Interview de M. Hervé de Charette, délégué général du PPDF et ancien ministre des affaires étrangères, dans "Le Parisien" du 25 septembre 1997, sur les massacres en Algérie.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Encore un massacre en Algérie. Devant ce surcroît de sauvagerie, peut-on rester indifférent ?

Hervé de Charrette (ancien ministre des affaires étrangères) : Nous sommes à un tournant. Les images que nous venons de voir ces dernières 24 heures ne sont pas que terrifiantes. Elles sont aussi très troublantes. Elles démontrent qu’en Algérie, à l’heure actuelle, les institutions politiques elles-mêmes sont atteintes.

En tout cas, le gouvernement algérien doit des explications à la communauté internationale.

Le Parisien : Celle-ci devrait-elle intervenir ?

Hervé de Charrette : L’ONU, qui siège actuellement en assemblée générale annuelle et où se retrouvent chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres du monde entier, ne peut pas rester muette. Elle a du reste, déjà, rompu le silence. J’ai admiré l’attitude de Kofi Annan, le secrétaire général, quand il a proposé une médiation de l’organisation.

Le Parisien : Il faut alors envoyer des casques bleus en Algérie ?

Hervé de Charrette : La question ne se pose pas en ces termes. La communauté internationale, en particulier l’ONU, dispose des moyens de s’exprimer, de faire valoir son point de vue, de sortir du silence actuel qui est devenu pesant.

Le Parisien : Et que peut faire la France ?

Hervé de Charrette : La France est sans doute la moins bien placée pour intervenir. Et je constate qu’après nous avoir annoncé le contraire quand ils étaient dans l’opposition, les socialistes au gouvernement semblent s’être sagement ralliés à cette contrainte. Devant l’ampleur du drame algérien, il ne peut y avoir de prises de position partisanes. Reste que le peuple algérien vit un martyre, un martyre dont la dimension est telle qu’il est du devoir de la communauté internationale de s’en mêler.

Le Parisien : Faut-il faire pression sur le gouvernement algérien pour qu’il négocie avec les islamistes ?

Hervé de Charrette : Il ne peut y avoir de discussions avec les terroristes, avec ceux qui massacrent femmes et enfants avec ceux qui ont exécuté les moines de Tibherine… Une telle discussion, avec les auteurs de telles atrocités, n’est pas acceptable pour la France. En revanche, il y a un peuple algérien qui souffre. Rien n’empêche la société civile de notre pays de tendre les bras à ce peuple, à ses dirigeants et à ses représentants.

Le Parisien : L’Europe peut-elle jouer un rôle ?

Hervé de Charrette : Les Européens ne peuvent rester ni sourds ni aveugles. Un projet d’accord est actuellement en discussion en l’Union européenne et l’Algérie. Je ne puis imaginer qu’un accord économique entre l’Europe et l’Algérie puisse aboutir tant que les Européens n’y voient pas un peu plus clair.