Interview de M. Hervé de Charette, président du PPDF, président délégué de l'UDF et ancien ministre des affaires étrangères, dans "Le Parisien" le 25 mars 1999, sur les raisons de l'intervention de l'OTAN au Kosovo.

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Circonstance : Lancement de l'offensive de l'Otan au Kosovo le 24 mars 1999

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : La frappe de l’OTAN vous a-t-elle surpris ?

Hervé de Charrette : Non. Cette frappe était devenue inévitable. Mais, à elle seule, elle ne réglera rien.

Le Parisien : Inévitable, pourquoi ?

Hervé de Charrette : La situation du Kosovo, c’est un concentré de tout ce que nous déplorons en Europe : le nationalisme serbe le plus obtus, l’extrémisme albanais et, il faut le dire, la volonté américaine de régenter tout le futur de l’Europe…

Le Parisien : Quel est le premier coupable ?

Hervé de Charrette : Le point central, c’est l’attitude de Miloševic. Cet homme, c’est le dernier des Mohicans de la période glaciaire. C’est ce qui reste de l’Europe de l’après-guerre, c’est-à-dire un dictateur d’obédience communiste essayant, envers et contre tout, de maintenir un régime venu tout droit de la période la plus sombre…

Le Parisien : Y a-t-il d’autres responsables ?

Hervé de Charrette : Bien entendu. Et, d’abord, les extrémistes albanais qui ont une lourde responsabilité dans le climat de guerre civile qui a été créé.

Le Parisien : Vous paraissez inquiet…

Hervé de Charrette : Nous sommes dans cette partie de l’Europe qu’on appelle les Balkans, où la géographie, l’histoire et les religions se sont donné la main pour créer des situations inextricables. Là-bas s’accumulent, depuis des générations et d’une vallée à l’autre, des haines mortelles. La seule façon pour les Balkans de retrouver le chemin de la paix, c’est de renoncer à l’esprit nationaliste d’antan. Tout passe donc par l’élimination de ce qui vient du passé, à commencer par Miloševic, mais sans oublier, au passage, les extrémistes albanais.

Le Parisien : N’y aurait-il pas d’autres solutions que militaire ?

Hervé de Charrette : Il faut assumer. On ne pouvait pas échapper aux conséquences ultimes de la situation. Je fais confiance au président de la République pour que l’engagement de la France laisse à notre pays toute sa capacité de décision, et pour que, au sommet de Berlin, les Européens fassent preuve, enfin, d’une capacité d’intervention politique autonome.

Le Parisien : La Russie condamne…

Hervé de Charrette : Il est indispensable qu’on ne laisse pas la Russie à l’écart. C’est une attitude très dangereuse, et contraire à l’intérêt des Européens.

Le Parisien : Y a-t-il un risque d’enlisement ?

Hervé de Charrette : On va vite s’apercevoir que les frappes militaires, même si on ne pouvait y échapper, ne résolvent pratiquement aucun problème. Elles vont durcir la situation. Il faut espérer que les premières frappes feront céder rapidement les dirigeants serbes.

Le Parisien : Faut-il envisager l’envoi de troupes sur le terrain ?

Hervé de Charrette : Les Européens n’échapperont pas à la nécessité d’envoyer des troupes au Kosovo pour y arrêter la spirale de la violence et les bains de sang.

Le Parisien : Les Serbes ont eu longtemps des relations particulières avec la France…

Hervé de Charrette : À Belgrade, il y a un monument à l’amitié franco-serbe sur lequel est inscrit cette merveilleuse formule : « Aimons la France comme elle nous a aimés. » Une référence, bien-sûr, à la guerre de 14-18. Les peuples français et serbe ont vocation à retrouver les chemins d’une amitié historique. Le seul obstacle, c’est la dictature de Miloševic.