Articles de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte Ouvrière" des 2, 9, 16, 23 et 30 mai 1997, sur les élections législatives de 1997, les programmes des partis de gauche sur l'emploi et les priorités de Lutte ouvrière.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections législatives les 25 mai et 1er juin 1997

Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

Lutte ouvrière : 2 mai 1997
Un seul remède contre le chômage
Prendre sur les profits du grand patronat et des banques

En avançant les élections d'un an, le calcul électoraliste des dirigeants de la droite est simple : quatre ans au pouvoir les ont déjà pas mal déconsidérés, cinq ans les déconsidéreraient encore plus. Alors, pour eux, le risque est moindre maintenant. S'ils perdent des députés, ils ne perdront pas forcément la majorité et ils seront tranquilles pour cinq ans au lieu d'être dans l'angoisse pendant encore un an.

Mais les seules solutions radicales aux problèmes des travailleurs, le chômage en tête, ne seront pas plus abordées dans cette campagne électorale que dans les précédentes par les dirigeants des grands partis. Par ceux de la droite, c'est évident. Mais par ceux de la gauche non plus. Lionel Jospin protégerait-il les travailleurs de l'aggravation du chômage ? Non, bien sûr. Là-dessus, son programme ressemble à celui de Juppé.

Ces dernières années, ce que les gouvernements successifs ont appelé des subventions pour l'emploi a représenté plusieurs centaines de milliards de francs par an, qui n'ont pas empêché le chômage de monter d'année en année.

Pourquoi ? Parce qu'aucun gouvernement, de droite ou de gauche, ne s'en est pris à ceux à qui la crise profite, les financiers, les spéculateurs, le grand patronat. D'ailleurs, comment certains de ces hommes, qui ont fait financer leur élection par de grands groupes industriels, pourraient-ils s'en prendre à eux ?

Ni Le Pen, ni Juppé, bien sûr, mais Lionel Jospin non plus, ne disent qu'ils supprimeront toutes les subventions, qu'ils rétabliront l'impôt sur les bénéfices des entreprises au niveau où il était antérieurement, qu’ils rétabliront les tranches supérieures de l’impôt sur les revenus, diminuées par les socialistes puis par la droite.

Surtout, aucun d'eux, et Robert Hue non plus, ne menace le patronat de réquisitionner sans indemnité ni dédommagement toutes les entreprises faisant des bénéfices qui ont le cynisme de prévoir des licenciements. Car les entreprises doivent servir à la collectivité, et pas seulement à produire des bénéfices pour une minorité !

Aucun de ces hommes-là ne propose de modifier la législation sur le secret commercial, sur le secret bancaire, afin de permettre à toute la collectivité, travailleurs, consommateurs, d'avoir accès à la comptabilité des grandes entreprises, aux comptes en banque de leurs dirigeants et de leurs actionnaires. On verrait alors au profit de qui ces gens-là décident de fermer une usine en ruinant toute une ville, voire une région, et en réduisant à la misère des milliers de familles.

Aucun de ces hommes-là ne nous dit que c'est là qu'il faut prendre l'argent pour financer directement des emplois nécessaires à tous, dans les hôpitaux, dans les écoles, dans l'amélioration des transports en commun, dans la construction de logements populaires, dans l'amélioration du cadre de vie des banlieues. Ce qui résorberait plus efficacement le chômage.

Aucun des hommes à la tête de ces grands partis ne dit cela, parce que, de droite ou de gauche, ils ne veulent pas toucher aux bénéfices et aux profits de la grande bourgeoisie. Alors ils ne réduiront pas le chômage et n'arrêteront pas la baisse du niveau de vie des travailleurs.

C'est pourquoi, dans un peu plus de la moitié des circonscriptions du pays, il y aura des candidates et des candidats de Lutte ouvrière pour défendre un tel programme pour les travailleurs.

Un million et demi, plus de 5 % des électeurs, ont, au travers de ma candidature lors des élections présidentielles, voté pour un tel programme. Cela n'a pas été un nombre de voix suffisant pour avoir une réelle influence sur les événements. Si, le 25 mai, les électeurs, les travailleurs qui voteront pour les candidats de Lutte ouvrière et ce programme, étaient encore plus nombreux, cela ne changerait pas le gouvernement, bien sûr, mais cela montrerait tous les hommes politiques que les travailleurs sont de moins en moins prêts à se laisser faire.


Lutte ouvrière : 9 mai 1997
Pour changer les choses

Alain Juppé prétend que c'est pour diminuer le chômage qu'il veut « diminuer le coût du travail ».

Mais diminuer le coût du travail, cela fait 15 ans que tous les gouvernements, de gauche ou de droite, l'ont fait.

Ils ont diminué les charges sociales patronales, réduit les impôts sur les bénéfices, donné des subventions pour des emplois inexistants.

Et, sous la pression du chômage, le coût du travail a bien plus baissé encore. Quand on perd son emploi, si on en retrouve un il sera moins bien payé. Le jeune qui réussit à débuter est moins payé qu'il ne l'aurait été avant. Et malgré cette baisse du coût du travail, le chômage n'a pas cessé d'augmenter. Alain Juppé dit aussi, de façon méprisante, que l'État ne pourrait créer que des emplois de fonctionnaires. Mais les fonctionnaires ne sont pas Mme Tibéri, l’épouse du maire de Paris, payée pour un travail inexistant !

Est-ce que les infirmières, les aides-soignantes ne font rien ? Est-ce que les conducteurs d'autobus, de tramway, de métro ou de train ne font rien ?

Est-ce que les instituteurs ne servent à rien ? Est-ce que les ouvriers du bâtiment, qui pourraient construire des milliers de logements populaires si l'État ne distribuait pas son argent en pure perte aux patrons, seraient des inutiles ?

Malheureusement, en face, du côté de l'opposition, Lionel Jospin nous déclare sans rire que contre le chômage – 3 millions de chômeurs rappelons-le, plus 2 millions d'emplois précaires – il ferait embaucher par l'État 350 000 jeunes, en un délai non précisé, et inciterait le patronat à en embaucher 350 000 autres par des aides financières de la part de l'État mieux adaptées, dit-il, que celles d'aujourd'hui.

Autrement dit, Lionel Jospin nous promet de vider un océan de misère avec un dé à coudre et de continuer à offrir des aides au patronat en comptant sur son bon vouloir, comme l'ont fait tous ses prédécesseurs.

Tous ces gens-là ne feront rien contre le chômage. Car il n'y a rien à faire contre le chômage si on ne s'en prend pas aux bénéfices que les grandes entreprises affichent en même temps qu'elles annoncent des suppressions d'emplois.

Les valeurs boursières ont augmenté de plus de 25 % l'année dernière et le mouvement s'est encore accéléré puisque, au premier trimestre de cette année, elles ont encore augmenté de 15 %.

Tout gouvernement, qui ne s'attaquera pas au mur d'argent, fera supporter aux classes populaires cette catastrophe sociale qu'est le chômage.

Rien qu'avec la moitié des profits patronaux réalisés chaque année, on pourrait offrir un salaire décent à tous les chômeurs totaux ou partiels du pays et on pourrait répartir le travail entre toutes les têtes et les bras disponibles pour effectuer des tâches utiles à la collectivité car ce ne sont pas les besoins à satisfaire qui manquent.

Ce sont les travailleurs, les classes populaires qui supportent l'essentiel des sacrifices que la crise provoque. Mais on peut faire payer au patronat, aux possédants, leur part de sacrifices. Ni le tandem Chirac-Juppé ni Lionel Jospin, soutenu ou pas par le Parti communiste, ne le feront. Car ils sont tous au service du patronat.

C'est pour que ces choses-là soient dites dans cette campagne que Lutte ouvrière présente quelques centaines de candidates et de candidats, tous travailleuses ou travailleurs. Je souhaite que tous ceux qui ont voté pour ma candidature à la présidentielle renouvellent le 25 mai leur geste en faveur de tous nos candidats et que bien d'autres électeurs en fassent autant.


Lutte ouvrière : 16 mai 1997
Un vote utile

Dans dix jours nous seront appelés à voter et dans moins de trois semaines nous saurons à quelle sauce nous serons mangés pour les cinq ans à venir. Il n’y a que la couleur de la sauce qui changera.

Si l’actuelle majorité de droite est confirmée, il n’y a pas de raison qu’elle ne mène pas la même politique que celle qu’elle a menée depuis quatre ans.

Si ce sont les socialistes qui l’emportent, que verrons-nous changer dans notre situation ? Quels bons souvenirs avons-nous gardés de Mauroy, Rocard, Jospin ? Guère ! Le chômage a augmenté, les cotisations des salariés aussi, les prestations sociales ont diminué. Les impôts du patronat ont baissé tandis que ceux des travailleurs augmentaient sous un nom nouveau, la CSG. Pourquoi feraient-ils plus pour nous aujourd’hui ?

D’ailleurs le programme du Parti socialiste ne le promet même pas. La seule chose qu’il promet, c’est de faire embaucher par l’État et les collectivités publiques 350 000 jeunes. Pour le reste, créations d’autres emplois pour les jeunes, 35 heures sans diminution de salaire, augmentation du SMIC, ce sera par des négociations avec le patronat. C’est-à-dire que le patronat pourra, comme aujourd’hui, dire « NON » à tout.

Voyez Renault qui a été condamné par le tribunal de Versailles pour la fermeture de Vilvorde. Le chef du personnel, interrogé par la presse qui lui demandait si l’usine fermerait quand même le 31 juillet, a simplement répondu : nous ferons tout ce à quoi la loi nous oblige – sous-entendu discuter avec les syndicats – mais cela ne modifiera pas le calendrier.

Voilà la limite des lois actuelles qu’évidemment Lionel Jospin ne promet pas de changer : pas question d’interdire les licenciements.

Rétablir l’impôt sur les bénéfices des sociétés au niveau où il était il y a 15 ans, c’est-à-dire 50 % au lieu de 33 % aujourd’hui ? Non ! Il n’en est pas question. Pourtant, cela représente chaque année des milliards et des milliards de francs de manque à gagner pour l’État.

Rien qu’à cause de ce cadeau fait aux plus grandes sociétés – parce qu’il s’agit principalement des 500 plus grandes –, on nous fait payer par tous les bouts le déficit de l’État. On supprime des postes d’infirmières, d’enseignants, dans les transports en commun, on ne construit pas les logements sociaux qu’on devrait construire, on laisse les banlieues dépérir.

Rétablir cet impôt n’est pas dans le programme du Parti socialiste ! Ainsi, malheureusement, on ne pourra pas voter pour le parti de Lionel Jospin sans voter pour la politique de Juppé.

Le Parti communiste proteste bien un peu, mais Jospin ne cache pas que c’est sa politique qui sera appliquée et non le programme, un peu plus en faveur des travailleurs, que propose le PC.

Les dirigeants du PC le savent bien. Et cela ne les empêchera pas, si la gauche revient au pouvoir, d’accepter de gouverner sous la férule de Jospin et d’être solidaires d’un gouvernement qui prendra inévitablement des mesures anti-ouvrières.

Notre mouvement présente plusieurs centaines de candidats. Mais si la gauche avait comme programme de rétablir l’impôt sur les bénéfices à son niveau antérieur, de supprimer immédiatement tous les cadeaux dits « pour l’emploi » qui sont faits au patronat, si elle s’engageait à prendre immédiatement des mesures pour rendre publique les comptabilités des grandes sociétés, nous appellerions à voter pour une telle gauche.

Mais Jospin n’a pas l’intention, s’il vient au pouvoir, de changer le sort des travailleurs, il ne le dit même pas.

Alors, si vous voulez voter pour des candidats réellement socialistes, pour des candidats communistes, représentant réellement les travailleurs et qui n’auraient aucune solidarité avec un gouvernement qui prendrait des mesures anti-ouvrières, votez pour les candidats de Lutte ouvrière !

Demandez donc les mêmes engagements aux candidats du Parti communiste et du Parti socialiste : vous verrez qu’ils ne pourront pas tenir parole.


Lutte ouvrière : 23 mai 1997
Votez Lutte ouvrière !

Bien que les sondages la donnent gagnante, même si elle perd beaucoup de voix, la droite joue son sort dans ces élections. Si elle les perd, il n'y aura pas de quoi pleurer sur le sort des ministres ou des députés de l'actuelle majorité.

Si la droite reste au pouvoir, elle ne nous fera pas de cadeaux. Certains de ses représentants parlent de supprimer le SMIC, comme le demande le patronat, pour déréglementer complètement les salaires et aussi les horaires de travail. La droite continuera le sale boulot au service du patronat qu’elle a mené tout le temps où elle a été au pouvoir.

Mais de la gauche, et en particulier du Parti socialiste, est-ce que les travailleurs peuvent attendre mieux ?

D'abord, la gauche à la Jospin est tout aussi sensible aux pressions du patronat que la droite. Le gouvernement socialiste l'a prouvé en 1982 quand, sous la pression du patronat, il a décidé le blocage des salaires, qui est toujours en vigueur, ce qui fait que les salaires ont pris, en quinze ans, un énorme retard par rapport au coût de la vie.

Et tout laisse penser que sous la pression du patronat, un gouvernement socialiste supprimerait lui aussi le SMIC, en nous expliquant que c'est indispensable pour relancer l'économie et la création d'emplois. Tout laisse penser aussi que, sous un prétexte ou un autre, un gouvernement Jospin accepterait la flexibilité que réclament les patrons.

Dans le passé, nous avons vu bien des retournements de cette sorte de la part des gouvernements socialistes. Ce qui ne veut pas dire qu'un gouvernement de gauche ferait pire qu'un gouvernement de droite : il ferait pareil.

Le tort considérable que les gouvernements socialistes ont fait au monde du travail ne réside pas dans les mesures qu'ils ont prises et qu'un gouvernement de droite aurait prises de la même façon, mais dans le fait qu'elles ont contribué à faire croire qu'il n'y avait aucune autre solution que cette politique économique menée à la fois par la droite et par la gauche. Ils ont renforcé l'idée qu'il fallait faire passer les revenus des travailleurs, leur emploi, après la « santé des entreprises » comme ils disent. Cela a contribué à renforcer l'idée que ce n'était pas le moment de lutter pour des augmentations importantes de salaires et qu'on ne pouvait pas imposer au patronat de prendre sur ses bénéfices.

Les entreprises se portent très bien. La Bourse a monté de 26 % l'année dernière. Les bénéfices totaux sont en expansion depuis cinq ans. Contre le chômage en extension qui pèse sur les salaires et sur les revendications, le Parti socialiste a comme seul projet de créer 350 000 emplois pour les jeunes en deux ans, alors qu'il y a quatre millions de chômeurs. Même s'il tient parole, qu'est-ce que cela changera à la situation générale des travailleurs ? Rien !

Et ce que fera de pire le Parti socialiste au pouvoir, c'est d'enraciner la conviction qu'il n'y a rien d'autre à faire.

Tant que c'est la droite qui prétend cela, les travailleurs ne sont pas dupes. Quand c'est la gauche, ils sont trompés et c'est cela qui est grave. Alors il ne s'agit surtout pas d'avoir d'illusions dans la gauche.

Des solutions il y en a. Mais aucune n'est possible, en dernière analyse, sans reprendre au patronat tout ce qu'il nous a pris, depuis des années, c'est-à-dire sans imposer un autre partage des ressources.

À l'élection présidentielle, plus de la moitié des voix de Robert Hue et plus du cinquième de celles de Jospin se sont portées sur ma candidature et le programme d'urgence que j'ai défendu au nom de Lutte ouvrière. Si les candidats de Lutte ouvrière obtenaient une fraction encore plus importante des voix de la gauche, cela montrerait que l'extrême gauche existe, qu'elle peut se faire entendre. Et cela peut créer un courant d'opinion suffisant pour créer un parti véritablement au service des travailleurs qui puisse peser dans la vie de tous les jours, dans les syndicats, dans les luttes, sur la situation sociale, indépendamment des élections. Et beaucoup de voix à l'extrême gauche pourraient aussi être un contrepoids efficace face à la montée de l'extrême droite ?


Lutte ouvrière : 30 mai 1997
Les premiers ministres passent, la bourgeoisie reste

Ainsi Juppé a été jeté par-dessus bord pour tenter d’éviter le naufrage. Pourtant, par lui-même il ne pesait pas bien lourd et tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il n'a pas fait, toute sa politique, sociale et économique, on nous l'a assez dit pendant deux ans, l'étaient en parfait accord avec Chirac.

Bien entendu, ce n'est pas exceptionnel qu'un chef de gouvernement saute quand il est devenu par trop impopulaire. Les fusibles, cela sert à empêcher la maison de brûler.

Mais ce qui est assez exceptionnel et pour tout dire paniquard, c'est d'avoir fait cela entre deux tours d'une élection législative.

Voilà donc Juppé sur son radeau, en réserve de la République.

Le radeau, ou le placard comme on voudra, est cependant bien confortable puisqu'il s'agit de la mairie de Bordeaux.

Cela dit, il n'a pas fallu longtemps pour que la droite au gouvernement se déconsidère. Deux ans ont suffi à Balladur, de 1993 à 1995, pour le faire. En remportant l'élection présidentielle contre Balladur, Chirac a semblé pouvoir bénéficier d'un nouveau capital.

Mais, promesses ou pas, dans la situation actuelle même s'il l'avait voulu, il n'aurait rien pu changer au sort des masses populaires et, avant tout, au chômage. Le grand patronat tient à ses profits. Ils se renouvellent, aussi bons d'année en année, quand ils ne progressent pas. Et dans la mesure où les profits sont bons, la Bourse, elle, s'envole.

Tout cela se traduit par l'appauvrissement des masses populaires. Des impôts qui pèsent plus lourd sur elles que sur les classes riches. Des dizaines, voire des centaines de milliards qui passent des caisses de l'État vers les coffres de la bourgeoisie. Mais par contre, des restrictions pour les services publics, pour les hôpitaux, pour l'éducation nationale, pour les remboursements de soins médicaux, pour les indemnités de chômage. Et la liste est interminable.

Bien sûr, Chirac a supplié à plusieurs reprises de créer quelques emplois mais le patronat n'a aucune raison de sacrifier ses profits pour les hommes politiques de la droite.

Nous l'avions déjà écrit en 1993 quand la droite est revenue au pouvoir. Bien sûr, le grand patronat préfère avoir affaire aux hommes de la droite. Il a plus facilement le contact avec eux. Ils fréquentent les mêmes milieux, appartiennent souvent aux mêmes familles, se reçoivent mutuellement, les châteaux sont faits pour cela. Mais à condition que cela lui rapporte et que cela ne lui coûte rien. Le grand patronat sait qu'il est aussi bien servi par les hommes de la gauche. Oh, ils font parfois semblant de résister, ils font des coquetteries. Mais ils finissent toujours par céder. Alors, l'alternance, c'est fait pour calmer les masses. Quand on en a assez de la droite, il y a la gauche, toute prête à occuper le chenil. Et quand la gauche a trop déçu, la droite revient, parfois plus forte qu'elle n'était partie, comme en témoigne la montée de l'influence du Front national aujourd'hui, un parti d'extrême droite qui représente un danger mortel pour les travailleurs.

Heureusement que les principaux changements sociaux ne démarrent pas du gouvernement ou du Parlement ! Ce sont en général des bouleversements dans la société qui les provoquent, des crises sociales ou politiques extra-parlementaires ou extra-gouvernementales. Du côté de la gauche, il y a eu les grèves de juin 1936 et les événements de mai 1968. Du côté de la droite, il y a eu la crise de mai 1958, qui a provoqué le retour de De Gaulle au pouvoir.

Alors, si nous, les travailleurs, salariés, nous devons être convaincus que l'utilité des élections est de refléter les mouvements d'opinion, même de façon déformée, car les lois électorales sont là pour le faire, changer notre sort ne se fera que sur le terrain, celui des entreprises, celui des quartiers, celui des luttes sociales.

Cela, le Parti communiste, avec ses militants et bien qu'il n'ait que 10 % des voix, pourrait le faire. Nous-mêmes, qui obtenons le tiers de ses voix mais qui avons infiniment moins de militants et de sympathisants car nous sommes d'apparition bien plus récente, nous pouvons au moins le tenter, avec l'aide de tous ceux qui, en votant pour nos candidats, ont voté pour les idées qu'ils défendaient.