Texte intégral
15 janvier 1999
Qui se ressemble s’assemble.
Il y a de quoi être écœuré devant le spectacle de magouilles, retournements et coups tordus offert par l’élection du président de la région Rhône-Alpes. On pourrait en rester là, mais cette élection n’est pas seulement révélatrice des mœurs de ces gens qui se battent comme des chiffonniers pour des postes et des positions, mais aussi de leur politique.
Après les élections régionales de l’an dernier, l’ex-ministre de Juppé, Charles Millon, a accepté le soutien des élus Front National pour rester à la tête de la région. Cette collaboration ouverte avec l’extrême-droite a alimenté depuis l’indignation vertueuse non seulement des partis de gauche, mais aussi de ceux de la droite dite « républicaine », RPR et UDF en particulier.
Mais l’élection de Million annulée, les conseillers régionaux ont été conviés à de nouvelles élections. Résultat après trois tours de scrutin : le RPR, qui a commencé par soutenir la candidate UDF, a changé en cours de route et a appelé à voter pour le doyen d’âge, pourtant ex-bras droit de Millon, pour qui votaient également les lepénistes. Pas de chance, la candidate de l’UDF a quand même été élue mais, sur les 75 voix qu’elle a obtenues, 60 venaient des conseillers régionaux de la « gauche plurielle », PC compris. Bon prince, « la gauche plurielle » ne revendique rien et s’engage à laisser la nouvelle présidente gouverner la région à la tête d’une coalition RPR-UDF.
En faisant voter pour un ami de Million, donc partisan de l’entente avec le Front National, le RPR a montré ce que valent ses prises de positions opposées à l’extrême droite lepéniste. Pour la droite, le Front National n’est pas un adversaire, tout au plus un concurrent.
Les hommes politiques de la droite dite républicaine, comme ceux de l’extrême droite, poussent dans le même vivier politique et partagent les mêmes idées réactionnaires, y compris pour beaucoup le racisme et la xénophobie. Ils jouent sur la même démagogie anti immigrés et surtout, ils ont la même haine viscérale des travailleurs. Rien ne distingue un Mégret, venu du RPR au Front National, d’un Pasqua qui y est resté, ou d’un Madelin, membre de groupes fascisants hier, « démocrate libéral » aujourd’hui ; rien, si ce n’est des plans de carrière différents. Voilà pourquoi tous ceux qui cherchent à accréditer l’idée qu’il y a une différence fondamentale entre le Front National et la droite républicaine et, à plus forte raison, que la seconde peut constituer un rempart contre le premier, mentent aux travailleurs.
Mais l’attitude la « gauche plurielle » est tout aussi significative. En faisant élire la candidate de l’UDF, sachant qu’elle ne pourra gouverner la région qu’avec le soutien des mêmes conseilleurs régionaux de droite qui, hier, ont soutenu Million et sa politique de collaboration avec le Front National, la gauche montre les limites de sa différence avec la droite.
Oh, des différences il y en a, surtout dans les discours, ne serait-ce que parce que les partis de la gauche trouvent leur électorat du côté des salariés alors que la droite vise surtout l’électorat constitué par la bourgeoisie, petite, moyenne et grande. Mais il ne faut pas que les travailleurs attribuent à ces différences plus d’importance que n’en attribuent ces politiques eux-mêmes.
Ces gens-là s’opposent, s’affrontent en paroles et s’étripent le cas échéant. Mais s’ils sont concurrents, ils ont tous pour ambition de gouverner dans l’intérêt de la bourgeoisie et du grand patronat. Voilà ce qui fondamentalement les rapproche par delà leurs différences. Voilà ce qui est à la base de « l’arc républicain » alignant dans la région Rhône-Alpes la « gauche plurielle » derrière l’UDF. Voilà ce qui rend possible, à l’échelle nationale, la « cohabitation », c'est-à-dire l’entente d’un président de droite avec un chef de gouvernement de gauche, autour d’une même politique anti-ouvrière et pro-patronale.
Voilà aussi pourquoi les travailleurs non seulement ne peuvent pas compter sur ces gens pour les défendre, mais les auront contre eux lorsque, pour imposer leurs intérêts vitaux face au chômage et à la misère qui montent, ils auront à affronter le grand patronat.
22 janvier 1999
Contre les licenciements, le chômage, et la misère.
Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire viennent d’annoncer une liste commune, conduite par moi-même et par Alain Krivine, pour les élections européennes de juin prochain. Cette élection, pas plus qu’aucune autre, ne remplacera la lutte indispensable pour changer le sort des travailleurs. Mais elle permettra d’affirmer le refus de tolérer les licenciements, le chômage et la misère.
La liste LO-LCR se situe sur le terrain de l’opposition radicale à la politique de tous les partis qui mènent leur action en fonction de la gestion capitaliste de la société. Cette politique, qu’elle soit menée par la droite ou, comme actuellement, par la gauche dite plurielle, a des conséquences désastreuses pour les travailleurs et pour la société. Alors que les profits des grandes entreprises comme les revenus de leurs actionnaires ne cessent de s’accroître depuis des années, six millions de personnes sont condamnées, soit au chômage complet, soit à un emploi précaire qui permet tout juste de survivre.
Le contraste est révoltant entre l’enrichissement scandaleux d’une petite minorité et la misère qui monte : entre la hausse de 30 % en une année des actions en Bourse et la généralisation de salaires qui dépasse à peine le RMI.
Tout le reste, la violence dans les quartiers populaires, le désespoir de la jeunesse, l’influence de l’extrême-droite, découle de l’incapacité des gouvernements de tout bord à mettre fin au chômage.
Nous dirons qu’il est possible de mettre fin au chômage, immédiatement, à la seule condition de mener une politique qui n’hésite pas à prendre dans les profits capitalistes de quoi financer la création d’emplois utiles en nombre nécessaire.
L’État doit supprimer toute aide au patronat car les sommes considérables qui sont consacrées à cela depuis des années ne servent qu’à augmenter les profits et la fortune des actionnaires, mais pas à créer des emplois. L’argent ainsi économisé permettrait à l’État d’arrêter sa politique de fermeture d’hôpitaux, de maternités, de lignes de chemin de fer ; de créer au contraire des centaines de milliers d’emplois dans les transports publics, dans l’Éducation nationale, dans les hôpitaux, mais aussi dans la construction de logements sociaux à prix abordable et de centres d’animation qui manquent aux jeunes des quartiers populaires.
Tout licenciement collectif doit être interdit dans les grandes entreprises sous peine d’expropriation. Les profits doivent être consacrés en priorité à sauvegarder les emplois existants et à créer des emplois en plus, en répartissant le travail entre tous sans baisse de salaire. Il est intolérable que les uns se tuent au travail alors que d’autres sont au chômage.
Le secret des affaires, qui cache aujourd’hui tant de corruption, et surtout l’immense gâchis de la gestion capitaliste de l’économie doivent être supprimés. La population doit pouvoir contrôler le fonctionnement de l’économie, car sinon l’économie continuera à fabriquer toujours plus de chômage et de misère.
Nous dirons aussi que l’Europe unie, sans frontières entre les peuples, c’est l’avenir. Mais l’Europe que les gouvernements prétendent construire est au service exclusif des industries et des groupes financiers. Elle est conçue pour accroître les profits des multinationales européennes sur le dos de leurs propres salariés comme sur les peuples des pays pauvres. Même ce qui pourrait être un progrès, comme la suppression des frontières et une monnaie unique, sert de prétexte aux gouvernements pour imposer des sacrifices à la population laborieuse.
Il faut que les élections européennes confirment le renforcement du courant qui se retrouve dans le langage d’opposition radicale à la politique de gestion de l’économie capitaliste. Ce sera une censure claire de la politique du gouvernement de la « gauche plurielle » qui ne pourra pas être détournée au profit de la droite. Ce sera un contre poids à l’influence électorale de l’extrême-droite. Ce sera le signe d’une radicalisation du monde du travail qui pèsera sur la politique du patronat et du gouvernement.
29 janvier 1999
Accord entre le gouvernement et les constructeurs automobiles
Des vieux travailleurs en préretraite, c’est bien mais moins de jeunes embauchés, c’est du chômage en plus.
La presse, comme les hommes politiques, n’hésite pas à montrer les accords signés à l’EDF-GDF, dans le cadre des discussions sur les 35 heures comme une avancée considérable pour les travailleurs. Pourtant cet accord va se traduire par des milliers de départ, et si la direction tient parole, par 3 000 à 4 000 embauches de plus que de départs. Ce n’est pas cela qui va résorber le chômage.
Par contre, des suppressions d’emplois, il en est prévu à La Poste et dans les Télécom.
Ajouté à ce qui est prévu par les discussions actuelles dans l’automobile, la loi Aubry devient une attaque délibérée, cynique et absolument ignoble contre le monde du travail.
A Peugeot-Citroën et Renault, on va faire partir, en préretraite, des travailleurs de moins de 60 ans qui ne sont plus capables, vu leur âge, selon les propres mêmes des directions, de tenir les cadences sur les chaînes de production automobile. C’est évidemment un bien pour ceux qui partiront. A leur place, il est prévu d’embaucher des jeunes, mais beaucoup moins de jeunes que de départs. Alors, là aussi, ce sont plusieurs milliers de postes qui seront supprimés. C'est-à-dire des milliers de jeunes qui, dans l’avenir, ne seront pas embauchés dans les régions où sont implantées ces entreprises.
Et puis, combien de fois nous a-t-on dit que la classe ouvrière n’existait plus, que la robotisation des chaînes de production, en particulier automobiles, avait rendu le travail humain beaucoup moins pénible. Et voilà que les patrons versent des larmes de crocodile sur les vieux travailleurs qu’ils ont exploités à mort et nous disent aujourd’hui que ce travail est de plus en plus difficile et que seuls les jeunes peuvent tenir.
Des jeunes auxquels on propose donc, comme seul avenir, d’être usés avant l’âge.
Voilà ce qu’un patronat de combat nous dit aujourd’hui avec l’aide de la majorité des plumitifs de la presse bourgeoise et, surtout, avec l’aide de ce gouvernement qui se dit de gauche et qui n’hésite pas à verser des milliards à ces entreprises pour les aider à supprimer des emplois.
Et tout cela au nom des 35 heures qui vont peut-être, dans certains cas, s’accompagner de diminutions de salaire car la loi Aubry ne l’interdit pas et, dans tous les cas, s’accompagner de la flexibilité du temps de travail non seulement chaque semaine, mais annuellement dans certains cas et même calculée sur trois ans pour Renault et PSA. Voilà comment, sous un gouvernement dit de gauche, les travailleurs voient légalement leur situation empirer.
Vraiment il y en a assez !
Assez que le gouvernement et le patronat préparent à l’ensemble des travailleurs – qu’ils aient un emploi, qu’il soient privés d’emploi ou qu’ils soient à la retraite – un avenir insupportable. Ils veulent faire de l’Europe du troisième millénaire, une Europe du Tiers Monde pour les travailleurs. Alors il faut inverser ce cours des choses.
Pour renverser le rapport de force il faut cesser les privatisations des services publics et, au contraire, exproprier toutes les entreprises qui font des profits et licencient quand même.
Il faut rendre publiques les comptabilités des grandes entreprises. Il faut savoir d’où vient l’argent et où il va. On verrait alors que les profits permettraient de résorber le chômage tout en réduisant les horaires de travail.
Il faut aussi rétablir l’impôt sur les bénéfices des sociétés et sur les hauts revenus au niveau où ils en étaient il y a 20 ans au lieu de les diminuer constamment et que ce soient les masses populaires qui paient le gros de l’impôt par l’augmentation de la TVA et des impôts indirects.
Oui, voilà le programme qu’il faut que les travailleurs mettent en tête des luttes à venir.
C’est un tel programme que nous essaierons de populariser au maximum, Lutte Ouvrière et la LCR réunies, au cours de la prochaine campagne électorale des européennes avec l’espoir que ce programme soit approuvé par une grande partie de la population laborieuse afin que cela serve d’avertissement au patronat, à la droite et au gouvernement.