Interview de M. Pierre Joxe, ministre de la défense, dans "Info-DGA" de janvier 1992, sur le rôle de la DGA pour la coopération militaire européenne, le développement du domaine spatial militaire et les restructurations de l'industrie d'armement.

Prononcé le 1er janvier 1992

Intervenant(s) : 

Média : Info-DGA

Texte intégral

Q. : La DGA est une structure qui n'a pas véritablement d'équivalent en Europe, en particulier au sein du GEIP : à l'heure où les efforts en faveur de la coopération se multiplient et où l'idée d'une défense européenne progresse, pensez-vous que son rôle doit évoluer et quelle place lui voyez-vous occuper par rapport aux instances européennes ?

R. : Il n'est pas exact de dire que la DGA représente une structure complètement originale en Europe. Le Procurement Executive joue, par exemple, en Grande-Bretagne, un rôle sensiblement équivalent d'intermédiaire entre l'industrie et les États-majors. En revanche la DGA se distingue sans doute par le haut niveau des compétences techniques et industrielles qu'elle possède en propre. Cela tient à la qualité des personnels qu'elle emploie et aux établissements – bureaux d'études, centres d'essais et de production – qui s'y trouvent. Cette capacité constitue indiscutablement un atout dans le processus de rapprochement européen qui s'amorce. L'armement représente en effet, une composante essentielle de la politique de défense et fait partie à ce titre des thèmes dont aura à se saisir l'Union politique européenne. Je pense, que la DGA aura un rôle actif à jouer dans ce processus ; nous réfléchissons d'ores et déjà au contenu des tâches qu'elle pourrait déléguer à – ou se voir déléguer par – une future agence européenne des armements.

Q. : Vous avez insisté à plusieurs reprises sur la place qu'est appelé à occuper l'espace dans l'organisation de notre dispositif de défense. Comment voyez-vous cette priorité se traduire pour la DGA et l'industrie ?

R. : Je ne reviens pas sur la nécessité pour le pouvoir politique, comme pour les responsables opérationnels, de disposer de moyens autonomes de renseignement et de communication pour la gestion des crises et, le cas échéant, pour la conduite des opérations. C'est la raison des instructions que j'ai données en faveur d'un effort accru de recherche et de développement dans le domaine spatial militaire ; c'est ainsi que les crédits d'études amont de la DGA dans ce secteur passeront de deux cents millions de francs en 1991 à quatre cent cinquante millions de francs en 1992. D'un point de vue industriel, l'activité spatiale présente un double intérêt. C'est un terrain privilégié pour la coopération européenne : les projets qui sont étudiés ne pourront être réalisés qu'à plusieurs pour des raisons techniques et financières. Le programme Hélios auquel participent la France, l'Italie et l'Espagne, montre à cet égard la voie à suivre. D'autre part, c'est un axe possible de redéploiement pour l'industrie militaire aéronautique et électronique, dans le contexte de restructuration que nous traversons aujourd'hui. C'est par excellence un domaine où il convient de faire jouer les synergies entre le civil et le militaire.

La DGA aura là un rôle essentiel à jouer. La direction des missiles et de l'espace et, la direction de l'électronique et de l'informatique ont d'ailleurs, chacune dans leur domaine de compétences, déjà largement commencé à œuvrer dans cette direction. La DGA doit également contribuer à élaborer, en liaison avec les États-majors des armées, et en concertation avec nos partenaires européens, la définition des futurs systèmes spatiaux susceptibles de répondre aux besoins de sécurité de l'Europe. De plus, vous le comprenez bien, l'évolution des industries d'armement et les accords européens conduiront la DGA à adapter l'utilisation des compétences scientifiques et techniques qu'elle a su rassembler. Je suis sûr qu'elle y parviendra.

Q. : Vous avez récemment mis en place, au sein du ministère de la Défense, une délégation aux restructurations dont la mission est de suivre l'ensemble des adaptations qu'aura à connaître notre outil de défense au cours des années qui viennent. Dans votre esprit, quel rôle doit jouer la DGA dans ce processus de restructuration, s'agissant en particulier des aspects industriels ?

R. : La délégation aux restructurations assure le secrétariat d'un Comité des restructurations qui réunit les principaux responsables du ministère de la Défense et dont le délégué général pour l'armement fait, bien entendu partie.

La DGA, et en particulier le service central des affaires industrielles, a un rôle à jouer dans les mutations qui affectent aujourd'hui notre industrie de défense : un rôle de suivi et d'information tout d'abord, pour lequel le SCAI est particulièrement bien placé, compte tenu de sa connaissance du tissu industriel ; un rôle d'analyse et de prospective ensuite qui nécessite la prise en compte des évolutions de nos programmes d'armement, un rôle d'incitation et de proposition enfin, qui doit s'exercer dans le dialogue avec les responsables industriels et dans la synthèse conduite au niveau du Comité des restructurations.