Message de condoléances de M. Lionel Jospin, Premier ministre, à l'occasion du décès de M. François Furet, historien, le 12 juillet 1997

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Circonstance : Décès de M. François Furet, historien le 12 juillet 1997

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Avec François Furet, notre pays perd un de ses plus grands historiens, mais aussi un des meilleurs hérauts de l'esprit français. Spécialiste mondialement reconnu de l’Histoire de la Révolution française, François Furet a contribué à en renouveler très profondément l'historiographie, dépassant la vision marxiste longtemps prédominante pour réhabiliter la vie intellectuelle et celle des idées politiques. Chacun conserve en mémoire le choc que produisit l'apparition de son premier grand livre Penser la Révolution française et la césure qu'il introduisit dans notre perception de l'épisode révolutionnaire.

Directeur d'études puis président de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), président de l'Institut Raymond Aron, professeur à l'université de Chicago, membre de l'Académie française, cet intellectuel a toujours pris sa part dans la vie de la Cité.

Par son œuvre. Au-delà de la seule Révolution française, elle s'est progressivement ouverte à des questions aussi importantes que la démocratie ou le communisme.

Par son engagement. Résistant, communiste, François Furet quitte le PCF en 1956. Membre de l'équipe fondatrice de France Observateur, il se tourne alors vers ce que l'on a appelé la « Deuxième Gauche », dont il sera jusqu'au bout un des partisans les plus convaincants. Président de la Fondation Saint-Simon depuis sa création en 1982, il participe, directement ou indirectement, à tous les débats politiques, économiques et sociaux des années 80.

Par le lien qu'il avait su nouer avec le plus grand nombre. Du Dictionnaire critique de la Révolution française jusqu'au très grand succès de son dernier livre Le passé d'une illusion. Essai sur l'idée communiste au XXe siècle, l'audience de François Furet auprès des Français n'a cessé de grandir.

Il est vrai que par la qualité de son intelligence, par sa vie comme par ses goûts  la randonnée en vélo, sa maison du Quercy  François Furet était profondément Français. Mais il était résolument tourné vers l'étranger, que ce soit par ses livres  traduits pour plusieurs d'entre eux en 18 langues , ou par son enseignement  il passionnait chaque année ses étudiants américains par ses leçons sur Tocqueville, Benjamin Constant, Sieyès, Edgar Quinet, mais aussi Stendhal.

Artisan d'un retournement de la conscience nationale sur un de ses événements fondateurs, théoricien de l'épuisement de l'idée révolutionnaire, François Furet était progressivement devenu  dans la tradition de Tocqueville et de Raymond Aron  un moraliste des passions politiques.

Par sa puissance d'abstraction, par son érudition monumentale, par son acuité, son intelligence était de celles qui forcent l'admiration et le respect.

À sa famille, à tous ses très nombreux amis, j'adresse mes plus sincères condoléances.