Texte intégral
Le Monde : La professionnalisation et la restructuration des armées ne coûtent-elles pas plus cher que prévu, parce qu’il faut recruter, former des personnels, en inciter d’autres à partir, et parce qu’il faut accompagner la reconversion de leur emprise domaniale ?
Alain Richard : L’ensemble des coûts prévisionnels liés à la professionnalisation et à la restructuration des armées ont été inscrits dans la programmation. Le fonds de professionnalisation, le fonds d’adaptation industrielle et le fonds de restructuration de la défense sont consacrés à l’accompagnement et à la reconversion des hommes et des moyens des armées. Pour 1998, ces fonds seront dotés, en crédits de paiement, de 2,5 milliards de francs. Les moyens ainsi dégagés correspondent aux besoins programmés et constatés pour mener à bien cet accompagnement. En 1997, nous vérifions que les coûts de rémunération et de fonctionnement liés à la professionnalisation sont en cohérence avec les prévisions. Je dois souligner la vigilance de l’ensemble des cadres et des responsables pour respecter leurs limites financières.
Le Monde : Quels programmes d’armement allez-vous ralentir, réduire ou abandonner et quelles seront les répercussions sociales de la forte chute des crédits d’équipement ?
Alain Richard : Les contraintes budgétaires que nous avons dû absorber en 1997 et 1998 ne conduisent à l’abandon d’aucun programme. En revanche, certains programmes subirons des retards ou des étalements sans que soient remises en cause nos capacités opérationnelles permanentes, ni les objectifs stratégiques de notre modèle d’armée futur. Il faut se garder de toute approche mécaniste des effets en termes d’emplois de ce type de décisions.
On constate que, depuis le début de la décennie, le secteur des industries d’armement perd environ dix mille emplois chaque année. C’est, bien sûr, l’effet d’un ralentissement des commandes adressées à ces industries, qui se vérifie dans tous les pays industriels chez qui nous exportons. Il s’agit, certes, d’une tendance lourde, qui ne s’arrêtera sans doute pas en 1998, mais ce mouvement n’est pas inéluctable, et les restructurations en cours des principaux groupes industriels de ce secteur préparent l’avenir, y compris celui des sous-traitants.
Le Monde : Dès ses deux premières années d’application, la programmation militaire adoptée en 1996 prend du retard en matière d’équipement. Ne serez-vous pas contraint de proposer une nouvelle loi au Parlement à partir de 1999 ?
Alain Richard : La loi de programmation actuelle est la première qui, depuis 1959, ne s’est pas contentée de programmer une modernisation – même substantielle – des équipements militaires. Elle a inscrit dans la durée les moyens nécessaires à une rénovation majeure de notre système de défense, en programmant la réalisation de « systèmes d’hommes ». Lorsque les moyens nécessaires à cette dynamique de professionnalisation, notamment les effectifs prévus par la loi, sont inscrits dans la loi de finances initiale, je ne considère pas justifié de remettre cette loi de programmation en question.
Mais, dans un environnement économique particulièrement contraint, nous devons veiller à l’efficacité maximale de la dépense militaire, avec une vision prospective des activités économiques liées à la défense. C’est pourquoi je lancerai, dès cet automne, une revue générale des programmes et des opérations d’investissement.