Interviews de M. Bernard Pons, ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme, et de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État aux transports, à France-Inter le 25 et à Europe 1 le 26 juillet 1996, sur l'accident du Boeing de la TWA au large de New York.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Bernard Pons - ministre de l'équipement du logement des transports et du tourisme ;
  • Anne-Marie Idrac - secrétaire d’État aux transports

Circonstance : Explosion d'un Boeing de la TWA près de New York le 17 juillet 1996 (230 morts)

Média : Europe 1 - France Inter

Texte intégral

Date : jeudi 25 juillet 1996
Source : France Inter / Édition du matin

France Inter : À New-York hier soir, les familles des victimes françaises du crash du Boeing de la TWA ont lancé un appel à J. Chirac et aux autorités françaises, au gouvernement français. Ces familles appellent à l'aide pour qu'on accélère la recherche et la restitution des corps de leurs parents ou amis. Qu'est-ce que vous pouvez faire ?

B. Pons : Dans ce genre de catastrophe, il existe toujours des situations plus ou moins dramatiques et ces familles, qui sont dans un pays étranger, qui viennent de subir un choc extrêmement violent et fort, on comprend leur désarroi. Toutes les opérations sont menées par les autorités américaines et elles le font le mieux possible, c'est évident, dans des conditions difficiles. L'avion n'a pas explosé sur la terre. Ce sont des conditions difficiles, avec une météo qui s'est dégradée ces derniers temps, ce qui explique un certain retard peut-être par rapport à l'impatience de ces familles de retrouver les corps.

France Inter : Est-ce que le gouvernement français a proposé son aide aux autorités américaines ?

B. Pons : Non. Le gouvernement français n'a pas proposé son aide, les autorités américaines disposent de tous les moyens. Personnellement, je trouve que pour localiser la plus grande partie de l'avion par quarante mètres de fond, il a fallu quand même beaucoup de temps. La France dispose de Breguet. Atlantique qui permettent de localiser des sous-marins à des profondeurs beaucoup plus importantes. Il est étonnant qu'on ait mis tant de temps mais les conditions météo n'étaient pas favorables et tout n'est pas parfait dans ce genre d'opération. Ce qui importe, c'est de laisser les autorités américaines mener l'enquête calmement, tranquillement, de manière à bien préciser quelle est la cause de cette catastrophe.

France Inter : Après ce drame, on se pose bien évidemment tout un tas de questions à propos de la sûreté des aéroports s'il s'agit d'un attentat, à propos de la sécurité du transport aérien s'il s'avère que c'est un accident. Est-ce que vous allez renforcer les contrôles, est-ce que vous allez renforcer les mesures de sécurité en France, est-ce qu'il y a déjà des leçons à tirer de ce drame ?

B. Pons : Nous avons renforcé les contrôles et toutes les mesures depuis un petit peu plus d'un an, et ils ont été renforcés il y a un peu moins d'un an lorsque le plan Vigipirate a été mis en place. À l'heure actuelle, le meilleur système, c'est le parallélisme entre le passager et le bagage, et le rapprochement passager-bagage est quelque chose d'obligé et qui donne à l'heure actuelle un maximum de sécurité.

France Inter : Mais ce n'est pas généralisé ?

B. Pons : C'est généralisé. Sur l'ensemble des aéroports, c'est généralisé. Et toutes les compagnies aériennes y veillent attentivement, ce qui explique d'ailleurs quelquefois des retards, lorsqu'on n'arrive pas à localiser un passager par rapport à un bagage. Deuxièmement, les contrôles dans les aéroports ont été largement renforcés dans le cadre du plan Vigipirate. Troisièmement, les consignes de sécurité sont répercutées régulièrement et l'ensemble des personnels qui travaillent sur les aéroports ont été appelés à une vigilance beaucoup plus grande. Enfin, les matériels qui permettent de localiser en soute des bagages qui contiendraient des explosifs ont été mis en place il y a très peu de temps, les matériels les plus fiables. La Direction générale de l'aviation civile, sur ma demande, les a testés il y a très peu de temps et les premiers appareils sont en expérimentation sur un certain nombre d'aéroports.

France Inter : On sait que la France va ouvrir son ciel à la concurrence totale au printemps 1997. On sait qu'aux États-Unis, il y a eu des accidents qui sont dus au dérapage de la concurrence. Est-ce qu'il y a lieu de s'inquiéter en France ?

B. Pons : Il y a lieu de s'inquiéter et d'être vigilant car la guerre qui se développe pour le transport aérien risque de pousser certaines compagnies, quelquefois, à prendre des libertés avec la sécurité. Et c'est inacceptable. En France, les problèmes de sécurité sont très stricts mais là aussi, nous avons multiplié les consignes pour que les contrôles soient effectués et que toutes les compagnies aériennes ne prennent aucune liberté avec la sécurité. J'ai mis en place, il y a peu de temps, un comité des usagers du transport aérien. D'abord, pour expliquer souvent les retards d'un certain nombre de vols intérieurs qui, la plupart du temps, n'étaient pas expliqués ou pour lesquels on se contentait de donner une seule explication. Il y a 70 causes de retard pour le transport aérien, en moyenne, donc il faut veiller à ce qu'il n'y ait aucune facilité en ce qui concerne la sûreté et la sécurité. Nous y veillons beaucoup. Je crois que, dans un certain nombre d'autres pays, il faudrait redoubler de vigilance.

France Inter : Un nouveau patron vient de prendre les commandes de la SNCF ; c'est le deuxième patron en six mois pour la SNCF et six mois après les grandes grèves de décembre : c'est six mois de perdus pour la réforme des Chemins de fer ?

B. Pons : Non. D'abord, je voudrais saluer le travail qui a été effectué par L. Le Floch-Prigent, qui a été un travail fécond, un travail utile et dans de bonnes conditions, qui a repris le dialogue social et qui est allé dans la voie qui a été indiquée par le Gouvernement pour cette grande réforme de la SNCF. On n'avait rien fait, depuis des années, pour la SNCF. Le Gouvernement, pour la première fois, a proposé une réforme considérable, qui est une véritable révolution, en reprenant 125 milliards de la dette de l'entreprise pour les infrastructures. Nous allons séparer complètement le problème des infrastructures du problème de la gestion. Nous allons créer, à l'automne, un établissement public et nous allons lancer une régionalisation expérimentale. Donc, c'est une véritable transformation.

D'autre part, il faut que la SNCF se redresse, qu'elle soit dynamique, qu'elle ait un véritable projet industriel et qu'elle ait une politique commerciale agressive. Elle peut le faire. Elle a une technologie qui est la meilleure dans le monde. Elle a des personnels qui sont remarquables. Donc, elle n'a à avoir aucun complexe. M. L. Le Floch-Prigent ayant été empêché de poursuivre son action pour des affaires qui n'ont rien à voir avec la SNCF, nous avons dû nommer un nouveau président. Nous avons choisi M. Gallois qui est un homme qui connaît bien l'entreprise, qui a été à la SNECMA et à l'Aérospatiale, qui connaît bien le dialogue social. Je suis persuadé qu'il va repartir de l'avant pour que la SNCF se redresse.

France Inter : Son cahier des charges, c'est toujours dialogue social, reconquête commerciale et continuité ?

B. Pons : Tout à fait.

France Inter : Votre politique en matière de sécurité routière, c'était priorité à l'information et à la prévention plutôt qu'à la répression. Est-ce que ça a vraiment porté ses fruits ?

B. Pons : Oui, tout à fait. Je suis contre la répression systématique et je suis pour la prévention, l'information et surtout, la responsabilité des conducteurs. En 1995, il y a eu 8 412 morts.

 

Date : vendredi 26 juillet 1996
Source : Europe 1 / Édition du soir

Europe 1 : Vous étiez hier à New York où vous avez pu rencontrer les familles des victimes. Comment s'est passée cette rencontre ?

A.-M. Idrac : A. Juppé m'avait demandé d'aller porter aux familles françaises la sympathie et la profonde solidarité du président de la République, du Gouvernement et je crois qu'on peut dire de chacun des Français, comme je l'avais fait d'ailleurs à Roissy le jour même de la catastrophe, huit jours avant.

Europe 1 : Ces familles étaient impatientes il y a quelques jours. Sont-elles plus apaisées maintenant ?

A.-M. Idrac : Écoutez, les familles sont bien sûr dans le chagrin et dans la peine de la perte d'un être cher et s'y ajoute une angoisse particulière dans ce cas-là qui est l'attente que l'on retrouve les corps et qu'on puisse les identifier. Elles sont très anxieuses d'être bien assurées que tous les moyens sont mis en œuvre pour cela et très anxieuses également de disposer d'informations claires et cohérentes. Je crois que c'est le cas et en particulier la visite que le Président Clinton a fait sur place m'a paru apporter des éléments très, très apaisants sur le fait que tous les moyens étaient mis en œuvre pour retrouver les corps.

Europe 1 : Vous avez eu des contacts avec les enquêteurs du FBI, avec les responsables de l'aviation civile. Que vous ont-ils appris sur l'enquête ?

A.-M. Idrac : J'ai rencontré effectivement les responsables du FBI ainsi que de ce qu'on appelle le NTSB qui est le bureau enquête-accident des Américains. J'ai constaté qu'ils sont en recherche et que comme il vient de l'être dit par votre correspondante à New York, beaucoup d'éléments doivent être encore analysés très finement pour connaitre les causes de cet accident. Mais il faut savoir qu'aujourd'hui, la priorité est donnée, en terme de moyens, à la recherche des corps comme le souhaitent – à juste titre – les familles.

Europe 1 : L'hypothèse de l'accident tient toujours à votre avis ?

A.-M. Idrac : Dans les conversations que j'ai eues avec les autorités américaines, elles n'excluent aucune des hypothèses même s'il est vrai que ce que l'on a entendu sur la première boîte noire – celle sur laquelle il y a les voix et les bruits – semble réduire la probabilité que ce soit un accident.

Europe 1 : Les enquêteurs américains ne vous semblent-ils pas trop prudents ou timorés dans l'enquête ?

A.-M. Idrac : Je n'ai pas eu ce sentiment. J'ai vraiment eu l'impression qu'ils procédaient de manière très professionnelle, très méthodique, mais, il faut bien le dire, sur la base d'indications qui sont pour l'instant extrêmement partielles et fragmentaires.

Europe 1 : Faudra-t-il attendre la fin des Jeux Olympiques d'Atlanta pour connaître les résultats de l'enquête ?

A.-M. Idrac : Franchement je crois qu'il n'y a pas de rapport avec les Jeux Olympiques d'Atlanta. Je crois que la difficulté est très réelle et très sérieuse de disposer d'indications qui permettront d'aller plus loin dans la recherche des causes de cette catastrophe.