Texte intégral
Le Parisien : La frappe de l’OTAN vous a-t-elle surpris ?
Hervé de Charrette : Non. Cette frappe était devenue inévitable. Mais, à elle seule, elle ne réglera rien.
Le Parisien : Inévitable, pourquoi ?
Hervé de Charrette : La situation du Kosovo, c’est un concentré de tout ce que nous déplorons en Europe : le nationalisme serbe le plus obtus, l’extrémisme albanais et, il faut le dire, la volonté américaine de régenter tout le futur de l’Europe…
Le Parisien : Quel est le premier coupable ?
Hervé de Charrette : Le point central, c’est l’attitude de Miloševic. Cet homme, c’est le dernier des Mohicans de la période glaciaire. C’est ce qui reste de l’Europe de l’après-guerre, c’est-à-dire un dictateur d’obédience communiste essayant, envers et contre tout, de maintenir un régime venu tout droit de la période la plus sombre…
Le Parisien : Y a-t-il d’autres responsables ?
Hervé de Charrette : Bien entendu. Et, d’abord, les extrémistes albanais qui ont une lourde responsabilité dans le climat de guerre civile qui a été créé.
Le Parisien : Vous paraissez inquiet…
Hervé de Charrette : Nous sommes dans cette partie de l’Europe qu’on appelle les Balkans, où la géographie, l’histoire et les religions se sont donné la main pour créer des situations inextricables. Là-bas s’accumulent, depuis des générations et d’une vallée à l’autre, des haines mortelles. La seule façon pour les Balkans de retrouver le chemin de la paix, c’est de renoncer à l’esprit nationaliste d’antan. Tout passe donc par l’élimination de ce qui vient du passé, à commencer par Miloševic, mais sans oublier, au passage, les extrémistes albanais.
Le Parisien : N’y aurait-il pas d’autres solutions que militaire ?
Hervé de Charrette : Il faut assumer. On ne pouvait pas échapper aux conséquences ultimes de la situation. Je fais confiance au président de la République pour que l’engagement de la France laisse à notre pays toute sa capacité de décision, et pour que, au sommet de Berlin, les Européens fassent preuve, enfin, d’une capacité d’intervention politique autonome.
Le Parisien : La Russie condamne…
Hervé de Charrette : Il est indispensable qu’on ne laisse pas la Russie à l’écart. C’est une attitude très dangereuse, et contraire à l’intérêt des Européens.
Le Parisien : Y a-t-il un risque d’enlisement ?
Hervé de Charrette : On va vite s’apercevoir que les frappes militaires, même si on ne pouvait y échapper, ne résolvent pratiquement aucun problème. Elles vont durcir la situation. Il faut espérer que les premières frappes feront céder rapidement les dirigeants serbes.
Le Parisien : Faut-il envisager l’envoi de troupes sur le terrain ?
Hervé de Charrette : Les Européens n’échapperont pas à la nécessité d’envoyer des troupes au Kosovo pour y arrêter la spirale de la violence et les bains de sang.
Le Parisien : Les Serbes ont eu longtemps des relations particulières avec la France…
Hervé de Charrette : À Belgrade, il y a un monument à l’amitié franco-serbe sur lequel est inscrit cette merveilleuse formule : « Aimons la France comme elle nous a aimés. » Une référence, bien-sûr, à la guerre de 14-18. Les peuples français et serbe ont vocation à retrouver les chemins d’une amitié historique. Le seul obstacle, c’est la dictature de Miloševic.