Texte intégral
L'Evènement : Le Mouvement des citoyens (MDC) se sent-il bien dans sa peau ?
Georges Sarre : Il est en pleine forme car ses choix, ses idées et sa volonté lui permettent d'être lui-même en toutes circonstances. Par exemple, grâce à l'accord avec le PS pour les européennes, nous pouvons poursuivre notre objectif qui reste de réorienter la construction européenne pour plus de croissance et d'emploi. Même si, aujourd'hui, on voit surtout les difficultés du gouvernement français avec ses partenaires et si l'on constate la faiblesse et le manque de souffle des textes négociés.
L'Evènement : Jean-Pierre Chevènement tenu à la réserve par le gouvernement, le MDC n'est-il pas sans voix ?
Je ne le pense pas. Nous avons agi avec un objectif clair : favoriser la réussite du gouvernement sans mettre notre drapeau dans la poche. Nous avons montré que nous étions contre le traité d'Amsterdam. Depuis l'origine, nous disons que la suppression des instructions du ministre de la Justice aux procureurs dans les dossiers individuels n'est en rien une avancée et nous la combattrons jusqu'au bout.
L'Evènement : Dans le conflit du Kosovo, n'êtes-vous pas contraint d'accepter une stratégie dont vous ne pouvez guère vous démarquer ?
Les Serbes ont eu tort de remettre en cause l'autonomie du Kosovo. Il y a ensuite des brimades et des exactions. Il fallait bien intervenir, mais sûrement pas frapper et bombarder sans aucun fondement juridique solide. Il faut revenir aux négociations et rechercher une issue politique. Au début, Jean-Pierre Chevènement a fait part de notre position au sein du gouvernement. Depuis, il ne s'exprime plus, mais le mouvement, si. Nos communiqués sont clairs : l'avalanche de fuyards qui déboulent du Kosovo est due autant aux dangers encourus qu'aux bombardements ; l'intervention de l'OTAN est un échec ; Milosevic est toujours très fort ; les Serbes souffrent ; la Macédoine et le Monténégro sont en voie de déstabilisation et d'autres pays pourraient suivre...
L'Evènement : Etes-vous sérieusement hostile à l'inculpation de Milosevic par le Tribunal pénal international (TPI) ?
C'est la démonstration que les Américains font tout pour torpiller une solution négociée. Cette précipitation du TPI prouve que les Etats-Unis veulent une capitulation totale, fut-elle au prix d'une intervention terrestre. Ils décident de tout et les pays européens, de rien. Plus grave, cela montre que le TPI est entre leurs mains. Il est mobilisé au moment où est lancée la médiation russe. C'est toujours la même vieille idée des Américains séparer les Russes et les Européens et enrôler ceux-ci contre le monde slave.
L'Evènement : Comment justifiez-vous que des représentants du MDC figurent sur la même liste que les socialistes les plus proeuropéens ?
Jospin est euroréaliste. Il ne subordonne pas la nation à l'Europe mais conçoit celle-ci comme une union de nations. Cela nous va : c'est tourner le dos à une construction européenne supranationale et fédérale entraînant la dilution des nations dans un magma qui n'aurait rien à voir avec elles.
L'Evènement : Devrez-vous, dans le souci de peser davantage, aller jusqu'à la fusion avec le PS ?
L'autonomie du MDC et son identité ne sont en rien atteintes par la conclusion d'un accord électoral. Nous avons fait un autre choix que les Verts et le PC parce que, à la différence de ces partis, nous sommes, nous, au coeur de la majorité plurielle. Cela dit, les nouveaux adhérents du MDC qui n'ont pas eu d'autre engagement, comme ceux qui ont bien connu le PS, ne souhaitent pas s'y fondre. Et je ne crois pas que, de leur côté, les dirigeants socialistes l'envisagent. Sans le MDC, la majorité serait beaucoup moins plurielle.
L'Evènement : Dans quel état cette majorité sortira-t-elle de ce scrutin ?
Le plus grand risque, dans une élection européenne, c'est de perdre des électeurs. François Hollande nous paraît bien le conjurer. Il s'est démarqué clairement, il a rejeté tout le saint-frusquin deloriste, le fédéralisme, l'européisme et toutes ces choses. Connaissant bien le PS, je peux vous assurer qu'il a dû résister à beaucoup de vieilles habitudes, de mauvais penchants et de réflexes ineptes. Il a tenu. Il fera un bon score.