Interviews de M. Gilles de Robien, député PR et candidat à la présidence du PR, à RTL le 18 juin, dans "Le Figaro" du 19 juin, "La Voix du Nord" du 21 juin et à France 2 le 24 juin 1997, sur les résultats du Conseil européen d'Amsterdam, les raisons de sa candidature à la présidence du PR notamment l'exigence de démocratie vis-à-vis des militants et sa volonté de faire "passer l'homme avant le libéralisme économique", et sur la recomposition de la droite.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Convention nationale du PR, qui devient Démocratie Libérale, le 24 juin 1997 : M. Gilles de Robien est candidat à la présidence face à Alain Madelin.

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Emission L'Invité de RTL - Emission Les Quatre Vérités - France 2 - La Voix du Nord - Le Figaro - RTL - Télévision

Texte intégral

RTL : Mercredi 18 juin 1997

O. Mazerolle : Les Chefs d’État et de Gouvernement qui restent ensemble jusqu’à plus de 3 heures du matin à se mettre d’accord sur l’organisation de l’Europe, ça n’est pas très rassurant pour l’avenir ?

G. de Robien : Ça n’est pas très rassurant, mais on ne peut pas dire que ce soit un échec, ce Sommet d’Amsterdam. Disons simplement que les résultats sont plus qu’ambigus et quand on lit les dépêches qui sont tombées, cette nuit, on voit que les grands vainqueurs, sont une fois encore les Allemands – les Allemands qui ont réaffirmé et obtenu le maintien du Pacte de stabilité monétaire. Mais que, d’un autre côté, si l’on veut un peu nuancer cette affirmation, on peut dire aussi que les Français se sont d’abord bien tenus dans un système de cohabitation, ce qu’il faut souligner. C’est-à-dire que la France a parlé d’une seule voix ; on pouvait craindre le pire. Deuxièmement, on pouvait craindre éventuellement une rupture entre les Quinze et cette rupture n’a pas eu lieu. Troisièmement, je dirais que le Président de la République, qui avait réclamé à la CIG de Dublin, l’automne dernier, que soit inscrit un volet social dans le Traité de Maastricht, a obtenu gain de cause. Il a été appuyé en cela, bien sûr, par le Premier ministre français.

O. Mazerolle : Il a fallu quand même l’arrivée des socialistes au pouvoir pour que ce soit inscrit.

G. de Robien : Rappelez-vous, c’est justement le Président de la République qui a demandé à Dublin, je crois que c’était en novembre 1996 ; que soit inscrit ce volet social lors de la prochaine rencontre, et ce volet social a été inscrit. Appuyé en cela par Jospin bien entendu. Et donc je dis, encore une fois, que la cohabitation a bien fonctionné. Néanmoins, sur le problème de l’emploi, je pense qu’il faut être attentif, sinon méfiant, parce qu’il n’y a pas d’avancée spectaculaire en termes d’emplois. Les Allemands ont déclaré qu’il n’y aurait pas un sou de plus. Eh bien, faire des emplois sans un sou, c’est peut-être possible mais encore faut-il le démontrer. Et donc nous attendons tous avec impatience le prochain Sommet emploi ; qui sera consacré entièrement à l’emploi, en octobre prochain à Luxembourg.

O. Mazerolle : Alors vous réclamez plus pour l’emploi au niveau européen. Mais, encore une fois, le gouvernement Juppé ne parvenait pas à obtenir quoi que ce soit.

G. de Robien : Le gouvernement Juppé, pas plus que le gouvernement Jospin aujourd’hui. Vous savez, d’abord, l’Europe n’est pas faite pour créer des emplois. L’Europe est faite pour faire un marché à quinze, un grand marché, et pouvoir faire des efforts en commun pour avoir un appareil économique qui produira d’avantage d’emplois. Disons, se faire moins concurrence, dans un premier temps mieux ajuster les politiques. Dans un deuxième temps, de façon à ce qu’elles soient plus créatrices d’emplois. Aujourd’hui, le principal outil pour éviter les concurrences désastreuses, dans les pays européens, cet outil principal, c’est l’euro. Et c’est justement l’euro qui, aujourd’hui, semble être remis en cause par certains des ministres socialistes.

O. Mazerolle : Est-ce que vous croyez vraiment qu’il est remis en cause, dans la mesure où L. Jospin a dit, hier, être « favorable au passage de l’euro à la date prévue » ?

G. de Robien : Eh bien oui, quand je lis qu’un autre membre du Gouvernement, en ce qui concerne justement l’euro, M. Moscovici, dit, sur les ondes de RTL, que « nous déciderons ou pas de passer à l’euro, en fonction de la situation de nos Finances publiques », il faut donc des réserves. Vous avez vu que les marchés financiers, dès hier, ont accusé le coup. Il a fallu que le Premier ministre remette lui-même les pendules à zéro et à l’heure au sein de son propre Gouvernement. C’est un couac. Et je crois que c’est mauvais, non seulement pour la monnaie française, mais aussi pour la confiance qu’on peut avoir dans la création d’une monnaie unique qui est un gage nécessaire et non suffisant, d’une économie européenne créatrice d’emplois.

O. Mazerolle : Cet aspect de l’engagement français sur la monnaie unique, de quel poids doit-il peser dans le discours du Premier ministre doit prononcer demain à l’Assemblée nationale ?

G. de Robien : Il doit affirmer clairement s’il veut ou pas que la France fasse partie du premier peloton, si l’on peut dire, des pays qui auront cette monnaie unique, cette monnaie unique qui est indispensable. D’abord, c’est un grand symbole de construction européenne, et jusqu’ici, il n’y a pas eu, jusqu’à l’arrivée de M. Jospin, la moindre réserve pour adopter cette monnaie unique à trois, à cinq ou à sept. Et donc j’attends demain une affirmation très claire de M. Jospin pour savoir s’il veut ou pas, le 1er janvier 1999, que la France rentre dans l’euro. Ça sera le signe qu’au moins à trois, à cinq ou à sept, j’espère peut-être plus nombreux encore, eh bien ces pays se mettront d’accord pour éviter ce qu’on a connu dans le passé, c’est-à-dire des dévaluations dites « compétitives », qui faisaient un tort considérable à la France – je pense à la Grande-Bretagne qui a dévalué la livre ou à l’Italie qui dévaluait la lire –, et qui, de ce fait, a fait perdre à la France des dizaines de milliers d’emplois, notamment dans le textile.

O. Mazerolle : Mais il peut le faire sans renoncer à cette politique de relance qu’il avait envisagée pendant la campagne électorale ?

G. de Robien : Ça, c’est son affaire. Il a déclaré qu’il n’y aurait pas de politique de rigueur et que, sans politique de rigueur, il fallait aller vers l’euro. Maintenant, c’est à lui de résoudre l’équation qu’il a proposé aux Français, équation qui l’a fait en partie élire. Alors politique de rigueur : on peut très bien faire la chasse au gaspi, on peut très bien éviter effectivement peut-être, des dépenses supplémentaires. On doit gérer la France de façon raisonnable et sans dépenses excessives. Et les déclarations d’autres ministres, ce matin, que vous venez de citer, et disant que le nombre de fonctionnaires doit, le cas échéant, augmenter, ne me semblent pas aller dans le sens effectivement de chasse au gaspi. Les fonctionnaires doivent évidemment être très nombreux pour assurer un bon service public. Néanmoins, je crois que la fonction publique peut trouver des sources d’économies qui nous permettraient de rester dans les normes du Traité de Maastricht.

O. Mazerolle : Parlons de l’opposition : vous êtes très mécontent de la possible arrivée d’A. Madelin à la tête du PR, qui est votre parti. Pourquoi ?

G. de Robien : Ce n’est pas tout à fait ça, si vous permettez. Je ne suis pas très mécontent de l’arrivé de untel ou de untel, et je n’en fais pas du tout une question de personne. J’en fais une question de morale politique, si vous me permettez. Vous savez que les partis politiques sont souvent décriés. Or, quand on relit bien notre Constitution, les partis politiques sont inscrits dans notre Constitution. Ils sont un élément de la vie démocratiques de notre pays. Et donc, ils participent à la vie – au sens politique de la gestion – de la cité. Ils sont utiles. Et s’ils sont utiles, ils doivent être en même temps exemplaires. Ils doivent montrer l’exemple d’une démocratie appliquée au pays. Et s’ils doivent être exemplaires, ils doivent refléter la façon dont ceux qui les animent gouverneront le cas échéant. Puisqu’un parti politique, c’est fait pour tenter de convaincre et essayer d’accéder au pouvoir. Et donc la façon dont est animé un parti politique montre comment ceux qui animent ces partis politiques conçoivent le pouvoir.

O. Mazerolle : Pourquoi A. Madelin a fait un putsch ?

G. de Robien : Écoutez, si d’abord on se moque des statuts – les statuts, c’est d’abord, quelque part, un peu la Constitution du parti –, ça laisse entendre que, dans le fond, les règles juridiques du parti politique sont mises sur le boisseau, on ne s’en préoccupe guère. Et le jour où on est au pouvoir, que fait-on de la Constitution ? C’est la règle du pays. C’est le premier message. Le deuxième, c’est : si l’on ne tient pas compte de ce que disent les militants, si l’on fait une assemblée générale, une convention en catimini, un mardi après-midi, sans convoquer tout le monde pour se faire élire président, qu’on méprise les militants – ils sont, aujourd’hui, dans la famille politique, deux fois plus nombreux que l’année dernière, car on a fait une campagne de recrutement considérable, 33 000 personnes –, et si l’on retrouve à 1 000 ou à 1 500, et si l’on méprise, donc, d’une certaine façon, les militants, d’une certaine façon, on laisse entendre que si l’on arrive au pouvoir un jour, on méprisera les citoyens. Et donc ; c’est sur cette ligne du respect des statuts et du respect des militants que, moi, je demande tout simplement qu’on arrête un peu ce qu’on a trop connu : « Je décide pour vous, je sais ce qui est bon pour vous, je choisis pour vous ».

O. Mazerolle : Et si on le fait quand même, que faites-vous ?

G. de Robien : Eh bien, je le dis, je l’affirme : tout simplement, je serai le grand témoin d’une opération qui ne me semble pas exemplaire Et j’essaierai d’agir toujours de l’intérieur car je n’ai jamais quitté ma famille politique, même dans les moments difficiles. J’exprimerai, si vous le voulez, un rêve : c’est que mon parti soit exemplaire et je dirai pourquoi ce rêve n’est pas encore réalisé.


Le Figaro : 19 juin 1997

Le Figaro : Vous parliez hier de « convention en catimini », de « mépris des militants ». Qu’est-ce qui ne va pas au PR ?

G. de Robien : Les militants veulent s’exprimer. Comme les élus, ils ont reçu l’échec des législatives en pleine figure. Ils acceptent difficilement que les décisions viennent d’en haut. Il faut donner la parole au peuple des partis politiques, c’est-à-dire aux militants. C’est l’une des grandes leçons à tirer des élections du 25 mai et du 1er juin : nous avons un manque de pratique démocratique dans notre pays. Une exigence de transparence, de démocratie s’impose.

Le Figaro : En quoi l’élection d’Alain Madelin le 24 juin remet-elle en cause ce dont vous parlez ?

G. de Robien : Lorsqu’on réunit des militants en leur disant : « Vous venez de très loin, non pas pour vous exprimer, mais pour plébisciter le candidat désigné », pourquoi se déplacer ?

Le Figaro : Vous estimez donc que François Léotard est allé un peu vite, que ce choix a un côté monarchique…

G. de Robien : Je ne dis pas cela. Je dis simplement, et en toute loyauté vis-à-vis de François Léotard, que nous sommes nombreux à exiger plus de démocratie. Mais il y a aussi des raisons de fond.

Le Figaro : Quelles sont-elles et quel peut être le positionnement du PR ?

G. de Robien : Notre famille doit se placer dans la filiation de Valery Giscard d’Estaing, Jacques Blanc et François Léotard. Le PR doit être l’union des libéraux humanistes.

Le Figaro : Qu’est-ce que veut dire l’humanisme en politique ?

G. de Robien : C’est une recherche de l’épanouissement de l’homme, dans sa famille et dans la société. C’est l’objectif premier : l’économie de marché est un moyen pour créer des richesses, pour permettre l’épanouissement de l’homme.

Le Figaro : Quel est « votre » libéralisme ?

G. de Robien : Ce n’est pas seulement le libéralisme strictement économique, qui est réducteur. C’est un libéralisme politique qui puise ses ressources dans Tocqueville et Benjamin Constant. C’est aussi cette belle idée de tolérance défendue par François Léotard lors du « Mai des républicains ». C’est tout ce qui fait la richesse d’une société démocratique, équilibrée par des contre-pouvoirs.

Le Figaro : Qu’est-ce qui vous différencie d’Alain Madelin ?

G. de Robien : Ma démarche se veut démocratique et fait passer l’homme avant le libéralisme économique. Je crois plus à l’ouverture qu’à un repliement sur un segment précis de l’opinion publique. Je crois, que le PR n’a pas vocation à être une chapelle, mais une cathédrale au sein de l’UDF. Pour inventer cette grande force de droite et du centre-droit que l’on aurait pu créer entre 93 et 97 et qui peut accueillir demain les nouveaux déçus du socialisme, comme les repentis des partis d’extrême droite. Tout cela dans l’union la plus concrète. Car ! je ne crois pas que l’opposition puisse fonctionner à partir d’un triple pôle, gaulliste, libéral, centriste. Attention aux risques de bipolarisation, voire d’éclatement de l’UDF. Les liens entre les familles de notre fédération doivent être les plus forts possibles.

Le Figaro : Le mariage du PR avec idées Action est-il contre nature ?

G. de Robien : Non. C’est un segment intéressant, une niche marketing, dirait Alain, mais c’est sans doute en contradiction avec notre volonté d’ouverture sur l’ensemble des problèmes et des acteurs de la société française.

Le Figaro : Est-ce que vous serez candidat mardi contre Alain Madelin ?

G. de Robien : Je serai candidat à la présidence du PR. Il ne s’agit pas d’une question de personne, mais de répondre au besoin profond de rénovation de nos pratiques politiques.

Le Figaro : Pour faire quoi du PR ?

G. de Robien : Je voudrais faire de la démocratie appliquée. Je souhaite que l’on fasse vivre les fédérations qu’on fasse débattre les militants qu’ils soient écoutés, qu’ils participent réellement aux décisions et qu’ils soient les artisans de la reconstruction de la nouvelle opposition. Plus elle sera ressourcée par la démocratie interne, plus elle aura légitimité à s’opposer et à reconquérir.

Le Figaro : Que ferez-vous si Madelin est élu ?

G. de Robien : N’imaginez pas que sur un désaccord, je puisse quitter le PR. J’y suis depuis 1973. C’est ma famille. Je travaillerai demain comme hier à son élargissement et à l’expression démocratique des militants.


La Voix du Nord : 21 juin 1997

La Voix du Nord : Pourquoi vous présenter contre Alain Madelin ?

G. de Robien : Je ne me présente pas contre quelqu’un, mais je souhaite vraiment redonner la parole aux militants pour qu’il y ait une vraie expression démocratique au sein du parti républicain. Je ne veux pas que les militants, que la base ait comme cela un candidat unique et qu’ils soient mis devant le fait accompli… Je suis pour l’expression pluraliste.

La Voix du Nord : Vous allez donc quand même devoir affronter Alain Madelin…

G. de Robien : Je veux être positif… J’essaie de proposer, avec d’autres, une voie différente : celle d’un courant libéral humaniste qui lance l’homme au centre des préoccupations et qui envisage l’économie à son service, et non l’inverse.

La Voix du Nord : Êtes-vous irrité de la manière dont se sont passées les choses, ces derniers jours ?

G. de Robien : J’aurai préféré une belle convention prévue et initiée dans des délais statutaires avec une participation nombreuse, un samedi ou un week-end plutôt qu’un jour de semaine… Avec une vraie campagne, des propositions et des discussions avec la base… Il faut toujours écouter !

La Voix du Nord : Quel est le programme de Gilles de Robien candidat ?

G. de Robien : Un positionnement pour un libéralisme humanisme Mais aussi une nouvelle manière de faire de la politique. Il faudrait que le vote du président ait lieu à la base, dans les fédérations départementales, pour que le débat soit complet. Il faut aussi nous ouvrir à des citoyens qui sont aujourd’hui désemparés entre le socialisme et l’extrémisme. Cela concerne énormément de gens, ceux qui acceptent l’économie de marché tout en désirant une vraie politique sociale, qui prenne en compte les problèmes de société, culturels, écologiques, associatifs et civiques.

La Voix du Nord : Un nouveau gouvernement est en place depuis quelques semaines. Craignez-vous pour l’avenir de votre loi sur la réduction du temps de travail ?

G. de Robien : Ce qu’a annoncé Lionel Jospin, c’est une loi-cadre avant la fin de la législature. D’ici là, il ne semble pas avoir de projet. J’espère qu’il continuera à utiliser une loi qui marche pour l’emploi et qui ne crée du travail. Je me permets de penser qu’il ne se séparera pas d’un outil fonctionnel. Même s’il doit la débaptiser, l’important est qu’elle reste en place…

La Voix du Nord : Mardi soir, vous solliciterez donc la confiance des militants du PR… Votre sentiment ?

G. de Robien : Je suis confiant, parce que démocrate. Il va de soi que je m’adresse plus aux militants qu’à l’establishment. Nous verrons mardi.

La Voix du Nord : En cas de victoire d’Alain Madelin, vous pourriez quitter le Parti Républicain ?

G. de Robien : On n’en est pas là, je vous le dirai mardi soir…


France 2 : Mardi 24 juin 1997
 
G. Leclerc : Au-delà du fond, qu’est-ce qui vous sépare d’avec A. Madelin et est-ce que vous n’êtes pas en train de vous tromper de parti : le Parti républicain, c’est un parti libéral, il va d’ailleurs changer de nom, il va s’appeler Démocratie libérale ?

G. de Robien : Je suis vraiment libéral. Depuis 25 ans, j’exerce des fonctions diverses au Parti républicain, je m’y sens très bien, j’y ai beaucoup d’amis et ce parti a su, à travers V. Giscard d’Estaing par exemple en 1974, conquérir le pouvoir parce que c’était un libéralisme moderne et il a su à travers F. Léotard montrer ce que le libéralisme était en réalité, un libéralisme humaniste, c’est-à-dire tourné vers les autres, une économie au service de l’homme et non pas les hommes et les femmes au service d’une économie. C’est ce libéralisme-là que j’aimerais défendre auprès de mes amis du Parti républicain.

G. Leclerc : A. Madelin, dans le Figaro, ce matin, dit clairement qu’il faut rompre avec le médiatiquement et le politiquement correct sur l’immigration, sur la famille. Vous ne vous sentez pas un peu visé ?

G. de Robien : Pas du tout parce que le politiquement correct, c’était 1995 quand il a augmenté de 80 milliards les impôts des Français et le politiquement correct, c’était la désignation sans avoir un seul mot à dire d’un président d’une formation politique sans élection. Et moi, au contraire, j’ouvre le jeu et donc je sus moderne dans ma démarche, libéral et complètement démocrate.

G. Leclerc : Changer le nom du Parti républicain en Démocratie libérale, c’est une bonne idée ?

G. de Robien : Je crois que le mot : Parti républicain, c’est pour moi la plus belle chose que l’on puisse avoir dans une République française. La res publica, c’est-à-dire la chose publique, est bien souvent… F. Léotard, le président sortant ; a souvent dit que c’était le plus beau nom que l’on pouvait avoir pour un parti politique. Si on en change et si on devait en changer, consultons d’abord les 33 000 militants. Comme ils ne seront pas là cet après-midi, je propose, si je suis élu président du Parti républicain, de consulter les électeurs ; c’est-à-dire les adhérents pour savoir s’il faut changer le nom. Ce qui m’apparaît relativement secondaire par rapport au fond. Je crois que le parti politique, aujourd’hui, a une mission : avoir un débat de fond.

G. Leclerc : Vous dites : « si je suis élu ». Vous pensez que c’est possible, ce n’est pas une seule candidature de témoignage, la vôtre ?

G. de Robien : Je crois tout à fait que c’est possible. Je sais bien que la fédération de Paris n’est plutôt pas pour moi et qu’elle est plus proche, j’allais dire, des bureaux de vote de Levallois. Mais peu importe, j’ai un message à passer. Elu ou pas élu, ce message de démocratie forte, cette exigence de démocratie finira, quand même, par l’emporter un jour.

G. Leclerc : Les proches d’A. Madelin disent, également ; que c’est le seul qui soit capable de réunir tous les libéraux. On annonce le retour de C. Millon, de J.-P. Raffarin, du villiériste T. Jean-Pierre.

G. de Robien : Ce retour des personnalités que vous venez de citer c’est les conséquences de l’échec au 1er juin et lorsqu’il y a échec et ces éminentes personnalités n’ont plus le nombre de députés pour créer un groupe, ils sont bien obligés de revenir de leur famille d’origine et je m’en réjouis. C’est vraiment l’échec qui nous rassemble, c’est au moins un des points positifs de l’échec. J’espère que ce rassemblement va se conforter et que le Parti républicain est appelé à jouer un très grand rôle sur l’échiquier politique français.

G. Leclerc : Justement la recomposition, est-ce qu’elle doit se faire uniquement dans le cadre des formations existantes aujourd’hui, ou est-ce qu’il faut déjà viser plus loin et l’on pense par exemple à un parti unique de la droite ?

G. de Robien : Je pense qu’il ne faut pas aller aussi vite que cela. Fortifions déjà le Parti républicain et l’UDF. Vous savez qu’il y avait des promesses formelles qui ont été faites, aussi bien d’ailleurs par M. Madelin qui était candidat contre M. Léotard qui a fini par l’emporter contre M. Madelin. Tous les deux disaient qu’il fallait l’union de l’UDF. Avec moi à la tête du Parti républicain, j’agirai pour que l’UDF soit un parti uni.

G. Leclerc : L’actualité politique : le plafonnement, du moins les allocations familiales avec conditions de revenus, le principe vous choque ?

G. de Robien : C’est une grosse erreur. Le principe est même sur le plan moral, si vous voulez. On ne peut pas faire la différence entre les enfants de moins riches et les enfants de pauvres. Surtout que les gens qui ont des salaires relativement élevés cotisent beaucoup plus pour les allocations familiales. Il est donc normal qu’ils reçoivent aussi les allocations familiales, comme les autres, ni plus, ni moins.

G. Leclerc : Le temps de travail : on sait que L. Jospin a fixé les objectifs des 35 heures. Hier, M. Aubry a plaidé pour un dialogue social articulant salaires et temps de travail et a dit que la loi Robien, la vôtre, finalement avait un impact évident sur l’emploi. Qu’est-ce que vous en pensez ?

G. de Robien : À tous pêcheurs miséricorde ! Elle l’a critiquée pendant les élections et pendant la campagne électorale. Aujourd’hui, elle en reconnait le mérite parce que les résultats sont là : la baisse des charges entraîne la création d’emplois et les partenaires sociaux aussi bien employeurs qu’employés sont satisfaits parce qu’il y a maintenant près de 1 000 entreprises qui ont passé des accords. On ne change pas une loi qui marche : elle marche pour les entreprises qu’elle rend plus compétitives, qu’elle réorganise, et elle marche aussi pour les salariés qu’elle rend satisfaits et, en même temps, elle combat le chômage. Qu’est-ce que vous voulez de mieux ?

G. Leclerc : Il ne faut pas aller plus loin, quand même, dans la réduction du temps de travail ?

G. de Robien : Non, il ne faut pas aller plus loin dans la réduction du temps de travail s’il n’y a pas des contreparties pour que les entreprises aient véritablement des sources de gain de productivité.

G. Leclerc : Le Front national : C. Pasqua a dit hier qu’il fallait que l’on débatte d’accords électoraux avec le Front national même si, lui, à titre personnel, a-t-il dit, n’y est pas favorable ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

G. de Robien : Je pense vraiment qu’il faut débattre avec les Français. Si on est nous-mêmes, si on a des idées fortes, si on sait les exprimer. À Amiens, le Front national n’a pas augmenté. Et pourquoi ? Parce qu’on fait notre travail d’élus de terrain. Si on a fait cela dans toute la France, comme le font beaucoup d’autres députés et beaucoup de maires – je pense à J.C. Gaudin à Marseille par exemple –, je suis sûr que le Front national arrêtera de prospérer. Faisons notre boulot et ayons – j’allais dire – un langage suffisamment clair et vous verrez qui si on fait bien notre travail, à ce moment-là le vote protestataire finira par se réduire et si on est proche des gens – car c’est la proximité qui nous a manqué –, si on sait les écouter, si on sait les entendre et tenir compte de ce qu’ils disent, à ce moment-là, ils n’iront pas vers le vote protestataire et ils reviendront naturellement dans notre famille.