Texte intégral
Arrêtons-nous quelques minutes pour que notre commission exécutive fasse le point à partir de l'analyse que l'on est en capacité de faire aujourd'hui des éléments recueillis auprès des fédérations, des UD, et des opinions que vous venez d'exprimer, sur l'initiative interprofessionnelle unitaire décidée lors du congrès. Il faut nous quitter avec une démarche cohérente sur la manière dont on va assumer, dans les prochaines semaines, la construction d'une telle initiative.
Initiative, journée : vérifions si l'on est d'accord. C'est vrai, nous avons souvent le réflexe d'en revenir finalement à la notion de journée, mais cela fait partie des éléments du débat à avoir le plus largement possible. Nous n'avons pas utilisé jusqu'à présent ou sauf erreur, le terme de journée. Est-ce que cela débouchera là-dessus ?
Je veux rappeler simplement le constat et l'état d'esprit qui ont conduit le congrès à adopter cette perspective. C'était le constat que les uns et les autres, dans différentes professions, différents départements, différentes localités, nous étions mobilisés sur des motifs assez différents parfois, mais que l'ensemble des mobilisations avait quand même comme point commun de tourner autour de l'emploi.
L'emploi, qu'il s'agisse de la nature des contrats de travail, de la précarité, de la flexibilité, qu'il s'agisse de l'emploi au coeur du processus de négociation de la réduction du temps de travail, dans des secteurs où soit les accords existaient, soit les négociations n'avaient pas encore débouché, ou avaient débouché, mais avec des résultats pas suffisants. C'était ce que soulevait Christian Larose ce matin, le constat que les plans sociaux, les délocalisations, cela continuait, voire cela avait tendance à reprendre à un rythme très préoccupant. C'est la situation faite aux privés d'emploi, au-delà du nombre d'indemnisés, c'est le nombre d'exclus qui restent en marge. C'est la situation des retraités et l'avenir des retraites qui passent aussi par la situation de l'emploi.
C'est tout cela qui nous a amenés au congrès à dire : allons vers des mobilisations, des propositions d'action dans chacun des secteurs, mais en intégrant la perspective d'une initiative de mobilisation unitaire sur les questions de l'emploi.
Je crois qu'il y a deux faits majeurs depuis le congrès : le premier c'est, toujours avec des motivations, des sujets de mobilisation variés, un développement assez significatif des luttes ; et le second, une évolution dans les relations entre organisations syndicales à tous les niveaux, ce qui n'est pas sans influence, vous en êtes les témoins, sur la dimension unitaire des mobilisations qui sont en perspective.
Alors, on le sait bien, le positionnement des organisations syndicales est variable. En fonction des sujets qui préoccupent, on voit bien que, tantôt avec tout le monde, tantôt avec un morceau de tout le monde, un coup FO sans la CFDT, un coup la CFDT sans FO, ici ou là il s'amorce quelque chose. Pendant ce temps, au plan des confédérations, Philippe Detrez l'a dit, pas de refus sur l'idée annoncée par la CGT, par décision de son congrès, d'aller à la construction d'une initiative. On a constaté au bureau de mardi que c'était un peu nouveau cette situation-là. En d'autres temps, si la CGT faisait part d'une délibération de ses instances internes et demandait aux autres ce qu'elles en pensaient, on nous disait aussitôt : puisque vous avez réfléchi, vous avez décidé, ce sera non. Le fait qu'on l'ait fait dans les termes où on l'a fait, à savoir, on est pour aller vers cet objectif, mais sur le contenu, sur les dates, sur la forme, on souhaite pouvoir lui donner réellement la dimension la plus unitaire possible, ne donnait pas prise à ceux de nos interlocuteurs qui auraient pu être tentés de renvoyer la proposition comme une mise en demeure de se « raccrocher » à la vision CGT.
Ce sont les deux caractéristiques du moment. Mais, dans l'immédiat, ce qui manque un peu, de mon point de vue, c'est que dans les mobilisations qui existent, y compris unitaires, la perspective d'un prolongement interprofessionnel n'ait pas fait aujourd'hui l'objet de débat suffisant. Je le perçois comme tel. Nos organisations, une part du corps militant auraient apparemment besoin, pour en parler plus activement, que la CGT, mais toute seule, annonce la forme, la date, pour que l'on puisse effectivement commencer à discuter.
Or, la bonne démarche, en tout cas je le crois, c'est que la désignation de la forme et du moment soient des choses qui viennent aussi du débat avec les salariés, au même titre que le contenu revendicatif, et en liaison avec lui. Même si l'actualité, nous le savons tous, fait que dans certains endroits, en cas de délocalisations, par exemple, ou encore de fermeture annoncée, il peut y avoir des urgences et des dates qui s'imposent.
Je pense qu'il faut maintenant trouver la forme d'une expression, dont on a arrêté le principe, mais dont la CE doit préciser le contenu. Il faut dans cette expression que la CGT confirme l'option d'aller à la construction de ce rassemblement-là. Je ne sais pas jusqu'où on peut aller dans des indications sur la période, mais en tout cas, dans les prochaines semaines, on doit faire savoir que l'on pense nécessaire de créer les conditions d'un rassemblement interprofessionnel, et ce sous une forme dont on veut discuter avec les salariés. Il faut que cette dimension-là soit présente dans les initiatives d'actions de la semaine prochaine, de la quinzaine. Il faut qu'on invite nos organisations à l'intégrer dans le débat avec les salariés à l'occasion de chaque mobilisation.
* La construction du 1er Mai
Vous, quelle est votre opinion sur la manière dont cela peut se traduire, en notant au passage que dans le calendrier il y a aussi le 1er Mai. Là aussi, avec des disparités géographiques, la construction du 1er Mai étant, assez traditionnellement, plutôt sous la responsabilité des unions locales et départementales, il apparaît qu'il y a un certain nombre de lieux où manifestement les initiatives pour le 1er Mai peuvent revêtir une dimension unitaire loin d'être négligeable ; et qui peuvent être aussi un élément dynamique pour la préparation d'un rendez-vous interprofessionnel.
Est-ce qu'on est en capacité de gérer le calendrier en ces termes-là, c'est-à-dire de considérer que l'on a encore besoin de temps pour que notre proposition soit mieux connue, qu'on veille à ce que dans nos organisations, elle soit portée dans les débats, notamment à l'occasion des mobilisations professionnelles ou locales qui vont avoir lieu dans la prochaine période. Que l'on favorise un 1er Mai le plus unitaire possible, en sachant déjà que d'autres organisations ont pris des dispositions. Pour FO, il s'agirait de quelque chose de central, à Paris, et sans doute avec le thème de la retraite assez fortement pointé. Pour la CFTC, ils nous ont dit plutôt vouloir favoriser une initiative militante centrale à Paris. Dans le même temps, on a constaté qu'il y avait quelques départements qui avaient réussi à engager des discussions qui pourraient peut-être déboucher sur des initiatives départementales unitaires sous forme de manifestation pour le 1er Mai.
Est-ce qu'on est d'accord pour mettre cela à l'actif de la préparation du rendez-vous interprofessionnel qui pourrait intervenir derrière ?
Quelques précautions. Si l'on veut que les initiatives dans la prochaine période, fassent en sorte que le rendez-vous interprofessionnel soit perçu comme quelque chose de nécessaire, d'opportun, d'utile à l'ensemble du mouvement, il faut éviter que se télescopent des appels entre le professionnel, l'union locale et l'union départementale, sinon on brouillerait au lieu d'aider. Il faut être vigilant à ce qui peut se décider au plan unitaire dans certaines professions, et bien avoir à l'esprit que d'autres types de décisions prises localement, sans intégration de ce souci de cohérence, peuvent perturber des approches unitaires sur une base professionnelle.
Je reviens à mon idée essentielle. Je pense qu'on a encore besoin de temps pour faire en sorte que cette perspective-là soit présente dans nos débats, dans la continuité, mais aussi au-delà des initiatives déjà programmées. Au plan des confédérations, les choses sont suffisamment ouvertes pour qu'on ne se précipite pas, nous, à prendre une décision « CGT seule » au risque de refermer la porte de la dimension unitaire de notre initiative, que le congrès a souhaitée. Et je crois qu'on a tout intérêt à la préserver le plus longtemps possible. Bien évidemment, si la CE confirme cette opinion, nous ne devrons pas manquer de dire aussi à nos interlocuteurs que, de notre point de vue, non seulement la perspective se trouve confirmée, mais qu'il va falloir maintenant très rapidement essayer d'en préciser les contours, les contenus et les modalités. S'il devait s'avérer qu'on n'a pas de réponse suffisamment positive pour la construire avant fin mai, par exemple, à ce moment-là effectivement on serait complètement maître à la fois du calendrier et du contenu.
Il faut que la CE dise si on peut gérer la prochaine période de cette manière ou si au contraire il faut procéder différemment. Voilà ce que je voulais amener dans la discussion pour que sur cette question-là, on parte avec un état d'esprit le plus largement partagé.
Nous avions souhaité axer plus particulièrement la séance d'aujourd'hui sur les deux aspects qui, au lendemain du congrès, nous semblaient les plus importants à traiter ensemble, à savoir :
- les suites à donner à l'initiative interprofessionnelle pour se préciser les choses entre nous. On l'a fait, donc je ne vois pas l'utilité d'y revenir,
- et rapidement, dans la foulée du congrès, regarder ensemble comment, sur la question de la syndicalisation à la CGT, on s'emparait des possibilités de la période, c'est ce sur quoi vous venez d'intervenir et ce sur quoi je vais me limiter à quelques mots.
Si les informations que nous avons à la confédération, je le mets au conditionnel, quant à la situation du nombre d'adhésions, de bases nouvelles et de matériel placé s'avéraient exactes, on aurait quand même un formidable décalage entre ce que mesure la réalité de notre comptabilité syndicale et les potentialités que laissent supposer l'impact du congrès dans l'opinion publique et auprès des salariés : il me semble que nous sommes loin du compte vis-à-vis des possibilités réelles de renforcement de la CGT.
* Mobilisation et syndicalisation
D'où la suggestion d'une campagne permettant d'adjoindre la dimension syndicalisation à celle de la mobilisation dans la période. La CE partage l'idée qu'une telle campagne créerait un environnement national permettant de poser plus facilement la question du renforcement. Cette question peut effectivement être abordée plus facilement avec des milliers de salariés aujourd'hui. Nous avons besoin de bien faire partager cette conviction-là. À l'heure qu'il est, quand on en discute avec des militants, c'est une appréciation qui est partagée, mais qui ne débouche pas forcément sur des dispositions concrètes dans les entreprises.
Et pourtant l'actualité revendicative doit nous y contraindre. Le poids de la CGT dans le paysage, cela compte sur les revendications que l'on va vouloir porter ensemble. Nous avons besoin de nous renforcer pour faire face aux exigences d'une mobilisation des salariés, et en même temps, nous avons besoin de montrer aux intéressés que les organisations syndicales, la CGT est nécessaire pour construire ce type de mouvement et de rendez-vous interprofessionnel.
Dans l'actualité sociale, il y a l'adhésion de la CGT à la CES qui sera effective et publique le 16 mars. Vous avez vu que la CFDT et la CFTC avaient décidé d'approuver la demande d'adhésion de la CGT à la CES, je le précise dans la mesure où la position des organisations françaises était jusqu'à présent un des obstacles qui empêchait notre entrée. Il semble au stade actuel que FO reste sur une position s'opposant à notre adhésion, mais nous savons bien que ça ne suffira pas à influencer la décision au sein des instances statutaires de la CES.
Après le débat au congrès, nous avons besoin que le corps militant, en phase avec l'actualité, s'empare de cette dimension nouvelle de la CGT dans le paysage syndical européen, de la légitimité supplémentaire qu'elle lui redonne, et de les mettre immédiatement à l'actif de la campagne de syndicalisation. Une campagne de renforcement réussie serait aussi de nature à permettre une compréhension plus vaste par l'ensemble du corps militant de ce qu'ont été les débats et les orientations adoptés au congrès, à accélérer la mise en oeuvre de la démarche, bref à faire la démonstration auprès de camarades qui peuvent encore douter, que les orientations rentrent dans la vie et qu'il y a un réel effet d'entraînement.
Donc, une campagne nationale qui aide, mais qui appelle des déclinaisons pour faire en sorte que chaque organisation trouve une traduction adaptée à sa situation, articule bien la dimension revendicative avec la dimension organisation, avec l'objectif qu'au mois de juin nous ayons des remontées significatives en matière de syndicalisation. Je crois qu'il est nécessaire de démontrer qu'une inversion de tendance sur ce point-là est réellement à notre portée.
Je reviens rapidement sur le thème des campagnes de syndicalisation menées en commun : le texte de ce qui était « l'alinéa 256 du projet de document d'orientation » est resté sous une forme interrogative dans le document adopté.
Il faut, je crois, que l'on continue à mettre en valeur des expériences intéressantes et positives, comme cela a été fait aujourd'hui. Mais si aucune opportunité ne doit être négligée, rappelons-nous que le document d'orientation, à juste titre, n'en a pas fait un dogme pour tenir le créneau de la syndicalisation !
* L'organisation du travail
Quelques mots maintenant sur l'organisation du travail au bureau confédéral et plus largement à la confédération. Nous avons mis en place un groupe de travail piloté à la fois par Françoise Daphnis et Daniel Prada, groupe de travail qui a pour tâche de conduire la réflexion et de suggérer les décisions nécessaires concernant les évolutions tant sur la structuration que sur l'organisation du travail confédéral.
Il s'agit de le faire bien évidemment en phase avec la démarche dégagée par le congrès et en fonction des besoins des organisations. De ce point de vue, on a déjà retenu le principe d'une discussion particulière avec les secrétaires généraux des fédérations, des unions départementales, et des comités régionaux qui diront les principales attentes en matière d'amélioration de fonctionnement entre la confédération et les organisations.
Nous aurons un dispositif qui permettra aux militants et au personnel de la confédération d'être associés à la réflexion d'ensemble. Nous aurons un point de passage à la commission exécutive d'avril pour ce qui est du positionnement un peu particulier des membres de la commission exécutive dans le travail confédéral. Enfin, le CCN délibérera et statuera sur les grands principes à partir desquels nous entendons travailler pour le mandat qui s'entame, l'objectif étant de parvenir à une définition de tout ça avant l'été.
C'est un chantier important qu'on souhaite tenir sur un calendrier soutenu car, dans le même temps, il y a des échéances, il y a l'actualité.
Sans attendre, on a été conduit à prendre des dispositions dans l'organisation du travail, la répartition d'un certain nombre de tâches, qui impliquent les membres du bureau confédéral, mais aussi des membres de la commission exécutive. Elles ne correspondent pas à une répartition, je dirais un peu « classique », des responsabilités.
Nous avons en effet rompu avec une répartition entre secrétaires confédéraux de la gestion des secteurs d'activités, en optant pour l'attribution de responsabilités et de missions ciblées.
À titre d'exemple :
- la préparation de l'action interprofessionnelle : Jean-François Perraud ;
- réduction du temps de travail et en particulier la deuxième loi : Maryse Dumas ;
- protection sociale : Daniel Prada ;
- retraites : Jean-Christophe Le Duigou ;
- dans la foulée des orientations adoptées par le congrès, construire et conduire le processus d'élaboration des repères revendicatifs, en vue d'aboutir à un CCN qui devra d'une part examiner et ensuite adopter : Maryse Dumas pour le bureau est chargée de ce travail ;
- nous avons demandé à Richard Vaillant de la CE, de conduire la réflexion de la CGT concernant l'école en associant toutes les organisations ;
- sur la syndicalisation, on a retenu le principe d'une campagne et, la semaine prochaine, on désignera un camarade de la direction confédérale, responsable de l'animation de ce travail pour l'ensemble de la confédération ;
- la décision du congrès de mettre au point une publication à destination des syndiqués avec les difficultés très pratiques, mais aussi politiques qu'on a besoin de lever, on a demandé à Françoise Duchesne de la CE d'être la responsable de ce projet et de faire des propositions ;
- sur la représentativité, et les droits nouveaux : Pierre-Jean Rozet est chargé de ce chantier ;
- le congrès a approuvé l'ouverture d'un débat, d'une nouvelle réflexion sur l'évolution du système de cotisations, c'est Lydia Brovelli qui est chargée de piloter le travail sur cette question ;
- le dossier SGPEN, pour lequel on va être conduit de toute façon à revenir devant le CCN : Pierre-Jean Rozet pour la direction confédérale est chargé de le suivre ;
- s'agissant de la direction de l'Hebdo, nous avons pris des dispositions en souhaitant que ce soit Alain Guinot qui reprenne la direction de l'hebdomadaire ; s'agissant du Peuple, c'est Daniel Prada, qui continue à assurer cette mission ;
- la préparation du congrès de la CES échoit à Bernard Thibault.
Vous voyez que, sans préjuger de la structuration du fonctionnement futur, nous avons réparti un certain nombre de missions, plus ou moins ponctuelles ou évolutives, mais toujours précises. On aura l'occasion d'y revenir pour voir ensemble comment cette approche va déboucher sur une forme durable d'organisation et de répartition des responsabilités, avec une configuration du bureau confédéral et de ses méthodes de travail autorisant une réelle disponibilité de ses membres au service des organisations, afin que comme cela a été dit aujourd'hui, il puisse être réellement « immergé » dans le travail de ces organisations.