présentation d'être la seule à en avoir.

Q. : Vous avez rencontré à Damas le ministre iranien des affaires étrangères, Ali Akbar Velayati. Êtiez-vous porteur d'un message précis ?

R. : Je ne suis pas le porteur d'eau des uns et des autres. Si l'Iran souhaite améliorer ses relations avec la France et l'Union européenne, il est indispensable que ce pays use de son influence auprès du Hezbollah pour parvenir à une solution politique durable. Mon interlocuteur m'a laissé espérer qu'il en serait ainsi. Nous jugerons sur pièces.

Q. : Téhéran est familier du double langage.

R. : Il devra en sortir.

Q. : Les élections israéliennes sont prévues le 29 mai. Pèsent-elles clans les négociations ?

R. : Certainement. L'aggravation des tensions en Israël est liée à des échéances électorales dans lesquelles certaines puissances extérieures peuvent être tentées d'intervenir.
Pour ma part, j'ai beaucoup d'admiration pour Shimon Peres ; j'apprécie sa vision de l'avenir, dans cette région où l'on avance trop souvent au jour le jour.

Q. : Votre mission est la première du genre.

R. : Oui. Je resterai aussi longtemps qu'il le faudra pour contribuer à un accord de paix. En son temps, Henry Kissinger avait dû séjourner trente-neuf jours dans les capitales du Proche-Orient. J'espère ne pas être obligé de battre ce record.


Déclaration du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, le 25 avril 1996

La décision du Parti travailliste israélien de renoncer à son opposition à la création d'un État palestinien est un événement positif.

Je tiens à féliciter chaleureusement M. Shimon Peres de son action personnelle dans cette décision. Cette reconnaissance de l'autre ne peut que contribuer à renforcer le camp de la paix et à placer les prochaines négociations avec l'Autorité palestinienne dans un climat propice à leur succès.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France Inter », le 25 avril 1996

R. : Dans la journée d'hier, s'est confirmée de façon nette, précise, la volonté politique de l'ensemble des partenaires de cette crise pour qu'on la résolve. Ceci dit, cela m'étonnerait que tout se termine aujourd'hui. Il y a encore quand même trop d'incertitudes. Il y a en particulier la question du comité que la France avait proposée il y a huit jours, comité qui permettrait de résoudre les litiges qui peuvent éventuellement survenir. C'est une leçon tirée de la crise. Nous avons vu l'enchaînement de la violence à partir de violations antérieures passées en 1993 et qui avaient tenu pendant un peu plus de deux ans. Ce sont ces violations répétées qui ont provoqué l'enchaînement de la violence, celui qui a subi cette violation voulant naturellement réplique, se venger et réagir. C'est cela qu'il faut essayer d'éviter, c'est à cela que nous travaillons pour l'instant, d'où l'idée de ce comité.

Q. : Combien de temps encore avez-vous l'intention de rester dans la région ?

R. : J'ai dit que je resterai jusqu'à ce qu'on ait résolu les problèmes. La France, amie du Liban, modestement, travaille, sous l'impulsion du président de la République, sous son impulsion directe, à ce que ces problèmes soient résolus par le peuple libanais. Je continuerai mon travail jusqu'à ce que ce soit fait.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à l'aéroport international de Beyrouth, à Beyrouth, le 25 avril 1996

Q. : Vous êtes de nouveau à Beyrouth, où en est-on aujourd'hui ?

R. : Je suis venu en effet à Beyrouth pour m'entretenir avec les dirigeants libanais. Les discussions sont en cours de façon à débloquer les quelques difficultés qui restent.

Q. : Lesquelles ?

R. : Il reste quelques difficultés naturellement sinon on serait déjà arrivé au terme de nos discussions. Laissez-moi garder ces quelques points discrets parce que, quand il y a des obstacles, ce n'est certainement pas dans les discussions publiques qu'on peut les faire avancer. Mais les contacts se multiplient et, je crois que nous sommes maintenant non plus seulement au milieu du gué mais plutôt en train d'approcher la rive.

Q. : Vous avez parlé hier d'une journée décisive. En quoi est-ce une journée décisive par rapport aux autres ?

R. : Parce qu'il reste quelques difficultés à surmonter, et c'est dans la journée d'aujourd'hui qu'on devrait les résoudre, je l'espère, sinon en tout cas fixer les pistes qui permettront de les résoudre dans un délai proche.

Q. : (inaudible).

R. : Madame, si je savais que les problèmes étaient réglés, je m'en réjouirais et je vous l'annoncerais. Rassurez-vous, je ne tarderai pas à vous le dire.

Q. : Vous êtes optimiste ?

R. : Oui, autant qu'on peut l'être. On ne peut pas être satisfait tant que continuent les bombardements qui touchent les infrastructures et qui font encore des morts et des blessés au Liban.

Q. : Les diplomaties américaine et française tiennent dans le même sens, Monsieur le ministre ?

R. : Bien sûr. J'espère que tout le monde va dans le même sens.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à la présidence du conseil des ministres, à Beyrouth, le 25 avril 1996

Messieurs, j'espère que je ne vous ai pas fait attendre. Je vous remercie d'être venus nombreux. Je voudrais vous redire que depuis maintenant onze jours, envoyé dans la région par le Président de la République française, M. Chirac, je travaille à faire en sorte que la France puisse apporter la meilleure contribution possible à la résolution de cette crise. C'est le Liban, c'est le peuple libanais qui supporte tout le poids de cette crise.

Comme vous le savez, je suis allé à Cana il y a trois jours et j'ai vu, j'en ai été bouleversé, quel drame s'est joué dans ce petit village du sud-Liban, dans une base de la FINUL, où s'étaient réfugiées des populations menacées. En allant de Nakoura à Cana, en revenant de Cana sur Nakoura, j'ai traversé des villages abandonnés, désertés où quelques familles, quelques personnes âgées, erraient encore parce qu'ils voulaient s'accrocher désespérément à leur terre. En allant à Nakoura dans un hélicoptère de la FINUL, j'ai été bouleversé de voir ce qu'étaient dans la pratique les bombardements de la marine israélienne sur les infrastructures, sur les routes, bref sur ce qui fait la vie du Liban d'aujourd'hui.

J'irai dans quelques instants avec le Président Hariri visiter la centrale électrique de Bsalim qui a été détruite, vous le savez, dans un bombardement, et que le Président français, personnellement, a décidé de faire reconstruire dans les meilleurs délais. Les travaux ont déjà commencé. Déjà une mission d'experts français s'est rendue sur place, et des matériels spécialisés sont en cours d'acheminement vers Beyrouth. Je vous dis tout cela car notre mission c'est de faire en sorte que tout cela cesse dans les meilleurs délais, que les familles puissent rentrer chez elles, reprendre leur vie, et que le Liban puisse reprendre son travail de reconstruction entrepris il y a quatre ans : reconstruction matérielle qui est si impressionnante, quand on vient à Beyrouth, mais aussi reconstruction politique, reconstruction morale, reconstitution de l'unité du Liban que l'épreuve actuelle, je l'ai observé, a renforcé.

Voilà ce que nous essayons de faire. Je dois le dire aussi, nous avons à l'esprit les légitimes préoccupations de sécurité des populations civiles du nord d'Israël, et donc nous avons essayé de travailler, pendant cette semaine, en ayant sans cesse à l'esprit le sort de notre ami le Liban, mais aussi qu'il fallait trouver une issue rapide par un arrangement qui soit acceptable par l'ensemble des parties. C'est à quoi nous travaillons au cours de ces longues journées, nous n'avons cessé avec toute mon équipe d'aller de l'un vers l'autre puis vers le troisième, d'échanger, de consulter, de dialoguer, d'interroger pour isoler les difficultés, les points de rencontre, et préparer l'arrangement de demain. Il y a une semaine, nous avons fait des propositions précises et ces propositions sont aujourd'hui au coeur même de la discussion qui est désormais sérieusement nouée. Ces propositions vous les connaissez. Il faut que cessent les bombardements sur le nord d'Israël, il faut qu'Israël s'engage à ne plus s'en prendre à des objectifs civils. Il faut que, de part et d'autre, cet engagement de respect des populations civiles soit pris de façon ferme. Il faut que ces engagements soient écrits. Pour assurer leur bonne application, un comité réunira les parties et quelques puissances internationales pour éviter que telle difficulté, telle violation, tel litige, ouvrent à nouveau la voie à une escalade militaire et à l'escalade de la violence. Il faut enfin que cet arrangement soit le prélude à la reprise du processus de paix, de façon que le plus vite possible, le Liban recouvre la souveraineté sur la totalité de son territoire, et que soit assurée de part et d'autre de la frontière israélo-libanaise la sécurité des populations.

Voilà l'enjeu. Je crois que nous sommes aujourd'hui au coeur même du débat et que par conséquent nous pouvons regarder tout cela avec un optimisme mesuré, sachant que les difficultés ne sont pas toutes résolues. Nous sommes déterminés mais les autres aussi, je ne le conteste pas du tout, bien au contraire, à parvenir rapidement à la conclusion de ces discussions, pour que nous puissions les uns et les autres encourager les familles à rentrer chez elles et le peuple du Liban à reprendre son effort de reconstruction. Voilà ce que j'ai voulu vous dire au terme de ces travaux.

Encore un mot s'il vous plaît, j'ai longuement parlé aujourd'hui avec le Président Nabih Berri et avec le Président Hariri. Je crois que c'est la troisième ou la quatrième fois que nous parlons ensemble depuis le début de cette crise. Nous sommes comme toujours entrés dans le détail dans l'atmosphère, oserais-je le dire, amicale, chaleureuse, qui est la marque des relations franco-libanaises. J'ai constaté que les dirigeants libanais sont déterminés à ce que la souveraineté, l'autorité de l'État au Liban soit pleinement respectée y compris dans cet arrangement. Je ne peux que saluer cette détermination qui est très importante pour vous, et je crois importante aussi dans cette phase décisive de nos discussions.

Q. : Quels sont les points qui entravent la décision d'un cessez-le-feu ?

R. : Madame, on me pose cette question assez souvent. Je ne souhaite pas vraiment vous donner d'indications trop techniques sur ces discussions, parce que plus elles peuvent se poursuivre à l'abri des regards, meilleures sont les chances de parvenir à des solutions.

Q. : Comme vous le savez, les Libanais souhaitent très fort que la France soit dans le comité des observateurs. Est-il vrai que les Américains sont contre votre présence dans ce comité ?

R. : Je n'arrive pas à l'imaginer, Monsieur.

Q. : Vous parlez d'engagement écrit. Est-ce que cet engagement sera signé ?

R. : Les ressources de la diplomatie sont infinies, et nous trouverons certainement en effet une formule qui permette de satisfaire tout un chacun. L'essentiel, voyez-vous, c'est de mettre noir sur blanc ce qui jusqu'à présent était, paraît-il, téléphonique. Noir sur blanc, c'est utile parce qu'après cela chacun pourra se reporter à ce qu'on a écrit. Les bons engagements dans la vie des peuples doivent un jour s'écrire. Mais cette question de signature n'est pas une question centrale.

Q. : M Christopher nous a dit hier qu'il vous a seulement téléphoné. Comment expliquez-vous cela et vous, avez-vous commencé des initiatives, c'est-à-dire les quelques candirions qui sont maintenant américanisées ?

R. : N'attachez pas trop d'importance à tout cela, pas plus que je ne le fais moi-même. Je vois M. Christopher. Nous nous sommes vus à Damas il y a trois jours. Nous nous téléphonons très souvent, et contrairement à ce que je lis ici ou là, je vous assure que nous avons d'excellentes relations personnelles. C'est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup de considération et même de l'amitié, et franchement nous travaillons très bien ensemble. 
Cela n'empêche pas chacun d'avoir sa sensibilité, il se trouve qu'il parle anglais et que je parle plus volontiers français. Ce sont les nuances qui font des petites différences mais pour l'essentiel, tout va bien. Ne vous faites pas de souci de ce côté-là.

Q. : Et maintenant où en est l'initiative ?

R. : Il y a eu l'initiative française, la première, il y a maintenant huit jours pleins, et vous observerez d'ailleurs que ce dont on parle aujourd'hui ce sont des propositions, des idées que nous avons mises sur la table. Pourquoi ? Simplement parce que nous étions préoccupés dès le lundi précédent de trouver des réponses aux questions qui se posaient, que nous avions soigneusement écouté chacun, et que nous croyions avoir à peu près décelé quelle était la bonne réponse, comment on pouvait traiter utilement le problème. Bien ! Entre temps, il y a eu, en effet, des propositions américaines, c'était tout à fait normal. On ne peut pas reprocher aux États-Unis qui ont des responsabilités, une expérience, de faire des propositions. Mais maintenant où en est-on ? On en est à élaborer un texte et chacun peut apporter ses idées. J'ai la satisfaction de constater que pour l'essentiel, ce sont des propositions que nous avions faites il y a huit jours. Mais je n'en tirerai pas vanité. Et croyez-moi dans cette affaire, la France ne poursuit pas des objectifs personnels, comme l'a dit le Président de la République au conseil des ministres hier. La France est désintéressée. Elle est déterminée. Mais elle est désintéressée, c'est-à-dire qu'elle ne travaille pas pour elle. Elle travaille pour ses amis, qu'elle voit dans la peine et la difficulté, et qu'elle veut aider à en sortir.

Q. : Après 15 jours d'agression israélienne ?

R. : Monsieur, quand on est au milieu du gué, est-ce qu'on est plus près de la rive droite que de la rive gauche ? Ce que je veux vous dire, c'est qu'en effet, il y a urgence. Il y avait urgence, il y a déjà dix jours, mais plus que jamais il y a urgence et c'est le devoir des dirigeants des pays concernés aujourd'hui que de tout faire, non seulement pour trouver des solutions, mais pour le faire rapidement. Car il s'agit du sort des populations et d'un conflit qui a fait déjà assez de victimes.

Q. : Et alors pour le cessez-le-feu c'est pour quand ?

R. : Monsieur, le plus vite possible. Sachez que nous le faisons avec acharnement depuis onze jours et que nous continuerons.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « RTL », à Beyrouth, le 25 avril 1996

Q. : Où en êtes-vous dans votre tournée aujourd'hui ?

R. : Cela fait onze jours. C'est bien sûr difficile, c'est surtout éprouvant parce qu'il s'agit d'essayer de mettre fin à un drame épouvantable pour le peuple libanais que j'ai vu de mes yeux. J'ai vu des choses terribles en allant à Cana, j'en ai été bouleversé, et dans ces moments on traverse des périodes d'optimisme, mais aussi de pessimisme.

On croit que ça y est. Ça n'y est plus. Tout est défait. Il faut recommencer, bref on passe par des hauts et des bas et il faut essayer, malgré la pression des journalistes qui voudraient tout savoir – qui font leur métier d'ailleurs – de garder une humeur égale, un tempérament disponible. Nous avons une bonne équipe. Je ne suis pas seul. Je suis avec une équipe remarquable de la diplomatie française qui fait je crois un travail exceptionnel.

Q. : Vous étiez parti avec combien de chemises, combien de costumes, parce que ce n'était pas prévu tout cela ?

R. : Je ne vais pas tout vous raconter. Mais en effet, il a fallu s'approvisionner ou se réapprovisionner pour les uns comme pour les autres.


Point de presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, au siège de la présidence du conseil des ministres, à Beyrouth, le 26 avril 1996

Vous me permettrez de dire quelques mots avant que vous ne puissiez interroger le Président Hariri, pour vous dire que la France se réjouit très vivement qu'un accord de cessez-le-feu ait pu enfin être conclu, que nous nous en réjouissons pour le Liban, que nous nous en réjouissons pour Israël, et que cet accord permette ainsi aux populations déplacées de retourner chez elles.

Cet accord rompt le cercle de la violence qui avait pris une forme dramatique au cours de ces derniers quinze jours. C'est un arrangement qui apporte à chacun la sécurité. La France est fière d'avoir, à l'initiative du Président Chirac, contribué à ce résultat important, par sa présence sur place, comme vous l'avez évoqué, M. le Président Hariri, par les idées qu'elle a apportées dans la discussion et dans les négociations, par les relations privilégiées qu'elle a avec toutes les parties, par les contacts que nous avons eus avec tous ceux qui pouvaient influencer le cours des événements d'une façon ou d'une autre. La France a joué son rôle. Nous sommes heureux de constater que l'essentiel de propositions que nous avions faites le 17 avril dernier se retrouve dans l'arrangement final. C'est un texte écrit comme nous l'avions suggéré, c'est surtout un arrangement qui garantit la protection des populations civiles de part et d'autre de la frontière contre toute action violente, et contre toute opération militaire. La création du groupe de surveillance à laquelle la France participera devrait garantir la mise en oeuvre des engagements pris. Ce mécanisme me paraît fondamental et la France, qui l'avait proposé, y participera pleinement. Enfin, ce texte préserve les principes de l'indépendance et de l'intégrité territoriale du Liban auxquels la France est tout particulièrement attachée. Permettez-moi de féliciter tous ceux qui ont contribué à ce succès. D'abord les Présidents Hraoui, Hariri, Nabih Berri qui ont agi en patriotes déterminés et efficaces, bien sûr le Premier ministre israélien, Shimon Peres, le Président Assad qui a joué un rôle central dans la négociation, le secrétaire d'État américain Warren Christopher auquel me lie une relation constante et étroite, la présidence de l'Union européenne et ses États membres qui nous ont apporté tout le poids de l'Europe dans cette discussion. Tous ceux enfin que j'ai rencontrés depuis douze jours, et qui ont usé de leur influence pour réduire les tensions et favoriser les solutions de la crise. J'ai vécu, Monsieur le Président, ces dernières journées, ces longues journées, avec le peuple libanais. Le Président Chirac a suivi d'heure en heure nos travaux, nos discussions, nos espoirs, nos déceptions. Maintenant, il faut que la vie reprenne, il faut que les familles puissent retourner rapidement chez elles. Il faut que votre pays, Monsieur le Président, puisse poursuivre son effort remarquable de reconstruction qu'il a entrepris sous votre impulsion. Il faut enfin que s'organisent les voies de la paix à laquelle les peuples, les populations, les familles aspirent avec passions. Soyez assurés, que la France sera pour la reconstruction du Liban, pour la garantie de votre sécurité et pour l'organisation de la paix à vos côtés.

Q. : (inaudible).

R. : Je crois qu'il s'appelle comité dans le texte anglais et comité de surveillance dans la traduction française. C'est la même chose que comité de sécurité, peu importe, c'est la même fonction surtout. Il comprend cinq participants, le Liban, Israël, la Syrie, la France et les États-Unis. C'était la proposition française, comme vous le savez. Et sa fonction est d'empêcher qu'un incident, c'est-à-dire une violation de l'arrangement, entraîne l'escalade de la revanche ou de la riposte. Il appartiendra alors à ce comité, saisi par l'un des États plaignants, le Liban ou Israël, d'examiner et de traiter chaque cas.

Q. : Quels seront les moyens ?

R. : Ce sera au comité de décider de ces moyens pratiques, c'est pourquoi je souhaite en effet qu'il se réunisse dans les meilleurs délais de façon à pouvoir fixer ses méthodes de travail, les moyens qu'il voudra utiliser, et l'ensemble des questions qui concernent son organisation.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 2 », à Beyrouth, le 26 avril 1996

Q. : Monsieur le ministre, cet arrangement qui a été conclu aujourd'hui est bien sûr garanti par des grandes puissances comme la France, les États-Unis, mais il dépend tout de même beaucoup de la bonne volonté des deux parties en présence. Est-ce qu'à votre avis on ne revient pas à une situation qui était celle qui prévalait antérieurement ?

R. : Non, parce que la situation antérieure était une situation confuse qui reposait sur un arrangement non écrit, qui d'ailleurs n'avait pas été passé avec le gouvernement libanais ni avec le gouvernement israélien, donc c'était le royaume des ombres. Et naturellement, cela a mal fini. Je crois qu'aujourd'hui nous avons quelque chose de meilleur. D'abord, nous avons un texte écrit, c'est un pas très important et c'était dès le départ une de nos recommandations. Ensuite, c'est un texte précis, qui dit exactement ce qui est désormais interdit et qui apporte aux populations civiles, au nord d'Israël et dans le Sud-Liban, la possibilité désormais de vivre dans la sécurité. C'était un point tout à fait essentiel, c'est tout de même la question centrale. Enfin, c'est un accord qui prévoit un groupe de surveillance comprenant naturellement Israël et le Liban mais aussi la Syrie, la France et les États-Unis, et ce groupe aura la charge d'en garantir le bon fonctionnement, la bonne application. Je voulais dire simplement que ce sont des choses très pratiques, c'est-à-dire que dès qu'il y aura une violation éventuelle de l'accord par l'une ou l'autre des parties, ce groupe s'en saisira, fera l'enquête appropriée dans un délai très rapide et prendra les mesures nécessaires pour que cela ne se produise plus. Il s'agit donc de substituer la logique de l'enchaînement de la violence à la logique inverse qui est la logique de paix.

Q. : Monsieur le ministre, il y a maintenant une huitaine de jours que vous êtes sur place, que vous faites des allées et venues…

R. : Non, cela fait treize jours.

Q. : Cet événement marque le retour de la France sur la scène diplomatique au Proche-Orient ?

R. : C'est vrai.

Q. : Cela a eu l'air pendant un bon moment d'agacer les Américains et voire d'énerver les Israéliens ?

R. : Oui. Cela a d'abord eu pour effet de créer dans les médias français beaucoup de scepticisme chez les Américains. Je ne peux pas le contester. Il faut dire les choses comme elles sont. Mais je crois qu'aujourd'hui tout cela est derrière nous et que désormais Français et Américains travailleront ensemble à l'application de cet accord dans lequel vous le savez il y a beaucoup d'idées françaises. Eh bien ! C'est un gage très utile pour l'avenir. La France, en effet, est de retour au Proche et Moyen-Orient mais elle ne pense pas naturellement qu'elle soit la seule, il faut donc que tout le monde travaille ensemble, Français et Américains notamment.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « France 3 », à Beyrouth, le 26 avril 1996

Q. : Cet accord de cessez-le-feu est-il un accord minimum ou s'agit-il d'un accord durable ?

R. : Écoutez, je crois que c'est un bon accord. En tout cas, nous poussons tous ici un « ouf » de soulagement. Je suis à Beyrouth qui a connu, comme tout le Liban, des bombardements tragiques dans cette période et beaucoup de victimes, près de 170 morts, près de 350 blessés. Franchement, on arrête, c'est bien. Ouf ! 
Alors maintenant, est-ce que c'est durable ? J'espère que oui. Mais je crois pour tout vous dire que cela ne sera durable que lorsque l'on aura engagé et achevé le processus de paix lui-même. Et dans l'arrangement, il est expressément indiqué que les parties expriment leur volonté de relancer ce processus de paix. C'est très important parce que c'est cela qui permettra de faire en sorte que l'armée israélienne quitte le Sud-Liban, que la frontière entre Israël et le Liban soit contrôlée par l'armée israélienne de son côté, l'armée libanaise de l'autre, et qu'il y ait une atmosphère de sécurité entre les deux. Vous savez qu'il y a l'exigence de sécurité pour le nord d'Israël et aussi le besoin de vivre en paix et en sécurité pour le Liban. C'est cela qu'il faut. Seule la paix peut le donner d'une façon définitive.

Q. : Avez-vous le sentiment, ce soir, que la France a tenu sa place sur la scène internationale ?

R. : Je crois que nous avons joué très franchement un grand rôle. Le Président de la République m'avait demandé de venir ici avec mon équipe. Nous avons fait, je crois, du travail utile. D'abord nous étions les premiers à arriver sur place il y a dix jours et pour tout vous dire, dans une certaine atmosphère d'indifférence de la communauté internationale. Peu à peu, nous avons réussi à mobiliser les uns et les autres et les Américains nous ont rejoints.

Q. : Monsieur le ministre, c'est vrai que notre diplomatie, il faut le dire, a indisposé nos amis américains. Elle a indisposé d'autres partenaires. Est-ce qu'on peut parler, ce soir, d'une véritable émergence de la nouvelle politique proche-orientale que veut promouvoir Jacques Chirac ?

R. : Je l'espère ! C'était le sens même de ce que nous avons fait. Nous avons avec le Liban des liens très profonds. Ils ont neuf siècles. Nous avons avec Israël une amitié très enracinée à laquelle nous tenons beaucoup. Deux amis qui avaient des problèmes. Il était normal que nous venions pour essayer de continuer à les résoudre. Eh bien, la France a, en effet, de ce point de vue, réussi ce défi. Vous parliez de l'humeur de tel ou tel de nos partenaires. N'attachez pas trop d'importance à tout cela qui est très secondaire. La France a avec les États-Unis des rapports très anciens, très profonds, qu'elle a naturellement l'intention naturellement de maintenir et de développer.

Q. : Monsieur le ministre, pour la première fois à ma connaissance, la Syrie s'implique formellement dans cet accord. Alors, est-ce pour vous vraiment la prochaine étape vers le processus de paix, c'est-à-dire avec ce dont vous parliez, retrait israélien et syrien du Sud-Liban et retrait israélien du Golan ?

R. : Oui, je crois et je l'espère parce que seule la paix définitive entre Israël d'un côté, le Liban et la Syrie de l'autre, est capable de résoudre le problème et d'achever l'ensemble du processus de paix qui a déjà permis de régler les problèmes avec l'Égypte, avec la Jordanie, avec la Palestine. Donc tout cela est fait, et maintenant il faut achever le travail et c'est urgent.

Q. : Vous êtes confronté ce soir ù la revendication du rapt des sept moines trappistes en Algérie. La France va-t-elle oui ou non négocier avec le GIA ?

R. : D'abord nous n'avons pas aujourd'hui la capacité d'affirmer avec certitude que cette revendication vient bien du GIA. Ensuite, tout ce que nous exigeons, c'est la libération de ces sept moines trappistes sains et saufs dans les meilleurs délais. Pour le reste, nous nous tenons en rapport étroit avec les autorités algériennes.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « TF1 », à Beyrouth, le 26 avril 1996

La France se réjouit très vivement qu'un accord de cessez-le-feu ait enfin pu être conclu. Nous nous réjouissons pour le Liban, nous nous réjouissons pour Israël, que cet accord permette ainsi aux populations déplacées de retourner chez elles.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « Europe 1 », à Beyrouth, le 27 avril 1996

Q. : Après seize jours de combats entre le Liban et Israël, l'opération « Raisins de la Colère » a pris fin cette nuit à 3 heures du matin. Jérusalem et le Hezbollah ont passé un accord de cessez-le-feu et il porte notamment sur la protection des civils de part et d'autre de la frontière.

La dernière roquette Katioucha tirée par le Hezbollah s'est donc abattue un peu avant 3 heures ce matin sur le nord d'Israël. Dernière roquette avant l'entrée en vigueur du cessez-le-feu accepté hier par Israël et le Hezbollah. Un accord écrit mais non signé. C'est Shimon Peres et le secrétaire américain Warren Christopher qui l'ont annoncé à Jérusalem. M. Hervé de Charette, le ministre français des affaires étrangères, n'était pas présent mais il se rend aujourd'hui en Israël. Il présentait hier soir les mesures inscrites dans l'accord du cessez-le-feu.

R. : Cet accord rompt le cercle de la violence qui avait pris une forme dramatique au cours de ces derniers quinze jours. Nous sommes heureux de constater que l'essentiel des propositions que nous avions faites le 17 avril dernier se retrouvent dans l'arrangement final. C'est un texte écrit, comme nous l'avions suggéré. C'est surtout un arrangement qui garantit la protection des populations civiles de part et d'autre de la frontière contre toute action violente ou contre toute opération militaire. La création du groupe de surveillance auquel la France participera, devrait garantir la mise en oeuvre des engagements pris. Ce mécanisme me paraît fondamental. Et la France qui l'avait proposé y participera pleinement.

Enfin, ce texte préserve les principes de l'indépendance et de l'intégrité territoriale du Liban auxquels la France est tout particulièrement attachée.


Entretien du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, avec « LBCI », à Beyrouth, le 26 avril 1996

Q. : Le 15 avril, trois jours après le déclenchement des opérations israéliennes au Liban, Hervé de Charette, ministre français des affaires étrangères, a débarqué au Proche-Orient pour une mission qui s'avère difficile, délicate et longue. Dès son arrivée, il a clairement exprimé la détermination de la France et en particulier du Président Jacques Chirac, d'aboutir à une solution. Cette phrase qu'il a prononcée, les Libanais ne sont pas prêts de l'oublier : « Je ne partirai pas avant qu'il n'y ait un cessez-le-feu et un accord ».

Vous avez tenu parole, Monsieur le ministre, ce soir, c'est beaucoup à cause de votre ténacité que la communauté internationale a bougé, en particulier les États-Unis. Un cessez-le-feu vient d'être proclamé et entrera en vigueur à 4 heures du matin.

L'annonce se fait simultanément à Beyrouth, Tel-Aviv, Paris et Washington. Est-ce que ce n'est pas significatif que vous-même aux côtés du Premier ministre Hariri à Beyrouth et le secrétaire d'État américain Warren Christopher à Tel-Aviv avec le Premier ministre Shimon Peres, fassiez cette annonce de cette manière ?

R. Il ne faut pas le prendre en terme de position. C'est vrai que la France a toujours eu son coeur très proche du Liban et en l'occurrence c'était le Liban qui subissait l'épreuve principale. Il était donc normal que je revienne ici pour dire aux Libanais combien la France était heureuse que cette épreuve soit terminée. Mais on ne peut pas parvenir à la paix si on ne s'entend pas avec les autres. Et la France est aussi, il faut que je vous le dise, très sincèrement et très franchement, elle est aussi l'amie d'Israël. Et ce qui nous a rendu malheureux, c'est que deux amis étaient en conflit et que nous voulions essayer de restaurer la paix entre ces deux amis : les Libanais, avec lesquels nous sommes liés par neuf siècles d'histoire, et Israël qui est aussi un pays ami de la France de longue date. Mais ce qui était important en effet c'était d'être avec nos amis libanais dont j'ai partagé, pendant ces quinze jours, les épreuves. Je peux vous dire que pas un seul instant ne m'a quitté l'image de ces épreuves que j'ai vues, que j'ai vécues, auxquelles j'ai, à ma façon, participé, et que tout notre effort et le sens même de la décision du Président de la République, c'était de tenir la promesse qu'il était venu annoncer ici même à Beyrouth, il y a trois semaines. Nous n'attendions pas la crise, nous ne l'avions pas prévue, mais ayant parlé de notre amitié commune, il y a trois semaines, le Président de la République a pensé, à juste titre, qu'il fallait que nous tenions notre parole. Eh bien c'est fait. J'en suis bien heureux pour vous.

Q. : La diplomatie française vient d'enregistrer une victoire notoire lorsqu'on avait beaucoup parlé d'une solution américaine qui serait peut-être d'inspiration française ou même d'une solution panachée. Et en fait, c'est comme vous l'avez dit tout à l'heure, l'essentiel des propositions françaises du 17 avril qui ont été retenues. Si on vous avait écouté alors, on aurait épargné beaucoup de vies ?

R. : Franchement, je crois que oui. Je suis fier pour la France, mais je reste très modeste. Après avoir écouté les uns et les autres, après m'être rendu au Liban, après avoir écouté les Présidents du Liban notamment le Président Hariri, mais aussi le Président Nabih Berri, le Président Hraoui, après être allé en Syrie, en Israël, nous avions à peu près, me semble-t-il compris quelle était la solution possible. Et c'est donc à cela que nous avions aussi travaillé. Il est vrai que lorsque nous sommes arrivés, c'était le 15 avril, si je me souviens bien, c'est déjà loin, nous étions un peu seuls à parler de la fin des conflits. Et il a fallu plusieurs jours pour réussir à mobiliser la communauté internationale. Le Président Chirac l'a fait à Moscou à l'occasion de la réunion de ce qu'on appelle le G7, les plus grands pays du monde réunis. C'est le Président Chirac qui a dit qu'il faut s'occuper de cette crise et chercher à la résoudre. C'est comme cela que peu à peu nous avons travaillé. Mais il ne faut pas opposer les États-Unis et la France. Nous sommes des pays de longue tradition commune. Nous avons travaillé chacun à sa manière, c'est vrai. Mais nous avons travaillé ensemble. Peut-être qu'au début les Américains avaient l'idée de tout diriger eux-mêmes. Je ne leur en veux pas. Ils avaient des habitudes. Mais finalement on a agi chacun avec ses capacités, chacun avec son savoir-faire – celui de la France est grand – à faire en sorte que nous sortions de cette crise. C'est fait tant mieux.

Q. : Je crois que, pour pouvoir réussir ce que vous avez appelé une « médiation » – c'est plutôt un effort général de conciliation – il faut parler avec tout le monde. Si vous décidez à l'avance qu'il y a certains partenaires auxquels vous refusez de parler, vous ne pouvez pas résoudre les problèmes. Et il est vrai que la France a des amitiés. Je parlais tout à l'heure de nos amitiés profondes avec le Liban, de nos liens avec Israël, mais en même temps, nous avons des liens très anciens et très étroits avec la Syrie et c'est vrai nous avons parlé à d'autres. J'ai reçu à deux reprises M. Velayati, le ministre iranien des affaires étrangères. Je l'ai reçu d'une façon très normale pour lui dire clairement qu'il nous paraissait important que l'Iran utilise les moyens de pression dont il dispose pour convaincre les groupes armés au Liban de contribuer à la solution à laquelle nous sommes parvenus.

R. : L'Iran ne fait pas partie du comité de surveillance et dans l'arrangement actuel, à cause du Hezbollah d'une manière expresse ?

Q. : Non. Ce sont les groupes armés, quels qu'ils soient d'ailleurs, c'est mieux ainsi. Il ne faut pas que cette règle soit réservée à un mouvement ou à un autre, mais qu'elle s'applique à tout mouvement quel qu'il soit. L'Iran ne fait pas partie du comité établi pour la surveillance de cet accord car c'est vrai qu'il y avait un problème de surveillance. Pourquoi est-ce que nous avons eu la crise que vous connaissez ? C'est parce qu'il y a eu violation des arrangements précédents. Ce n'était pas des arrangements écrits, mais de arrangements oraux qui ont été violés par les uns, violations suivies d'une réplique des autres, d'une riposte des premiers, et c'est comme cela que vous avez une escalade de la violence qui dégénère et qui devient ce que nous avons vécu. Il faut donc empêcher cela. Il faut passer d'une logique d'escalade à une logique de désescalade. Et c'est à quoi servira le comité qui a été constitué, comité de surveillance comprenant cinq pays, naturellement le Liban et Israël, mais aussi la Syrie, les États-Unis et la France. Et ces cinq pays auront pour tâche de se réunir avec des représentants qualifiés pour traiter tout cas de violation. Autrement dit, si demain il y a une règle qui n'a pas été respectée, par exemple un tir de katioucha contre le territoire israélien – c'est très expressément ce qu'interdit l'accord – eh bien, si demain cela se produit, au lieu de riposter pour se venger, la partie concernée, c'est-à-dire Israël ou le Liban s'adressera à ce comité, et c'est à lui de faire enquête et de prendre toutes décisions qui lui paraîtront nécessaires pour que cela ne se reproduise pas. Donc ce sont des moyens pratiques, concrets qui doivent assurer, c'est cela l'essentiel de cet arrangement, la tranquillité, la sérénité, la sécurité des populations civiles. Mais ce que je voudrais dire à ce micro, c'est que le plus important maintenant pour les familles qui ont été chassées de leurs maisons, qui ont dû quitter leur village, ou leur ville, c'est de leur dire « vous pouvez rentrer chez vous ».

Q. : Mais les mécanismes de garanties sur le terrain n'ont pas encore été mis au point ?

R. : Non.

Q. : Il peut y avoir des lenteurs dans la réaction du comité de surveillance ?

R. : Oui.

Q. : Quelle garantie pour les populations civiles ?

R. : Je crois qu'il y a une volonté politique généralisée de faire en sorte que la tension se réduise et en même temps une autre volonté politique très importante, c'est que le processus de paix reprenne aussi rapidement que possible. Et donc, nous avons là, je dirais, un dispositif. Cet arrangement doit nous conduire dans les mois qui viennent à une reprise des négociations et, j'espère, à cette paix à laquelle les familles aspirent et qui permettra au Liban, puisque nous parlons du Liban, de pouvoir se développer et poursuivre sa route. Le Liban fait un travail formidable de reconstruction et s'il y avait quelque chose de désolant, d'épouvantable dans cette période, c'était de voir bombardés, détruits, saccagés des travaux de reconstruction qui avaient été réalisés au cours des dernières années. Si le Président de la République, Jacques Chirac, a décidé de reconstruire les deux centrales électriques de Beyrouth qui ont été bombardées, c'est parce que c'était insupportable de voir que cet effort si difficile, si courageux, si remarquable du Liban, pouvait être anéanti en quelques minutes.

Q. : C'est pour cela que de nombreux analystes et observateurs ont vu que la guerre d'Israël était essentiellement une guerre économique. Mais, Monsieur le ministre, je voudrais vous demander, les propositions françaises avaient pour pivot essentiellement, semble-t-il, de préserver les populations civiles et également le droit à la résistance contre l'occupation israélienne au Liban-sud. Alors comment est-il possible de concilier ces deux impératifs ?

R. : Les autorités libanaises ont toujours dit qu'elles considéraient que tant que le sud du Liban ne serait pas libéré, tant que la souveraineté libanaise ne serait pas assurée sur l'ensemble du territoire, elles ne pouvaient pas et elles ne s'opposeraient pas à ces actes dont vous parlez. Je crois qu'il faut respecter cela. Mais il faut surtout avoir dans l'idée que l'important est le processus de paix qui doit permettre de régler durablement le retour de la pleine souveraineté du peuple libanais sur son territoire. Nous assistons pour l'instant autour du Président Hariri à un effort formidable de restauration et de reconstruction du Liban, mais pas simplement la reconstruction matérielle qui est pourtant admirable – on voit des grues partout à Beyrouth, on voit des chantiers partout qui sont très encourageants – mais aussi la reconstruction de l'État libanais, qui en a bien besoin, la restauration de la fierté libanaise et de l'unité nationale. C'est tout cela que j'ai vu pendant ces quinze jours et qui a permis de souder les populations autour de leurs autorités. Cela a été un élément très important, peut-être décisif de la cohésion libanaise qui s'est affirmée de façon forte, remarquable, ù un moment de crise, il n'y a rien de tel pour forger les nations.

Q. : Le Président Chirac affirmait hier encore que la France est disposée à participer à une force sur le terrain. Y aura-t-il une force internationale ou bien l'armée libanaise ?

R. : La proposition française ne concerne pas l'arrangement que nous venons de conclure à la suite de cette crise, et d'ailleurs il n'y a pas eu de décision prise dans ce sens. Non, ce que nous avons dit, c'est que dans le cadre du processus de paix, l'armée israélienne va se retirer du sud-Liban, c'est l'objectif même des négociations. En même temps du côté israélien on nous dit « oui, mais nous voudrions être sûrs que nous serons en sécurité et que cette frontière sera une frontière de paix, et non pas une frontière d'affrontements ». Et nous avons dit que s'il y a des problèmes, si les parties le souhaitent, c'est-à-dire si votre pays le souhaite, condition sine qua non naturellement, nous serions prêts à apporter notre contribution avec des troupes françaises à une éventuelle force internationale. Et vous voyez, tout ceci se passe dans le cadre du processus de paix et s'il y a une demande des parties, c'est encore tôt pour en juger. Mais cette offre française, cette offre du Président de la République est sur la table et quand on voudra, elle sera disponible.

Q. : Monsieur le ministre, vous avez rencontré énormément de difficultés durant votre mission. On a vraiment eu l'impression que cette mission dérangeait. Le Premier ministre Shimon Peres, d'ailleurs, a marqué nettement son hostilité au début de votre médiation. On a eu l'impression que les Américains voulaient garder quand même leur seule initiative sur le terrain. On parlait d'un seul canal diplomatique, le canal américain. Est-ce parce que la France est considérée comme trop soucieuse des intérêts du Liban ? Est-ce parce que la France a un dialogue critique avec l'Iran qui ne plaît pas beaucoup aux États-Unis ? Est-ce parce qu'Israël se méfie des amitiés arabes de la France ou parce que le Proche-Orient, globalement, est considéré comme une chasse gardée américaine ?

R. : C'est peut-être plus vrai sur ce dernier point parce que la France est l'amie de tous. Nous n'avons pas d'ennemis dans la région. Je vous l'ai dit tout à l'heure, très franchement, nous sommes des amis très anciens du Liban. Neuf siècles, c'est beaucoup. Cela crée des liens formidables, et d'ailleurs vous me parlez en français, c'est un des signes qui sont très forts entre nous. Nous sommes aussi des amis d'Israël, et nous y tenons. Et donc, nous n'avons pas d'adversaires, nous n'avons pas d'ennemis. Cela a été de temps en temps un peu difficile, mais il n'y a de bonne négociation qui ne soit pas à un moment un peu compliquée et un peu tendue. Il ne faut pas aggraver ou grossir les choses. Ce n'est pas très important. J'ai de très bonnes relations avec Warren Christopher que je connais très bien et pour lequel j'ai beaucoup de considération et d'amitié. La France est liée aux États-Unis par une alliance, une amitié qui remonte à la fondation des États-Unis, et nous avons l'intention d'être durablement les partenaires des Américains. Mais il est vrai que nous sommes liés au monde méditerranéen parce que nous en faisons partie, et celui qui s'imaginerait qu'on peut bâtir la Méditerranée de demain sans la France se tromperait complètement. Nous avons l'intention de le faire avec disponibilité, avec ouverture. Nous sommes dans cette attitude, non pas contre qui que ce soit, mais pour tous ceux qui veulent s'intéresser au développement de la Méditerranée, une mer où se sont croisées les plus grandes civilisations du monde, qui a connu aussi beaucoup de conflits et qui en connaît encore, et pour laquelle nous voudrions que les vingt années qui sont devant nous soient vingt années où nous allons organiser ensemble notre sécurité, notre développement économique, pour que tous et toutes aient le même accès à la prospérité. Nous allons organiser ensemble notre vie culturelle parce que nous sommes autour de la Méditerranée quelques-unes des plus grandes civilisations du monde et des plus grandes religions, eh bien il faut que les uns et les autres apprennent à mieux se connaître et à s'aimer.

Q. : Peut-on dire, Monsieur le ministre, avec la réussite de votre mission, que la France opère un « come-back » au Proche-Orient et donc aura son mot à dire dans les négociations de paix à venir ?

R. : Bien sûr. Quand Reagan était candidat à la présidence des États-Unis, il avait un slogan : America is back. Eh bien, nous nous en avons un : la France est de retour.

Q. : Bienvenue alors. La Grande-Bretagne et l'Allemagne ont accueilli avec beaucoup de réserve l'initiative française, croyez-vous que vos relations inter-européennes en seront affectées ?

R. : Non pas du tout. D'abord l'Allemagne n'a dit que des choses aimables. Il y a eu quelques déclarations auxquelles vous faites allusion, je n'ai pas l'habitude de nier les choses quand elles existent. Mais ce qui compte c'est que les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne se soient réunis lundi dernier. Je n'étais pas là, mais j'ai envoyé un de mes ministres délégués, M. Barnier. L'Union européenne a délibéré, elle a adopté à l'unanimité notre résolution. Cette résolution, pour l'essentiel, soutenait les efforts de la France. Vous savez, en Europe, il ne faut pas prendre les choses au premier degré, la première déclaration qui arrive. Quand le Moyen-Orient aura découvert qu'il peut devenir un grand marché, une grande aventure commune, il vivra ce que nous vivons, c'est-à-dire que l'Europe, c'est compliqué au jour le jour, mais c'est essentiel pour nous, comme ligne de long terme. Je suis un Européen convaincu et je ne doute pas que nos collègues européens comprennent aussi cela. C'est-à-dire que, nous les français, et vous les Libanais, nous avons ensemble des relations inimitables qui n'existent presque nulle part ailleurs, et que naturellement, quand vous avez un problème, notre démarche doit être de venir vous aider. C'est ce que nous avons fait et personne ne nous en a fait le reproche.


Déclaration à la presse du ministre des affaires étrangères, M. Hervé de Charette, à Damas, le 26 avril 1996

Les négociations entre les parties avec le concours des États-Unis et la France doivent désormais être considérés comme étant pratiquement achevées. Il appartient maintenant à chacun d'assumer ses responsabilités. Les compromis en cours paraissent équitables et devraient répondre aux préoccupations légitimes de chacune des parties.

La France presse donc celles-ci de conclure sans tarder la négociation afin que cessent les souffrances des populations meurtries.