Interview de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, et tête de liste de la gauche plurielle aux élections territoriales de Corse de mars 1999, dans "Corse-Matin" du 5 mars 1999, sur la campagne des élections en Corse et le développement économique de l'ile.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Corse matin

Texte intégral

Q - Pensez-vous que la campagne à laquelle on vient d'assister a véritablement apporté à l'électeur les éléments de son choix ?

La droite s'est employée depuis le début de la campagne à occulter les vrais débats. Il n'a pas été possible de confronter sereinement des projets de développement ou d'obtenir des explications sur le bilan de l'ex-majorité : 14 000 personnes en situation précaire, 15 000 chômeurs, une économie fragile, des milliards de francs d'aides partis en fumée.

Pour tenter d'échapper à cette situation inconfortable, la droite a pris le parti de critiquer la politique d'application de la loi engagée par le gouvernement, en même temps qu'elle s'est livrée à des attaques personnelles, souvent déplacées. Les Corses ne sont pas dupes, et je suis convaincu que cette tactique électoraliste va se retourner contre elle.

Q - Sur la conception de l'application de la loi, on a le sentiment qu'il y a 11 listes contre la Gauche plurielle ?

La population veut l'application de la loi, sereine et égale pour tous, non pas comme une fin en soi, mais tout simplement pour construire l'avenir de nos enfants dans la liberté, la dignité, l'égalité des chances.

Trop de gens ont souffert d'une période où il fallait se taire, subir les pressions de quelques-uns, voire payer la dîme.

Les Corses ont dit de manière claire qu'ils ne voulaient plus qu'un système où ils étaient tous montrés du doigt : tous tricheurs, tous voleurs et fraudeurs par la faute de quelques-uns, d'une infime minorité.

Le gouvernement les a entendus, il applique enfin la seule politique possible en Corse.

Je constate que toutes les autres listes s'en démarquent plus ou moins ouvertement. Certes, c'est une politique courageuse et le courage n'est jamais facile.

Pour notre part, nous le soutenons clairement sans "oui mais" et c'est notre honneur que de maintenir le cap sans louvoyer au gré des consultations électorales.

Q - Certains excès ne vont-ils pas inciter à la sanction de toute la politique du gouvernement ?

Il y a ici ou là des maladresses, des erreurs, une surenchère médiatique – quoi de surprenant après une période de non-application de la loi de plus de 20 ans ?

La droite monte ces irritations en épingle, en suggérant que l'on pourrait changer de politique, revenir en arrière, retourner au système d'opacité, d'ambiguïté avec la loi, avec l'argent public.

Elle tient un double langage : à Paris, elle est ferme sur l'application de la loi, en Corse elle renie le pacte républicain réaffirmé par Jacques Chirac et Lionel Jospin sur la dépouille du préfet, Claude Erignac.

Q - Et l'affaire des arrêtés ????? : C'est quand même une pierre dans votre jardin ?

Au contraire, c'est un nouvel écran de fumée jeté par la droite pour masquer son incompétence. Car c'est elle qui porte au plan national comme au plan local, la responsabilité de cette situation ???????

C'est M. de Courson, député UDF et ami de José Rossi et de Jean Baggioni qui a craqué la première allumette en déposant subrepticement son amendement et c'est ensuite le Sénat, dont la majorité de droite est écrasante, qui a renforcé le dispositif.

Et si une majorité de parlementaires a voté ce texte, c'est parce que l'action de la droite au plan local a brouillé sa vision des problèmes fiscaux : en sept ans, elle n'a jamais pris la peine de réunir la commission mixte chargée de faire des propositions locales.

Pour notre part, nous avons réussi à ménager un délai d'un an avant l'entrée en vigueur de cette disposition, et nous comptons bien le mettre à profit pour faire des propositions fiscales sérieuses, dans l'intérêt des Corses. Par exemple, nous allons demander que des mesures soient adoptées pour faciliter les sorties d'indivision et l transmission de l'outil de travail.

Q - Au fil de vos discours, vous affirmez bien entendu, qu'il faut changer de majorité régionale. Mais pour quel développement économique ?

La Corse a de réelles possibilités même si elles ont été jusqu'ici inexploitées. Pour notre part, nous mettrons en oeuvre une politique plus solidaire, plus équilibrée et plus ambitieuse.

Le développement que nous proposons prendra mieux en compte la cohésion sociale et l'emploi. Comment admettre que par idéologie libérale, l'ex-majorité ait critiqué les emplois jeunes et qu'elle en ait limité l'impact ?

Les mille emplois jeunes créés en Corse – 18 à peine pour la collectivité territoriale – ne sont certes pas la panacée, mais ils sont déjà une grande réussite, qui montre une autre politique : celle de la gauche plurielle. Le futur contrat de plan Etat-région sera un moment fort de sa mise en oeuvre, le moment des choix, le point de rupture avec les méthodes d'éparpillement de l'argent public et de l'absence de contrôle de son utilisation.

Q - L'heure "H" va sonner : quel est votre dernier message ?

Pour la première fois depuis longtemps, une chance est offerte à la Corse : celle de rompre avec un système dépassé et bâtir une société plus libre et plus démocratique, propice à son épanouissement culturel et son développement économique et social.

Cette élection territoriale est une étape essentielle dans cette voie. La Gauche plurielle présente la seule liste capable de fédérer les forces de changement, de porter ce changement.

Q - Vous avez été l'objet d'attaques personnelles directes. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

On s'est attaqué à moi en me reprochant d'être ministre plus que Corse, ce qui est une stupidité totale. Mes collègues ministres, dans leurs régions respectives, n'ont jamais entendus cela. Il n'y a que certains candidats de droite en Corse pour proférer de pareilles sottises.

Q - La droite a déposé à l'Assemblée nationale une proposition de loi sur le service minimum dans les transports. Vous y êtes opposé…

Si l'on doit améliorer la qualité du service public, c'est avant tout par le dialogue social et le fait de prévenir les conflits. Cela dit, la droite se garde bien d'évoquer ce type d'initiative lorsqu'elle est au pouvoir.

Q - On vous dit détaché, distant...Etes-vous snob ?

(Rire...) Je vous renvoie à ce qu'a dit de Simon Renucci dans vos colonnes à mon sujet. Il m'a qualifié d' "affable et avenant". Je précise : affable en un seul mot.