Texte intégral
Q - Cinquième jour de frappes de l'Otan sur la Serbie. Est-ce que vous pensez toujours, ce lundi matin, qu'il ne fallait pas intervenir ?
- « Oui, je pense qu'il est tout à fait irresponsable et criminel de la part des Américains de venir mener ainsi la guerre sur le continent européen. »
Q - Criminel ?
- « Oui »
Q - « Criminel », c'est un mot qui convient ?
- « Oui, c'est un mot qui convient d'abord parce que cela cause des morts, et que cela entraîne la violence. Il s'agissait – et il s'agit toujours – d'un pays souverain qui agissait à l'intérieur de ses frontières. C'est un principe fondamental du droit international que le respect des nations, ou alors on est déjà entré dans le système mondialiste avec une dictature américaine sur le monde. »
Q - Le criminel, dans l'affaire, est-ce que ce n'est pas M. Milosevic ?
- « Je ne soutiens pas le régime de M. Milosevic, qui est d'ailleurs d'origine communiste. Mais je constate une chose : en Provence, il y a de plus en plus d'immigrés originaires du Maghreb. Imaginons qu'ils deviennent demain majoritaires et qu'ils demandent leur autonomie : est-ce que les Américains iront bombarder Paris pour nous obliger à leur donner l'autonomie ? C'est cela qui se passe en Serbie. Alors, je condamne tout à fait l'attitude de M. Chirac et de M. Jospin qui se font les supplétifs de M. Clinton dans cette affaire, alors que la Serbie n'a jamais été un ennemi de la France, et qui font de la France le toutou des Américains. Nous devons sortir de l'Otan. »
Q - Comment éviter les massacres ?
- « Nous devons sortir de l'Otan qui a totalement dévoyé ses missions. Alors les massacres, bien sûr, ils sont condamnables et je les condamne. »
Q - C'est la raison de l'intervention.
- « Encore faudra-t-il savoir s'il n'y a pas de la désinformation. Rappelez-vous dans l'affaire de l'Irak ! Les Irakiens qui avaient massacré les enfants dans les couveuses des maternités koweïtiennes : on a appris après coup que c'était une opération de propagande montée par une boîte de communication new-yorkaise financée par le gouvernement de Washington. Alors, dans cette affaire, soyons un peu plus mesuré. »
Q - On ne peut pas dire que ce soit une boîte de communication...
- « Et pour le reste, bien sûr, que ces massacres sont condamnables ! Mais pourquoi est-ce qu'ils seraient plus condamnables que ceux perpétrés contre les kurdes en Turquie, que ceux perpétrés en Chine ? Pourquoi est-ce que les Etats-Unis ne font pas bombarder la Turquie ? On a le sentiment, dans cette affaire, que les Américains souhaitent à tout prix installer des Etats musulmans au coeur de l'Europe. Eh bien, nous ne voulons pas que l'Europe soit islamisée. Et je constate, d'ailleurs, à cette occasion que l'Europe de Bruxelles montre sa faiblesse et son inutilité totale puisqu'on nous disait : « l'union fait la force. » Or, on le voit avec cette Europe de Bruxelles, eh bien l'union fait la faiblesse puisqu'il faut faire appel à une puissance extra-européenne pour tenter de régler – et très mal régler – et aggraver les choses en Europe, et en Bosnie et en Yougoslavie. »
Q - Il faut arrêter les bombardements, c'est cela que vous dites ?
- « Il faut arrêter les bombardements. Il faut que la France se retire de cette opération, et il faut trouver une solution politique mais sur la base fondamentale selon laquelle chaque peuple doit disposer d'une terre qui lui soit propre. »
Q - Les élections à Aubagne, hier.
- « Le Front national, c'est ma formation, j'en suis le président. Il y a eu un Congrès à Marignane qui m'a élu très légitimement. »
Q - Pour en revenir à Aubagne, après 37 ans de règne communiste, le candidat de droite, M. Deflesselles, de Démocratie libérale, l'emporte largement après la fraude qui avait entaché le dernier vote. C'est votre résultat, cette victoire ?
- « Nous avions donné consigne de vote à nos électeurs de faire barrage au communisme qui est, là-bas, stalinien, fraudeur, sectaire et totalitaire. De ce point de vue-là, c'est quelque chose de très satisfaisant que d'avoir atteint cet objectif. Pour autant, je ne me réjouis pas du tout de la victoire de M. Deflesselles qui appartient à une formation politique que je combats puisqu'elle est, par exemple, pour l'Europe de Maastricht et de Bruxelles qui est une très mauvaise chose pour la France. »
Q - Vous préférez quand même M. Deflesselles à l'autre candidat ?
- « Je prends mes responsabilités, et effectivement entre deux maux je choisis le moindre, ou plutôt je combats le pire. »
Q - Sur le fond, est-ce qu'on n'est pas en train d'assister à l'effondrement général, ou du moins une baisse très importante de l'influence de ce qu'était avant le Front national avec M. Le Pen comme numéro un et M. Mégret numéro deux ?
- « Vous êtes en train d'assister à la déroute de la maison Le Pen. C'est, en effet, ce qui se passe à Toulon, puisque c'est le système lepéniste de Toulon qui est en train de partir en quenouille avec cette démission très surprenante de M. Le Chevallier. Personnellement, je ne m'en réjouis pas, car cela ne va pas dans le sens de l'intérêt des Toulonnais, et je crois qu'il est très important de prendre très vite des mesures pour rétablir les conditions d'une bonne gestion de la ville. »
Q - C'est-à-dire ?
- « C'est-à-dire que M. Le Chevallier - en démissionnant du Front national, perd à la fois la majorité de mes amis et celle des amis de M. Le Pen – ne va plus avoir les moyens de diriger la ville. Donc, je pense que la raison devrait l'inviter à démissionner de son mandat de maire de façon qu'on puisse mettre les choses à plat et reconstituer une nouvelle équipe pour reprendre les choses en main. »
Q - Vous demandez sa démission pour pouvoir retravailler ?
- « Je pense que c'est cela qu'il faut faire dans l'intérêt des Toulonnais. C'est quand même la chose la plus importante. »
Q - L'extrême droite avait pris, une force, une influence politique considérable en France avec des scores de 15 %. Est-ce que ce phénomène politique-là n'a pas vécu ses derniers jours ?
- « C'est totalement faux ! Je ne crois pas du tout... Je crois qu'il est en train de connaître un grand renouveau. »
Q - Qui, « il » ?
- « Le Front national, le mouvement national, les idées nationales, sont en train de connaître une grande mutation, un grand renouveau. Alors, bien sûr, cela se passe à travers une crise qui est douloureuse. Mais, je pense qu'il va en ressortir renforcé. Je prends l'exemple des élections européennes. Il y a actuellement entre 20 et 25 % de Français qui veulent voter contre Maastricht, et en dehors des listes de la classe politique. Il y a Pasqua, il y a de Villiers, il y a nous et il y a Le Pen. Eh bien, je dis que voter pour notre liste, c'est le seul moyen de rendre utiles les voix que l'on déposera dans l'urne le 13 juin. Pourquoi ? Parce que nous sommes les seuls à pouvoir construire quelque chose de grand et de durable avec ces voix. Voter Le Pen, voter Pasqua, cela ne sert à rien. »
Q - Ce n'est pas ce que disent M. Le Pen et Pasqua.
- « Voter Le Pen et voter Pasqua, cela ne sert à rien. Pour chacun d'entre eux c'est l'élection de trop. Au lendemain du 13 juin, qu'est-ce qu'ils feront de ces voix ? Rien du tout. Voter de Villiers, cela ne sert à rien pour une raison très simple : c'est qu'il a déjà fait un bon score la dernière fois, et il n'a rien fait de ses voix ; elles se sont volatilisées. Voter pour nous, par contre, cela nous mettrait en position d'arriver en tête de ces listes, de rassembler l'ensemble de cet électorat de 20 à 25 % des Français. Car ce n'est pas Pasqua ou Villiers qui peuvent rassembler les voix du Front, et ce n'est pas Le Pen qui peut rassembler les voix de Pasqua et Villiers. Nous, nous sommes en position de rassembler et les uns et les autres, et de constituer ce grand pôle de 20 à 25 % des Français ; pas trois semaines après les élections, mais quelques mois ou quelques années après. »
Q - Vous pensez que vous ferez 5 % ?
- « Je suis convaincu qu'on va dépasser les 5 %, bien évident. »
Q - C'est-à-dire que vous aurez des élus ?
- « Je suis convaincu, c'est notre objectif en tout cas, mais je suis convaincu qu'on va l'atteindre, non seulement dépasser les 5 % mais arriver en tête des listes anti-Maastricht. Et je pense qu'on créera la surprise et qu'on se retrouvera peut-être en troisième position derrière le PS et le RPR parce que les sondages qui, c'est vrai pour l'instant, nous pénalisent n'ont jamais été capables de déceler à l'avance les évènements politiques majeurs et nouveaux. Or, notre irruption sur la scène politique, le score qu'on fera aux élections européennes, ce sera un élément nouveau et majeur qui, je crois va bouleverser la donne politique française. »