Texte intégral
P. Lapousterle : Comment vivez-vous les critiques parfois acerbes, régulières en tout cas, des membres du RPR contre le gouvernement ?
F. Borotra : D'abord, je ne crois pas que les critiques contre le gouvernement viennent spécialement du RPR.
P. Lapousterle : Mais il y a des gens du RPR qui s'y adonnent.
F. Borotra : C’est vrai. Je pense que la majorité a mieux à faire que de passer son temps à distiller des petites phrases qui se veulent assassines mais qui, en réalité, n'ont pour but que d'essayer de permettre le positionnement politique de ceux qui les prononcent. Le gouvernement est aujourd'hui engagé dans une politique profonde de réforme. Le moment n'est pas venu de tirer le bilan, il y a dix mois que le gouvernement est engagé. Aujourd'hui, ce qui compte, c'est justement la persévérance dans le sens des réformes.
P. Lapousterle : M. JUPPÉ, le Premier ministre, a-t-il eu raison de sanctionner M. AUBERGER ?
F. Borotra : D'abord, je crois que c'est le secrétaire général du RPR qui l'a sanctionné. Être dirigeant d'un parti politique, ce n'est pas chose très facile. D'un côté, il faut respecter la liberté d'expression d'un parlementaire qui, à l'évidence, n'a pas de mandat impératif à recevoir ; de l'autre côté, il faut faire respecter la discipline et la solidarité liées à l'appartenance à une équipe. Si on veut être totalement libre d'expression, on ne prend pas de responsabilités au niveau d'un parti politique. Il est nécessaire qu'effectivement le message ne soit pas brouillé quand on est engagé dans l'action par l'attitude ou par les interventions de personnes qui mélangent à la fois leurs responsabilités politiques et leur volonté de liberté d'expression.
P. Lapousterle : O. LARCHER, sénateur RPR, s'impatiente au sujet de la réforme de France Télécom. Il parle d'angoisse des agents et de « dilapidation de nos chances si l'on continue d'attendre ».
F. Borotra : Je crois d'abord que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Le gouvernement est engagé dans la nécessité d'une réforme de la réglementation du marché des télécommunications. C'est pour avril. Il y a un projet de loi qui s’est déposé. Il appartient au gouvernement, d'abord, d'organiser le marché. Ensuite, c'est vrai que se pose le problème des chances données à France Télécom de rester non seulement l'opérateur public sur le marché français - puisque telle est la volonté du gouvernement -, mais d'avoir les atouts pour faire face à la concurrence dans Je monde. Ce que je crois, c'est qu'il est nécessaire d'en parler. Rien ne peut se faire contre le personnel, contre l'encadrement, contre la direction.
P. Lapousterle : Même si on prend du retard ?
F. Borotra : Quel retard ! Encore une fois, il y a plusieurs années qu'on parle de ça. La première étape, c'est de définir les règles de fonctionnement de la concurrence sur le marché des télécoms. C’est en train de se faire. Ensuite, c'est d'adapter cette entreprise pour lui permettre d'avoir les atouts de rester un opérateur compétitif au plan mondial. Il en faut pas douter que le gouvernement le fera le moment venu.
P. Lapousterle : Ensuite, ça veut dire combien de temps ?
F. Borotra : Quand ça sera possible. Il faut en discuter tranquillement, expliquer non seulement au personnel, aux acteurs économiques, à l'opinion quel est l'enjeu de cette réforme, des télécommunications. Il faut convaincre le personnel de la nécessité manifeste de faire évoluer probablement les structures de l'entreprise pour lui permettre de pouvoir affronter de plain-pied la concurrence.
P. Lapousterle : Ça peut attendre plus que la fin 97 ou ça doit être fait avant ?
F. Borotra : Disons qu'il faut que l'ensemble du dispositif soit en place au moment de l'ouverture du marché, c'est-à-dire au 1er janvier 98.
P. Lapousterle : On entend tout et son contraire concernant la marche des affaires. Que peut-on raisonnablement attendre de la conjoncture pour 1996 ?
F. Borotra : C'est vrai que ce n'est pas très facile de s'y retrouver dans les perspectives de la conjoncture. Personnellement, je reste cependant optimiste. Depuis le début de l'année, on a vu apparaître un certain nombre de signes qui orientent plutôt bien la conjoncture. C'est vrai de la consommation - on l'a vu en particulier avec une forte reprise des ventes d'automobiles. C'est vrai de l'investissement et, en tout cas, des prévisions d'investissement pour les entreprises. Et c'est vrai aussi pour une certaine reprise dans le secteur industriel. Or quand on connaît la part que le secteur industriel prend en particulier au travers des exportations, je crois pouvoir espérer fortement un rebond de la croissance dans les semaines et dans les mois qui viennent.
P. Lapousterle : Avec un peu d'emplois à la clé ?
F. Borotra : Oui, avec un peu d'emplois à la clé. J'ajoute que les mesures que le gouvernement a prises, dans un premier temps en direction des entreprises, dans un deuxième temps en direction de la consommation, vont petit à petit donner leur plein effet. Pour le moment, il y a un certain nombre de ces mesures qui ont été annoncées mais qui ne sont pas entrées en application. Parce qu'il fallait une loi du Parlement ou parce qu'il fallait un certain nombre de textes qui ne sont pas pris. Donc je crois que la conjonction de ces éléments, plus les éléments de reprise qu'on voit apparaître, devrait permettre un rebond de la croissance et, par conséquent, une reprise de la création d'emplois. Je rappelle qu'un point de croissance, c'est 100 000 emplois. À moins de 2 % de croissance, il n'y a pas de diminution du chômage à cause de l'arrivée des jeunes sur le marché du travail. Par conséquent, il faut une croissance supérieure à 2 % pour commencer de manière raisonnable à résorber l'emploi. J'ajoute quand même que le gouvernement a pris des initiatives d'abord en direction des chômeurs de longue durée, avec la création du CIE qui est une réussite, et ensuite avec des mesures concernant l'embauche des jeunes qui est l'une des priorités pour les semaines et les mois à venir.
P. Lapousterle : C'est une réussite mitigée.
F. Borotra : 150 000, je ne sais pas si c'est une réussite mitigée. En tout cas, c'est mieux que œ qui se passait avant.
P. Lapousterle : Le Président de la République a eu des mots assez durs pour les banques. Pensez-vous également que les banques devraient s'engager un peu plus ou autrement !
F. Borotra : Le problème, c'est d'abord le problème des taux d'intérêt. C'est vrai qu'on vient d'assister une nouvelle fois à une baisse...
P. Lapousterle : Homéopathique.
F. Borotra : Homéopathique mais vous savez que les taux au jour le jour sont encadrés entre le taux d'appel d'offre - aujourd'hui à 3,80, c'est homéopathique mais c'est le niveau le plus bas qu’on ait connu depuis très longtemps - et le taux des prises en pension qui est à 5,5 %. Donc le vrai problème, c'est les taux réels qui sont appliqués à la consommation et à l'investissement. Tant que les taux restent substantiellement supérieurs au niveau moyen du rendement de l'investissement industriel, c'est vrai qu'il y a une réticence de la part des entrepreneurs à investir. Il faut donc baisser de manière significative les taux réels, nets d'inflation, qui sont opposables à l'investissement industriel. Le vrai problème, c'est que le secteur bancaire est dans une situation difficile parce qu'il a accumulé, c'est vrai, un certain nombre d'échecs dans le domaine immobilier, dans le domaine de l'investissement industriel. Il a un coût relativement élevé qui fait qu'aujourd'hui, les taux d'accès restent trop importants.