Texte intégral
Q - Quelle est la position de la CGT face à cette entrée en guerre ?
Bernard Thibault. - J'ai une formule simple qui illustre notre état d'esprit : il faut arrêter le processus de guerre. Car personne, aujourd'hui, ne peut nier qu'on est bel et bien entré dans ce processus. Pourquoi une telle prise de position ? Tout d'abord, les modalités utilisées pour parvenir à cette situation sont très contestables. Le fait que l'OTAN intervienne pour la première fois sur le territoire d'un pays souverain pose un problème fondamental. Et crée un précédent qui peut servir de base à d'autres types d'interventions pour d'autres motifs. C'est une situation politique nouvelle, et alarmante, concernant les processus à partir desquels on déclenche un conflit armé. Ensuite, ce n'est pas, quoi qu'on en dise, le principal responsable, Milosevic, qui sera victime, mais la population, militaire comme civile. Enfin, d'expérience, on sait qu'on peut avoir des doutes sur la capacité technologique de frapper juste sur cette partie du territoire.
Q - Quelle attitude, alors, auriez-vous souhaité voir adopter l'OTAN ?
Bernard Thibault. - Dès lors que les responsabilités sur la rupture des négociations ont été clairement identifiées, il fallait s'accoter à une unanimité de point de vue au niveau international. Cela n'a pas été fait. On a voulu éviter un constat de désaccord. Or, pour résoudre ce genre de conflit, une chose est d'agir avec un large consensus, une autre est qu'un camp décide d'imposer par la force la décision qu'il estime la plus juste. Désormais. tout le monde est convaincu du risque énorme d'embrasement de cette région. Toutes les dispositions n'ont pas été prises et il demeure un risque de radicalisation du conflit.
Q - Aviez-vous des contacts avec les syndicats yougoslaves et kosovars ?
Bernard Thibault. - D'après ce que nous savons, les syndicats, avec qui nous avons des contacts plus ou moins soutenus, redoutaient un scénario armé. En définitive, les forces de l'OTAN se sont placées dans un processus dangereux. Même si Milosevic cède, cela va demander, de toute manière, des jours et des jours. C'est donc une vraie escalade qui risque d'aboutir pour la population au sentiment d'être la victime.