Texte intégral
L'Humanité : 25 mars 1999
« Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, un pays européen risque à tout moment d’être bombardé sans résolution du Conseil de sécurité des Nations unies et en violation de principes fondamentaux de la Charte de l’ONU, pierre angulaire de la légalité internationale. C’est la porte ouverte à la banalisation du rôle de « gendarme » de l’Europe, que les dirigeants américains tentent de faire reconnaître à l’OTAN. J’invite les hommes et les femmes de progrès à prendre toute la mesure de cet enjeu : c’est la guerre ou la paix qu’il s’agit.
La France a annoncé qu’elle prendrait toute sa part à ces éventuelles opérations militaires : les communistes désapprouvent ce choix. Ils le regrettent d’autant plus qu’il rompt avec ce qu’a été l’attitude de la France jusqu’à présent.
Nous sommes de ceux qui jugent très sévèrement le pouvoir en place à Belgrade. Celui-ci porte une lourde responsabilité dans les développements dramatiques de la situation au Kosovo, comme dans la radicalisation du courant indépendantiste qui en a résulté dans cette province. Le nationalisme nourrit le nationalisme. Il porte en lui la haine et la guerre. C’est pourquoi nous avons été et demeurons favorables à toute initiative qui soit de nature à faire reculer ce poison mortel au Kosovo, en Serbie, en ex-Yougoslavie et dans tous les Balkans.
Aussi avons-nous salué les efforts déployés par la France, aux côtés d’autres pays européens, en faveur d’une solution politique à ce conflit insupportable. La conférence de Rambouillet a rendu possibles, à cet égard, des progrès sans précédents. - l’opposé, la mise en ouvre des projets de l’OTAN, correspondrait à la vision dangereuse et pernicieuse du rétablissement de la paix par la force, que défendent – au demeurant de façon sélective – les dirigeants des Etats-Unis. Elle risquerait, dans le cas du Kosovo, de ruiner les acquis de la difficile négociation engagée.
La justification « humanitaire » des plans de l’OTAN, n’est, à cet égard, guère convaincante : chacun peut vérifier que les seuls effets du retrait de la mission de vérification de l’OSCE au Kosovo, rendu nécessaire par la perspective des bombardements de l’OTAN, sont, comme c’était prévisible, l’intensification des combats, la recrudescence des déplacements forcés de populations et l’aggravation de la tragédie de tout un peuple, toute origines confondues. Ce n’est pas en ajoutant la guerre à la guerre qu’on créera les conditions de la paix.
Il existe, à Belgrade comme à Pristina, des forces opposées au nationalisme et ouvertes au dialogue. Chaque bombe de l’OTAN rétrécirait leur champ d’intervention et renforcerait le camp des extrémistes. - l’inverse, toute initiative politique ouvrant une perspective de cohabitation pacifique et de coopération réaliste entre les différentes composantes de populations yougoslaves offre à ces hommes et à ces femmes responsables des occasions de se faire entendre de leurs compatriotes. Ignorer cette donnée en prônant le « y’a qu’à » conduit la communauté internationale dans l’impasse.
La France et l’Europe gagnent à porter un tout autre message : le Parti communiste français réitère de façon pressante sa proposition, dans le prolongement de la conférence de Rambouillet, d’une conférence de tous les pays du continent qui le souhaiteraient – en veillant à éviter toute rupture du dialogue avec la Russie dans cette affaire –, placée sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. - présent, chaque heure compte pour éviter un engrenage de la violence de portée imprévisible au cœur de l’Europe. »
RTL : vendredi 26 mars 1999
Question
Un accord est intervenu au Sommet de Berlin sur le financement de l’Europe jusqu’à l’an 2006. Etes-vous satisfait ?
R. Hue - « J’attends de voir le contenu de cet accord. Mais les premières dépêches disent que le Premier ministre aurait dit que c’était un peu dur et que la France a dû faire beaucoup d’efforts. Tout cela ne me rassure pas a priori, mais on va attendre de voir le texte et l’accord lui-même. »
Question
On en reparlera un peu plus longuement ultérieurement. Aujourd’hui, il y a un débat à l’Assemblée nationale sur l’engagement de la France dans les bombardements sur la Serbie. Qu’espérerez-vous apprendre dans ce débat ?
R. Hue - « Je veux rappeler d’abord que ma désapprobation, sur cette intervention militaire avec la participation de la France, est totale. C’est vrai, il est sans précédent que la représentation nationale ne soit pas consultée alors qu’une décision des plus graves – la décision de déclencher une guerre est une décision des plus graves… »
Question
On dit que ce n’est pas une guerre, que c’est une…
R. Hue - Écoutez, c’est la guerre en Europe ! Il faut appeler un chat un chat. Et d’ailleurs, à d’autres périodes, souvenons-nous, en janvier 91, pendant la guerre du Golfe, il avait eu la consultation du Parlement. Et je dois dire que, bien au-delà des rangs du Parti communiste – le Parti communiste a protesté naturellement – les choses sont ressenties comme un affront à la représentation nationale. Parce que la situation est exceptionnellement grave : les bombardements de l’OTAN, pour la première fois depuis la Deuxième guerre mondiale, engagent en Europe, une situation dont on ne connait pas bien l’issue pour le moment. Et je crois qu’il y a là, non seulement la représentation nationale française qui n’est pas consulté, mais l’ONU n’a pas eu à donner son avis ! »
Question
Quand vous dites que le Parlement n’a pas été consulté, vous voulez dire que L. Jospin a fait preuve de désinvolture ?
R. Hue - « Je pense qu’il y a là, une erreur majeure. C’est gravissime. C’est ressenti comme : ne pas prendre en compte l’opinion de l’Assemblée. Je ne sais pas ce qu’aurait été un vote de l’Assemblée, ce que sera le vote à venir, cet après-midi – j’interviens cet après-midi d’ailleurs à l’Assemblée ? »
Question
En principe, il n’y a pas de vote.
R. Hue - « On verra. Je pense qu’il eût été, même dans la situation actuelle, préférable de voter. »
Question
Mais vous auriez voté « non », bien que les militaires français, que les pilotes soient en train de voler au-dessus de la Serbie ?
R. Hue - « Mais bien sûr ! Je pense qu’il faut voir ce qu’on est en train de gâcher actuellement. La France, depuis un certain temps, avait gagné en autorité, en étant à l’offensive de la diplomatie. Rambouillet avait permis, – contrairement à ce qu’on oublie, aujourd’hui –, de marquer des pas. Et là, qu’est-ce qui se passe ? On gâche tout ! Je dis que cette guerre, comme Prévert : « C’est une connerie ! » On a vraiment tort de s’engager, d’être, en quelque sorte, sous tutelle américaine dans cette affaire. Il faut voir que c’est un principe, là, qui est mis en place, où les Etats-Unis, en fait, mettent l’Europe en sujétion. C’est eux qui décident ! »
Question
Tout de même R. Hue, dans cette affaire, la France, la Grande-Bretagne et d’autres pays européens ont joué un rôle moteur. Ce sont eux qui ont menés les négociations. Ce sont les pays européens qui ont constaté que Milosevic ne cédait sur rien. Et ils ont appuyé, et même peut-être demandé, l’appui des États-Unis.
R. Hue - « Ils ont mené les négociations ; et quand les Américains ont dit : “Halte-là, c’est fini, on intervient !” on a suivi. Et je ne supporte pas qu’on suive comme ça ! Il y a effectivement un rôle à jouer, important pour la France, aujourd’hui encore. Et d’ailleurs, regardez bien ! Il y a beaucoup d’émotion dans notre pays, mais il y en a aussi beaucoup en Europe. Les Italiens – j’ai entendu les dernières déclarations de M. d’Alema, le Premier ministre italien – sont réservés ; et ils souhaitent un débouché politique. »
Question
Mais face à quelqu’un qui ne veut rien entendre, un dictateur comme Milosevic, qui tue des gens au Kosovo, qu’est-ce qu’on fait alors ?
R. Hue - « Je crois qu’il faut d’abord être très clair : la responsabilité de Belgrade, de Milosevic est écrasante. Et c’est un dictateur qu’il faut absolument, effectivement empêcher de nuire. C’est toute la question ! J’entendais beaucoup de gens qui, avec une démarche humanitaire, ce matin, disaient : “Attention, voyez les souffrances, il faut arrêter ces souffrances.” Mais si cela arrêtait les souffrances, je signerais dès demain. Mais on aggrave les souffrances ! C’est non seulement de la guerre qu’on ajoute à la guerre, mais c’est de la souffrance qu’on ajoute, pour le peuple, à la souffrance ! »
Question
Mais, qu’est-ce qu’on fait alors ?
R. Hue - « Qu’est-ce qu’on fait ? Je pense qu’il y a une carte à jouer, immédiatement : la France, les autorités françaises pourraient vraiment reprendre l’initiative, s’honorer en appuyant une proposition que nous avions faites, et que vient de faire le Président Prodi. M. Prodi propose l’ouverture, très vite, d’une conférence sur les Balkans. Je crois que c’est une très bonne idée. Il faut, sans délai – et la France peut prendre l’initiative en appuyant la démarche de M. Prodi – prendre l’initiative d’une conférence élargie à d’autres pays, a beaucoup d’autres pays, à plus de pays que ceux qui étaient à Rambouillet. Et nous pourrons aller, sous l’égide de l’OSCE à… »
Question
Mais, il y a aussi urgence à arrêter les massacres au Kosovo !
R. Hue - « Mais on ne va pas arrêter les massacres ! Actuellement, on crée d’autres massacres. On va découvrir, une fois de plus, comme ce fut le cas au moment de la guerre du Golfe, qu’avec ces frappes aériennes lourdes – on dit que cette nuit elles ont été encore plus fortes ; vous pensez qu’elles évitent les populations civiles ? – il y a encore des gens qui ont des souffrances supplémentaires. Il faut vraiment mettre un terme à cela ! »
Question
Vous dites : « Cette guerre est une connerie. » Mais le Parti communiste, à gauche, c’est à peu près le seul à le dire. D. Cohn-Bendit dit : « On ne pouvait pas laisser faire Milosevic. » Et J.-P. Chevènement est mezza voce dans ses critiques…
R. Hue - « Je note quand même des réactions – comme celle de J.-P. Chevènement – qui effectivement, préféreraient la solution politique et la négociation. C’est une façon, à mon avis, habile de dire qu’il n’est pas complètement d’accord. Mais bon, c’est lui qui doit le dire ce n’est pas moi. Mais, il est clair que, en ce qui nous concerne, nous ne sommes pas du tout isolés, nous sommes seuls, mais surtout pas isolés. Je le répète, je vois bien dans l’opinion, je vois bien dans la presse, la façon dont vos confrères, la presse en général, vous êtes très très prudents par rapport à cette guerre et à son issue. »
Question
La solidarité gouvernementale est atteinte dans cette affaire ?
R. Hue - « Il y a une pratique qui se met en œuvre à travers la solidarité gouvernementale, aujourd’hui, avec la présence des communistes dans le Gouvernement. Je sais qu’on a souvent pratiqué l’idée : ?“On ferme sa gueule ou on part”, quand on n’est pas d’accord. Moi je crois que, plus que jamais, il faut être dans le gouvernement et « l’ouvrir ». C’est ce que je suis en train de faire. »
France 2 : lundi 29 mars 1999
Question
Le Parti communiste, vous-même, vous étiez contre cette intervention depuis le début. Aujourd’hui on parle de massacres aggravés encore au Kosovo. Vous avez le sentiment que les faits vous donnent raison ?
R. Hue - « J’aimerais mieux qu’ils ne me donnent pas raison. Mais incontestablement, ces bombardements avaient comme objectif immédiat de faire reculer le dictateur Milosevic. Ce qui se produit, c’est complètement l’inverse ; il se renforce dans son unité nationale, autour de lui. Non seulement les violences ne diminuent pas mais elles s’aggravent – cet exode massif. Donc tout montre que le Parti communiste a eu raison, d’emblée, de dire que ce n’était pas une bonne chose et de désapprouver cette intervention. D’abord c’est une question de principe, pour les communistes, d’éviter la guerre, d’empêcher la guerre. Mais là, incontestablement, vous voyez que les Français, ce matin – un sondage le confirme, de façon très massive –, sont contre les bombardements. »
Question
Ils sont partagés : ils sont pour l’intervention mais contre les bombardements. Justement, cette opinion publique qui est très incertaine, ce n’est pas un souci pour le Gouvernement auquel les communistes participent ?
R. Hue - « Oui mais écoutez, les communistes qui participent au Gouvernement, apportent justement une opinion qi doit rassurer une partie des Français. Si les Français s’interrogeaient sur la présence des communistes au Gouvernement, aujourd’hui ils sont rassurés, ils savent que dans le Gouvernement les communistes ça sert à quelque chose. Ça sert à ce que, au moins, on ait là une force qui alerte, qui dise non quand il faut dire non. Et c’est important. »
Question
En dehors du discours pour l’instant, la phase II des opérations a commencé et les communistes sont toujours au Gouvernement. En Italie, par exemple, ils ont menacé de démissionner du gouvernement.
R. Hue - « Je pense qu’en étant dans le Gouvernement, on se fait entendre. Et on va continuer à se faire entendre dans la majorité plurielle de la même façon. Et on va continuer de jouer notre rôle qui vise à apporter des réponses qui ne sont pas forcément celles qui sont, aujourd’hui, décidées par le gouvernement. Je crois qu’on est plus utiles que jamais et l’heure n’est pas, justement, à quitter ce Gouvernement. Je pense que, très vite, il faut que la France prenne des initiatives. Il y a possibilité, me semble-t-il, de voir pour quelles raisons Rambouillet a échoué. »
Question
À la base, au sein du PC, il y en a un certain nombre qui disent : on ne peut pas rester dans ce gouvernement-là. Est-ce que vous redoutez, vous effectivement il y ait des communistes qui trouvent qu’il y a une certaine contradiction ?
R. Hue - « Ceux qui, comme vous dites, à la base – il n’y a pas ceux qui sont à la base et ceux qui sont au sommet. Il y a massivement, dans le Parti communiste, aujourd’hui, l’approbation de la démarche qui est celle que je préconise et que préconisent mes amis à la direction du Parti communiste. Ceux qui ne sont pas d’accord, ils ne sont pas d’accord sur d’autres choses, et je le respecte, mais ils représentent une infime minorité. »
Question
Pas de remise en cause ?
R. Hue - « Non seulement il n’y a pas de remise en cause, mais il y a renforcement de l’unité autour de la direction du Parti communiste, parce que les communistes sont satisfaits, l’opinion publique est satisfaite de voir le Parti communiste avoir cette attitude courageuse de dire : non à la guerre. Je crois que c’est très important. »
Question
J. Chirac, ce matin, a demandé au Premier ministre russe, M. Primakov, de se rendre éventuellement à Belgrade pour essayer de faire entendre raison ou parler, en tout cas, avec Milosevic. Trois émissaires russes sont déjà arrivés sur place. Vous pensez qu’il y a une carte de la médiation que peuvent jouer les Russes ?
R. Hue - « Tout ce qui peut participer d’une avancée de la diplomatie qui mette un terme aux bombardements et qui mette un terme à l’état de guerre est une bonne chose. Ce que peuvent faire les Russes c’est incontestablement important, car ils ont un rapport avec les Serbes qui en fait leur permet de pouvoir être entendus. Mais ce qui est important, c’est de voir les conditions dans lesquelles on peut imaginer ce sur quoi a échoué Rambouillet. A savoir : une force d’interposition. Ca ne peut pas être l’Otan. Donc je suis pour des forces d’interposition qui, sous l’égide de l’OSCE, pourraient nous permettre d’avoir une solution qui ne soit pas une solution guerrière. »
Question
Une force d’interposition, en l’état, ça veut dire une intervention terrestre ?
R. Hue - « Non pas du tout ! De toute façon il ne faut surtout pas d’intervention terrestre. L’interposition, ce n’est pas l’intervention contre. L’interposition, ce n’est pas l’intervention contre. L’interposition, c’est créer des conditions – ça a déjà existé – pour effectivement empêcher qu’il y ait ces violences que l’on sait et qu’on fasse reculer le dictateur Milosevic. Car aujourd’hui, ce matin, le grand gagnant, c’est bien lui quand même ! »
Question
Mais si on fait rentrer les chars de l’Otan ou si on fait rentrer des forces d’interposition…
R. Hue - « Mais je ne parle pas des chars de l’Otan ! C’est justement ce qu’il ne faut pas faire, les chars de l’Otan. Aujourd’hui, on ne pense qu’à l’intervention de l’Otan. Et je trouve que c’est l’erreur majeure qui montre à la fois que l’Europe n’est pas capable elle-même d’apporter des réponses. C’est l’erreur majeure ! »
Question
Mais si on fait rentrer une force d’interposition, il faudra bien qu’elle soit protégée et armée. Est-ce que ça ne peut pas être pris comme une agression supplémentaire de la part des Serbes ?
- « Non, les Serbes apparemment dans les discussions de Rambouillet, étaient prêts à examiner cette solution. Il faut regarder de près les choses, à mon avis. Pourquoi Rambouillet a échoué ? »
Question
Parce que les Serbes ne voulaient pas des forces d’interposition sur le territoire du Kosovo…
R. Hue - « Non, non, non ! Ils ne voulaient pas les forces de l’Otan, c’est très différent. Et je crois que, de ce point de vue, il s’agit de regarder de près les choses. Il s’agit d’arrêter la guerre. Donc je crois que la voie diplomatique, c’est celle-là. »
Question
Vous organisez régulièrement des manifestions. Il y en a encore une aujourd’hui. Vous ne craignez pas, parfois, d’être débordés par les Serbes qui vivent en France et qui sont légitimement émus de ce qui se passe chez eux ?
R. Hue - « Les Serbes manifestent de leur côté, mais il faut bien que les forces démocratiques – et le Parti communiste au sein de ces forces démocratiques – expriment cette idée qui est majoritaire chez les Français aujourd’hui : il faut mettre un terme à cette guerre ! Il ne faut pas bombarder. Les Français sont contre, ils viennent de le dire massivement dans ce sondage ! Il faut vraiment les écouter. Et je crois que les manifestations sont l’expression de cette volonté d’aboutir à une solution diplomatique. Je crois que la France avait marqué beaucoup de points avec Rambouillet. Il faut maintenant aller au bout. »
France Info : lundi 29 mars 1999
Question
Si on considère que Milosevic est le dernier dictateur communiste en Europe, ne faudrait-il pas mettre fin à ses exactions et à son régime ?
R. Hue - “D’abord, ce n’est pas la fin du dernier dictateur communiste. Je vois bien le rapprochement que vous faites, mais c’est un nationaliste qui n’a rien à voir avec la conception du communisme qu’on peut avoir. C’est à mon avis, une analogie absolument inacceptable.”
Question
C’est bien de le dire, car il vient quand même du communisme, a été patron des communistes serbes…
R. Hue - “Il y en a d’autres qui viennent du communisme et qui n’ont pas tourné, comme lui, à la dictature nationaliste. Et je crois qu’il faut le dire sans appel. Je trouve que Milosevic a une responsabilité écrasante dans la situation actuelle et c’est gravissime. Mais, en même temps, ça ne fait pas modifier mon point de vue sur le fait que cette guerre n’est pas la réponse qui convenait à la situation. Quelle est l’efficacité de ces frappes militaires de l’Otan après cinq jours ? Quelle efficacité si ce n’est l’accélération et l’aggravation de la répression et du nettoyage ethnique par l’armée et la police serbes ; un pouvoir de Milosevic renforcé. On voit bien qu’à chaque bombe qui tombe, il y a en fait, davantage de gens qui viennent renforcer cette unité à côté de lui. Et puis, il y a ce terrible mur de sang qui est en train de se dresser entre les Serbes et les Kosovars.
Question
Donc je crois que la question est maintenant de savoir : comment sortir de cette impasse ? Moi je propose naturellement qu’il y ait un arrêt immédiat des bombardements, des opérations de l’armée serbe, en même temps, simultanément. Et puis qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on ne peut pas faire sur la base de ce qui s’est fait à Rambouillet – la diplomatie française avait marqué beaucoup de points avec cette initiative de Rambouillet – est-ce qu’on ne peut pas imaginer reprendre, en fait, ce qui était à la fin des négociations de Rambouillet où ça n’a pas abouti ?
R. Hue - C’est ce qu’on propose depuis le début à Milosevic : de venir négocier dans le cadre de Rambouillet.”
Question
Il refuse…
R. Hue - “Je pense que Milosevic souhaitait cette intervention car elle le renforce. Mais en même temps, aujourd’hui, la solution est qu’il faut mettre un terme à cette guerre, et trouver une solution notamment avec la possibilité immédiatement d’une force d’interposition.”
Question
Au sol ?
R. Hue - “Pas de l’Otan !”
Question
Et de qui alors ?
R. Hue - “Au niveau européen, il est tout à fait possible d’imaginer d’ailleurs, sous l’égide de l’OSCE, avec l’Onu, dans le cadre d’une négociation et non pas dans le cadre d’une intervention de terrain qui est inimaginable, naturellement, aujourd’hui, dans le cadre de la guerre actuelle. Mais ces forces d’interposition pourraient être acceptées, je crois. Et puis je suis de ceux qui pensent depuis un certain temps –j’en avais moi-même parlé, du reste à M. Prodi quand je l’ai rencontré – je pense qu’une conférence sur les Balkans serait une bonne chose qui pourrait permettre, non seulement d’imaginer une avancée sensible dans ces difficultés, dans cette poudrière, mais en même temps, imaginer des éléments de reconstruction.”
Question
Le Président de la République parle, ce soir, à 20 heures. Qu’attendez-vous de lui ?
R. Hue - “J’attends précisément qu’il prenne une grande initiative, avec le Gouvernement naturellement, mais au plan diplomatique, Alors je vois bien qu’il y a l’intervention des Russes ; elle est importante. On m’a dit, tout à l’heure, une dépêche disait, qu’il y avait eu des entretiens avec M. Primakov. Tout ça va dans le bon sens. Aujourd’hui, la France s’honorerait de prendre une grande initiative diplomatique.”
Question
Elle l’a prise avec Rambouillet…
R. Hue - “Oui, mais ça n’a pas suffi, la preuve ! Donc, puisque les bombes ça ne fonctionne pas, que les Français sont de plus en plus réservés, voire opposés à ces bombardements – il faut quand même les écouter !”
Question
Mais comment négocier avec quelqu’un qui ne veut plus négocier !
R. Hue - “Je crois que, aujourd’hui, si on propose d’avancer dans les négociations, où il y a différentes parties, que si ce n’est pas sous l’égide de l’Otan notamment, avec les conséquences que l’on sait, il y a possibilité, à mon avis, d’avancer.”
Question
Il y a des ministres communistes au Gouvernement. La cohésion gouvernementale est-elle menacée par votre objection à la participation française à l’intervention de l’Otan ?
R. Hue - “Non, non, je ne crois pas. Il y a des ministres communistes dans le Gouvernement, et comme les ministres socialistes ils donnent leur sentiment. Hier, j’ai entendu M. Aubry qui donnait son sentiment ; M.-G. Buffet l’a fait de son côté. Elles parlent avec leur opinion sur la réalité qui est en train de… Mais en même temps ça ne met pas en cause la participation au Gouvernement. Par contre, je crois que les Français sont en train de découvrir toute l’utilité des communistes au Gouvernement et dans la majorité plurielle. Car au moins, il n’y a pas un seul son de cloches dans cette majorité plurielle. Ils entendent la différence, ils voient que, sur une question aussi difficile que la guerre ou la paix, il peut y avoir une intervention sans que pour cela il y ait déstabilisation de la majorité plurielle. »
Question
Vous vous êtes retrouvé, vendredi soir, à Paris, dans une manifestation qui a été en cours de route noyautée par les extrémistes serbes qui scandaient : “Chirac nazi, Hitler” etc...
R. Hue - “Oui les Serbes à Paris ne sont pas… Il y a quelques excessifs mais…”
Question
C’était dans votre manifestation, ils se sont joints à votre manif…
R. Hue - “Oui, mais que voulez-vous démontrer ? Qu’il ne faut pas faire de manif ? Il va y en avoir une nouvelle jeudi. Il faut se bagarrer ! On ne peut pas accepter la guerre ! Si on pense que, parce qu’il y a quelques marginaux, vraiment au bord, là, qui essaient de récupérer une manif, et qu’on ne va pas en faire, on se trompe. On dira haut et fort qu’on veut la diplomatie, la négociation. Et qu’il faut arrêter les bombardements ! Voilà l’esprit qui est le nôtre aujourd’hui.”
Question
Le député communiste M. Gremetz a dit, la semaine dernière, ici : qu’il serait prêt à voter la censure contre le Gouvernement Jospin pour dénoncer sa participation à l’offensive...
R. Hue - “Mais ça ne se pose pas, cette question puisqu’elle ne vient pas à l’ordre du jour. Et en tout état de cause, ce n’est pas en ces termes que se règlent les problèmes.”