Texte intégral
Question
Cet après-midi lors des questions au Gouvernement, avez-vous été convaincu par l’intervention de L. Jospin, à savoir que l’Otan a les moyens de porter des coups suffisants aux Serbes dans les jours qui viennent, et que Milosevic soit obligé de céder, sorte du Kosovo en perdant ?
J.-L. Debré
- « Je souhaite que l’ensemble des parlementaires, quelle que soit leur tendance soutienne la politique de la France qui s’est exprimée par la voix du Premier ministre et qui avait été décidée par le Président de la République. Nous ne pouvons pas tolérer qu’à quelques kilomètres de la France, il y ait un homme et un régime, dont la politique est basée sur l’assassinat la violence et l’épuration ethnique. Et notre devoir à tous, c’est de soutenir la France dans cette épreuve. »
Question
Mais lors de votre rencontre, ce matin avec le Premier ministre et les autres présidents de groups des Assemblées, que vous a dit L. Jospin ?
J.-L. Debré
- « Il nous a expliqués quelle a été la prise de décision ; comment les décisions se prennent. Et il nous a expliqués ce que la France voulait dans cette affaire : c’est d’obliger Milosevic à accepter la paix et les conditions posées par les Alliés. »
Question
Dans quel climat s’est déroulé cette discussion ?
J.-L. Debré
- « Dans un excellent climat. L’ensemble des représentants des formations parlementaires était d’accord avec le Premier ministre et la politique de la France, à l’exception naturellement des communistes. »
Question
Mais êtes-vous inquiet, vous, sur la suite des événements et l’engrenage possible de la situation ?
J.-L. Debré
- « Je suis inquiet et préoccupé car c’est une opération difficile ; parce que Milosevic, on l’a bien vu depuis des mois et des mois, a été sourd à la pression diplomatique ; et nous avons tout fait – Rambouillet, l’avenue Kléber, l’envoi d’émissaires – pour qu’il comprenne qu’il fallait changer de politique. Et je suis inquiet de voir que cet homme n’a pas cédé aux pressions diplomatiques et qu’il ne cède pas encore aux frappes des Alliés. Donc c’est un personnage qui s’entête et notre devoir aujourd’hui, c’est d’être déterminé car on ne peut pas accepter qu’à quelques kilomètres de la France, il y ait des régimes du type de ceux que nous avons connus il y a 50 ans ! »
Question
Le Parti communiste exprime son inquiétude en affirmant qu’elle est partagée par l’opinion publique.
J.-L. Debré
- « Je ne sais pas si elle est partagée. Ce qui m’inquiète, c’est qu’a un moment où nous avons besoin des militaires qui sont engagés sur un front très difficile, des militaires qui au nom de la France et pour la France, et pour la liberté, risquent leur vie, de voir donc, des ministres communistes critiquer la politique du Premier ministre ! En réalité, on le voit bien, nous sommes revenus 50 ans en arrière, au moment de la Guerre froide. Il n’y a plus d’union de la gauche. Et aujourd’hui la morale politique, l’éthique politique, devraient conduire des ministres communistes – qui appellent même, demain, à manifester contre la politique du Gouvernement auquel ils appartiennent ! – la morale politique devrait imposer à ces communistes de quitter le Gouvernement. Ou M. Jospin s’il ne veut pas revenir aux errements de l’IVème République, devrait demander à ces ministres de quitter le Gouvernement. Toute autre explication, toute autre attitude est un défi à la morale politique, et surtout un coup porté à l’unité nationale ! »
Question
Pour en revenir à la situation sur le terrain, faites-vous partie de ces hommes politiques qui disent qu’inévitablement il faudra engager des forces terrestres ?
J.-L. Debré
- « C’est au Gouvernement qui a la conduite des opérations de décider, sous l’autorité du Chef de l’Etat. Et il y a entre le Chef de l’Etat et le Premier ministre, sur cette affaire, des vues concordantes et une politique concordante. Et vous n’avez pas vu de la part des parlementaires du RPR, la moindre critique à l’égard de cette politique. »
Question
Il y a des interrogations…
- « Il est normal qu’il y ait des interrogations ; nous ne sommes pas au Gouvernement, et nous disons simplement : dans cette phase difficile, nous sommes solidaires du Président de la République, du Gouvernement, et nous soutenons sa politique. »
Question
Même au RPR vous êtes solidaires…
J.-L. Debré
- « Il y a des interrogations, de doutes. Mais à partir du moment où nous sommes sur le front, en guerre, dans une opération militaire, notre devoir, notre responsabilité est de soutenir l’armée française, et que la France s’exprime d’une voix. Le passage à des phases suivantes, dépend du résultat des phases précédentes. Et donc, c’est en fonction du bilan qui sera tiré de la phase I et de la phase II que nous verrons, et que les responsables gouvernementaux prendront la décision de passer à la phase III. Ce qui importe aujourd’hui, c’est de tout mettre en œuvre pour que Milosevic accepte de renoncer à sa politique d’épuration ethnique, de violence, et de massacres. »
Question
Vous dite aujourd’hui qu’il n’y a aucune nuance entre le Président de la République et le Premier ministre sur ce dossier ?
J.-L. Debré
- « La France, ce qui est important, s’exprime d’une seule voix. Et ce que je voudrais – c’est un appel – c’est que les communistes arrêtent de donner ce spectacle épouvantable, ce spectacle consternant, d’un Gouvernement qui n’est pas uni ! La France doit s’exprimer d’une seule voix, elle le fait par le Président de la République et par le Premier ministre. Que les ministres, s’ils ne sont pas d’accord, ça se tait ou ça quitte le Gouvernement ! »