Texte intégral
Première partie
Paul Amar
Bonsoir, l’actualité donnera un relief particulier à cette deuxième édition de Direct, l’émission politique de France 2, qui accueille, ce soir François Bayrou, le président de l’UDF. Bonsoir François Bayrou.
François Bayrou
Bonsoir.
Paul Amar
Avant de décliner les autres thèmes que nous avons prévu d'aborder, votre réaction à l'intervention de l'OTAN en Serbie. A votre avis, était-elle nécessaire ?
François Bayrou
Elle était nécessaire. Il fallait agir parce qu'on ne peut pas accepter que, sur le sol de l'Europe, des violations aux droits de l'homme aussi répétées, aussi lourdes que celles que monsieur Milosevic entreprenait, on ne peut pas accepter qu'elles se passent sans que nous ne disions rien, nous la communauté des peuples libres. Mais il y a un deuxième aspect des choses, c'est l'inquiétude pour la suite. Parce que le scénario heureux, c'est que monsieur Milosevic cède, accepte de se rasseoir à la table des négociations et accepte le compromis sur cette autonomie nécessaire au Kosovo. Et puis il y a un autre scénario plus inquiétant, c'est si monsieur Milosevic saisit cette occasion pour, au contraire accélérer dans action et, cette fois-ci, « serbiser » de manière ouverte en ajoutant aux malheur du kosovo. Il y a 250 000 réfugiés sur les routes et il y a 2 000 morts. Le scénario du pire n'est pas écarté. Et puis troisième chose, pardon si vous le permettez, j'ai dit il fallait agir, beaucoup d'entre nous ont en même temps le sentiment qu'on pouvait agir autrement, et quand on voit le poids que les américains prennent dans cette affaire, l'espèce de sentiment que c'est eux qui dirigent, décident, commandent, sans que les Nations Unies soient informées, sans que le Parlement Français d(ailleurs l'ait été non plus, on a le sentiment que cette alliance, elle est déséquilibrée et que tant que nous aurons un Europe absente, la réalité du monde sera celle-là. C'est-à-dire les américain décident et nous sommes dans le dispositif, mais pas au niveau qui devrait être le nôtre.
Paul Amar
Comme nous sommes en direct, nous vous donnerons bien sûr les dernières infos avec Laurence Ostolaza et les envoyés spéciaux de la rédaction de France 2, naturellement, Albert du Roy et Gérard Leclerc évoqueront de nouveau avec vous, cet événement dans la troisième partie de cette émission, tout comme Philippe de Villiers, le président du mouvement pour la France, qui débattra avec vous de l'Europe. Au moment où se tient, à Berlin, un sommet capital. Vous êtes tous les deux dans l'opposition, mais vous vous opposez tous les deux sur l'Europe et c'est ce qui fera la singularité de ce face à face. Philippe de Villiers commentera peut-être, d'un mot, la première partie de l'émission qui portera aussi sur l'actualité, l'école tout d'abord toujours en ébullition ; lycéens, collégiens, profs, proviseurs, parents d'élèves nous diront ce qu'ils pensent de la réforme Allègre et vous demanderont ce que vous feriez si vous étiez de nouveau ministre de l'Education. Enfin, dernière actu, toute aussi importante, les retraites, avec la remise aujourd'hui même aux partenaires sociaux du rapport Charpin, nous vous donnerons les résultats d'un sondage réalisé par l'IFOP, pour le magazine Notre Temps, et diffusé en avant-première par Direct. Le secrétaire général de la fédération des fonctionnaires Force Ouvrière et un expert libéral, vous demanderont sans doute de choisir entre deux visions, sur ce que l'on considère comme un brûlot politique. L'avenir des retraites en France. Mais avant d'entamer ces trois temps de l'émission, portait de l'homme Bayrou, dessiné par quelques personnalités, témoignages recueillis par Laurent Akim et Frédéric Pages.
Bernard Bosson, député-UDF d'Annecy
Nous avons été concurrents pour la présidence du parti, je veux donc d'autant plus témoigner que c'est un homme courageux, qu'il est porteur de convictions, qu'il veut construire une opposition nouvelle quoi, soit humaniste, c'est-à-dire pour lui, c'est l'homme qui doit être au centre de tout. Qu'il soit européen, qu'il soit tourné vers l'avenir et c'est une belle démarche.
Elisabeth Dufourcq, ancien Secrétaire d'Etat à la Recherche
Il a des ambitions qui sont nobles, le problème c'est que son entourage l'a persuadé que, pour parvenir à ses ambitions , il fallait prendre des moyens qui étaient beaucoup moins nobles. Je pense que ce genre de contresens, il le partage en commun avec l'ensemble du monde politique en général, et que la France mérite nettement mieux que cela.
Raymond Barre, Député-maire UDF de Lyon
Ce que personnellement j'aime beaucoup en lui, c'est la fidélité dans l'amitié. Il m'en a donné de nombreuse preuves, c'est rare en politique. Et je voudrais souligner ce point. Ce qui n'empêche pas, bien entendu, qu'il ait sa propre personnalité est ses propres convictions.
Françoise Verny, directrice littéraire Grasset
Il est mordu par la politique, je crois que comme tous ces politiques, ils sont mordus par politique, c'est ça qui est dommage ; enfin moi je trouve toujours que c'est un peu dommage. Mais je crois qu'il était capable de devenir, s'il avait voulu devenir un écrivain, il aurait pu.
Eric Raoult, secrétaire National du RPR
Ce qui me bluffe, c'est qu'il écrit bien, c'est que tout en menant une action politique de terrain, et aussi une participation à de différents gouvernements sous Edouard Balladur et sous Alain Juppé. Il a pris le temps d'écrire des ouvrages qui sont plutôt des ouvrages bien écrits. Ce qui m'agace, c'est qu'il est quand même très perso, il pense d'abord à lui et d'abord à lui, et souvent à lui.
Charles Millon, président du mouvement La Droite
Je pense que la politique ne se traduit pas par des ambitions d'hommes ou des projets personnels. La politique c'est la poursuite d'une vision, c'est la poursuite d'un projet de société et que l'homme n'est qu'au service de ce projet. Donc je pense que François Bayrou devra bien réfléchir, je crois qu'on a dépassé le temps de la politique spectacle, qu'on en est à la politique de fond.
André Labarrere, Député-maire PS de Pau
Il est démocrate-chrétien, il a un aspect Mère Thérésa qui est doublé d'un aspect un peu jésuite et un peu d'Ignace Oyola (phon) c'est quand même des grand noms.Mais des fois il est un peu, il a propos qui sont un peu des propos de cuisine électorale évidemment.
Jean-Pierre Frémont, Ancien conseiller
De par ses racines, de par ses origines personnelles, de par le cadre familial à l'intérieur duquel il a évolué, je crois que c'est quelqu'un qui est pétri d'un certain nombre de valeurs de références, certains appelleront ça la tradition, moi je crois qu'en tout cas, elles guident vraisemblablement le sens de son action et de son engagement politique.
André Santini, Député-maire UDF d'Issy-les-Moulineaux
Il est profondément béarnais, il aime bien être chez lui, toucher les gens, caresser ses chevaux, il est vraiment de là-bas, il est béarnais. Je ne comprends même pas qu'il ne porte pas un béret quand il est ici.
Paul Amar
Vous ne l'avez pas avec vous le béret. Vous le portez parfois le béret ?
François Bayrou
Parce que je pense que ça ouvrirait le champ assez facilement à la caricature.
Paul Amar
Il est de quelle couleur ?
François Bayrou
Et on déjà suffisamment caricaturé, les béret sont d'une seule couleur, la plus jolie, le noir.
Paul Amar
Le noir. Vous dites caricature, vous retenez de ce portrait plutôt l'éloge ou la vacherie ?
François Bayrou
Vous savez la vacherie en politique, c'est le pain de tous les jours. Malheureusement d'ailleurs, parce qu'il y suffisamment de débats qu'on pourrait avoir sur le fond, nos idées ne sont pas les mêmes, avec Philippe de Villiers on verra que bien qu'étant dans l'opposition tous les deux, nous avons deux visions différentes de l'avenir de l'Europe, en particulier. Donc la vacherie, voilà, la seule chose qui soit fausse, c'est ambition personnelle, tout ça est faux.
Paul Amar
Vraiment. Est-ce qu'on n'est pas forcément perso quand on fait de la politique ?
François Bayrou
Non, en politique on est dans une famille, un courant, qu'on essaie d'incarner, de faire vivre, de faire revivre et alors ça donne aux autres l'impression, qu'évidemment, on entreprend une aventure. Pourquoi ? Parce qu'ils voudraient que rien ne change, n'est-ce pas l'unanimité du monde politique français, elle voudrait que tout reste comme avant. C'est-à-dire les partis forts demeurent les plus puissants, et puis les autres se contentent des brides qui viennent de ce sommet. Je ne suis pas de cet avis.
Paul Amar
Ce qui est parfois paradoxal, c'est que la critique vient de l'ami politique, de l'allié, on va dire de l'allié, et que parfois l'éloge vient, donc perso, et que parfois donc l'éloge vient de l'adversaire. Dans ce dernier livre, en fait ce quatrième livre, édité par LE SEUIL et écrire par Pierre Favier, Michèle Martin Roland « La décennie Mitterrand », Il y a un hommage posthume de Mitterrand. Alors je le cite : François Bayrou, après quelques critiques assez vives contre certains hommes de droite…
François Bayrou
Beaucoup de vacheries oui.
Paul Amar
Et beaucoup de vacheries, François Bayrou dit-il, le plus prometteur, j'admire comment il a pu dominer son problème d'élocution ça dénote une vraie force d'être. André Santini évoquait votre béret, il aurait pu évoquer votre crayon dans la bouche comme Démosthène. Alors ce problème d'élocution, vous en avez Souffert ?
François Bayrou
Oui, c'est de l'enfance ç ne compte pas. Je veux dire s'exposer aux caméras, il y a des tas de gens qui aiment ça, raconter leurs tragédies intimes, leurs difficultés personnelles, ce n'est pas mon choix, ce n'est pas mon genre. Je pense qu'on a autre choses à faire, à présenter aux français comme aventure collective, partagée comme un espoir qui monte, comme l'envie de construire, que de passer son temps à se placer sous les objectifs des caméras, à se montrer dans son intimité, ce n'est pas mon genre. Et c'est peut-être une manière nouvelle de faire de la politique.
paul Amar
Oui, mais vous savez que c'est très important tout de même et c'est presque freudien très souvent les hommes publics – je ne dis pas politiques seulement, ça vaut pour les avocats, ça vaut pour les journalistes de télévision, ça vaut pour des enseignants, on va en parler – choisissent un métier public parce qu'ils ont souffert d'une forte timidité parfois d'un bégaiement, dans leur enfance ?
François Bayrou
Mais tout ça, vous imaginez vous que les français ne sentent et ne voient rien. Ils sont de l'autre côté de l'écran là, mais ils voient tous de vous, et de moi, parce qu'il y a une espèce d'habitude prise, ils ne sont plus dupes de tous ces jeux. Ils sont devenus, comment dirais-je, hypersensible à ce qu'est la réalité des gens. Et ce n'est pas la peine de l'exposer et de se mettre en scène, d'aller se trémousser sous les caméras, ils voient tout. Et c'est ce tout là qui est intéressant, et je préfère qu'il voient, en nous, des défenseurs d'idées, des porteurs de projets plutôt que des animaux de cirque.
Paul Amar
C'est quoi ? C'est une extrême pudeur ?
François Bayrou
Oui je suis pudique. Et je revendique ça comme une qualité.
Paul Amar
Et vous l'aviez cette pudeur, quand vous enseigniez les lettres classiques à vos élèves du Lycée Montaigne, ou à l 'université de Bordeaux.
François Bayrou
J'ai été un prof très heureux. J'ai été très heureux, d'enseigner et j'ai été très heureux comme ministre de l'Education Nationale. Je trouve que c'est presque banal de dire, ça parce que tous les hommes politiques à l'envi, essaient de cirer les pompes de ceux qui sont en face d'eux. Mais j'ai ressenti comme le plus grand bonheur qu'on pouvait avoir, de former la sensibilité des jeunes qui étaient en face de moi.
Paul Amar
Heureux dans vos relations avec les élèves, avec les parents d'élèves, avec le ministre de l'époque, quand vous étiez enseignant ?
François Bayrou
Je vais vous dire, je n'avais pas le sentiment comme prof, d'avoir la moindre relation avec le ministre de l'Education nationale de l'époque. C'était, on a des relations dans sa classe, on a des relations dans la salle des profs, mais le ministre c'était un personnage lointain, il est devenu, hélas, un personnage obsédant.
Paul Amar
Carole Cavarella bonsoir.
Carole Cavarella, professeur de lettres à Gagny 93
Bonsoir.
Paul Amar
Est-ce que vous êtes toute aussi heureuse que François Bayrou l'était quand il était prof ?
Carole Cavarella
Je suis très heureuse d'être prof moi aussi, oui. Je suis beaucoup moins heureuse dans mes relations avec mon ministre et ce ne sont pas les miennes d'ailleurs uniquement, ce sont les relations d'un certain nombre d'enseignants, 79 %, aujourd'hui primaires et secondaires confondues, qui critiquent leur ministre, qui demandent sont départ et qui sont parfaitement mécontents de la politique qu'il mène.
Paul Amar
Alors avant d'évoquer la réforme Allègre, donc avant de commenter ce qu'il propose, d'abord cette idée de bonheur, ou de blues qu'on croit percevoir aujourd'hui. Dans votre situation Maryse Verbrugghe, aujourd'hui est-ce que vous êtes heureuse comme prof ou pas ? Oublions Allègre un instant.
Maryse Verbrugghe, Professeur de lettres, Arras 62
C'est difficile, oui. J'aime mon métier, ça c'est ce que je peux vous dire, c'est très important, et je crois que beaucoup de professeurs aiment leur métier. Mais ils voudraient pouvoir l'exercer dans de meilleurs conditions, tout le problème est là. Voilà. Nous souffrons beaucoup, en particulier moi j'ai fait toute ma carrière en collège, je travaille en collège depuis 27 ans, et nous souffrons énormément, en collège, à beaucoup d'égard. Et je peux dire d'ailleurs, puisqu'on va parler certainement de la réforme des lycées. Je crois que s'il y a autant d'agitation dans les lycées c'est parce que beaucoup de professeurs, beaucoup de nos collègues de lycées, comprennent, perçoivent qu'on est en train peu-être de transporter les problèmes des collèges dans les lycées. A mon avis, mais je crois que monsieur Bayrou approuve, je crois que c'est ça qu'ils comprennent, c'est pourquoi il y a tellement de protestations en ce moment.
Paul Amar
Nicolas, lycéen, bonsoir. Vous percevez lez blues des profs, est-ce que vous l'avez aussi en tant que lycéen ?
Nicolas, lycéen Joliot-Curie, Sète 34
Oui je dirai qu'on leur fait subir un certain blues, mais aussi on subit ce même blues. Puisqu'en fait dans une classe surchargée, ça ne facilite pas le travail à nos personnels, mais ça ne facilite certainement pas le leur, puisqu'ils sont pas, comment dire, ils sont très gênés d'avoir une classe de plus de 35 élèves bien souvent. Je pense que ça les pénalise beaucoup.
Paul Amar
Manon.
Manon, lycée Victor Louis, Talence 33
C'est le blues et puis l'ennui aussi.
François Bayrou
En quelle classe vous êtes ?
Manon
Je suis en première scientifique, c'est l'ennui aussi. C'est-à-dire qu'on est dans un lycée où, parfois, on a 9 heures de cours par semaine, un caractère assez répétitif, un peu bourrage de crâne, donc au bout d'un moment, c'est vrai que ce n'est pas au lycée qu'on aimerait vivre, et ce n'est pas là qu'on aimerait passer nos journées, parce que ce n'est pas un endroit où on s’épanouit.
Paul Amar
Anna, François Bayrou qui peut-être aussi vous demandera dans quelle classe vous êtes ?
Anna, Collège Henri Barbusse, Saint Denis 93
Je suis en troisième au collège et je pense que le blues que ressentent les lycéens, tous les élèves l'ont, que ce soit à la maternelle ou à l'université, parce que c'est vrai qu'il y a un problème, c'est clair, dans le système éducatif à notre époque. Enfin je ne me rappelle pas vraiment avoir vu un élève qui se dise satisfait et qui se dise ne pas avoir le blues et ne pas s'ennuyer en cours, parce que c'est vrai que c'est difficile quand même.
Fin de la première partie
Deuxième partie
Paul Amar
Alors je vous propose de voir tout d'abord un reportage un peu particulier avant que vous n'interveniez, les uns et les autres, y compris le proviseur qui est là, et un parent d'élèves qui est avec nous. Je dis particulier, parce que Direct a confié deux caméras à des profs, et à des élèves d'un collège qui se trouve, Anna, enfin qui intervient en tout cas dans son collège, ces profs et ces élèves qui sont aussi parmi nous. Mais qui vont intervenir dans ce reportage qui leur appartient, c'est leur regard sur leur établissement, sur la vie dans leur établissement, et on est intervenu, quand je dis on, nous journalistes de Direct à aucun moment.
Des manifestants
Qu'est-ce qu'on veut ? Des sous. Pour quoi faire ? L'égalité. Et qu'est-ce qu'on veut ? Des sous. Pour quoi faire ? L’égalité.
Jean-Michel Malvis, professeur de collège à Saint-Denis
J'aime bien ces images, on dit toujours ici que les parents ne s'intéressent pas à l'école. Lors du mouvement de l'an dernier, ce qui m'a ému, c'est de voir les familles des cités participer. Moi je crois qu'ils tiennent vraiment à l’école.
Anna
Et, nous surprise, on a vu les profs se battre pour nous. Aujourd'hui c'est moi qui filme.
Témoignage
On a pas assez de prof, pas assez d'heures, et en fait ce que j'aimerais c'est que plus tard, mes enfants, enfin ils aient toutes leurs chances de réussir, alors que je ne voudrais pas qu'ils soient comme moi. Parce que j'ai des mauvaises notes, en fait je n'ai pas du tout envie de travailler. ET justement à cause de l'esprit de ce collège, on dirait une prison.
Témoignages
Moi ce que j'aimerais vraiment dire, par rapport au collège mais là c'est juste une petite parenthèse, c'est ce que je pense c'est que si les collèges étaient déjà mieux fait, les élèves ils auraient peut-être plus envie d'y aller. Parce que je ne suis sûr que ça, ce soit vraiment réjouissant comme spectacle. On dirait une prison parce qu'il y a les grilles.
Anna
Le problème surtout, c'est qu'on écoute jamais notre avis, en dehors d'ailleurs c'est tout. Alors depuis la grève de l'année dernière, j'ai créé le mouvement des élèves de Saint-Denis, avec les copains d'un autre collège. On continue à se réunir, même si on n'est pas toujours entendu, on parle entre nous, de ce qui ne va pas.
Témoignage
L'autre fois il y a un élève qui s'est fait vexer, un élève de ma classe, c'est le professeur qui lui a dit : « oui de toute façon, tu vas redoubler, tu ne fais rien ? Tu finiras dans la rue, à manifester pour... » voilà des choses comme ça.
Témoignage
Et moi la principale qui me dit, elle me demande ce que je veux faire, je lui dis une seconde générale, elle me dit : « non mais tu te moques de moi. Tu es bonne que pour un BEP ».
Témoignage
Pareil, une autre prof qui dit au même élève / « toi je ne t'aime pas ». Pardon madame, vous êtes là pour m'aimer, non, non je ne t'aime pas. D'accord, c'est bien, moi non plus.
Catherine, collégienne
Les grilles dans un collège, c'est assez représentatif de ce que, on nous enferme. Non peut être pas, je n'irais pas jusque là, mais ça rejoint la parole.
Témoignage
Dans les conseils de classes, les délégués n'ont même pas le droit de parler.
Témoignage
Souvent on nous dit : « ça ne relève pas du conseil de classe ou des choses comme ça ». et après en cours, on nous dit : « on est en cours, on est pas en discussion », alors on les relève quand ces choses-là.
Jean-Michel Malvis
Je suis professeur d'histoire dans ce collège depuis deux ans. Il vient d'être rénové et c'est essentiel pour pouvoir bien y vivre. C'est sûr que beaucoup d 'élèves souhaiteraient discuter plus avec les adultes. Mais même entre profs, le gros problème, c'est le manque de temps aménagé pour se parler, et pour travailler plus efficacement. Là on est dans la salle des profs. En général, on a juste le temps de s'y croiser. Alors monsieur Bray sort de ses cours. Quelles sont les principales difficultés que tu as pu rencontrer cette année ?
Nicolas Bray, professeur de mathématiques
C'est vrai qu'il y a des choses qui sont difficiles à vivre, mais c'est plus du quotidien des élèves eux-mêmes, que du nôtre.
Jean-Michel Malvis
C’est-à-dire ?
Nicolas Bray
Les élèves sont dans des situation qui sont vraiment dramatiques. Mais ce qui est intéressant, c'est que malgré ça, ce n'est pas le cas de tous les élèves évidemment, je ne veux pas donner un tableau noir au collège, c'est que les élèves quand ils arrivent au collège, ils arrivent à travailler, ils arrivent à être des élèves à part entière.
Jean-Michel Malvis
Voilà donc là, on va aller voir la conseillère d'éducation qui vient d'arriver dans le collège depuis Toulouse, et qui donc vient de passer six mois dans ce collège, et qui s'est fort bien adaptée.
Rachel Subias, conseillère d'éducation
Moi ce qui me gêne beaucoup actuellement, ce qui me dérange beaucoup dans le travail que je fais, c'est que je trouve qu'on n'a pas le temps pour réfléchir à des solutions, pour faire de la prévention. On est constamment dans le répression et dans l'urgence, et c'est très frustrant, de travailler comme ça.
Anna
Alors quand est-ce qu'on dialogue ? Bien sûr, il est tout beau, tout neuf le collège, mais nous on filme des portes fermées, c'est ce qui résume le mieux ce qu'on pense du système scolaire.
Témoignage
On n'entre pas, j'ouvre pas, dans la salle des profs.
Jean-Michel Malvis
Madame l'infirmière vient de transmettre un papier, ça parle de quoi ce papier.
Sandra Gomperz, infirmière
Alors là j'informe mesdames et messieurs les professeurs que, dans le cadre d'une prévention bucco-dentaire, tous nos élèves vont passer, leur dentition sera observée par un chirurgien-dentiste.
Jean-Michel Malvis
Pendant les heures de cours ?
Sandra Gomperz
Pendant les heures de cours, ce qui va faire faire des bonds à monsieur Malvis, professeur de plusieurs classes.
Jean-Michel Malvis
C'est chaque fois des heures d'enseignements en moins. Comment rendre compatible, à la fois des interventions absolument nécessaires, et le fait aussi que nos gosses sont, là aussi avant tout, pour apprendre ? Transmettre les savoirs c'est essentiel. Pour nous, pour les enfants et ils le savent. Alors vous trois vous êtes en ?
Témoignage
6ème C.
Jean-Michel Malvis
6ème C et ça se passe bien.
Témoignage
Oui. Sauf qu'il y a un truc un peu différent, c'est que là on a beaucoup plus de professeurs qu’avant.
Jean-Michel Malvis
Et c'est mieux.
Témoignage
Oui C'est mieux.
Jean-Michel Malvis
Pourquoi c'est mieux ?
Témoignage
Parce qu'après on peut prendre en demi-groupes…
Jean-Michel Malvis
C'est quoi en demi-groupe ?
Témoignage
La moitié des élèves.
Jean-Michel Malvis
Et ça c'est bien en demi-groupe ?
Témoignage
En fait, on a l'impression que ça nous fait plus avancer que si on était en classe entière. En plus il faut dire que notre classe, elle est un peu toujours excitée, donc en demi-groupe c'est plus calme.
Témoignage
Heureusement qu'il y a des professeurs qui savent les calmer comme vous monsieur Malvis.
Jean-Michel Malvis
Merci les filles.
Témoignage
D'accord au revoir.
Paul Amar
Voilà donc je le répète aucune intervention, vous le confirmez Anna, aucune intervention de notre part , pas de censure. Mais il n'y a pas d'autocensure ?
Anna
Non, non, oui oui non c'est sûr, on a rien voulu cacher. On a dit exactement ce qu'on pensait. Mais bon c'est vrai qu'on avait quand même un nombre de temps limité, donc on a été obligé de faire au plus urgent.
Paul Amar
Six minutes, on vous a donné beaucoup pour un reportage, d'habitude c'est trois minutes. Donc on a été plutôt généreux. Est-ce que ce reportage-là, sur une initiative de point du jour, est-ce que vous auriez pu l'imaginer quand vous étiez ministre de l' Education ? Est-ce que à votre avis, en le regardant, la situation a évolué ou pas et dans quel sens ?
François Bayrou
D'abord, oui sûrement, ce genre de sentiment existait et, à mon avis, il existera encore longtemps. On y reviendra. Ce n'était pas le paradis quand j'étais ministre et voilà tout ça serait ridicule, il ya un fait nouveau, c'est le sentiment de démoralisation qui n'a jamais été atteint par l'école, les enseignants, et le jugement de l'opinion sur l'école. Jamais là, les sondages sont terrifiants, jamais probablement dans le nation, un corps n'a eu l'impression d'être à ce point pris pour cible, montrer du doigt, critiqué par ceux-là même qui devraient avoir la mission de les défendre et de les entraîner. Quand un chef démoralise ses troupes, il y a quelque chose qui, vraiment ne va pas. Et c'est toujours les élèves qui trinquent, on avait fait une étude du temps où j'étais ministre de l'Éducation national, pour essayer de comprendre ce qui séparait, à famille égales, les élèves qui réussissent des élèves qui échouent, et il y a une chose qui marque la différence, les élèves qui réussissent sont ceux chez qui la famille soutient l'école. La famille a l'impression que l'école c'est très important, et soutient, encourage et prend le parti de l'école en face des élèves quand il y a quelque chose qui ne va pas et ceci c'est vrai pour une nation. Le sentiment aujourd'hui répandu chez tous, chez tous les enseignants en particulier, selon lesquels ils sont injustement pris comme bouc-émissaire, du corporatisme, de l'immobilisme, c'est un sentiment injuste. Je sais bien que beaucoup de ceux qui nous écoutent croient ce qu'on leur dit sur ce sujet. Moi je voudrais leur dire simplement qu'ils se trompent, et que cette voie n'est pas, ne peut pas trouver une bonne issue. C'est une impasse.
Paul Amar
José Fouque, j'ai donné la parole aux profs et aux ados, José Fouque vous être proviseur à Nogent-Sur-Oise, cette démoralisation vous l'observez vous-même et à quoi à votre avis est-elle due ?
José Fouque
D'abord la démoralisation n'est pas la même dans tous les établissements, ensuite concernant la démoralisation, je crois qu'il faut d'abord dire quelque chose, c'est que le métier d'enseignant est un métier difficile, ce métier dans lequel, les personnes ont de loures responsabilités. Et je ne pense pas, comme le suggérait monsieur le ministre, que ce découragement soit un découragement dû à l'actualité. Découragement des enseignants quand il existe, parce qu'il n'existe pas partout, me semble provenir de ce que le métier d'enseignant a changé, mais on ne l'a toujours pas dit aux enseignants, préalablement. C'est-à-dire qu'on n'a pas expliqué aux enseignants, avant qu'ils ne passent par exemple les concours pour devenir, pour devenir professeur, ou en cours d'exercice de leur métiers, on ne leur a pas donné de message politique suffisamment fort et explicite, pour les conforter dans leurs missions.
Paul Amar
Alors avant d'évoquer la relation avec le chef, comme le dit François Bayrou, c'est-à-dire avec le ministre, et avec les ministres successifs, parce-que de Alain Savary à Allègre aujourd'hui, en passant par Alain Devaquet, Lionel Jospin, ou vous-mêmes, il y a toujours eu une crise, entre le ministre, la révision de la loi Falloux, on en parlera, entre les ministres, non mais attendez, je voudrais donner la parole à un parent d'élèves, est-ce qu'il n'y a pas aussi…
François Bayrou
Une phrase quand même.
Paul Amar
Une phrase, pas un discours.
François Bayrou
Une phrase, des réformes proposées qui échouent ou qui sont rejetées, c'est arrivé de tous les temps. Ce n'est pas pour autant que les relations d'estime et de respect n'existeraient pas. Avec Jospin excusez-moi de le dire, je ne suis pas de son bord, comme on va le voir, il y avait relation et respect. Avec moi je crois pouvoir le dire, il y avait relation de respect. Avec Chevènement, il y avait relation de respect, le phénomène créé aujourd'hui, est exceptionnel sur ce point.
Paul Amar
Un problème de comportement, c'est ce que vous direz peut-être. Alors parent d'élève, Patrick Roulette bonsoir, est-ce qu'il n'y a pas aussi un problème de communication, d'ailleurs c'est un terme qui revient souvent, aussi bien dans la bouche des profs que des élèves, et même des parents d'élèves, entre les uns et les autres au sein même de ce champs clos qu'est l'école. Oublions le ministre.
Patrick Roulette, parent d'élèves, FCPE 93
Je crois qu'il faut oublier le ministre, parce que quand même quand vous Ecoutez les enfants ce sont les enfants qui sont au cœur du problème. Ils vous parlent de ce qui va mal aujourd'hui. Et ce qui va mal aujourd'hui, c'est quand même la conséquence de la réforme initiée par monsieur Bayrou. Et le collège et le lycée qui ne fonctionnent pas aujourd'hui, qu'il faut changer, ce sont des choses qui sont quand même héritées du passé. Sur la communication, vous avez entendu les enfants dans ce reportage qu'ils ont géré tout seuls, qu'ils vous parlent de difficultés relationnelles avec leurs enseignants. Et c'est vrai qu'aujourd'hui, je pense qu'il est fondamental que l'école s'ouvre, s'ouvre au dialogue avec les parents d'élèves, vous savez à la FCPE on parle de coéducation, parce que ça nous intéresse au premier chef, ce sont nos enfants qui sont dans ces écoles. Et nous remarquons, souvent, qu'il n'y a pas de dialogue réel, entre enseignants et parents et, quelquefois, entre enseignants eux-mêmes. Et au lieu ce cristalliser, excusez-moi, le débat sur la relation avec le ministre. Ce n'est pas au ministre que je m'intéresse, c'est aux idées qu'il défend, à la réforme qu'il porte, on est en train de parler du ministre et on ne parle pas de l'avenir de l'école. Or les enfants, quand vous les interrogez, ils vous disent « ça ne va pas ». Donc il faut bien avancer, il faut initier de vraie réformes, discuter. Alors la réforme de Monsieur le ministre, c'est vrai qu'elle est souvent critiquable, mais le besoin de réforme il existe. Et il existe avant tout d'abord, excusez-moi j'en aurai fini, au niveau de l'école primaire, car c'est là que tout se joue, souvent au collège et au lycée, c'est trop tard. Et c'est au niveau de l'école primaire, je vous remercie, qu'il faut…
François Bayrou
Très bien, très bien, très bien.
Patrick Roulette
...intervenir car, après, les moyens à mettre en œuvre sont disproportionnés.
Paul Amar
Vous-même vous avez un enfant dans le primaire et deux enfants dans le collège, et vous sentez la différence ?
Patrick Roulette
J'ai la chance, je suis à Drancy, d'avoir une école qui, une école primaire qui, pourtant comporte 450 enfants, qui s'est toujours merveilleusement mise en osmose entre les parents et les enseignants, et quand cela fonctionne comme ça, c'est inimaginable ce que l'on peut faire. Donc, ça fonctionne bien au primaire, mais on sait que c'est là où les gamins dérapent.
Paul Amar
Alors un mot de François Bayrou. Un mot sur le passé, puisque vous étiez interpellé sur le passé et, ensuite, les enseignants et les lycéens ou collégiens, répondront.
François Bayrou
Franchement, je ne suis pas là pour défendre les choses, mais monsieur, on a entendu les élèves de sixième, qui disaient demi groupe c'est bien, études c'est bien, c'est moi qui l'ai fait. Les études surveillées au collège, c'est la réforme que j'ai faite. La diversification des parcours, pour ceux qui le veulent ou le peuvent, latin en cinquième, grec en troisième, technologie, langues vivantes, c'est moi qui l'ai fait. Alors je ne vais pas passer mon temps à défendre ces quatre année là, elles ont sûrement leurs zones d'ombres et de lumière, je n'ai aucune illusion sur ce point ? Et je ne vais pas continuer, sur monsieur Allègre non plus. Il y a un point très important dans ce que vous avez dit, et dont je m'étonne qu'aujourd'hui on ne le dise pas, c'est où est la racine de tout ça ? Alors il y en a beaucoup, elles sont sociales, il y en a beaucoup, affective, tout ça est vrai. Mais j'en prends une, il y a un drame de l'Éducation nationale en France, que je n'ai pas réussi à corriger, disons-le. C'est l'incapacité, lorsqu'un enfant entre en sixième, pour 15 % d'entre eux environ, qu'il ait les bases élémentaires qui lui permettront de suivre. Il y a 10, 15 un peu plus pour-cent des enfant qui en entrant en sixième, ne savent pas lire. Tant qu'un pays comme la France admettra, alors on dira que c'est une de mes marottes – j'ai écrit vous le savez, j'ai écrit des livres là-dessus – tant qu'un pays comme la France admettra que 15 % de ses enfants puissent être puissent être admis en sixième sans savoir lire, ce pays rendra un mauvais service à son Education nationale et aux élèves. Et moi je propose une chose simple, si on admet cela, c'est qu'on concentre tous les efforts du système éducatif, comme vous l'avez dit à juste titre sur ce sujet là. Quand on s'aperçoit avant qu'il n'entre en sixième qu'un enfant n'a pas acquis la lecture et l'écriture, trouvons pour lui des classes spéciales, où l'on concentrera tous les efforts pour lui donner cela, parce qu'autrement, ça ne se rattrape pas. Personne n'ose le dire, personne n'ose en parler, quand j'en ai parlé on a fait des procès, je me souviens de pages dans des grands quotidiens expliquant que c'était une obsession malsaine de ma part. Illettrisme zéro, je suis persuadé que si on prend le mal à la racine, on va considérablement changer les choses de ce point de vue. Et on aura moins de difficultés au collège, parce qu'un qui ne sait pas lire, qui sait au fond de lui même, qu'il ne sait pas lire, il n'est pas bien au collège, et il est en situation de rejet.
Fin de la deuxième partie
Troisième partie
Paul Amar
François Bayrou, là vous devez être satisfait parce qu'on parle problèmes de fonds.
François Bayrou
C'est ça le sujet.
Paul Amar
Alors je demanderais aux autres d'être bref, on peut parler brièvement des problèmes de fonds, et je vais me faire l'avocat non pas du diable, mais de l'absent, donc sur le papier regardons les réformes Allègre, parce qu'on va parler maintenant de l'avenir et on voudrait avoir votre sentiment, et le vôtre évidemment, sur ce que Claude Allègre propose. Quand il propose un allégement du temps, une meilleure organisation du temps. Quand il propose une baisse des effectifs, la création d'un conseil lycée, alors d'abord l'avis des profs, allez-y.
Carole Cavarella
Mais c'est de la pure démagogie. Il suffit de rencontrer les parents d'élèves et de leur expliquer ces textes, qui sont par ailleurs incompréhensibles, pour que tout le monde comprenne à quel point monsieur Allègre est un danger pour l'Éducation nationale. Il parle d'aides individualisées par exemple. Le lycée va devenir son propre recours, l'école aussi d'ailleurs et va assurer des cours particuliers. Mais la réalité c'est quoi ? Ce sont des groupes de 8 élèves maximum, uniquement en français et en mathématiques, qui vont être pris en soutien, en échange de quoi ? Parce que le prix à payer est extrêmement cher. En échange de quoi l'ensemble de la classe a deux heures de moins en français, math, langues, histoire-géographie. Premier exemple d'un discours qui est complètement hypocrite.
Paul Amar
Alors sur cet exemple, l'avis des jeunes, allègement du temps de travail ou d'études, création d'un conseil lycéen que dites-vous Nicolas.
Nicolas
J'étais mercredi dernier au rectorat justement, face à monsieur le recteur…
Paul Amar
Dites-le, ce n'est pas votre prof, mais à un prof.
Nicolas
D'ailleurs, il y a effectivement un gros problème parce que ça ne concernera que huit élèves, sur une étape de trois mois, et ce qui fait que l'ensemble du reste de la classe, on ne sait pas ce qu'on va en faire encore à l'heure actuelle. Alors que vont-ils faire ?
Carole Cavarella
Sans compter que pour nous, excusez-moi, toutes les difficultés qu'il y aura à déterminer les 8 élèves qui vont bénéficier de cette manne.
François Bayrou
Et pourquoi 8 ?
Carole cavarella
Parce que ça ressemble à un petit groupe
Paul Amar
Création d'un conseil lycéen, vie lycéenne plus forte au sein de l'établissement, Anna et Manon.
Manon
Ce qu'il faut bien voir, c'est qu'il y a la réforme et puis il y a ce qui se fait dans les lycées après. Les conseils de vie lycéenne, ils vont peut-être se créer, ils ne seront pas là pour venir vérifier ce qui s'y passe. Il y a quelque chose qui existe depuis un moment par exemple, c'est qu'il est dit que le fonds social lycéen doit être géré par les lycéens, ça ne se fait pratiquement jamais. Donc sur le conseil de vie lycéenne, pour le principe peut être qu'ils vont exister, après, s'ils vont vraiment avoir un rôle !
Paul Amar
Le proviseur sourit.
José Fouque
Je ne souris pas, je suis, d'une certaine façon, d'accord avec cette jeune fille. Il est absolument nécessaire que ces conseils de vie lycéenne, fonctionnent, qu'ils fonctionnent de manière paritaire. Il est important que ce soit un organe décisionnel, c'est ce qui est prévu dans la réforme. Pour les individualiser, je suis absolument d'accord qu'il faut les faire vivre, et ça dépend effectivement des chefs d'établissements, et des enseignants qui participent au conseil d'administration et de tous les personnels qui doivent avoir la volonté, à mon avis avoir le courage, de faire exister ces conseils de vie lycéenne, il y va de la formation citoyenne de nos élèves. Je pense que là...je voudrais répondre d'un mot si vous me permettez, sur la question de l'aide individualisée. Ce que nous propose cette charte, cette modification, c'est d'abord une augmentation des travaux en groupe, je dirais de TD. Deuxièmement, il nous propose le maintien des modules, dont tout le monde s'est satisfait, même s'ils n'ont pas, dans leur contenu, toujours été appliqués comme c'était prévu au début. Mais enfin, ils sont très appréciés, des enseignants et des élèves. Et troisièmement on propose l'aide individualisée. Bien. Alors moi je trouve amusant, vraiment amusant qu'on dise l'aide individualisée ça enlève du temps de cours aux enseignants et aux élèves. Parce que dans la réalité monsieur Amar, dans la réalité d'un conseil de classe, de quoi se plaignent les enseignants, légitimement d'ailleurs ? Il se plaignent de ce que les élèves ne travaillent pas suffisamment chez eux. C’est-à-dire que le temps de travail à la maison est insuffisant. Et que, du coup, en cours, les professeurs sont retardés, qu'ils n'arrivent pas à avancer au rythme qu'ils souhaiteraient avec l'ensemble de la classe…
Carole Cavarella
Certainement pas, certainement pas, Nous n'exigeons pas à des élèves qui sont dans des milieux, très défavorisés souvent, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, dans bien des banlieues, qu'ils travaillent énormément chez eux. C'est faux, nous avons tout à fait conscience des difficultés qu'ils peuvent avoir chez eux.
José Fouque
En lycée, il est important que les élèves travaillent chez eux quand même.
Carole Cavarella
Qu'ils travaillent un peu chez eux, oui, bien sûr, qu'on leur demande de continuer le cours chez eux, c'est évident. Qu'on demande à des familles qui sont défavorisées, au point où elles le sont très souvent aujourd'hui dans des cités, de compenser ce que l'école ne voudrait plus leur donner, non ça c'est entièrement faux.
José Fouque
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Je dis quand même qu'il faut que l'école soit une école de l'égalité républicaine, il faut que tous les élèves aient toutes les chances de réussir pareil.
Carole Cavarella
Précisément.
José Fouque
Donc le fait d'aider les enfants qui sont issus de milieux plus défavorisés qui, justement chez eux, n'ont pas la possibilité d'être aidés par leurs parents, moi me paraît quand même répondre à un objectif de la république, ça me paraît très bien. Et du coup, je suis absolument certain que même avec un tout peu moins d'heures, parce qu'il faudrait regarder dans le détail la réforme, on arrivera à faire avancer tout le monde au même rythme. Il y a un vrai-faux problème de croire que parce qu'on aide les élèves par groupe de 8, on va empêcher les meilleurs élèves d'avancer. Voilà, c'est tout ce que je voulais dire.
Carole Cavarella
Et là on entend le tandem, Claude Allègre- Philippe Mérieux, j'ai entendu l'autre jour monsieur Claude Allègre à Europe 1, qui disait : « je n'ai entendu aucune critique précise sur ma réforme », Évidemment on se sert toujours de grands mots. Vous voulez des chiffres précis ? En français, l'année prochaine en seconde, j'ai une heure de cours en moins, de cours et un quart, pardon, de modules en moins. Alors qu'on ne vienne pas nous dire que les modules sont maintenus etc. Vous savez combien d'heures de français on a dans une seconde générale ? Quatre heures, quatre heures de cours, vous trouvez que c'était trop et qu'il fallait encore en enlever. A l'heure où l'on prétend éduquer les enfants à la vie citoyenne etc, c'est-à-dire à l'argumentation tout simplement.
Anna
Ecoutez moi je ne suis pas encore au lycée, j'y vais l'année prochaine. Mais bon d'abord je suis assez d'accord sur ce qui a été dit par rapport au conseil de lycéens. C'est vrai que je pense que ça va fortement dépendre de l'administration, du proviseur etc. parce que si le proviseur n'est pas d'accord, je pense que ça doit être assez difficile pour les lycéens, après d'appliquer ce qui est dit dans ces conseils. Et puis ensuite pour les heures de français, déjà en troisième je ne pense pas qu'on ait assez d'heures de cours. Alors si, en plus au lycée, on nous met 3 heures de français au lieu de 4, c'est vrai que là je pense que ça commence à faire vraiment très léger.
Carole Cavarella
Et excusez-moi, je termine juste sur ce point-là, lorsqu'on a demandé en novembre 98, aux parents d'élèves ce qui, selon eux, pourrait améliorer l'enseignement français, qui part ailleurs d'ailleurs contrairement à ce que vous disiez tout à l'heure, ne marche pas si mal que ça. Ils ont répondu à
66 % : réduire les effectifs des classes, et 7 % ; diminuer le nombre d'heures de cours. 7 %. Que dit ensuite le ministre ? J'ai fait une consultation nationale, j'ai tenu compte des avis des profs, des élèves, ce qui est complètement faux parce que leur consultation nationale, il faut bien qu'ils le sachent, n'a jamais &t& dépouillée. Et il prétend donc faire parler les gens, leur faire tenir un discours qu'ils n'ont jamais tenu. Les parents d'élèves n'ont jamais demandé qu'il y ait moins d'heures de cours. Ils sont 7 % à le demander. De même qu'il y a 11 % de profs qui sont…
Paul Amar
Attendez, Patrick Roulette un mot et François Bayrou tirera les premiers enseignements de cet échange.
José Fouque
En français, il y avait... Maintenant il y en aura cinq.
Paul Amar
Non, Patrick Roulette si vous permettez monsieur Fouque, monsieur Fouque, un mot.
Patrick Roulette
Monsieur Amar, les parents ont toujours beaucoup de difficultés à s'exprimer dans le cadre de l'enseignement. Je crois qu'il faut dissocier deux choses. Les buts et les moyens pour y arriver. On ne peut pas dire que dans les propositions de réformes de monsieur Allègre qui sont doubles, sur le premier degrés et sur le lycée, il n'y ait pas des éléments sur lesquels nous sommes d'accord. C'est faux, il y a des principes que sur lesquels nous devons tous nous entendre. En revanche, il faut affirmer que sans moyens, ces principes resteront lettre morte. Si on ne se donne pas les moyens réellement, de travailler en petit groupes, ce sera, je dirai, un vœux pieux. Et la difficulté elle est là, s'il n'y a pas suffisamment d'enseignants formés, s'il n'y a pas suffisamment de personnels atos (phon) pour être présent dans les lycées, toute cette réforme-là sera une énième réforme. Donc il faut, je crois, dire que les parents sont demandeurs d'une réforme, c'est très clair et que la réforme qui nous est proposée comporte des éléments intéressants. Nous le disons parce qu'il y a une enquête, il y a eu le rapport Mérieux, on ne peut pas le jeter. Et face à cela, il faut exiger des moyens, car sinon ça ne servira à rien.
Paul Amar
Alors François Bayrou, premier enseignement, on dit : le monde de l'enseignement est démoralisé, mais il reste très attaché à ce qu'il fait...est très vif, on le voit à travers ce premier échange ?
François Bayrou
Alors moi, je suis un peu embêté parce que sous le mot réforme on met n'importe quoi. Plus personne ne se demande ce qu'est le contenu de le réforme, le mot à lui tout seul, remplace le contenu. Est-ce qu'il y a une réforme Allègre pour les lycées ? Évidemment non. La réforme Allègre ça se résume, madame l'a très bien dit, à quelque chose de simple, on enlève une heure de maths, une heure de français aux élèves de seconde, pour ne laisser ces 2 heures qu'aux 8 élèves les plus en difficultés de la classe. Encore une fois pourquoi 8 ? Qui peut dire, il y a des classes où il ya 20 élèves en difficultés, il y a des classes où il n'y a pas d'élèves en difficultés, ou très peu, pourquoi 8 ? Mystère. Bien. Est-ce que c'est un drame épouvantable ou un succès extraordinaire ? Je ne me sens pas, comment dirais-je, je ne pense pas que ça mérite des superlatifs, ni dans un sens, ni dans l'autre. Il y une chose qui inquiète profondément, qui ne se dit pas sous les débats désordonnés qui règnent actuellement au sein de l'Éducation nationale, c'est que quand on réfléchissait aux fonctions de l'école, il y en avait deux principales. La première, c'est l'école de Jules Ferry, c'était donner à tout le monde le bagage nécessaire, indispensable pour la vie. Lire, écrire et compter. Quand monsieur Allègre a franchi le seuil du ministère de l'Education nationale, se première déclaration a été pour dire : « l'école de Jules ferry c'est fini ». Je pense qu'il se trompe. On a besoin de cette école là, celle qui donne le bagage à tous. Et il avait un deuxième point, c'était l'égalité des chances. Ça veut dire que l'école elle donnait en terme de culture, en terme de savoir aux moins chanceux, la chance de rejoindre ceux qui étaient nés dans les milieux les plus cultivés, favorisés, parce qu'autrement si l'école ne fait pas ça, alors on se trouve devant l'inégalité majeure, la culture et le savoir seront donnés à la maison par ceux qui auront les moyens et la chance de pouvoir le faire. C'est sur ce point qu'il y a une inquiétude. Lorsqu'on parle du sentiment que les enseignants ont, de voir le savoir ou la culture remis en cause, pour être remplacée par de l'animation sociale, vie citoyenne, tout ça compte, mais c'est beaucoup de mots et le statut du savoir il ne faut l'abandonner. Je trouve que les codes de la république en France, qui est une de celle, je voudrais dire ça, je ne sais pas s'il y a une caméra, face caméra, il faudrait dire ça.
Paul Amar
Vous pouvez le dire à Manon, pourquoi... voilà dites-le aux jeunes.
François Bayrou
Manon, malgré tout ce qu'on dit en France, l'Education nationale, elle m'a fait un clin d'œil, c'est très bien, mais c'est sérieux. L'Education nationale française est une ce celle qui a le mieux réussi dans le monde. On veut copier l'école américaine, ou l'école anglo-saxonne. L'école américaine est celle qui a le plus échoué dans le monde, sentiment de désarroi, une partie de ma famille est américaine. Enfin le sentiment qu'on pourrait faire en France ce qui a tellement échoué en Amérique, pour moi c'est une crainte. Moi je comprends ceux qui expriment cette crainte. Alors on a besoin de retrouver des repères simples, sut votre chaîne, non sur France 3, dans la même maison, il y avait l'autre soir un débat, je ne sais pas si quelqu'un d'entre vous l'a vu, c'était effrayant. Le journaliste est sorti en disant : Ecoutez, après avoir entendu ce que j'ai entendu, je n'ai plus envie que mes enfants aillent à l'école en France. Pourquoi ? Parce que plus personne ne sait de quoi on parle, les choses sont tellement troublées, qu'on n'est pas capable de discerner ce qui est de l'ordre des savoirs de base élémentaires, qui doivent être acquis au moment où on entre en sixième, ce qui est de l'ordre de la formation à un métier, ce qui est de l'ordre, c'était aussi une des fonctions de l'école, de la sélection des élites mettons, c'est un mot qui est discutable, tout ça, tous ces repères ont disparu. Et c'est ces repères là, qu'il faut reconstruire dans un discours simple sur l'éducation et pas verbeux, pas bla-bla.
Paul Amar
Merci François Bayrou. Pour cette intervention. Je l'ai dit en tout début d'émission, cette émission est très chargée à cause de l'actualité. L'école on vient d'en parler, les retraites on va en parler. Mais aussi de l'intervention de l'OTAN en Serbie, j'ai promis des interventions de nos envoyés spéciaux, tout au long de cette émission su quelque chose de nouveau se produisait. Donc, avant d'appeler Anne Poncinet et on est tributaire des faisceaux horaires, dont c'est très important dans les fenêtres qui nous sont accordées, pour appeler nos envoyés spéciaux, donc avant d'appeler Anne Poncinet à Skopje, en Macédoine, à la frontière du Kosovo, un mot Nicolas et l'on passera à d'autres thèmes, parce qu'on est obligé de faire un tour de piste.
Nicolas
Je pense qu'il faut qu'on arrête de comparer le système éducatif français, au système anglo-saxon ou américain. C'est important parce que le système anglo-saxon c'est pire qu'américain, il est en pleine réforme c'est l'échec. En France, ce qu'il faut être bien conscient, c'est que l'éducation française est un échec, là c'est pire qu'un avion qui bat de l'aile, il va s'écraser, il faut qu'on réagisse vite. Les lycéens français descendent souvent dans la rue, parce qu'on a un malaise, on a quelques chose à dire, on revendique on veut des programmes qui ressemblent plus à la réalité, qu'on arrête de nous parler, enfin on n'est plus en l’an 40, c'est-à-dire ce n'est plus métro-boulot-dodo, on a besoin de pouvoir se servir des outils modernes maintenant, on a besoin de rentrer dans la modernité, il nous faut des moyens pour qu'on puisse…
Paul Amar
Non, mais j'ai un faisceau horaire, alors vraiment une phrase et pas deux phrases.
François Bayrou
Quand on vous fait croire que la modernité s'oppose à la culture de tous les temps et notamment, à l'histoire on vous ment, pardon ce n'est pas populaire de dire ça. Je vous assure que l'histoire des hommes, elle mérite d'être intégrée dans la culture moderne, il n'y a pas de modernité coupée du passé. Et, si on vous le fait croire, c'est vous qu'on trompe.
Fin de la troisième partie
Quatrième Partie
Paul Amar
Voilà merci pour cette phrase, on aurait pu d'ailleurs, à cause de l'actualité, avoir la tentation de supprimer même les thèmes qui étaient programmés dans cette émission. On a tenu tout de même à le faire et à établir, grâce à vos interventions brèves, et je vous en remercie, un premier constat, mais je vous le promets, dans ce cadre ou dans d'autres cadres, et je pense à d'autres émissions sur la chaîne, on consacrera une émission toute entière, ce qu'on a déjà fait d'ailleurs, à l'école avec le Monde de l'école, le ministre ancien ou actuel, compris je voudrais qu'on retrouve…
Carole Cavarella
Monsieur Amar, jamais vous n'aurez le ministre et nous même temps, il nous refuse.
Reportage sur le Kosovo /
Paul Amar
Merci beaucoup Anne Poncinet, pour ce témoignage en direct on vous réentendra sans aucun doute, dans le flash spécial, qui suivra cette émission qui sera présenté par Laurence Ostolaza qui se trouve dans un studio de la rédaction de France 2, juste à côté et qui, elle aussi au cours de cette émission nous donnera les dernières informations. Merci Anne et bon courage. On a parlé du Kosovo vous reviendrez tout à l'heure sur le Kosovo avec Albert du Roy, et Gérard Leclerc, mais aussi avec Philippe de Villiers, qui a une position différente, de la vôtre on en parlera. On va aborder un autre thème d'actualité, avec la remise du rapport Charpin, aujourd'hui, aux partenaires sociaux, l'avenir des retraites. J'ai cru comprendre que c'était, je l'ai dit d'ailleurs en début d'émission, tout autant que l'école, un brûlot pour les hommes politiques.
François Bayrou
Michel Rocard avait dit un jour, qu'il y avait de quoi renverser plusieurs gouvernements sur le problème des retraites. Et cependant, c'est un sujet, je voudrais une seconde qu'on s'y arrête, il y a 10 ans qu'on sait exactement ce qui va se produire, et ce qui va se produire c'est quoi ? Si vous me permettez une présentation rapide, je ne voudrais pas prendre votre place.
Paul Amar
Non, non allez-y.
François Bayrou
Ce qui va se passer est à traduire en terme simple, la démographie, le fait que les classes nombreuses vont arriver à la retraite, et des classes beaucoup moins nombreuses vont arriver au travail, fait que le nombre des retraités, par rapport aux actifs, va augmenter considérablement. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire quelque chose que tout le monde peut, me semble-t-il, saisir. Si on ne fait rien, dans 20 ans, en 2020, quelqu'un qui part à la retraite aujourd'hui, avec un salaire de 9 000 francs qui part avec une retraite de 6 000, dans 20 ans, si on ne fait rien, c'est autour de 4 000 francs de retraite qu'il aura. Et dans 40 ans, si on ne fait rien il aura 3 150 francs de retraite. Si on ne touche pas aux cotisations et si on laisse les choses comme elles sont. Alors les chiffres sont toujours discutables je les donne comme un ordre de grandeur. On ne peut pas si on est des hommes politiques responsables, volontaires, on ne peut pas rester les bras croisés devant cette affaire. Le gouvernement Balladur a fait une chose dès qu'il est arrivé, il a travaillé sur la durée du travail. Le gouvernement Juppé a essayé, il a été pour ainsi dire renversé sur ce sujet. C'est depuis le moment où il a essayé de toucher aux retraites du secteur public, qu'il a eu les difficultés que l'on sait. Mon avis est qu'on ne peut pas continuer dans cette impuissance collective, tout le monde sachant des choses, et incapable d'assumer une décision ensemble. C'est pourquoi je propose et puis ça sera mon dernier mot, si nous sommes courageux, ce problème des retraites, dont nous allons parler, il faut le sortir de l'affrontement majorité-opposition, gouvernement-opposition, droite-gauche. Il faut en faire un problème d'union nationale, si nous sommes courageux, ce n'est pas un sujet sur lequel nous devons faire des gains politiques, les uns sur les autres. Je suis sûr qu'on peut renverser le gouvernement sur ce sujet-là. Et après quel sera l'avantage ? Quel sera le gain ? Donc je pense que ce problème là qui concerne tous ceux qui sont là, y compris les plus jeunes, il faut en faire un sujet où tout le monde, majorité et opposition, se mettent ensemble pour trouver là où je crois..., les réponses nécessaires.
Paul Amar
Alors avant d'entamer le débat, avec Roland Gaillard Bonsoir, secrétaire général de la fédération des fonctionnaires Force Ouvrière, et Christian Saint-Etienne, professeur à l'université, mais on ne parlera pas d'école, Paris Dauphine et expert sur ces questions, sut d'autres questions économiques et financières, je voudrais vous proposer avec Pascal Golomer, de regarder les résultats d'un sondage, qui a été réalisé par l'IFOP pour le magazine NOTRE TEMPS et donc fourni à l'émission DIRECT, par NOTRE TEMPS et je les en remercie, les résultats d'un sondage sur les préoccupations des français, le sentiment des français sur l'avenir des retraites.
Pascal Golomer
Sera-t-il possible de garantir, demain, le niveau actuel des retraites ? Les français sont pessimistes, ils ne sont que 24 % à répondre : oui probablement, ou certainement et 74 % à répondre non. Il faut donc prendre des mesures, parmi toutes celles qui sont proposées, c'est la création de fonds de pension, en complément du système de répartition qui est la mieux accueillie. 64 % des personnes interrogées y sont favorables, 27 % opposées. En revanche, le recul de l'âge de départ à la retraite, est rejeté à 69 %, contre 30 % d'avis favorables, le rejet est encore plus net, plus de 80 % quand on évoque l'augmentation des cotisations sociales, ou la diminution du niveau des pensions. Les français favorables aux fonds de pension donc, mais à une condition, qu'ils soient facultatifs, c'est le souhait de 62 % des sondés. Quant aux régimes de retraites uniques, 64 % des personnes interrogées sont d'accord avec le principe pour mettre fin, disent-ils aux disparités trop importantes entre les retraites du public, et celles du privé.
Paul Amar
Alors François Bayrou un mot sur ce sondage ? Avec une contradiction, les français souhaitent la réforme, mais non aux sacrifices personnels, non au recul de l'âge du départ à la retraite, non à l'augmentation des cotisations. On est toujours dans la même difficulté c'est pour ça que c'est explosif ?
François Bayrou
C'est humain. Je veux dire il n'y a rien de plus normal, pour les gens, pour nous, pour moi d'imaginer que l'idéal serait qu'on ne touche à rien, ou bien qu'on le touche le plus légèrement possible. Or nous sommes devant un problème inéluctable. C'est rare en politique, mais malheureusement, les problèmes démographiques, le nombre des enfants nés nous ne le corrigerons plus hélas.
Fin de la quatrième partie
Cinquième partie
Paul Amar
Alors, Roland Gaillard, est-ce que vous êtes prêt à rentrer dans cette union sacrée, proposée par François Bayrou ?
Roland Gaillard
Sûrement pas, pour ce qui nous concerne d'abord, c'est toujours les mêmes qui paient alors, s'il veut faire des sacrifices, est-ce que c'est forcément les salariés, qu'ils soient actifs ou retraités ? Je voudrais simplement dire, par rapport au rapport Charpin déjà, que les chiffres sont très contestables, simplement pour m'amuser un peu, j'ai signé un accord salarial portant sur 98-99, avec des hypothèses du budget d’1,3 % de l'augmentation des prix, les prix ils sont faits, 0,3 alors vous voyez, à l'issue de 2040, je crois quand même qu'on peut se poser un certain nombre de questions. Deuxièmement, ce que dit le rapport Charpin, c'est qu'il faut trouver 5 points de PIB, d'ici 2040, pour assurer effectivement les aspects démographiques des choses. Ce qu'il oublie de dire, c'est que dans le même temps, le PIB va doubler, c'est-à-dire est-ce qu'on n'est pas en mesure d'imaginer que, pour préserver les régimes de solidarité aujourd'hui, on ne soit pas en mesure d'imaginer que, pour on ne soit pas en mesure de dégager 5 points de PIB, lorsque que le produit intérieur brut, c'est à dire la richesse nationale, va augmenter, va doubler. Deuxièmement, les propositions faites par monsieur Charpin de toute façon son inacceptables, d'abord il va commencer...il va au moins réussir une chose, c'est solidariser le public et le privé. Mais, deuxièmement, les propositions qui sont faites puisqu'il y a une pénalité qui est faite pour empêcher, pour inciter les gens à travailler plus longtemps, qui peut atteindre 18 % si on part à 60 ans au lieu de 65 ans, de sa pension en ajoutant en plus, l'augmentation du nombre d'année de cotisations. Ce qui fait qu'un agent de catégorie A, normal en fin de carrière, risque de perdre 4 000 à 5 000 franc sur sa pension par mois. Alors il y a quand même quelque chose que je n'arrive pas à comprendre, quoi les vieux au boulot et les jeunes au chômage ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? On va inciter des gens à travailler jusqu'à 65 ans, d'ailleurs au passage, bloquer toutes les carrières et les jeunes ne vont pas pouvoir rentrer dans la Fonction publique ? Monsieur Charpin lui même dit, 420 000 emplois... que la population active va augmenter de 420 000 d'ici 2010. Mais où ils vont ? Il n'y aura pas d'augmentation d'activité pour autant, où vont aller les jeunes, dans les pays au chômage ? Moi j'attends qu'on me démontre globalement que ça coûte moins cher à la société de faire...d'obliger des gens à rester plus longtemps en activité, des mettre les jeunes au chômage, parce qu'il faudra bien qu'on paye l'UNEDIC, etc. Moi j'avoue que je n'arrive pas à comprendre avec les débats sociaux que ça représente.
Paul Amar
Alors François Bayrou et Christian Saint-Etienne, vous aurez du mal à convaincre notre ami là ?
Christian Saint-Etienne, professeur à Paris-Dauphine
Non ce que je crois, c'est que dans le domaine des retraites, on peut donner beaucoup de chiffres, y compris à toute statistiques il y a une statistique inverse. Il y a en fait deux éléments clés : le premier c'est que nous gagnons trois mois d'espérance de vie chaque année, c'est l'élément clé incontournable, c'est une chance, c'est quelque chose de merveilleux. Et donc, penser qu'il n'y aura pas de modification des équilibres entre la vie active et la vie inactive, alors qu'on gagne trois mois d'espérance de vie chaque année, c'est impensable, donc c'est le premier élément absolument décisif. Et le deuxième élément clé, c'est qu'on a beaucoup opposé la répartition à la capitalisation dans les solutions à ce problème, alors qu'en réalité, la solution c'est d'utiliser les deux, et même en allant plus loin, c'est la répartition qui doit rester le régime de base. D'ailleurs, il ya beaucoup de conception fausses sur cette question parce que quand on présente, par exemple, l'exemple américain, on dit : mais voyez là-bas, les fonds de pensions dominent. En réalité, quand on regarde les flux de retraite, c'est-à-dire les pensions versées chaque année, c'est la répartition qui domine, simplement il faut constituer des fonds de pension très importants pour verser une rente et donc on confond le stock et le flux. Quand on regarde les flux de pension, c'est la retraite par répartition qui dominait en France, ça va continuer à être le cas. Aujourd'hui, nous avons des flux de retraite en répartition, c'est-à-dire la pension que est versée en répartition, qui représente 98 % de la retraite et là... des formes de capitalisation inférieures à 2 %. Demain, ce sera la même chose, la répartition représentera 90 % des flux de retraites après 2020.
Paul Amar
Et ce système de répartition, vous ne le remettez pas du tout en cause ?
François Bayrou
Au contraire, ça doit rester la base, la répartition peut-être il faut expliquer parce que c'est des mots abstraits. La répartition c'est l'aide, le versement apporté, par nous qui sommes au travail, à ceux qui sont à la retraite, instantané, la même, le 28 du mois on prélève sur votre salaire, sur le nôtre et puis on le verse à ceux qui sont à la retraite, tandis que la capitalisation, c'est des économies qu'on fait au travers du temps, pour se constituer un complément de retraite.
Paul Amar
Alors puisqu'on est dans les définitions : fonds de pension ?
Christine Saint-Etienne
Alors le fonds de pension justement, comme le disait monsieur Bayrou, on économise toute sa vie, c'est une épargne individuelle, on se constitue donc un capital…
Paul Amar
Pour soi même ?
Christine Saint-Etienne
Pour soi même c'est la grande différence, la répartition est collective, la capitalisation c'est individuelle et quand on a donc ce capital constitué à l'âge de 60 ans, 65 ans, au moment de partir à la retraite, on regarde qu'elle est la rente qu'on peut verser à partir de ce capital et à ce moment là, on vous verse une rente.
François Bayrou
Et une des inégalités, vous savez bien, les fonds de pension ça suscite des débats considérables, qui sont des débats politiques pour une part d'entre eux, parce que l'Amérique, les pays anglo-saxon ont adopté ce système depuis longtemps, ce qui fait, je le dis au passage, qu'ils ont acquis une force de frappe financière qui leur permet d'acheter des entreprises partout dans le monde et donc de diriger un peu...mon seul regret, c'est qu'on n'ait pas fait ça il y a très longtemps, beaucoup plus tôt et que le gouvernement actuel n'ait pas laissé faire la loi que nous avons votée sur ce sujet. Mais un mot…
Paul Amar
Sans l'abroger pour autant.
François Bayrou
Oui, bon...ça fait partie des étrangetés. Inégalité, il y a des inégalités criantes et vous il y a…
Paul Amar
Vous avez raison de vous tournez vers Roland Gaillard, tentez de le convaincre, je vous laisse un instant.
François Bayrou
Monsieur Gaillard, il y a une inégalité sur ce sujet crucial, c'est que beaucoup de vos amis se disent
opposés aux fonds de pension, eh bien les seuls français qui ont le droit aux fonds de pension, ce sont les fonctionnaires et donc il y a là…
Roland Gaillard
Attendez, je suis membre du conseil du droit…
François Bayrou
Donc vous administrez, vous monsieur Gaillard, un fonds de pension. Vois administrez un fonds de pension…
Roland Gaillard
Mais non, ce n'est pas un fonds de pension…
François Bayrou
Et les seuls français qui y ont le droit, ce sont les ressortissants fonctionnaires de l'après fonds ? Eh bien il y a quelque chose qui est une inégalité. Comment peut-on se battre contre un principe de création de fonds de pension ouvert à tous les français, quand on administre soi même un fonds de pension. Ce n'est pas un procès personnel…
Roland Gaillard
Non, mais ça me fait bien rire parce qu'enfin les organisations syndicales seraient plus responsables que les politiques, c'est intéressant à savoir, parce que depuis le temps qu'on l'a créé…
François Bayrou
Mais peut-être…
Roland Gaillard
Non mais attendez, sauf que ce n'est pas un fonds de pension, vous savez combien il y a de fonctionnaires qui adhèrent à l'après fonds, il y en a 200 000 grosso modo…
François Bayrou
C'est un fonds de pension.
Roland Gaillard
Attendez, il y en a 200 000 mais ça règle...et c'est essentiellement un certain nombre de haut fonctionnaires qui compte tenu du fait qu'ils ont des indemnités qui ne sont pas prises en compte à leur retraite, qui adhèrent à l'après fonds etc, mais il y en a d'autres fonds de pensions, il y a aussi le CREF (phon), mais on n'en parle pas beaucoup, parce qu'il a des petits problèmes et ne préfère pas trop le mettre en avant. Enfin ceci dit, moi je voudrais revenir…
François Bayrou
Non mais vous administrez, nous sommes d'accord, je ne vous fais pas…
Roland Gaillard
Non, ce n'est pas un fonds de pension.
François Bayrou
Si attendez, je demande seulement que les règles de l'après fonds soient étendu aux autres.
Roland Gaillard
Mais il n'y a pas de participation de l'employeur, vous le savez très bien.
François Bayrou
Ecoutez moi, je ne vous fais pas un procès, simplement vous bénéficiez d'un avantage qui est interdit aux autres français et vous pouvez pas combattre cet avantage, alors que vous êtes vous même partie prenante, voilà, c'est tout.
Roland Gaillard
Entre avoir un complément…
François Bayrou
Vous avez vu, il y a 64 % des français - alors je ne dis pas que les sondages disent la vérité – il y a 64 % des français qui disent : nous, nous sommes partisans de la création de fonds de pension pour tous les français, pourquoi n'allons nous pas de l'avant ?
Roland Gaillard
Ecoutez, en vous écoutant, moi j'ai trouvé que le problème des fonds de pension ce n'était pas pour régler les retraites, c'était pour trouver des capitaux, pour boursicoter…
François Bayrou
Mais aussi, ça sert aux deux.
Roland Gaillard
Non, ça sert aux deux, mais c'est sûrement pas pour pouvoir régler le problème des retraites, puisqu'on sait très bien que créer des fonds de pension aujourd'hui, ça ne pourra marcher au minimum que dans 15 ans, donc de toute façon ça ne pourra pas rester…
François Bayrou
Mais c'est dans 15 ans, qu'on aura les besoins de financement les plus importants.
Roland Gaillard
Oui, c'est dans 15 ans, sauf que le rapport Charpin il commence à s'appliquer dès maintenant, avec des conséquences considérables.
François Bayrou
Non, il dit à partir de 2006 les générations du baby-boum, comme on dit, enfin vous êtes un spécialiste beaucoup plus important que moi, les générations du baby-boum vont arriver à la retraite et donc on va se trouver devant une situation de fait, d'augmentation de 250 000 de plus par an, des générations à la retraite.
Paul Amar
Alors un autre point du rapport Charpin, l'allongement de la durée de la cotisation, vous en pensez quoi l'un et l'autre ?
Christian Saint-Etienne
Alors sur l'allongement de la durée de cotisation, en fait ça rejoint le premier point que j'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire un allongement de l'espérance de vie chaque année, c'est vraiment le chiffre à avoir en tête, c'est-à-dire que tous les 4 ans, on gagne 1 an d'espérance de vie, il est clair que si on n'a pas un allongement de la durée de cotisation qui est passée de 37,5 ans à 40 ans dans le privé, et à 42 ans pour tout le monde. Il n'y a pas de solution à ce problème.
Roland Gaillard
Ecoutez moi j'ai du mal à comprendre ça. Bien sûr qu'il y a une espérance de vie qui augmente, mais c'est quand même pas un handicap, mais dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, quel est l'intérêt, parce qu'il n'y a pas que l'augmentation nombre d'annuités, qui est à 42, 5 ans qui est posé, il y a une sanction pour les gens qui partiront avant 65 ans, ou à 42,5 ans, c'est-à-dire qu'on incite fortement...c'est quand même...si vous partez à 60 ans au lieu de 65 ans, c'est 18 % de votre pension de moins, rien que ça c'est quand même des choses considérables. Donc on incite fortement les gens à aller au delà, sinon ils ne pourront pas vivre. Mais moi, je voudrais bien qu'on m'explique quel est l'intérêt des jeunes générations dans ces histoires là, si les retraites de demain n'ont pas les moyens de subvenir à leurs propres besoins, y compris d'aller dans une maison de retraite, de toute façon c'est les enfants qui vont payer, et en plus ils vont trinquer parce qu'ils seront au chômage pendant ce temps-là, qu'est-ce que c'est que cette société ?
Christian Saint-Etienne
Non, on mélange beaucoup de choses, parce qu'en fait, si on n'a pas un recul de l'âge de la retraite, il va y avoir donc des transferts considérables qui vont s'opérer, des actifs vers les inactifs parce que pour faire vivre ces générations inactives, très nombreuses, on sera obligé de prélever massivement sur les actifs. Et donc il y aura un affaiblissement du pouvoir d'achat des jeunes, donc en réalité on a besoin de ce recul de l'âge de la retraite. Mais je voudrais dire juste un mot complémentaire parce qu'en fait on simplifie trop, en réalité on a besoin de ce qu'on peut appeler la retraite choisie. C'est-à-dire qu'en réalité quand vous regardez une population de gens, vous avez un tiers pour simplifier, pour donner un chiffre, un tiers de gens qui sont très heureux de travailler jusqu'à 68, 70 ans, eh bien laissons les faire et puis il y en a d'autres qui veulent s'arrêter à 55 ans, mais donnons leur la possibilité de le faire. Et le problème c'est que…
Roland Gaillard
Mais le rapport Gaillard, ce n'est pas ça.
François Bayrou
Je voudrais…
Paul Amar
D'un mot, parce qu'on doit retourner au Kosovo.
François Bayrou
Ce n'est pas ça et c'est la raison pour laquelle d'ailleurs moi je voudrais qu'on s'y mettent tous ensemble, mais ce qui n'est pas votre vision des choses en général. Monsieur Gaillard vous dites et ça paraît crever les yeux au départ, on se dit mais cet homme là a raison, vous dites , s'il y a plus de gens qui restent au travail, il y aura moins de jeunes qui pourront y entrer, au départ ça paraît quelque chose de très fort et puis quand on réfléchit une seconde, on s'aperçoit que si on vous suit, il va falloir augmenter considérablement les cotisations retraite. Elles sont autour de 20 % d'un salaire, il va falloir les passer au-delà de 30 %. Plus vous augmenterez les cotisations de retraite, moins vous aurez de gens au travail. Plus l'emploi sera cher en France, plus il s'en ira ailleurs. Ça paraît de bon sens, en réalité c'est un piège terrible pour les jeunes générations qu'on veut mettre au travail, parce qu'on va faire peser sur leurs épaules, un poids qui sera insupportable et donc au contraire de l'apparence, la générosité et la solidarité ça consiste à dire qu'il faut partager, sur un plus grand nombre de français, le poids de la retraite pour que les jeunes puissent entrer au travail sans avoir tout ce poids sur les épaules.
Roland Gaillard
Mais on a un vocabulaire en France extraordinaire, à chaque fois qu'on veut sauver quelque chose, il faut commencer par le tuer ou en tout cas aux trois quarts, c'est quand même un peu curieux ça.
François Bayrou
Non c'est le contraire.
Paul Amar
Une simple question, qu'allez-vous faire, que comptez-vous faire ? J'ai cru comprendre qu'aujourd'hui la plupart des partenaires sociaux étaient très critiques à l'égard du rapport Charpin, que comptez-vous faire ?
Roland Gaillard
Pour nous c'est très simple, je parle ici au nom de la Fonction publique, nous on n'acceptera pas plus aujourd'hui, avec le gouvernement ou avec la majorité plurielle ce qu'on a refusé en 1995, alors il y aurait peut-être une question de pédagogie, sur une question de pédagogie on va vous convaincre que ça ne peut être autrement etc. Moi je n'arriverait pas à convaincre mes camarades qui se sont battus en 95, qui ont perdu de nombreuses journées de grève, qu'on leur a fait faire une bêtise et qu'ils se sont battus pour rein, en plus, ils étaient complètement idiots en 1995 de se battre, on n'était pas idiot en 95, on n'est pas plus idiot en 98, on se battra pour transmettre à nos jeunes générations, ce que nos anciens nous ont transmis.
Paul Amar
Merci messieurs pour ce premier débat sur la retraite en sachant que le rapport Charpin sera remis à Lionel Jospin en avril, et évidemment les uns et les autres aurez l'occasion d'y revenir. Je voudrais appeler Laurence Ostolaza qui se trouve dans un studio donc de la rédaction de France 2 pour nous donner les dernières infos sur l'intervention de l'OTAN en Serbie.
Point sur le Kosovo///
Paul Amar
Sachez que dans une vingtaine de minutes environ, après le débat avec Philippe de Villiers, on appellera Laurent Boussier quis e trouve à Bruxelles, donc au siège de l'OTAN et qui nous dira dans quel état d'esprit se trouve aujourd'hui l'Etat major de l'OTAN, mais on l'a compris à travers ces informations données pas Laurence Ostolaza, on est dans le deuxième schéma que vous évoquiez tout à l'heure, l'hypothèse dure.
François Bayrou
Ecoutez, ce n'est pas aujourd'hui que les Balkans... c'est une poudrière et si je déplore que l'Europe ne soit pas au même niveau dans l'alliance, que les État-Unis, c'est précisément parce que je crois que nous pourrions agir avec plus de discernement et de justesse, connaissant l'histoire et connaissant les hommes .
Paul Amar
J'ai l'impression qu'en nuançant votre propos, donc votre soutien à cette initiative, vous tenez compte de quelques critiques entendues dans votre propre camp comme…
François Bayrou
Non, je tiens compte de ce que je pense.
Paul Amar
Eh Bien voilà.
Fin de la cinquième partie
Sixième partie
Paul Amar
Bonsoir Philippe de Villiers, merci d'avoir été patient…
Philippe de Villiers
Bonsoir monsieur Amar, Bonsoir monsieur Bayrou.
François Bayrou
Bonsoir monsieur de Villiers.
Paul Amar
Donc avant de m'effacer quasiment totalement, et de vous laisser dialoguer l'un et l'autre, un mot, comme je l'ai fait tout à l'heure avec François Bayrou au début de cette émission, sur l'intervention de l'OTAN en Serbie, votre avis ?
Philippe de Villiers
Moi je pense que c'est une erreur et une faute grave d'abord parce que c'est une guerre illégale, c'est-à-dire qu'elle n'a pas été autorisée pas le Conseil de Sécurité des Nations-Unis, je pense que c'est une guerre illégitime parce que, pour la première fois en Europe, des Européens attaquent, avec l'OTAN et les américains, un Etat souverain qui n'a pas attaqué un Etat voisin, puisque le Kosovo est une province, une sorte de Béarn, ou de Vendée, ou de Pyrénées Atlantique, c'est pas... c'est une province qui demande l'autonomie et ça n'est pas un Etat souverain, et je dis ça avec d'autant plus de liberté, de gravité, que je n'ai pas plus de considération pour monsieur Milosevic l'ancien dirigeant communiste, que n'en a François Bayrou, c'est une guerre absurde parce qu'en réalité, elle va aboutir à des résultats très exactement contraires, en tout cas c'est un risque ce soir, au but affiché. Il y a des violences ethniques, il ya des souffrances insupportables, alors pour éviter ces souffrances et ces violences, on envoie des bombardements, mais en réalité on va avoir les bombardements et plus de souffrances avec une contamination. Tout à l'heure votre envoyé spéciale parlait de la Macédoine et on sait bien ce qu'est la poudrière des Balkans, il faut vraiment être Clinton, pardonnez-moi, avoir la culture historique de Clinton pour dire ce qu'il a dit hier, sans que ce soit relevé d'ailleurs, « je vais désamorcer la poudrière des Balkans, il faut », quand on y met le feu, effectivement on la désamorce d'une manière, il ne faut pas sortir de l'école nationale de « pyrotechnique » pour comprendre que, naturellement, il a mis le feu et maintenant il y a le feu et je trouve que c'est pathétique pour l'Europe ; on parlait de l'Europe puissance François Bayrou, c'est L'Europe servilité. Et François Mitterrand disait : l'Europe c'est la paix, eh bien cette Europe là c'est la guerre et c'est la guerre en Europe.
François Bayrou
Eh bien voilà, c'est très exactement. Bon on trace le cadre : Philippe de Villiers et moi on se connaît bien, depuis longtemps, il a du talent, il manie habilement l'épée en politique, simplement ce que je crois, c'est que sur le fond il se trompe radicalement et même je crois qu'il est en contradiction absolue, y compris avec lui même. Parce que ce que cous avez là, devant vous, ce déséquilibre de l'OTAN, les Etats-Unis, toutes puissantes, Clinton qui parle en direct, l'ambassadeur qu'on envoie à Milosevic chez monsieur Holbrooke, et puis le général qui commande tout ça, c'est le général américain. Ce que vous avez là Philippe de Villiers, c'est ce que vous avez cherché, c'est pourquoi vous militez tous les jours, c'est-à-dire pas d'Europe, l'Europe la plus faible possible, l'Europe divisée en Nations totalement autonomes les unes par rapport aux autres, un nationalisme exacerbé, et tout cela nous conduit à cette espèce d'OTAN déséquilibré, une puissance américaine et en face d'elle, 18 autres nations, états nations sans puissance. Tout le fond de ma thèse, que nous développerons tout au cours de cet entretien, il est simple : si nous voulons rééquilibrer le monde, les États européens par rapport à l'Amérique, ou bien politique par rapport aux puissances financières internationale, si nous voulons rééquilibrer la monde, nous n' avons qu'un instrument, c'est de construire une Europe qui existe et de la construire, dernier point, démocratiquement car pour l'instant l'Europe n'est pas démocrate.
Philippe de Villiers
Très bien, je peux vous répondre. Alors vous voyez, c'est très intéressant, parce qu'on est en face d'une caractéristique de l’idéologie...
François Bayrou
En fait c'est une vision du monde, oui.
Philippe de Villiers
Non non, vous avez une idéologie, la caractéristique d'une idéologie, c'est qu'elle prononce des mots qui, dans l'abstrait, ont leur cohérence, mais le malheur c'est que quand les mots s'envolent ça va bien, mais quand ils atterrissent, ils s'écrasent. Alors je vais répondre à…
François Bayrou
On ne peut pas tout traiter Philippe…
Philippe de Villiers
Attendez, je vous ai laissez parler, vous avez deux heures, moi j'ai vingt minutes avec vous, c'est un plaisir, laissez moi aller jusqu'au bout. Quand vous dites : s'il y avait aujourd'hui une Europe, s'il y avait aujourd'hui une Europe unie, vous dites : eh bien on n'aurait pas la situation que l'on a avec le gendarme planétaire américain. Vous avez un certain culot de me dire, à moi, que je suis responsable de cette situation…
François Bayrou
Oui.
Philippe de Villiers
Vous avez un certain culot et je vais vous dire pourquoi. C'est en réalité, depuis quelques années, soyons concrets, si on veut faire une politique étrangère commune avec nos partenaires européens tels qu'ils sont, eh bien regardez le spectacle, quand Jacques Chirac a décidé de reprendre les essaies nucléaires, qui s'y est opposé ? L'Allemagne, l'Italie, des pays européens, les premiers quand on a essayé de s'occuper de l'Afrique, au moment même ou les Etats-Unis faisaient la conférence du Potomak (phon). Etats-Unis, Afrique, que faisaient nos partenaires, ils diminuaient le fonds européen de développement à l'Afrique, contrairement aux souhaits de la France. Quand on a appelé au secours pour le Rwanda, pour une intervention humanitaire, où étaient nos partenaires ? Ils n'existaient pas, sur la banane de l'art, qu'est-ce sue fait l'Allemagne ? Elle soutient les Etats-Unis. Quand Clinton a frappé l 'Irak, sans autorisation du Conseil de Sécurité, qui l'a soutenu ? La Grande-Bretagne et puis l'Allemagne qui a suivit et, là, qu'est-ce qui se passe ? Nos partenaires, ils sont américanisés, ils sont macdonalisés, pensent américain et parlent américain, et il y a la France. Alors de grâce, si on veut avoir une politique étrangère commune, parce que moi je suis aussi européen que vous et je n'admets pas le terrorisme, qui consiste à dire il ya d'un côté les nationalistes et de l'autre côté les européens. Moi je ne veux pas que l'Europe soit une grande espérance dévoyée, et ce que les gens voient ce soir, les français, eh bien ils voient justement cette Europe servile. Ils voient cette Europe qui est derrière le gendarme planétaire, ils voient des Français, des soldats français qu'on envoie là-bas comme supplétifs. Alors il faut que la France garde une capacité d'analyse et d'action et je dirai même, alors je vais vous choquer, que pour moi, pour la France, l'Europe c'est trop petit, pourquoi ? Parce que les contre poids , l'hégémonie américaine aujourd'hui, l'hégémonie américaine qui est très grave. La France qui soit à l'aise en Europe et qui entraîne ses partenaires pour que l'Europe soit européenne et non pas américaine. Et en même temps, la France est une puissance mondiale et moi je ne rougis pas de vous dire, monsieur Bayrou, vive la France.
Paul Amar
Après cet élan, puisque vous parlez de l'Europe et que vous dites aussi européen que François Bayrou, votre vision l'un et l'autre de l'Europe, quelle Europe voulez-vous ?
François Bayrou
Attendez, je trouve que c'est intéressant qu'on puisse avoir une discussion sur le fond. A la lumière de ce qui est arrivé, vous employez l'expression « équilibrer les américains », on a fait une chose majeure pour équilibrer la puissance américaine, c'est que nous avons construit une monnaie de l'Europe capable d'équilibrer cette puissance, comment dirais-je, irrésistible qui était celle du dollar à la surface de la planète. Et, quand on a fait ça, vous avez été violemment contre, vous étiez pas tout seul…
Philippe de Villiers
Vous vous souvenez, vous disiez que ça serait la première monnaie du monde.
François Bayrou
Vous n'étiez pas tout seul.
Philippe de Villiers
François Bayrou, est-ce que c'est la première monnaie du monde l'euro ?
François Bayrou
Oui, elle l'est et elle sera la première monnaie du monde.
Philippe de Villiers
Attendez, vous rigolez là ! Vous avez regardé les chiffres aujourd'hui ?
François Bayrou
Elle est, attendez, c'est formidable, pendant des années, tous les français se sont plains de l'abus de position dominante de la monnaie américaine. Pourquoi ? Parce que les américains ils réussissent à avoir une monnaie basse pour faire des exportations partout dans le monde et des taux d'intérêt bas, pour investir chez eux ne même temps. D'habitude c'est le contraire, si on a une monnaie basse on a taux d'intérêt bas, on a une monnaie très forte. Eh bien pour la première fois nous avons accès à la puissance américaine. Ça vous fait sourire, mais chez nous dans les Pyrénées, il y a une entreprise…
Philippe de Villiers
Oui parce qu'une monnaie, elle est le signe d'une économie, et pourquoi la monnaie européenne elle est faible ? Parce que l'économie européenne est faible par rapport aux américians.
François Bayrou
Laissez moi aller au bout, laissez-moi aller au bout, vous avez suffisamment de talent, vous vous en tirerez, mais je veux quand même essayer de donner mon argument. Chez nous dans les Pyrénées, il y a une usine qui s'appelle TURBO MECA (phon) qui fabrique un sur trois, c'est pas rien, des moteurs d'hélicoptères qui volent dans le monde, eh bien c'est très simple, dès que le dollar baisse, les carnets de commandes se vident, et moi je suis heureux d'avoir, pour la première fois, une monnaie qui donne aux français l'avantage de l'art, c'est-à-dire compétitive sur les marchés et des taux d'intérêt pas trop hauts. Ainsi pour la première fois, nous avons garni nos carnets de commandes sans avoir été obligés de la payer par une hausse des taux.
Philippe de Villiers
Alors sur l'euro, je voudrais simplement dire deux choses…
François Bayrou
Non, mais vous avez vu que ce n'est quand même pas rien.
Philippe de Villiers
Il y a eu deux promesses qui n'ont pas été tenues, la première c'est un euro fort, vous dites aujourd’hui...
François Bayrou
Mais je n'ai jamais été pour un euro fort, je suis pour un euro stable.
Philippe de Villiers
Pas vous, mais la plupart des gens qui nous présentais l'euro, votre mentor à l'époque, Valéry Giscard d'Estaing disait : ça sera un euro fort, ça sera la première monnaie du monde. Il n'est pas fort, mais surtout, ce qui est intéressant à dire…
François Bayrou
Mais vous avez passé votre temps à dire : la monnaie forte, c'est un danger, vous, j'ai 10 déclarations de vous, peut-être pas là mais dans ma tête, où vous expliquez que la monnaie forte était un danger, pourquoi est-ce que vous avez changé d'avis ?
Philippe de Villiers
Mais bien sûr, mais pourquoi il est faible l'euro, aujourd'hui, parce que les opérateurs du monde entier et ils le disent, il y avait encore des papiers dans les journaux économiques ce matin, disent : « les mécanismes de l’euro ça ne va pas marcher, on n'a pas confiance dans cette monnaie etc. » Vous m'avez demandé monsieur Amar, ma conception de l'Europe, que ce soit par rapport à la monnaie, par rapport à l'économie par rapport à la sécurité, par rapport à l'immigration, c'est très simple, moi ça tient en trois mots qui sont exactement contraire à l'Europe que vous proposez. Le premier mot c'est la proximité, moi je veux des décisions qui soient proches et contrôlables, et non pas cette Europe lointaine, anonyme, glaciale, de technocrates sans visage dont on voit ce qu'ils font aujourd'hui de notre argent. Car la fraude et la corruption de la Commission de Bruxelles, c'est pas des questions de défaillance personnelle, pas uniquement, c'est surtout la défaillance d'un système opaque, lointain et qui est trop loin…
François Bayrou
Ça n'est pas parce que madame Cresson a embauché son dentiste, qu'on va expliquer que c'est un monde de fraudes et de corruption.
Philippe de Villiers
Attendez ça c’est...
François Bayrou
Vous avez même dit qu'elle a été plombée par son dentiste.
Philippe de Villiers
Oui attendez, sur la corruption des socialistes et sur la corruption tout court, je rappellerai que le jour où j'ai quitté le Parti Républicain et l'UDF, c'est le jour où je suis monté à la tribune pour dénoncer l'affaire URBA et que j'ai croisé le regard de réprobation et de panique des trésoriers des partis politiques, de droite comme de gauche, à l'époque, donc sur la corruption…
François Bayrou
En tout cas, vous n'avez pas croisé le mien sur ce sujet.
Philippe de Villiers
Absolument pas, absolument pas…
François Bayrou
Bien, merci de le dire.
Philippe de Villiers
Tout à fait, monsieur Bayrou, vous êtes sincère, honnête et vous êtes cohérent et vous vous trompez dans la cohérence…
François Bayrou
Non c'est vous qui vous trompez... vous êtes cohérent et vous vous trompez dans la cohérence.
Philippe de Villiers
Attendez je coudrais terminer parce qu'après la petite table, elle va faire...elle va glisser...donc premièrement la proximité, moije veux une Europe humaine, à visage humain…
François Bayrou
Oui le train s'en va.
Paul Amar
Station encore deux minutes en gare.
Philippe de Villiers
Deuxièmement la protection, moi je veux une Europe qui protège notre sécurité, notre santé publique, nos emplois et non pas une Europe qui s'acharne à démanteler nos frontières, à nous cacher le scandale de la vache folle et à délocaliser nos usines. Parce que l'usine dont vous avez parlé dans votre département, eh bien peut-être que bientôt il y aura les profits encore dans le département, mais les gens qui travailleront ça sera dans les pays à très bas salaires, parce que c'est ça qui se passe avec cette Europe libre échangiste et moi je ne veux pas de l'Europe libre échangiste…
Paul Amar
C'est ça qui se passe, si on ne fait pas l’Europe.
Philippe de Villiers
Et puis troisième mot clé, c'est la coopération, alors c'est là que je voudrais faire tomber votre préjugé, vous avez vu Bertrand Piccard, un suisse, il rencontre un anglais Brian Jones, qu'est-ce qu'il font ensemble ? Un ballon, ils font le tour du monde, tout le monde s'extasie, c'est ça la coopération. Quand un chercheur anglais rencontre un chercheur français et construit le Concorde. Quand un ingénieur allemand rencontre un ingénieur français et construit Ariane ? Ariane, le CERN, les étudiants la coopération entre les États etc, or, l'Europe de demain, avec l'élargissement, ça ne pourra plus être votre Europe fédérale de la main forcée, ça sera l'Europe de la coopération différenciée parce qu'avec l'élargissement à 20-25, il faut que chacun puisse aller à son rythme, donc c'est la géométrie variable, l'Europe différenciée et vous ne pouvez pas gommer les Nations. Vous ne pouvez pas François Bayrou, vous ne pourrez pas continuer à défendre une Europe qui se fait sans les peuples et sans les Nations, et d'ailleurs vous l'avez dit récemment, vous avez dit : il faudrait arrêter de faire l'Europe avec un débat pour initier, et dites moi pourquoi vous n'êtes pas pour le référendum alors, puisque vous êtes pour la démocratie européenne.
François Bayrou
Moi je suis pour tous les référendums, et je vais même en proposer un dans une seconde…
Philippe de Villiers
Sur Amsterdam ? Trop tard !!
François Bayrou
Pourquoi est-ce que ...il y a une question qu'on ne se pose jamais, pourquoi est-ce que nos concitoyens s'abstiennent pour toutes les élections ? Sauf les plus proches, pourquoi? Pour une raison qu'on ne formule pas mais qui est pourtant bien réelle, c'est qu'ils ont le sentiment que les gens pour qui ils votent, n'ont plus de pouvoirs. Et ils ont raison.
Philippe de Villiers
Oui c'est la réalité, regardez aujourd'hui on nous annonce un débat sur la guerre au Kosovo pour demain, vous êtes d'accord avec moi ?
François Bayrou
C'est ridicule, je l'ai dit tout à l’heure.
Philippe de Villiers
Mais oui, on se fout de notre gueule mais enfin, le parlement français est piétiné…
Paul Amar
Votre référendum, votre proposition ?
François Bayrou
Attendez, non une seconde.
Paul Amar
Non, on va devoir conclure ce débat, vraiment.
Philippe de Villiers
Attendez, il m'a annoncé un référendum sur le traité d'Amsterdam, donc laissez-le faire, c'est quand même un scoop, alors on a un débat pour le Kosovo demain et un référendum sur Amsterdam maintenant.
François Bayrou
Ça va être mieux que le traité d'Amsterdam, donc ils ne votent pas parce qu'ils ont le sentiment que les hommes politiques n'ont plus de pouvoir. Ils voient la puissance américaine et, en face d'eux, l'absence européenne, ils voient la puissance multinationales, des financiers de la planète et, en face d'eux, des hommes politiques sans pouvoir de changer les choses, le seul instrument, le seul moyen que nous ayons, la seule construction politique qui puisse rendre aux citoyens le pouvoir dont ils manquent, c'est l'Europe et il n'y en a pas d'autres. Parce que...
Philippe de Villiers
Non mais l'Europe il faut la faire, mais il faut garder les nations…
François Bayrou
Non mais vous dites : il faut faire l'Europe et puis il ne faut pas la faire, ce n'est pas vous injurier que de dire que... attendez, vous ne voulez pas assumer…
Philippe de Villiers
Mais non, au contraire, il faut garder au niveau européen le marché commun, un outil de renseignement spatial, une agence d'armement européenne…
Paul Amar
Messieurs, messieurs vous savez fort bien qu'a l'occasion des élections européennes, on reviendra largement sur l’Europe...
Philippe de Villiers
Non, mais monsieur Amar c'est simple, une info…
Paul Amar
La proposition de référendum…
Philippe de Villiers
A chaque fois que vous mettez trop de pouvoir dans les mêmes…
François Bayrou
Je t'ai laissé parler, tu veux bien que j'aille au bout…
Paul Amar
Mais pourquoi vous n'avez pas commencé à vous tutoyer ?
François Bayrou
Non, parce que ce n'est pas bien sur...je veux dire il faut avoir le respect de ceux qui nous écoutent.
Philippe de Villiers
Et si on se tutoie les gens croient qu'il y a de la connivence et je peux vous dire qu'entre François Bayrou et moi, on se respecte, et parce qu'on se dit, c'est incroyable que ça soit aussi cohérent et que ça soit tant d'erreurs enchaînées les unes aux autres.
François Bayrou
C'est exactement ce que je pense de lui, comme vous l'avez remarqué…
Philippe de Villiers
Oui, allez tais-toi…
François Bayrou
Non non, tu veux bien que je finisse…
Philippe de Villiers
Tu es président d'un département, tu sais bien que quand tu éloignes le pouvoir et que tu mets beaucoup d'argent à distribuer et beaucoup de pouvoir et pas de contrôle, il y a la fraude et la corruption, c'est tout.
François Bayrou
C'est clair, l'Europe c'est le seul moyen que nous ayons de manière crédible, en politique étrangère comme on vient de la voir, en politique de défense comme on le verra, parce que ce sont les Etats-Unis qui ont l'armement de demain, en matière de politique économique et sociale, je m'adresse à ceux qui ont un projet social. Le seul moyen que nous ayons, c'est de la bâtir ensemble, et donc si l'on veut, il faut que cette Europe, elle devienne politique. On a fait la paix, on a fait le marché commun, on a fait la monnaie unique, il faut faire l'Europe politique et l'Europe politique elle ne se fait qu'avec les citoyens et c'est pourquoi je dis : il faut désormais que les pouvoirs européens, le président de la commission par exemple, il procède des citoyens, moi je trouve qu'on a fait un très bon choix avec PRODI, c'est quelqu'un que j'estime beaucoup…
Paul Amar
François Bayrou, on a un faisceau avec Bruxelles qu'on va peut-être perdre, s'il vous plaît…
François Bayrou
Tant qu'il n'y aura pas un président élu pour la commission...
Philippe de Villiers
c'est juste une phrase de conclusion là, parce que moi je suis le…
Paul Amar
Combien de temps, dis-moi combien de temps…
François Bayrou
L'Europe politique oui, si c'est le contraire de l'Europe Technocratique…
Philippe de Villiers
L'Europe politique, elle doit s'appuyer sur les parlements nationaux et sur le Conseil des ministres. Pourquoi le Conseil des ministres ? Parce qu'il est composé des gouvernements qui sont élu s démocratiquement alors que moi je récuse la commission de Bruxelles…
Paul Amar
Philippe de Villiers, Philippe de Villiers…
Philippe de Villiers
Je récuse la commission de Bruxelles et son monopole initiative…
Paul Amar
Ah non non non, il ya un impératif horaire...François Bayrou, il y a un impératif horaire avec Bruxelles…
François Bayrou
Mais après je reprendrai une phrase…
Paul Amar
Sur le référendum, mais une phrase. Non non après, après...On repart à Bruxelles.
Le point sur le Kosovo ///
Fin de la sixième partie
Septième partie
Paul Amar
Vous avez dit une phrase, sur le référendum, la proposition que vous faites.
François Bayrou
L'Europe ne se fera pas sans que les citoyens retrouvent du pouvoir en Europe. Quel est aujourd'hui le principal obstacle à ce que les citoyens aient du pouvoir en Europe ? C'est qu'ils ne comprennent pas comment ça marche, jusqu'à ce que la Commission existe, nous nous parlons de la Commission, les français ne savent pas très bien la différence entre la Commission, le conseil des ministres, etc, la Commission c'est le gouvernement de l'Europe et il faut qu'il soit démocratique. C'est pourquoi je dis, le seul moyen que les français comprennent, comme les autres peuples de l'Europe, c'est qu'on sorte enfin des traités illisibles Maastricht, Amsterdam, même nous on a du mal à les lire ; parce que les traités, c'est affaire de diplomates, c'est-à-dire de rédactions compliquées où il y a des pièges au détour des articles, ce qu'il faut pour les citoyens, c'est une constitution. Comme la constitution française, qu'on sache qui fait quoi en Europe et, par exemple, quels sont les pouvoirs centraux et les pouvoirs décentralisés qui doivent être plus nombreux qu'ils ne le sont aujourd'hui et cette constitution que je propose, quand on l'aura écrite, qu'on la soumette à référendum de tous les peuples européens, le même jour, ainsi on aura, à mes yeux, la naissance de l'Europe démocratique dont on a besoin, celle où les citoyens se reconnaîtront, celle dont ils connaîtront le visage, les dirigeants, élus, responsables devant eux, et ainsi le contrôle démocratique deviendra une réalité.
Paul Amar
D'un mot ?
Philippe de Villiers
Oui d'un mot, on ne peut être plus en désaccord puisque la constitution, François Bayrou le sait bien, c'est le texte supérieur d'un État souverain, une constitution, ça veut dire que vous êtes cohérent, vous voulez un État souverain, une constitution, ça veut dire que la constitution européenne sera supérieure à toute les autres règles, ça veut dire que les citoyens européens où qu'ils soient, quels qu'ils soient, auront accès directement au texte supérieur, ça veut dire que c'est anti subsidiarité, c'est le contraire du principe qui doit fonder mon Europe à moi et qui devrait être aussi la vôtre en tout cas, ce qui est possible, au sommet simplement ce qui est nécessaire. Et qu'est-ce qui est nécessaire, c'est le marché commun, c'est un outil spatial de contrôle…
Paul Amar
Défense ou pas défense ?
Philippe de Villiers
Une agence européenne d'armement, mais pas ce que vous voulez vous y mettre, c'est-à-dire tout, sauf ce qui est utile.
François Bayrou
Non, je ne veux y mettre..., c'est très clair et très simple, l'autorité de l'Europe elle doit être concentrée sur ce qui fait la puissance, la puissance à laquelle…
Paul Amar
Non, non, on a largement dépassé le temps, non non messieurs, François Bayrou, la table elle s'éloigne, elle s’éloigne...
Philippe de Villiers
Mais François Bayrou, on a tranféré nos pouvoir en matière de sécurité et d'immigration, et ça c'est très grave.
Paul Amar
Merci beaucoup Philippe de Villiers, on aura d'autres débats sur l'Europe, vous réinterviendrez…
Philippe de Villiers
Merci, au revoir.
Paul Amar
On peut à distance, continuer de communiquer. Vous êtes toujours dans le même camp l'un et l’autre.
Philippe de Villiers
Le problème, c'est qu'il reste sur le quai. Oui.
François Bayrou
Sauf dans l’opposition.
Philippe de Villiers
Mais comment il a pu transférer nos pouvoirs en matière de sécurité d'immigration avec le traité d'Amsterdam, François Bayrou, dommage que vous sous éloigniez, parce que sinon vous seriez amené à me répondre…
François Bayrou
Le problème, c'est que moi je pars vers l'avenir et toi tu restes sur le quai…
Philippe de Villiers
Non justement, je regarde vers l'avenir justement.
Paul Amar
Non non ce n'est pas un meeting, on a demandé aux uns et au autres de ne pas applaudir. Albert du Roy, Gérard Leclerc bonsoir, vous avez 25 minutes.
Albert du Roy
Et on a François Bayrou, une bonne dizaine de sujets très divers qu'on voudrait aborder, une question, on a beaucoup parlé du Kosovo, une dernière question sur le Kosovo, donc on essaie de faire des questions brève et des réponses brèves, Laurent Boussier indiquait qu'on était peut-être en train de s'engager dans une épreuve de force de longue durée. Jusqu'où l'engagement militaire peut-il aller, jusqu'où l'opinion publique française peut-elle supporter un engagement militaire qui, éventuellement, un jour ou l'autre, inclurait des victimes, des morts français ?
François Bayrou
Question, est-ce qu'il faut laisser les dictateurs, lorsque ces dictateurs entreprennent une épuration ethnique, envoient des centaines de milliers de femmes, d'enfants et d'hommes sur les routes, sans plus rien et font des milliers de morts. Question, c'est une question qu'on s'est posée en Europe avant la guerre de 40, et on a conclu à tord qu'il fallait ne rien faire pour ne pas précisément entraîner les réactions que vous dites, depuis nous devrions jamais oublier que, lorsqu'il faut dire non, le bon moment de dire non, c'est le plus tôt possible et donc, nous sommes devant cette question, ce que je crois, que je crains en effet. Et c'est pourquoi je soutiens l'action contre Milosevic pour qu'il plie, mais ce que je crois et que je crains c'est qu'en effet il y a des risques de développement de cette affaire et à ce moment-là qui devra décider ? C'est pas comme...cette fois, il faudra que le Parlement français se trouve saisi. Pour l'instant il ne l'a pas été et je crois que c'est une faute.
Albert du Roy
Je souhaite qu'on fasse plier Milosevic, je souhaite que ensuite, on reprenne patiemment le fil de la persuasion de la conviction, de la négociation, mais je souhaite qu'on accepte pas l'inacceptable. Parce que si l'Europe accepte l'inacceptable, l'Europe elle est morte. En liaison avec ça, une phrase pour Philippe de Villiers, il dit : « nous sommes des Nations différentes les unes des autres et les allemands, les anglais, ils ont toujours des intérêts différents des nôtres « ,'ai une nuance avec lui, nous sommes des Nations, mais nous sommes une famille de Nations, c'est-à-dire que les valeurs du peuple et de la civilisation Allemande, les valeurs du peuple et de la civilisation anglaise et de toutes les autres civilisations humanistes, sur les mêmes valeurs, ces valeurs là, il faut que nous les défendions, même quand ça va mal, sans ça, on a vu en 40 où ça finit.
Gérard Leclerc
On va passer à un sujet moins tragique, les élections européennes, la campagne : Philippe Séguin et Alain Madelin ne ratent jamais une occasion de présenter leur liste comme étant le liste de l'union de l'opposition, comme étant la liste de soutien de Jacques Chirac, Alors est-ce que ça veut dire que la vôtre, celle de l'UDF, eh bien ce n'est pas le cas.
François Bayrou
C'est exactement le contraire, vous le savez bien, mais un mot sur cette présentation des choses : les gens qui voudraient que les campagnes électorales n'aient pas lieu, qui voudraient qu'on s'abstienne de se présenter ou d'avoir une compétition avec eux, qui ne veulent pas qu'on parle du sujet, ces gens là, ils rendent un mauvais service à leur camp, il y a quelques jours, Philippe Séguin a eu une déclaration incroyable, il a dit : « Bayrou veut parler de l'Europe aux élections européennes , il est hors sujet », hors sujet parce qu'on veut parler de l'Europe aux élection européennes, eh bien je dis qu'il rend un mauvais service à son camp, parce qu'il y a énormément de français qui veulent parler de l'Europe aux élections européennes, et il y a énormément de français de l'opposition, de droite et du centre, qui veulent manifester dans cette élection, eh bien précisément leur volonté de construire qui tienne la route et qui ne soit pas, comme aujourd'hui, un espèce d'ensemble dont on a du mal à voir la volonté. Nous sommes la liste des européens de l'opposition et cette liste, elle va rendre à l'opposition un immense service, parce que si vous prenez toutes les élections depuis des années, vous vous apercevez qu'à force d'union sans idées, l'électorat de l'opposition il se réduit comme peau de chagrin, à chaque élection nous avons moins d'électeurs parce que nous refusons le débats des idées. Eh bien moi je souhaite que enfin dans cette élection, on ait une vraie cohérence, une vraie lisibilité et qu'on soit capable de la défendre devant les français, c'est ça qui fera gagner l'opposition demain.
Gérard Leclerc
Et le président Jacques Chirac, que vous avez rencontré je crois en début de semaine, qu'est-ce qu'il en pense ?
François Bayrou
Que je rencontre souvent.
Gérard Leclerc
Et il est de cet avis ?
François Bayrou
Que je rencontre souvent.
Gérard Leclerc
Et il est de cet avis ?
François Bayrou
Je pense que le président de la république il est décidé, le 13 juin, à faire des additions et pas des soustractions ; et il sait bien que la proportionnelle, comme pour les élections européennes, c'est un scrutin ou chacun fait ses sièges et on additionne après, et je souhaite que l'addition soit la plus haute possible et je souhaite qu'à l'intérieur de l'addition, nôtre score soit le plus haut possible, parce que le paysage de l'opposition changera, on aura compris enfin qu'il y a deux forces, et moi je reconnais que le RPR est une force, mais je demande pour un certain nombre d'entre nous le droit de n'être pas RPR. C'est-à-dire d'assurer la cohérence et le message qui sont les nôtres depuis tant d'années, européens, sociaux, libéraux, solidaires, voilà.
Albert du Roy
François Bayrou, vous venez de parler du score le plus haut possible, pour vous la barre du succès et de l'échec c'est quoi ?
François Bayrou
Pour moi la bonne place, c'est la première.
Albert du Roy
C'est pas une réponse, parce que c'est un peu irréaliste peut-être, la dernière, en 1989, la liste qui ressemblait à la vôtre, qui était dirigée par Simone Veil, elle a fait 8,5 %...
François Bayrou
Et voilà, vous citez des chiffres, eh bien moi je vous rappelle un souvenir ou plusieurs, à toutes les élections récentes, il y avait des favoris au début de la campagne.Et puis à la fin de la campagne, ce n'est pas les favoris qui l'ont emporté, c'est ceux qu'on présentait comme n'ayant pas de chance, le dernier c'est Chirac, tout le monde expliquait que Jacques Chirac il était à 10 % ou 11 % dans les sondages, vous vous souvenez de ça. Balladur était à 30, et il avait même des gens, Nicolas Sarkozy, qui disait : « il faut que Jacques Chirac ne se présente pas, comme ça Balladur sera élu au premier tout ». Eh bien cette fois-ci, c'est un peu la même chose, je crois aux campagnes électorales, je crois à l'engagement, je crois à la conviction qui vient des gens qui ont l'enthousiasme de défendre leurs idées et la cohérence de dire ce qu'ils veulent pour l'avenir, et cela intéressera les Français.
Albert du Roy
Alors je change tout à fait de sujet, il y a eu un grand événement à Pont de Sèvres, il y a peut de temps, c'est la démission de la Commission européenne. Bon il y eu un rapport qui a souligné un certain nombre d'anomalies et notamment dans le comportement d'Edith Cresson. Si la jurisprudence Cresson, c'est-à-dire quelques anomalies provoquant sa démission et la démission de toute une commission, s'appliquait rigoureusement un France, combien il y aurait de démissions dans les municipalités, les collectivités locales etc ?
François Bayrou
Si la jurisprudence Cresson, c'est-à-dire le refus de démissionner quand on a fait faute s'appliquait où que ce soit, en France et en Europe, il n'y aurait pas un gouvernement qui vivrait plus de six mois.
Albert du Roy
C'est terrifiant.
François Bayrou
C'est...mais attendez, et ce que je dis, c'était au sommet du parti populaire européen, on en parlera dans une minute, ce que c'est que le parti populaire européen, il y avait quatre ou cinq chefs de gouvernement autour de la table, et beaucoup plus encore d'hommes ayant occupé ces responsabilités un passé récent, et tous disait : « nous n'aurions pas survécus si mois si cette responsabilité avait été prise », la vérité est que madame Cresson a entraîné..., elle avait commis une faute, ou en tout das une erreur grave, en embauchant son dentiste dans les conditions qui n'étaient pas normales, elle aurait dû en tirer les conclusions elle même, et ça aurait éviter une crise à la Commission européenne, dont on est heureusement sorti parce que le choix Romano Prodi, est un très bon choix.
Albert du Roy
Donc ce qui est impliqué par ce que vous dites, c'est que l'exigence de transparence et de rigueur et d'honnêteté, va être plus forte désormais, qui dans cette optique là, qui devrait rendre compte pour l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris par exemple ?
François Bayrou
Ecoutez, excusez-moi de vous dire, il y a en France des...un principe simple qui s'appelle la séparation des pouvoirs, et il y a des juges, ils sont chargés d'enquête et ils disent : « s'il y a des faits répréhensibles.. », ils disent des choses mais…
Albert du Roy
Et si les faits répréhensibles sont commis par le président de la Républiques ?
François Bayrou
Eh bien il y a en France une constitution, dont on a rappelé tout-à-l'heure qu'elle s'applique à tous, et cette Constitution elle protège le président de la république, surtout entre nous, pour des affaires qui ne paraissent pas, comment dirais-je, monumentales, avoir demandé la promotion d'une secrétaire, excusez-moi, je n'ai pas le sentiment qu'il faille renverser la République pour une affaire de cet ordre.
Gérard Leclerc
Alors d'une affaire à l'autre, l'affaire Dumas, vous avez demandé et vous vous êtes félicité quand Roland Dumas s'est mis en congé du Conseil constitutionnel, ça c'était la veille du jour où l'assemblée devait débattre de la présomption d'innocence, et de comment mieux respecter, est-ce qu'il n'y a pas là, comme une contradiction ?
François Bayrou
Il n'y en a aucune, parce que ce qui est en cause dans l'affaire Dumas c'est pas l'innocence présumée, ce qui est en cause c'est l'institution dont il était président. Le Conseil constitutionnel c'est la plus haute juridiction française et, depuis des mois chaque fois que le Conseil constitutionnel prenait une décision, donnait un avis, le Conseil constitutionnel était soupçonné de le faire parce que ça arrangeait les affaires de monsieur Dumas. Eh bien ceci était une tache, une ombre portée sur l'institution qu'il présidait et, pour l'institution, j'ai souvent déclaré et quelquefois je ne me suis pas fait des amis, pour cette institution là comme pour le gouvernement, il faut être insoupçonnable, parce que si vous ne vous imposez pas d'être insoupçonnable, c'est toute l'institution qui est entachée par ce qui vous arrive. Voilà pourquoi je plaide pour que, dans ces cas-là, le responsable prenne la décision qui s’impose.
Albert du Roy
il y a actuellement en France d'énormes restructurations bancaires, industrielles. Bancaires : La Société Générale, la BNP, Paribas ; industrielles : Renault, Nissan qui sera signé probablement samedi etc. Est-ce-qu'il est normal que l'Etat ne s'en mêle pas ? Pour vous donner le temps de continuer à réfléchir, j'ajoute que monsieur Madelin, qui était votre ami politique, se félicite que l'État ne se mêle de rien du tout et il dit : « enfin le marché fonctionne librement ».
François Bayrou
J'ai avec Alain Madelin, sur ce point, des différences très...enfin sur le point de la confiance aveugle au marché et de l'ultra libéralisme, j'ai des différences fondamentales et qui, vous le savez, nous ont amenés où nous sommes, je pense que de ce point de vue là, ce mouvement de concentration, il est général en Europe et dans le monde, vous et moi on pourrait faire la liste des opérations de concentration de banques qui ont eu lieu dans les six derniers mois, le 21 mars en Italie, il y a donc cinq jours, il y a eu une méga concentration. Chacune de ces concentrations là, elle est supérieure, en puissance, sur le marché, à la concentration qui est envisagée en France BNP, Société Générale, et Paribas et ça a un deuxième intérêt majeur, qui est les centres de décisions demeurent en France, chacune de ces banques, individuellement, elle peut être le cible d'une OPA venue de l'extérieure, qui ferait que nous n'aurions plus, en France, les centres de décisions qui permettent de Bâtir une stratégie économique industrielle dans laquelle nous aurions quelque chose à dire, je ne suis pas pour que l'État se désintéresse de ces choses . Je suis pour que l'État ait une vision de l'organisation économique, industrielle de la France et je trouve que c'est la moindre des chose. Ça ne veut pas dire qu'il est lui opérateur, c'est pas lui qui fait le travail, mais il peut tout de même avoir un avis.
Gérard Leclerc
Justement je reviens quand même sur ces fusions, ces constitutions de grands groupes, ça créé quand même des inquiétudes sur l'emploi, et on voit effectivement souvent un lien, d'un côté de plus en plus de bénéfices, des actions qui grimpent en Bourse et puis, de l'autre côté, des suppressions d'emplois. Exemple, Alcatel, 15 milliards de bénéfices, 12 000 suppressions d'emploi annoncées en même temps, est-ce que c'est quelque chose d'inévitable, de normal, ou est-ce que quelque part ça vous choque ?
François Bayrou
Ah, ça me choque profondément, je sais bien que je ne suis pas à la mode en disant ça, et je vais vous donner un autre exemple. Dans les Pyrénées, il y a ELF, ELF Aquitaine parce que sa richesse est venue chez nous, des Pyrénées, le Gaz de Lacs a été une richesse d' ELF. ELF est une des entreprises françaises qui gagne le plus d'argent, ELF est une entreprise dont on sait qu'elle n'en a pas toujours fait le meilleur usage et, cette semaine, on annonce 2000 suppressions d'emplois à ELF, dont plusieurs centaines chez nous dans les Pyrénées. Et l'argument qui est avancé, c'est, entre guillemets, « pour que l'action rapporte deux fois plus », je n'appartiens pas à cette logique là. Et la raison précisément pour laquelle je ne suis pas ultra libéral, je pense qu'entre cet ultra libéralisme là et le libéralisme qui est fait pour que les affaires marchent bien, il y a une marge et je sais, je voudrais dire ça avec gravité si on peut, je sais qu'il n'y aura aucun moyen d'orienter la société vers une autre voie en face de ces puissances financières là, si nous ne construisons pas l'Europe . Le seul échelon utile, ça n'est pas la zone de libre échange, c'est-à-dire l'endroit où on va faire des affaires, échanger des biens, de l'argent et de la Bourse. L'Europe c'est des peuples qui se mettent ensemble, parce que seuls ils sont trop faibles pour essayer de construire un monde où humanité et solidarité, ça veuille dire quelque chose et ayant dit ça, j'ai dit le plus important de tout.
Fin de la septième partie
Huitième partie
Albert du Roy
Une avant dernière question, il y a un certain nombre d'indices et des économistes libéraux, voire ultra libéraux qui disent aujourd'hui, finalement, l'économie, l'emploi en France ça a l'air de reprendre pas mal et de marcher pas trop mal. Vous êtes de l'opposition, mais vous êtes aussi j'imagine un bon citoyen, vous vous en félicitez…
François Bayrou
Oui, si c'est vrai, je dis tant mieux.
Albert du Roy
Et vous n'avez pas le sentiment que l'opposition à laquelle vous participez à trop tendance parfois à noircir le tableau et à être trop agressive à l'égard de la politique du gouvernement ?
François Bayrou
Vous savez que j'ai une règle simple, je pense que chaque fois que l'opposition se limite à s'opposer, elle se trompe, je pense que le principale devoir d'une opposition, ça doit être d'être constructive. J'admets qu'il y ait des gens qui considèrent que le boulot de l'opposition c'est d'être toujours contre, y compris contre les textes qu'on a soit même écrit, ce qui est arrivé un certain nombre de fois, je crois à l'opposition constructive et je suis certain qu'il y a place pour cette opposition ouverte, un peu généreuse enfin qui croit à quelque chose d'autre que à être contre … je crois qu'il y a une place pour cette opposition là et je voudrais qu'enfin elle compte. C'est en tout cas le projet que j'ai. Cela dit, quand il faut s'opposer je vais donner un exemple sur les 35 heures, je pense que le gouvernement a fait une erreur, je suis d'avis que nous essayons inlassablement d'expliquer à l'opinion publique pourquoi, quand on fait 35 heures le même jour avec la même loi pour toutes les entreprises, les grosses, les petites, les gens qui ont un travail pénible et les gens qui ont un travail cool, je pense qu'ils se trompent et donc je suis pour m'opposer avec détermination quand le gouvernement se trompe.
Paul Amar
J'ai bien entendu avant, dernière question, donc dernière question Gérard ?
Gérard Leclerc
Oui, qui vous concerne directement, si on en croit vos biographes, souvent vous évoquez la providence, un destin national, très concrètement, est-ce que vous vous voyez, est-ce que vous vous imaginez un jour président de la République ?
François Bayrou
Très concrètement, je pense que le question de l'élection présidentielle pollue la vie politique française ? Qu'on ne puisse âs avoir une émission, elle a été intéressante on a parlé de sujets de fonds, sans qu'a la fin on vous demande toujours, François Bayrou est-ce que vous voulez être président de la république…
Paul Amar
Oui, mais je suis en train de montrer le livre « Si la providence veut... »
François Bayrou
Jamais un de mes biographes, attendez, ça c'est des titres accrocheurs pour faire des livres, je crois à la providence de toutes mes tripes, c'est-à-dire je pense que nous sommes là pour servir quelque chose de plus grand que nous, et je m'efforce de le service à ma place avec l'humilité que donne le sentiment que cet idéal quelquefois est un peu écrasant. Et je n'ai pas envie d'être pollué par les questions d'élection présidentielle chaque fois qu'on a une émission de télévision.
Albert du Roy
C'est certainement pas la dernière fois qu'on vous pose la question. Mais ça ne fait rien.
Paul Amar
Merci Gérard, merci Albert pour toutes ces questions posées et on arrive en terme de cette émission qui aura duré près de deux heures, mais l'actualité nous a contraint à tenir compte ce qui s'est passé au Kosovo, le débat avec Philippe de Villiers était révélateur, souvent vous mêmes les hommes politiques, vois faites allusion au désarrois ou à la perplexité des français est-ce que ce désarroi n'est pas accentué par le fait qu'on assiste à une sorte d'implosion du paysage politique français. Vous avez dit l'un et l'autre qu vous étiez dans le même camp, mais on a bien vu à travers vos conceptions si divergentes, si opposées sur l 'Europe que vous étiez loin l'un de l’autre.
François Bayrou
Vous savez bien que dans l'opposition il y a sur l'Europe des lignes qui sont différentes depuis l'origine, une chose est expliqués, une cohérence de pensée, une autre est de se mettre ensemble quand il s'agit de gouverner en choisissant le projet qui nous rassemble, c'est ce que nous ferons le 13 juin au soir, on fera des additions, l'opposition aura un paysage nouveau, j'espère que ce paysage sera large que c'est pour cette victoire là que nous travaillons.
Paul Amar
Merci François Bayrou, l'antenne est impitoyable, c'est le générique qui passe pendant que vous étiez en train de conclure. Dans quelques instant, c'est Laurence Ostolaza qui présentera les dernières infos et qui vous dira ce qui se passe au Kosovo...Merci François Bayrou
François Bayrou
Merci à vous.