Article de M. Bernard Stasi, vice-président de Force démocrate, dans "Le Figaro" du 3 septembre 1997, sur les Journées mondiales de la jeunesse et le discours du Pape à l'hippodrome de Longchamp, intitulé "L'Humilité des politiques".

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Circonstance : Journées mondiales de la jeunesse organisée par l'église catholique à Paris du 18 au 24 août 1997 avec notamment une veillée avec le Pape le 23 août à l'hippodrome de Longchamp

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

La signification des JMJ : une riposte à la haine, à l’exclusion, aux théories de l’inégalité raciale. À nous de comprendre les jeunes qui répondent à l’appel du pape.

Ce qui s’est passé à Longchamp, le 23 et le 24 août, impose à tous humilité et respect. À tous, et en particulier à ceux qui adhèrent au message du pape et sont attachés à sa personne. Confortés et exaltés au lendemain de ces journées, ils pourraient être tentés de brandir fièrement le triomphe des JMJ pour accabler ceux qui n’ont pas cessé, au cours de ces dernières semaines, de prédire le fiasco, de dénoncer l’esprit rétrograde du pape, de fustiger la volonté conquérante et l’attitude arrogante de l’église catholique.

Mais la déconvenue de ces mauvais prophètes et de ces sinistres rabat-joie doit être aujourd’hui si cuisante que la charité chrétienne la plus élémentaire impose de ne pas en rajouter. Ce serait d’ailleurs justifier, dans une certaine mesure, leurs critiques et leurs appréhensions que de manifester le moindre triomphalisme.

Sans doute faut-il aussi résister à la tentation de situer un événement de cette importance dans le contexte du combat qu’il faut mener contre le Front national et son idéologie.

Contentons-nous cependant d’affirmer, avec une tranquille et profonde satisfaction, que le rendez-vous de Paris, qui a vu des jeunes venus de tous les continents, animés par un profond esprit de fraternité, prier, chanter et faire la fête ensemble, constitue la riposte la plus vigoureuse, la plus joyeuse, la plus efficace, à ceux qui professent les théories de l’inégalité des races et font entendre les discours de la haine et du rejet.

Qui récupère qui ?

Oui, devant un phénomène d’une telle nature et d’une telle ampleur, toute tentative de récupération serait à la fois dérisoire et sacrilège. Ce qui s’est passé à Paris, en ces journées magiques, appartient à ceux qui les ont vécues personnellement.

Les responsables politiques, en particulier, doivent faire preuve, en la circonstance, d’une grande humilité. Nous devons, non pas chercher à exploiter ce mouvement, mais nous laisser récupérer par lui et tenter de comprendre ce que les jeunes du monde ont voulu exprimer à travers leurs prières et leurs chants, dans leur silence aussi.

C’est tout d’abord, me semble-t-il, un message d’espérance que, à l’appel du pape, les jeunes ont adressé à l’humanité. Certes, les jeunes de France et d’ailleurs sont inquiets – et comment ne le seraient-ils pas en cette fin de siècle tourmentée ? Mais ils n’ont pas peur. C’est peut-être essentiellement pour cela que les jeunes aiment le pape, un pape qui si souvent leur dit, à eux et à tous les habitants de la planète : « N’ayez pas peur ! » Et ceux qui misent sur la peur des jeunes – la peur qu’ils pourraient éprouver, mais aussi celle qu’ils provoquent parfois – font un mauvais calcul. On ne bâtit rien de grand ni de durable sur la peur.

Ces jeunes ont également soif de justice. Ils ont été sensibles au discours de Jean-Paul II sur les pauvres et sur les humiliés, sur la richesse d’une société dominée par l’argent, sur la cruauté d’un libéralisme économique qui oublierait que l’homme doit être au cœur de la société.

Discours de vérité

L’humanité égoïste de ces temps de crispation et de repli a plus que jamais besoin d’être secouée par les cris d’indignation et les appels à la justice des jeunes.

Les journées mondiales de la jeunesse ont également rappelé que les jeunes sont capables d’entendre un discours de vérité. C’est le seul, d’ailleurs, auquel ils prêtent vraiment attention.

Jean-Paul II n’a pas cherché à plaire. Il n’a jamais succombé à cette tentation de flatter les jeunes, qui est l’exercice préféré des démagogues. Il les a invités à l’effort, au courage. Il leur a dit que le monde avait besoin d’eux, et ils se sont sentis respectés. Tous ne s’engageront pas avec la même ardeur dans le chemin qui leur a été tracé. Mais tous, les jeunes présents à Longchamp comme tous ceux qui ont entendu ce message, savent désormais qu’il y a un chemin, que la vie a un sens, et que chacun doit, tout à la fois, accomplir son destin et apporter sa contribution personnelle, une contribution unique, irremplaçable, à la construction d’une cité plus juste et plus fraternelle.

C’est cela que les jeunes attendent de ceux qui s’adressent à eux, et en particulier des responsables politiques : qu’ils fassent naître en eux l’envie de se mettre en marche.

Enfin, si Jean-Paul II est écouté par les jeunes, c’est parce qu’il ne se contente pas de prêcher. Il s’engage corps et âme. Et les souffrances de son corps usé donnant plus de crédit, plus de poids à ses paroles. Ce sont celles de ces témoins que l’on est prêt à suivre, parce que l’on sait qu’ils sont prêts à se faire égorger pour témoigner de ce qu’ils disent.

Les responsables politiques comprendront-ils qu’ils ne seront écoutés et respectés que lorsque ceux auxquels ils s’adressent ne verront aucune distance entre les mots qu’ils prononcent et la vie qu’ils vivent ?