Interview de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, dans "Le Nouvel économiste" le 23 avril 1999, sur les actions de" modernisation de la société" menées par le gouvernement : développement des technologies de l'information, simplification fiscale et politique économique favorable à la croissance et à l'emploi.

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Média : Le Nouvel Economiste

Texte intégral

Le nouvelle Economiste : Qu'est-ce que le gouvernement a fait de « modernisateur » depuis son arrivée au pouvoir ?

Dominique Strauss-Kahn : Enormément de choses ! Je retiendrai trois changements majeurs. D'abord, notre pays, qui accusait un retard important, est entré de plain-pied dans la société de l'information, avec de nouveaux capitaux, de nouveaux entrepreneurs et de nouvelles technologies : ce n'est pas un hasard si un demi-point de croissance environ trouve là son origine en 1998. Ensuite, nous avons engagé un effort important dans les domaines administratif et fiscal :  suppression de plusieurs petits impôts archaïques et de plusieurs millions de formulaires inutiles, simplification de la feuille de paie et des relations des entreprises comme des particuliers avec l'administration fiscale, allégement de la taxe professionnelle et des cotisation assises sur les seuls salaires, beaucoup a déjà été fait… et d'avantage encore reste à entreprendre ! Enfin nous avons redonné une stratégie et une ambition à de grandes entreprises du secteur public qui étaient menacées ou entravées : aéronautique, industries de défense, secteur financier… la liste n'est pas exhaustive !
Mais je voudrais préciser que, pour le gouvernement de Lionel Jospin, la « modernisation » de la société française ne se résume ni ne se limite à la seule sphère économique : l'indépendance de la justice, la parité, la modernisation des institutions, le PACS, pour ne prendre que quelques exemples, ce sont aussi des « modernisations ». Et puis, il est pour moi éminemment moderne, dans un pays qui compte 3 millions de chômeurs, de réussir à créer en une seule année près de 400 000 emplois grâce à la croissance revenue. De même, il est moderne de chercher à introduire en Europe de nouvelles régulations : avec la création de cette instance de coordination politique qu'est le Conseil de l'euro, avec la lutte contre les paradis bancaires et fiscaux, avec la défense de propositions - à l'initiative de la France - sur la réforme du système financier international.

Le N. E. : Comment vous y êtes-vous pris ?

D.S.-K. : Sur tel ou tel dossier, nous avons connu des difficultés, rencontré des oppositions, constaté des retards. Mais au total, notre pays a engagé, sans heurts, une profonde modernisation. Pourquoi ? D'abord parce que nous avons retrouvé la croissance : les deux choix fondateurs du printemps 1997 - miser sur la consommation des ménages, construire l'euros - ont permis de relancer l'économie puis de la protéger, en partie, des conséquences du choc asiatique. Parce que nous avons fixé des objectifs clairs. Ainsi, par exemple, au moment du mouvement des chômeurs, nous avons affirmé notre priorité au travail plutôt qu'à l'assistance, et nous avons pris des mesures concrètes en ce sens dans la loi contre les exclusions. Parce que, aussi, nous avons été fidèles à la méthode définie par Lionel Jospin ; nos réformes ont toutes été conduites après une longue concertation de tous ceux qu'elles concernaient.

Le N. E. : Que reste-t-il à faire ?

D.S.-K. : Beaucoup de priorités que nous nous sommes fixées (au premier chef, la croissance et l'emploi) ou des réformes que nous avons engagées (je pense à la réforme de l'Etat) exigent une action continue et durable. Le suivi rigoureux de l'exécution d'une décision est souvent aussi important que la décision elle-même. D'autres chantiers, comme la réforme du système financier international, l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne au sein de l'Union européenne, la privatisation du Crédit Lyonnais, n'ont pas encore abouti, sans même évoquer cet immense et enthousiasmant défi que constitue la mise en place de l'euro. Et puis d'autres chantiers - comme les retraites - sont encore devant nous. Bref, sommes loin d'avoir achevé notre mission !