Déclaration de M. Lucien Rebuffel, président de la CGPME, sur le partenariat entre l'enseignement et les entreprises, la formation professionnelle et la mise en oeuvre de nouvelles formations interprofessionnelles de niveau BTS et maîtrise de gestion et de dirigeant de PME-PMI, Paris le 18 mai 1999.

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Circonstance : Manifestation de la CGPME sur les thèmes "BTS assistant de gestion PME-PMI" et "Maitrise adjoint de dirigeant PME-PMI" à Paris le 18 mai 1999

Texte intégral

Monsieur le Ministre,

Les applaudissements qui vous ont accueilli ne sont pas seulement ceux que nous réservons habituellement à un Ministre de la République ou à un Premier Ministre, comme nous l'avons fait souvent et régulièrement qu’elle soit naturellement la couleur politique du Gouvernement en place. Nous sommes en effet légitimistes tel qu'il sied à une Confédération nationale représentative.
 
Cette fois, nous avons tenu, par surcroît, à marquer l'honneur fait à la CGPME, par la venue du Ministre de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, en soulignant que c'est la première fois qu'un Ministre assumant ces fonctions franchit nos portes et participe ainsi à une de nos manifestations confédérales.
 
Nous pourrions, Messieurs les Présidents, mes chers collègues, nous en faire d'ailleurs le reproche, entre nous, car il y a 50 ans que cette rencontre aurait dû se faire et s'instaurer, à un rythme régulier, tant ce que nous avons à dire, et ce que nous avons fait déjà, apparaît aujourd'hui aller de soi et ne pas devoir en effet susciter étonnement.
 
Quoi qu'il en soit vous êtes là et je tiens à dire d'entrée au Ministre réputé turbulent que vous êtes, que nous approuvons globalement votre politique de refondation de l'Education Nationale au regard de ce que nous avons à en connaître, en tant que chefs d'entreprises, mais aussi en tant que citoyens, en tant que parents, et en tant que contribuables.
 
Nous ne sommes pas ici à l'Assemblée Nationale, si prompte à s'enflammer sur les grands sujets bien que ce soit notre réflexe lorsqu'on nous parle des 35 heures. Nous n'avons pas, non plus, l'esprit échauffé qui se manifeste à tout propos chez telle ou telle catégorie concernée de vos si nombreux fonctionnaires, de vos trop nombreux fonctionnaires, dès lors que vous touchez, avec bon sens, aux notions d'économie budgétaire, de rentabilité du personnel ou du meilleur service à offrir aux élèves et étudiants.
 
Aussi, même si nous pouvons donc aujourd'hui parler de sang-froid, il n'empêche que nous avons un certain « chaud au cœur ». Vous avez, en effet, proposé à la Nation une réforme. Nous y avons même partiellement participé. Nous avons trouvé, avec vos collaborateurs, des éléments d'analyse et de propositions convergents. Vous avez d'ailleurs cité nos propositions au Conseil Supérieur de l'Education et vous en avez même lu de larges extraits. Nous en avons été très satisfaits et secrètement flattés.

Mais il est vrai que ceci n'est pas le fruit du hasard : votre visite n'est certes pas improvisée et mes propos de simple circonstance.
 
Depuis près de 1O ans, en effet, la CGPME a ressenti la nécessité d'un rapprochement, puis, plus ambitieusement, d'un partenariat entre deux mondes qui s'ignoraient quasiment jusqu'alors : « l'économique » et « l’éducatif », de façon à mieux former, à tous niveaux, les collaborateurs indispensables au développement des entreprises en général, des PME et des PMI en particulier.
 
En effet, malgré de nombreux efforts consulaires, professionnels, interprofessionnels, et des résultats notables tout de même, ces deux mondes, « l'économique » et « l'éducatif » se sont longtemps trop ignorés, quand ils ne nourrissaient pas, l'un par rapport à l'autre, une certaine défiance. Tout ceci en termes vagues souvent sous tendus par l'idéologie ou au plan de principes doctrinaires agités par telle ou telle école de pensée...

Toutefois, au sein de notre Confédération, depuis longtemps déjà, l'éducation et la formation professionnelle continue étaient devenues, grâce aux initiatives de notre Président fondateur Léon GINGEMBRE, des domaines privilégiés de l'action de la C.G.P.M.E.

Vous savez, en effet, que, par l'AGEFOS PME, organisme à gestion totalement paritaire, fondé en 1972 par la C.G.P.M.E. et les cinq centrales syndicales de salariés, nous assurons la collecte et la gestion de près des trois quarts des sommes versées par les entreprises dans le cadre interprofessionnel, soit près de 3 milliards de francs par an. L'AGEFOS PME a joué ainsi au fil du temps un rôle grandissant et désormais irremplaçable, en matière de conseil auprès des PME sur les questions de formation. Je rappelle que près de 200 000 entreprises adhèrent et versent leurs contributions à l'AGEFOS PME.
 
Nous avons aussi fondé l'AGEFA, il y a une poignée d'années, et nous répartissons déjà, grâce à une gestion tripartite, cette fois, avec l'Education Nationale et tous les Syndicats de salariés, environ 250 millions de taxe d'apprentissage à plus de 8 000 écoles chaque année. C'est l'Etat qui nous a permis cette performance laquelle a revitalisé des établissements souffrant naguère - avant la réforme - d'une pénurie de taxe lorsqu'elle était trop centralisée dans des organismes qui n'avaient pas suffisamment le sens de la pluralité des besoins professionnels.

Nous avons également créé, il y a 5 ans, l'AGEFICE qui a formé près de 100 000 « travailleurs indépendants » durant la période. C'est dire la soif de formation qui sévit dans nos rangs.
 
Aujourd'hui, après un temps d'adaptation pour nous rassurer sur notre proche démarche, nous solennisons devant vous la présentation d'un nouveau BTS (Bac +2) et d'une maîtrise (Bac +4).
 
Ce sont des formations interprofessionnelles transversales assurées en commun par les entreprises avec les Lycées et les Universités, formations qui connaissent, vous le savez, un grand succès et qui se sont très rapidement développées.
 
Il faut savoir en effet que ce sont des formations très concrètes, mises au point « avec » et « pour » les hommes de terrain que sont les patrons des PME-PMI.

La préparation et la mise en œuvre de ces formations, puis l'évaluation a posteriori de leur efficacité, ont nécessité un travail considérable, ainsi que cela a déjà été rappelé ce matin par le Président GILSON et par les participants à la table ronde.

La présentation de ce BTS et de cette maîtrise devant vous, en présence de Madame Nicole PERY, Secrétaire d'Etat aux Droits des Femmes et à la Formation Professionnelle constitue, à nos yeux, une grande première confédérale.

Au-delà d'un syndicalisme de représentation, au-delà d'un syndicalisme de revendication ou de proposition, nous voulons faire là œuvre permanente d'un syndicalisme de service au bénéfice des PME-PMI qui ont un besoin constant de remise en cause et de ressourcement.

Nous validons, de la sorte, aujourd'hui le travail de tous les protagonistes de cette féconde aventure :

• Les responsables de la CGPME, notamment les membres de la Commission Sociale et de la Commission Enseignement Formation,
• L'Association Université Entreprise,
• Les représentants des Universités préparant la maîtrise,
• Les représentants des Etablissements préparant le BTS,
• Les associations de parents d'élèves,
• L'ONISEP, présidé par l'un des nôtres, le Président CARILLO ayant succédé au Président GILSON à la tête de cette prestigieuse institution,
• Les responsables des différents services de l'Education Nationale,
• Le Secrétariat d'Etat à la Formation Professionnelle naturellement,
• sans oublier, bien entendu, les étudiants eux-mêmes, principaux intéressés, déjà au nombre de plus de 13 000 en BTS et 1 300 en maîtrise.

Tout ce travail, singulièrement celui que nous présentons aujourd’hui, déjà donc en forme de bilan, en soulignant une fois de plus l'action « tripartite » réalisée, repose sur une évidente réalité économique.
C'est la montée en puissance et donc la place croissante des PME dans notre économie. C'est la montée en puissance et donc la place croissante des PME dans le domaine de la formation. Deux types de statistiques le démontrent avec clarté :

• D'abord celles concernant les contrats d'apprentissage et les contrats de qualification : la très grande majorité des contrats d'apprentissage, 85 % des contrats de qualification et 75 % des contrats d'adaptation sont passés dans des entreprises de moins de 200 salariés.

• Ensuite celles concernant les créations (nettes) d'emplois révélées par l'UNEDIC : du 1er janvier 1981 au 31 décembre 1997, tandis que les grandes entreprises « mondialisées » supprimaient plus d'un million d'emplois et sortaient ainsi, sur la pointe des pieds, du pacte économique et social national, les PME qui vivent et meurent, comme le lierre, sur le lieu où elles sont nées, créaient-elles, sur place, pour nos enfants, un million et demi d'emplois nouveaux « marchands ». Elles constituent désormais un facteur clé et incontournable pour la survie du tissu économique français dans le cadre de l'aménagement du territoire et pour la survie de nos fameux acquis sociaux collectif.

C’est pourquoi la C.G.P.M.E. participe et participera activement aux évolutions du nouveau système éducatif que vous voulez instaurer notamment en. Vue de développer les formations professionnalisées permettant à notre jeunesse qui ne peut toute s'expatrier de s'épanouir dans les frontières de notre pays sans savoir à se résigner à se croiser les bras pour un jour avoir peut-être à se révolter devant cette résignation qui touche désormais 6 millions de Français.

C'est pourquoi, je vous le dis, Monsieur le Ministre, au nom de la Communauté des PME et des PMI de France : Oui à la banalisation des échanges, à la mondialisation comme on dit, oui à la modernisation à condition que tout cela ne se traduise pas inéluctablement par des délocalisations de main d'œuvre qui accroissent le chômage français.

C'est pourquoi, je vous le dis aussi, en référence à la solidarité gouvernementale, que vous devez certes respecter mais que vous pouvez infléchir peut-être : faites-en sorte que les conditions d'application de la deuxième loi sur les 35 heures soient telles qu'elles ne conduisent pas les PME-PMI cette fois à réduire remploi existant pour survivre à de nouveaux coûts salariaux insupportables pour la masse des nôtres.

Tous les efforts que vous faites, ceux que nous accomplissons sous votre autorité pour améliorer la qualité de l'enseignement, sa meilleure adéquation avec les besoins de l'économie, sachez que cette loi sur les 35 heures peut les ruiner si elle ne prend pas en compte la réalité du terrain, la réalité des conditions de l'activité économique.

Tel est, finalement, au bout du compte, le message que je devais, en tant que Président confédéral, vous présenter dans le souci de l'intérêt général. Puis-je être entendu par le collège gouvernemental auquel vous appartenez et dont nous savons que vous êtes un des membres les plus écoutés.

source http://www.cgprlie.org, le 8 juin 1999