Texte intégral
Q. : Existe-t-il une politique francophone à l'égard du monde arabe ? Si oui, comment la définissez-vous ?
R. : La France bénéficie traditionnellement d'une image forte et positive dans le monde arabe, à la mesure de l'importance que notre pays attache lui-même à la civilisation et aux valeurs de l'islam. Les anciennes traditions francophones et francophiles sont toujours très vivantes. Je le constate à chacun de mes voyages. Je songe notamment à l'Égypte, au Maroc ou à la Tunisie, qui, quelle que soit la place relative qu'y occupe « quantitativement » la langue française, témoignent de leur attachement à la communauté des États ayant le français en partage.
Dans un monde menacé par l'uniformisation, la francophonie apporte à la France comme aux pays arabes la possibilité d'échapper à un modèle culturel hégémonique. La francophonie est soucieuse des identités de chacun et respectueuse des cultures de tous. Elle est fondée sur l'échange et la réciprocité, et permet aux différentes cultures nationales d'être mieux connues et valorisées à l'extérieur tout en s'enrichissant l'une l'autre.
Q. : Dans les pays traditionnellement francophones, en particulier le Liban et la Syrie, comptez-vous intensifier votre présence ? Dans quels domaines et par quels moyens précisément ?
R. : Le Liban et la Syrie possèdent une longue tradition francophone. C'est un héritage que nous lèguent l'histoire et l'amitié. Au Liban, véritable terre d'élection de la francophonie au Moyen-Orient, plus de la moitié de la population comprend le français, et un nombre considérable d'enfants l'étudient.
La France maintiendra son engagement en faveur de ces pays. Elle donnera même une nouvelle impulsion à ses actions de coopération qui recouvrent des domaines fort divers. L'aide francophone peut concerner aussi bien la réforme de l'administration que la gestion des entreprises, l'éducation ou l'audiovisuel, secteurs essentiels qui bénéficieront d'une priorité.
Que ce soit au Liban ou en Syrie, le français demeure une langue de culture et d'éducation. En Syrie, trois des quatre universités du pays ont un département français et l'école française bénéficie d'un prestige certain. Depuis 1985, le français est langue d'enseignement à l'Institut supérieur des sciences appliquées et de technologies, véritable filière d'excellence pour les ingénieurs. Enfin, un projet d'enseignement renforcé du français a été mis en place. Il pourrait donner naissance à de véritables classes bilingues.
Au Liban, 60 % des écoliers et lycéens suivent une scolarité en français. Quatre universités libanaises sont membres de l'Aupelf-Uref. La renommée de l'Université Saint-Joseph est internationale. Au total, l'aide financière au, titre de la coopération scientifique, culturelle et technique dont a bénéficié le Liban s'est élevée à 86 millions de francs en 1995.
En ce qui concerne les médias, le français reste largement prédominant que ce soit dans la presse, à la radio ou aux informations télévisées libanaises. Cet effort sera poursuivi. La coopération audiovisuelle franco-libanaise devrait se trouver encore renforcée avec l'adoption dans les prochains mois d'une loi sur l'audiovisuel qui clarifiera et légalisera le paysage audiovisuel libanais. En Syrie, la télévision diffuse quotidiennement un journal français et bénéficie de l'apport de la télévision libanaise.
Q. : Peut-on parler d'une offensive ou du moins d'une avancée notable de la francophonie en direction des régions traditionnellement anglophones du monde arabe ?
R. : L'usage du français est beaucoup plus répandu dans cette région qu'on ne le croit bien souvent. J'en veux pour preuve mon récent déplacement au Qatar à l'occasion du sommet franco-qatari. J'ai découvert dans ce pays une francophonie vivante et dynamique. Nombre de dirigeants parlent un français remarquable et la culture française bénéficie d'un réel prestige. Mes interlocuteurs étaient tous très sensibles à l'attrait de la culture française. Par ailleurs, l'école française dispense un enseignement de grande qualité qui est très recherché et qui témoigne de l'enracinement du sentiment francophone dans ce pays.