Texte intégral
France 2/Emission « Direct » diffusée sur France 2 le 22 avril 1999
– Partie 1
Catherine CORREA - éducatrice, Sarcelles
Bonjour, je m’appelle Catherine, j’ai 22 ans. Là, d’abord je vais présenter ma famille… qui m’a donné beaucoup de repères. Salut papa ! Là, c’est ma petite sœur – fais un sourire quand même ! - et là, il y a ma tante. Là, je vais aller voir ma mère. Ma mère est en train de s’habiller là. Tu as mis ton boubou ! C’est mon lieu d’habitation, comme vous le voyez, il y a des petits jeunes qui jouent devant. Pas trop fameux, mais bon, on fait avec. Je vais vous présenter ma banlieue telle que je la vois et il faut arrêter les stéréotypes, les clichés, le fantasme d’insécurité parce que bon, il faut venir voir quoi ! Ca, c’est mon centre commercial, Les Flanades. C’est le seul lieu de convivialité, c’est un endroit très fréquenté où les gens peuvent se promener et faire leurs courses.
- On se pose la question sur le climat d’insécurité qui règne à Sarcelles ou en banlieue. Qu’est-ce que vous en pensez ? Vous avez peur ?
Sarcelloise
Non, je n’ai pas peur mais c’est vrai qu’on se sent agressé, verbalement, parce que moi personnellement je me suis déjà faite agresser verbalement.
Catherine CORREA
Excusez-moi, avez-vous peur de vivre ici ?
Sarcellois
Je n’ai peur de rien du tout moi, ni ici ni ailleurs.
Sarcelloise
Je ne sors pas le soir toute seule. C’est fini le temps où je venais au restaurant toute seule ; mais dans la journée, je viens quand même faire mes courses.
Jeune Sarcelloise
Du moment où on respecte les autres, il y a un respect mutuel, je ne vois pas pourquoi il y aurait…
Catherine CORREA
Toi tu dis que dans les banlieues, dans les quartiers chauds, il y a quand même un minimum de respect ?
Jeune Sarcelloise
Exactement.
Catherine CORREA.
Qu’est-ce que vous pensez des jeunes ? Pensez-vous qu’ils sont violents ? Les jeunes… les petits jeunes que vous voyez à côté de vous ?
Sarcelloise
Les jeunes ? Pour le moment, ils sont gentils.
Sarcelloise
Ça fait plus de quatorze ans que j’habite la ville, je n’ai vraiment jamais – je dis jamais – été agressé. Il m’est arrivé d’arriver sur Sarcelles par le dernier train quand je n’avais pas de voiture, non, ni dans le train… je répète, non.
Catherine CORREA
Ce n’est pas la jungle ici, on a du savoir-vivre, Finalement, c’est le regard des gens qui nous tue.
Question
- Mais pourquoi vous dites que vous vous sentez en insécurité ?
Sarcelloise
Il y a une insécurité naturellement, le soir…
Catherine CORREA
Le soir, on vous a déjà agressé ?
Sarcelloise
Non, on ne m’a jamais agressé.
Catherine CORREA
Je ne vous comprends pas, vous dites que vous vous sentez en insécurité, vous ne vous êtes jamais fait agresser, vous n’avez jamais assisté à des bagarres…
Sarcelloise
Oui, mais vous en entendez tellement parler que vous avez peur, c’est tout.
Catherine CORREA
Là, on va chez Mourad, on a passé le bac ensemble. Aujourd’hui il est en licence de socio. En plus, il travaille pour payer ses études. Ils sont des tonnes comme lui dans ma cité.
Mourad BOUGHANDA, 24 ans, étudiant - Sarcelles
C’est vrai qu’on a des problèmes. On est une population à soucis, OK. Mais à côté de ça, l’exemple simple de ce bâtiment… ce n’est pas énorme par rapport à Sarcelles. Il y a dix étages. A chaque étage, tu es sûr de trouver quelqu’un qui est soit en cours, soit qui travaille comme un forcené, soit qui a fait un truc magnifique. Au deuxième étage, il y a deux frères, on ne les entend jamais ; c’est des mecs, ils sont super calés, ils sont à bac + 2, bac + 3. Ici au premier étage, il y a Héloïse, elle fait des études de lettres et de langues ; moi je suis en cours ; il y a Wander au premier étage, tu connais Wander ? Tu te rends compte, il est en pharmacie !
Tu vois ce que je veux dire ! Donc c’est nous la société de demain, mais ça, on n’en entend jamais parler parce qu’on ne parle pas de ce qui n’est pas croustillant, de ce qui ne pose pas de problème.
Catherine CORREA
Ça vend pas !
Mourad BOUGHANDA
Voilà ! Elle est où la violence ici ? Je ne la vois pas, la violence comme elle est décrite dans les journaux, tu vois. J’ai l’impression que je ne lis pas les journaux de mon pays, tu comprends ce que je yeux dire.
Catherine CORREA
Ce n’est pas ton pays, c’est Sarcelles.
Mourad BOUGHANDA
Mais c’est ici, j’y suis, en France. Et ça peut choquer. Et ici ça choque quand tu es un Beur et que tu dis que tu aimes la France. Eh bien la France, je l’aime. Ma France à moi, ce n’est pas la France à qui tu veux, ce n’est pas la France à PASQUA, ce n’est pas la France à CHEVENEMENT ou à n’importe qui, c’est ma France à moi. On a envie d’amalgamer violence, délinquance, immigration. Quel rapport entre l’immigration et la violence ? Non ! On peut juste se contenter d’aller traire la vache, boire du lait et manger du pain qui a été fait au four. Ce n’est plus comme ça. Si je n’ai pas de télé et une machine à laver, je fais comment ? C’est ça qui est violent. Ça ne me donne pas, moi, accès, au monde.
Catherine CORREA
A la société de consommation tout simplement.
Mourad BOUGHANDA
Même pas la société de consommation. Il y a des gens qui n’ont pas accès aux soins ! Tu trouves normal qu’on ne puisse pas se soigner ? Tu vois ce que je veux dire.
Catherine CORREA
Mon papa me dit toujours : quand une pirogue est au milieu de la mer, si elle n’a ni voile, ni rame, ni moteur, elle ne peut pas avancer.
Paul AMAR
Alors Charles PASQUA, quand vous regardez ce reportage, est-ce que vous pensez que c’est une vision plutôt angélique, très positive. Quand on entend, moi je ne vois pas la violence…
Charles PASQUA
Je crois que globalement, c’est un reportage qui correspond à la réalité. Je crois qu’on a toujours tendance à souligner et à montrer ce qui ne va pas, plutôt que de montrer ce qui va bien. Je vois ce qui se passe à Sarcelles, j’ai la même situation dans mon propre département, qu’il s’agisse de Gennevilliers ou de Malakoff : les gens qui y habitent, sont heureux d’y être…
Paul AMAR
Département des Hauts-de-Seine.
Charles PASQUA
Ils sont heureux d’y vivre et n’ont aucune envie d’aller ailleurs même si nous procédons à un certain nombre d’interventions concernant l’urbanisme pour que cet urbanisme soit plus humain. En réalité les gens n’ont aucune envie d’aller ailleurs, je crois que c’est la vérité.
Paul AMAR
Alors on veut évidemment éviter tout manichéisme et pour être honnête, il y a une autre vision de la ville, je ne dis pas banlieue, des quartiers tout simplement. Docteur Simone BRUN, bonsoir. Vous, vous habitez les quartiers Nord de Marseille…
Dr. BRUN - médecin généraliste
J’habite les quartiers Nord de Marseille.
Paul AMAR
Et vous y habitez toujours…
Dr. BRUN
Oui, j’y habite toujours.
Paul AMAR
Malgré la situation que vous décrivez de façon différente de celle de Catherine CORREA par exemple. Vous la vivez comment vous ?
Dr. BRUN
Moi je la vis bien, comme on peut dire, je n’ai pas peur de vivre dans les quartiers Nord. Je pense que Mourad n’a pas tout à fait tort quand il dit « il n’y a pas de violence » parce que je pense que ce n’est pas une violence affichée qu’il y a ; c’est une violence plus sournoise qui est celle qui arrive quand on ne s’y attend pas, c’est-à-dire que lorsqu’on est cambriolé, lorsqu’on vous arrache votre sac…
Paul AMAR
Ce qui a été votre cas.
Dr. BRUN
Ce qui a été mon cas…
Paul AMAR
A combien de reprises cambriolée ?
Dr. BRUN
J’ai été cambriolée sept fois et on a essayé de m’arracher mon sac plusieurs fois, on a réussi une fois.
Paul AMAR
C’est ce que vous appelez la violence sournoise.
Dr. BRUN
C’est une violence sournoise parce que ce n’est pas fait méchamment… c’est des jeunes, ils sont sur des vélomoteurs, ils ne sont pas méchants, ils sont gentils. Je ne peux pas dire qu’ils soient méchants. Je me suis mise devant le vélomoteur pour empêcher de prendre mon sac. Ils ne m’ont pas jetée par terre, ils m’ont contournée et ils sont partis. Je pense qu’on ne peut pas parler de violence réelle. Il n’y a pas de feu… il y a des voitures brûlées mais ça se passe de manière dissimulée, ce n’est pas réel. Mais par contre, le vécu après de chaque individu qui est agressé, est quelque chose qui est ressenti comme une grande violence et quelque chose que l’on ne peut pas facilement digérer. Je pense à une secrétaire qui n’a pas retrouvé sa voiture un matin ; je pense à une autre petite jeune femme aide-soignante qui n’a pas pu aller travailler parce que sa voiture avait été brûlée dans la nuit. Il y a une espèce de désarroi, de remise en question de toute sa vie quand ça vous arrive ; et c’est ça qui est violent. C’est que chaque individu se sent gangrené par ces petits vols répétés, ces agressions minimes qui font qu’on n’arrive plus à vivre, on se demande dans quel monde on est. Moi je crois que c’est ça la violence si violence il y a. Mais on ne voit pas des batailles au couteau, on ne voit pas des incendies d’immeubles…
Paul AMAR
Bien qu’à Neuilly hier, dans votre département, trois mineurs… une altercation absolument stupide, ont tué un jeune homme de dix-huit ans. Donc il y a aussi des faits précis, ponctuels.
Charles PASQUA
Oui, mais les deux choses ne sont pas, incompatibles. Je crois que globalement, dans les quartiers, il y a une vie conforme à ce qu’on vient de voir, avec des gens qui font tous les efforts possibles pour s’en sortir. Et puis dans le même temps, parce qu’on ne peut pas le contester, il y a aussi des gens sans repère parce que les parents n’ont pas d’autorité, parce qu’on ne leur a pas dit ce qui était autorisé et ce qui ne doit pas être fait ; et de ce fait, il y a une dérive qui conduit à ce que gentiment on appelle l’incivilité, c’est-à-dire les petits actes de délinquance qui ont comme conséquence de rendre la vie des gens insupportable et il suffit parfois que dans un quartier, il y ait deux ou trois personnes qui se comportent de cette manière, pour que la vie soit invivable.
Paul AMAR
Vous insistez sur la responsabilité des parents ; est-ce que ça veut dire que vous êtes pour la suppression des allocations en cas de dégradations, en cas…
Charles PASQUA
Oui, j’avais eu l’occasion de le dire mais je crois en réalité que ce n’est qu’un des moyens qui devraient être utilisés. En réalité, dans les quartiers où il y a de la violence, il y a une absence des services de l’Etat, il y a une absence de tout ce qui sert normalement à encadrer la société française.
Paul AMAR
Des services que vous avez dirigés à plusieurs reprises en tout cas…
Charles PASQUA
Oui, oui, mais je ne parle pas seulement de la police ; je parle d’une manière générale de tout ce qui sert à encadrer la société française.
Paul AMAR
Stéphane PEU, vous êtes maire-adjoint de Saint-Denis, vous êtes communiste. Est-ce que vous avez le sentiment que le 93 comme on dit maintenant en Seine-Saint-Denis, que le 92, c’est ça, les Hauts-de-Seine ?
Stéphane PEU
Bien évidemment non et c’est d’ailleurs un des problèmes. Je crois que… moi j’ai été très sensible au reportage au moins pour deux choses parce que quand on parlait de la pirogue… on parlait de l’espoir. Et puis j’ai été très sensible aussi sur le refus absolu et ça me parait tout à fait légitime d’amalgamer l’immigration, la pauvreté et l’insécurité. Ce que je crois, c’est qu’effectivement, ce qui est vrai, la pauvreté pèse sur les comportements, elle pèse sûr les gens. Et quand il y a de la misère, il y a moins d’espoir ; et quand il y a moins d’espoir, quand à dix-huit ans ou à seize ans ou à vingt ans, on a un horizon bouché, eh bien effectivement ça pèse sur les comportements. Mais surtout il ne faut pas de réponse unilatérale ou de réponse simpliste - les situations sont beaucoup plus ambivalentes que ça, il faut que toujours avoir la main tendue, il faut toujours aider les projets positifs. Nous avons accueilli la Coupe du monde il y a quelques mois à Saint-Denis et beaucoup de journaux français et étrangers disaient : Saint-Denis, c’est un coupe-gorge, c’est une folie d’accueillir cet événement dans ce lieu ; ça a été un des dix sites de la Coupe du monde où il y a eu le moins de problèmes. Et l’ensemble de la population et des jeunes s’est fédéré autour de ce projet positif et ont su montrer un sens de l’hospitalité formidable. Donc je crois très important l’espoir… et puis la pauvreté… la région parisienne, Monsieur PASQUA est président du Conseil général des Hauts-de-Seine ; les Hauts-de-Seine, c’est à quelques kilomètres de Saint-Denis ; et il faut bien admettre qu’en région parisienne aujourd’hui, il y a un rapport ministériel aujourd’hui qui parle d’apartheid social en région parisienne, en tout cas il y a une différence flagrante de situations des gens dans le Nord et Est parisien et les gens dans l’Ouest parisien. Nous avons par exemple à Saint-Denis, La Courneuve et Aubervilliers, nous sommes les trois communes aux déclarations fiscales les plus basses de toute l’Ile-de-France. Ce que je voudrais juste dire à Monsieur PASQUA, est-ce qu’en tant que président du Conseil général des Hauts-de-Seine, il admettrait que le devenir de la région parisienne se fasse par des mesures extrêmement volontaristes dans le sens du rééquilibrage, de l’aménagement et de la production des richesses en région parisienne au bénéfice des populations du Nord et de l’Est parisien plutôt que ça continue comme ça aujourd’hui, c’est-à-dire que ça pleut là où c’est mouillé, dans votre département, là où il y a déjà extrêmement d’atouts ?
Charles PASQUA
C’est facile pour moi de vous répondre d’abord ceci, parce que c’est la vérité ; en ma qualité de ministre de l’Aménagement du Territoire, j’ai arbitré pour que le grand stade soit installé à Saint-Denis. C’est moi qui suis à l’origine de cela et votre maire le sait parfaitement. Deuxièmement, je ne suis pas dans un département où les choses vont toute seules. II y a dix ans que je suis président du Conseil général, une espèce de haricot, c’est très hétérogène, il y a des zones de pauvreté autant que chez vous ; il y a des zones effectivement où il y a une meilleure situation économique ; mais alors ce que je ne comprends pas très bien parce que dans la vie, il faut une certaine logique, il faut une certaine cohérence… moi j’ai effectivement décidé d’intervenir dans la boucle Nord ; j’ai créé il y a maintenant dix ans, j’ai conçu une opération qui s’appelle « Pacte92 » grâce à laquelle nous réinjectons dans ce secteur chaque année cent millions de francs pour à la fois changer l’urbanisme, aider les associations etc. Et dans le même temps, ce qu’on constate, alors que 80 % de la population est concentrée sur 20 % du territoire, alors que dans le projet que j’avais fait adopter, la loi sur l’aménagement du territoire, j’avais défini un certain nombre de zones sensibles à revitaliser… justement les zones dans lesquelles il y a 20 %, 30 % de chômage parce qu’effectivement une des raisons des dérives, des dérapages etc., c’est la misère ; c’est l’impossibilité des gens à trouver une solution. Alors pourquoi ne fait-on pas la même chose ailleurs ? Ça mériterait un débat de fond…
Paul AMAR
On y est !
Charles PASQUA
Non, mais je veux dire par là que ça mérite la mobilisation de tout le monde, pas seulement du maire de Saint-Denis ou de l’adjoint chargé de ça ou de moi ; ça suppose la mobilisation de tous les acteurs de l’Etat. On est entrain de parler d’un plan MARSHALL dans tel ou tel domaine, le premier plan MARSHALL à faire, il est là, il est pour tous les secteurs en difficulté dans notre propre pays, ce que j’avais proposé en 1990 avec un ami qui s’appelait Philippe SEGUIN.
Paul AMAR
Nicolas, bonsoir. Alors je ne donne que votre prénom parce que vous le souhaitez… vous êtes porte-parole d’un mouvement que vous avez créé, qui s’appelle « Stop la violence ». Avant de nous en parler, que pensez-vous – vous êtes étudiant – de cet échange entre deux adultes, deux aînés et deux hommes politiques qui ne sont pas du même bord ? Là, tout d’un coup, sur ce qui se passe dans les villes ?
Nicolas
Il faudrait peut-être un petit peu d’air frais dans tout ça, c’est-à-dire je pense qu’il faut voir le regard des gens de l’intérieur sur les problèmes de l’insécurité et puis je pense qu’il faut aussi reconnaître la lucidité que les jeunes portent sur les problèmes, pas seulement les problèmes des jeunes mais sur d’autres problèmes comme le monde du travail et pour l’instant… je suis le premier à prendre la parole parmi les jeunes et je pense qu’un regard frais peut apporter de nouvelles solutions.
Paul AMAR
Vous êtes le premier à parler sur le plateau mais j’ai donné la parole aux aînés parce que les jeunes, on les a entendus longuement dans le reportage… à qui je vais redonner la parole… Mourad, quand vous dites : je ne veux pas de la France de CHEVENEMENT ni de la France de PASQUA. C’est quoi la France de CHEVENEMENT et PASQUA ? Il est là, profitez-en !
Mourad BOUGHANDA
Bonsoir… Quand j’ai dit cette phrase, je pensais à une phrase qu’un monsieur que vous connaissez d’ailleurs… Monsieur Zaïr KADADOUCHE (phon) que vous connaissez d’ailleurs bien… il disait : PASQUA, ce n’est pas la gauche, ce n’est pas la droite, c’est la France. Or moi, ma France à moi, ce n’est pas votre France à vous. La je vous entendais dire il y a deux petites minutes, vous disiez qu’il y a un manque d’État dans les quartiers, il y a un manque de tout. Ils ne manquent de rien…
Charles PASQUA
Mais votre France, c’est quoi ?
Mourad BOUGHANDA
Ma France à moi, c’est la France où l’égalité des chances est assurée, parce qu’elle n’est pas assurée actuellement.
Charles PASQUA
Bien sûr… Où est-ce qu’elle n’est pas assurée et comment ?
Mourad BOUGHANDA
Au niveau de la scolarité… C’est de notoriété publique que l’égalité des chances au niveau scolaire n’existe pas, ou alors vraiment faussée.
Charles PASQUA
Où habitez-vous ?
Mourad BOUGHANDA
J’habite Sarcelles dans le Val-d’Oise. Ce que je veux dire, c’est qu’on peut fractionner par départements, on peut fractionner par régions autant qu’on voudra. Le problème, il est national. Quand je parlais du pays, j’ai vraiment l’impression d’appartenir à une entité qui est le pays, la nation. Et on aura beau dire, on aura beau reprendre encore le discours sur l’intégration, je n’ai pas à m’intégrer puisque je suis Français, je suis comme ça. Là où le bât blesse… on sait parfaitement qu’on a moins de chances d’arriver dans les grandes écoles quand on est à Sarcelles, quand on est fils d’ouvriers, fils d’immigrés etc., que quand on est fils de professions libérales.
Paul AMAR
Alors ça veut dire que vous attendez quoi des hommes politiques ?
Mourad BOUGHANDA
Alors bonne question. Est-ce que c’est à moi d’aller les voir en leur proposant des solutions, en leur disant « faites ceci, faites cela » ou est-ce que c’est à eux de me proposer des solutions pour que moi je puisse adhérer à un projet.
Charles PASQUA
Il a à la fois raison et tort. Il a raison sur un point et il a tort sur un autre. Il a raison lorsqu’il dit que l’égalité des chances n’est pas tout à fait garantie, là il a raison parce que notamment à l’école, selon que vous êtes issu d’un milieu, où on vous a appris un certain nombre de choses, où vous êtes entouré et soutenu, vous avez une chance ; et dans le cas contraire, vous en avez moins et vous n’en avez pas. Ça c’est vrai. C’est la raison pour laquelle moi par exemple j’assume le rattrapage scolaire de tous les enfants depuis l’âge de six ans jusqu’à la fin de la quatrième. C’est ce que l’Etat devrait faire. Et c’est la raison pour laquelle je n’ai aucun complexe parce que l’égalité des chances, elle est là. Lorsque les gens ne savent pas ni lire ni écrire, lorsqu’ils n’arrivent pas à pouvoir suivre et que par conséquent ils n’ont pas accès à la connaissance, ils ne peuvent pas arriver au collège et quand ils y arrivent, ils n’ont aucune chance de suivre, là, il y a une profonde inégalité.
Mourad BOUGHANDA
Est-ce que c’est quelque chose que vous avez constaté maintenant ou c’est quelque chose que vous saviez avant alors que vous aviez la possibilité…
Charles PASQUA
Il y a dix ans… que je l’ai fait, donc je ne l’ai pas constaté maintenant.
Mourad BOUGHANDA
Alors il y a un deuxième point…
Paul AMAR
Mourad BOUGHANDA, une question simplement.
Mourad BOUGHANDA
Est-ce que vous pensez que les jeunes des banlieues particulièrement puisque j’en suis, est-ce que vous pensez que les jeunes des banlieues sont représentés au niveau politique, au niveau des institutions…
Charles PASQUA
Sûrement pas.
Mourad BOUGHANDA
D’accord. Est-ce que vous pensez, vous, représenter les jeunes. Dans les Hauts-de-Seine, je sais qu’il y a des villes comme Colombes, Gennevilliers… Est-ce que vous pensez que nous sommes représentés dans les institutions à niveau égal par rapport aux autres catégories que ce soit socioprofessionnelles ou sociales tout court.
Charles PASQUA
Oui mais ça dépend en grande partie de vous…
Mourad BOUGHANDA
Non.
Charles PASQUA
Si, ça dépend en grande partie de vous. Dans la mesure où moi je vous donne le maximum d’égalité possible, c’est-à-dire je favorise l’accès à la connaissance. A partir de là, il y a d’autres choses au niveau des associations etc., tous les moyens sont donnés mais à partir de là, c’est à vous, compte tenu du pourcentage que vous représentez etc., de vous présenter aux élections et de vous faire élire. Quel est le pourcentage de jeunes de banlieue qui vont voter ou qui ont voté la dernière fois ? Peut-être est-ce que vous le savez, vous, Monsieur ?
Stéphane PEU
Des jeunes qui votent, il y en a…
Charles PASQUA
Très peu.
Stéphane PEU
Non, très peu, je ne crois pas. D’abord souvent… nous on a 50 % de gens qui se déplacent aux élections, donc il y a un faible taux de participation ; c’est dû aussi, c’est vrai, à une absence de convictions ou de croyance dans les propositions politiques. Mais vous parlez souvent de l’Etat et de l’égalité républicaine, mais enfin Monsieur PASQUA, admettez quand même que l’Etat, s’agissant de ses missions…
Charles PASQUA
Oui, mais l’Etat, ça a été moi, c’est ça que vous voulez dire.
Stéphane PEU
Oui, ça a été vous et d’autres.
Charles PASQUA
Et maintenant c’est vous.
Stéphane PEU
Oui… pas moi en tout cas. En Seine-Saint-Denis, il y a eu un grand mouvement de grève dans les écoles, avec les lycéens, les enseignants, l’an dernier, il y a quelques mois. Ce mouvement de grève, et tout le monde l’a admis, a tout de même révélé que l’Etat depuis des années et des décennies, traitait la population et les jeunes de ce département avec moins d’égard que les jeunes d’autres départements, où il y avait beaucoup moins d’enseignants par élèves, beaucoup moins de filières, un investissement beaucoup moins fort de l’Etat pour cette population. Donc elle n’était pas considérée à égalité des autres populations des autres départements.
Charles PASQUA
Excusez-moi de vous faire remarquer tout simplement que la gauche a été au pouvoir pendant onze ans ; elle y est à nouveau depuis deux ans et que donc si des efforts n’ont pas été faits, elle est également très responsable. Cela étant, je suis tout à fait d’accord avec vous que ces efforts sont insuffisants. Ils le sont pour une autre raison : tant que l’Éducation nationale sera gérée comme elle l’est… elle est totalement ingérable ; tant qu’elle sera gérée de cette manière, il n’y aura aucune solution.
– Partie 2
EMISSION DIRECT DIFFUSEE SUR France 2 LE 22/04/1999
Paul AMAR
Hervé DE CHARETTE bonsoir.
Hervé DE CHARETTE
Bonsoir.
Paul AMAR
Ancien ministre des Affaires étrangères, président délégué de l’UDF, là je vais m’effacer pour vous permettre d’échanger, l’un et l’autre, à la fois sur le Kosovo et sur l’Europe. Mais auparavant je vous propose à l’un et à l’autre de regarder les résultats d’un sondage qui a été réalisé par L’IFOP pour l’Express et Direct, les Français disent ce qu’ils pensent de l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie.
VOIX OFF
Quatre semaines après le début de la guerre, l’intervention de l’OTAN au Kosovo est un échec pour près de deux Français sur trois. Ils sont également près de deux tiers à approuver l’idée d’une intervention terrestre si les frappes aériennes se révélaient insuffisantes pour faire cesser les massacres. 56 % des personnes interrogées pensent qu’il faut poursuivre l’intervention militaire tant que les Serbes n’acceptent pas les conditions posées par l’OTAN. Mais, pour 42 %, les bombardements doivent prendre fin au profit de négociations avec MILOSEVIC. Pour 64 % des Français le principe du droit d’ingérence devrait aussi s’appliquer pour défendre les Kurdes et les Tibétains. Tirant les leçons du Kosovo, 47 % des personnes interrogées pensent qu’il faut créer une organisation européenne de défense indépendante des États-Unis. 36 % veulent renforcer l’alliance atlantique entre l’Europe et l’Amérique seuls 14 % souhaitent une indépendance militaire de la France. Enfin, pour 59 % des Français, la cohabitation a plutôt renforcé le poids diplomatique de la France, pour 26 %, elle l’a affaibli.
Paul AMAR
Alors votre réaction à ce sondage, les Français qui approuvent l’intervention militaire.
Charles PASQUA
Ecoutez je trouve ce sondage assez incroyable, les Français approuvent l’intervention militaire et, dans le même temps, ils désapprouvent l’OTAN et, dans le même temps, ils souhaitent que monsieur de CHARETTE aille au Tibet ou chez les Kurdes etc. Je trouve cela assez extraordinaire.
Paul AMAR
Vous êtes prêt à aller au Tibet ou chez les Kurdes pour les aider ?
Hervé DE CHARETTE
Est-ce que vous permettez, Paul AMAR, qu’avant de répondre à votre question ironique je vous dise quelques mots de politique, c’est-à-dire pourquoi je suis ici, à votre aimable invitation et dans quel esprit ? Vous aviez invité, avec François BAYROU, Philippe de VILLIERS, vous invitez avec Charles PASQUA…, vous m’invitez à débattre avec Charles PASQUA. Autrement dit, ça veut dire qu’au sein de l’opposition, non seulement il y a débat sur l’Europe, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, en tout cas l’Europe telle qu’elle se construit, mais il apparaît en effet de plus en plus que, probablement, les deux logiques les plus claires pour l’opinion publique c’est, d’une part celle qu’expose Charles PASQUA, qu’il va sans doute exploiter dans quelques instants…
Charles PASQUA
Que je vais exposer oui.
Hervé DE CHARETTE
Déjà plus de circonstances, que je ne partage pas naturellement et puis celle que je vais exposer, qui est celle de l’UDF. Et la question que je voudrais bien évoquer ici c’est deux choses. D’abord ce n’est donc pas une confrontation puisque ça se passe à l’intérieur de l’opposition, Charles PASQUA est un homme de droite, je suis un homme de l’opposition aussi, c’est un débat. C’est très intéressant, ce n’est pas que ça nous interdit de ne pas nous égratigner, je compte bien y procéder si l’occasion m’en est donnée. Mais c’est un débat, premièrement. Deuxièmement, moi je crois que c’est bien de reconnaître simplement devant les électeurs et les électrices que, sur cette question de l’Europe, il y a discussion dans l’opposition. Naturellement on pourrait dire, bon il faut faire l’union à tout prix, rassemblez-vous, rassemblez-vous, mais c’est absurde. Non seulement c’est absurde, c’est antidémocratique. Et ça ne permet pas de faire avancer les choses et je crois, qu’en effet, ce débat qui a lieu dans l’opposition à l’occasion de cette élection, c’est bien.
Paul AMAR
Alors ouvrons le…
Hervé DE CHARETTE
Attendez, parce qu’il s’est passé quelque chose aujourd’hui que moi je trouve significatif et puisque vous m’avez invité, je ne veux pas manquer de le dire.
Charles PASQUA
Vous me donnerez la parole quand même.
Hervé DE CHARETTE
Oui, ne vous inquiétez pas.
Paul AMAR
On lui laisse encore quelques minutes.
Hervé DE CHARETTE
J’ai entendu aujourd’hui, ou j’ai vu, que à la fois Jean-Louis DEBRE et Alain MADELIN avaient sommé le président de la République de ne plus recevoir François BAYROU pendant la campagne électorale et lui avaient intimé l’ordre de soutenir la liste que le RPR s’apprête à conduire avec DL.
Paul AMAR
Dirigée par Nicolas SARKOZY et Alain MADELIN.
Hervé DE CHARETTE
Absolument alors les bras m’en tombent. Je me dis que Jean-Louis DEBRE est certainement un homme excellent, dont tout à l’heure Charles PASQUA faisait les compliments, mais quand même le fils du…
Paul AMAR
Ca tire dans tous les coins là…
Hervé DE CHARETTE
Le fils du fondateur de la 5ème République, c’est quand même quelque chose d’entendre ainsi dénaturer la fonction présidentielle, les bras m’en tombent. J’espère bien qu’on ne va pas considérer que, dans cette élection, il y a une liste officielle comme du temps de NAPOLEON III, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Nous sommes dans le débat politique, chacun a le droit de s’exprimer, tout le monde appartient à l’opposition, moi j’ai bien l’intention, le 13 juin, de faire les additions, Charles PASQUA fera ce qu’il voudra, mais moi je ferai les additions de l’opposition.
Paul AMAR
Attendez, qui n’auront peut-être aucun sens pardon, je prendrais les termes de Charles PASQUA tout à l’heure…
Charles PASQUA
Nous allons y venir.
Hervé DE CHARETTE
Nous verrons, mais ce que je veux dire, c’est que je suis content de l’avoir dit avec, vous voyez, une certaine fermeté parce que l’affaire est sérieuse, il faut que la démocratie puisse se dérouler d’une façon souriante et sympathique, nous voulons discuter de l’Europe, débattre de l’Europe, eh bien faisons le et qu’on ne nous entrave pas dans cette discussion.
Paul AMAR
Ouvrons ce débat, qu’est-ce qui vous sépare l’un et l’autre sur l’Europe ?
Charles PASQUA
Attendez ...
Paul AMAR
Ah vous voulez aussi votre préambule. Mais je vous en prie.
Charles PASQUA
Monsieur AMAR, un peu d’objectivité, d’équité dans ce débat.
Paul AMAR
Vous avez la parole depuis le début de cette émission.
Charles PASQUA
Bon alors je suis en partie ‘ailleurs, en partie seulement, d’accord avec Hervé de CHARRETTE ; je crois que les élections européennes comme eut dit Monsieur de LA PALICE, ça doit être l’occasion de discuter de l’Europe. Or, manifestement, je le redis, tout a été fait pour qu’on n’en parle pas, qu’on en parle point, parce que ça gêne et que finalement le fait d’avoir des positions claires ne convient ni au président de la République, ni au Premier ministre. Je suis du même avis que monsieur Hervé de CHARETTE lorsqu’il dit qu’il est anormal qu’on intime, au président de la République, l’ordre…, qu’on suggère de ne plus recevoir monsieur BAYROU et de dire qu’il ne soutient pas monsieur BAYROU. Moi ça ne me gêne pas parce que l’idée ne m’est jamais venue que monsieur CHIRAC pourrait dire qu’il me soutient, mais enfin après tout, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Il est vrai que dans cette affaire je l’ai dit et je le redis, nous avons des accords profonds entre nous, entre l’UDF et moi même il y a des désaccords importants sur l’avenir de l’Europe, sur la place de la France dans le monde, sur le rôle qui doit être le sien dans les années qui viennent parce que, à l’occasion du débat sur l’Europe, il faut également se prononcer sur l’image que l’on a de la France. On peut, effectivement, estimer que la France a fait son temps, il a fallu 1000 ans pour la construire, on peut parfaitement considérer qu’elle peut se fondre dans un ensemble plus vaste.
Paul AMAR
Si vous le permettez monsieur PASQUA…
Charles PASQUA
Oui, que voulez-vous dire ?
Paul AMAR
Vous donner une info.
Charles PASQUA
Quelqu’un est mort ?
Paul AMAR
Non, non, au contraire.
Charles PASQUA
Ah bon, au contraire.
Paul AMAR
Elle va vous intéresser aussi, on sait que l’émissaire russe dans les Balkans, TCHERNOMYRDINE, était à Belgrade avec MILOSEVIC et on apprend, à l’instant, que Belgrade – je vais employer le conditionnel – d’après TCHERNOMYRDINE serait d’accord pour la présence d’une force, enfin d’une présence internationale au Kosovo sous l’égide des Nations Unies.
Hervé DE CHARETTE
Eh bien… augure.
Charles PASQUA
Si c’était le cas, Hervé DE CHARETTE et moi, on répondrait Inch Allah !, c’est tout ce qu’on peut dire.
Hervé DE CHARETTE
Acceptons en l’augure.
Charles PASQUA
On souhaiterait que ce soit vrai, mais on n’en est pas très sûr.
Hervé DE CHARETTE
Vous permettez de vous dire quelque chose sur le Kosovo puisque tout à l’heure c’était votre question ? Qu’est-ce qu’on fait au Kosovo ?
Charles PASQUA
Oui et après je vais revenir sur le Kosovo moi aussi.
Paul AMAR
Vous savez ce que vous pouvez faire l’un et l’autre ?
Charles PASQUA
C’est débattre tous les deux.
Paul AMAR
C’est m’oublier un instant, comme ça je boirai un verre d’eau. Non monsieur de CHARETTE, vous pouvez parler directement à Monsieur PASQUA.
Charles PASQUA
Oui, mais monsieur de CHARETTE, ce n’est pas à moi qu’il compte parler, il compte parler aux Français.
Hervé DE CHARETTE
Oui, mais enfin on peut parler ensemble.
Charles PASQUA
Ah voila, allez y.
Hervé DE CHARETTE
Le fond de l’affaire dans ce drame qui est en face de nous, c’est le suivant. Nous avons été conduits, nous, je reviendrais sur nous, mais nous avons été conduits à intervenir en Yougoslavie dans des conditions qui sont extrêmement nouvelles pour nous en Europe, parce que c’est la première fois, depuis là guerre, que l’alliance atlantique est entraînée dans un conflit et où elle se trouve alors que les autorités du pays ne demandaient rien et se considéraient maîtresses chez elles. Autrement dit, vous avez dans ce conflit deux principes qui sont en confrontation, je dirais le vieux principe de la souveraineté nationale, chacun maître chez soi et le nouveau principe qui, je crois, enfin c’est celui que je mets devant, les droits de l’homme et en Europe. Ca veut dire et c’est ça qui est très important, que en Europe pour l’avenir, les Européens considèrent qu’ils ont en effet le droit de se mêler de ce qui se passe dans les pays d’Europe, lorsque les droits de l’homme y sont violés de façon flagrante, parce que nous appartenons, en Europe, à un monde qui est commun, qui est le notre et que nous allons demain gérer ensemble. Voilà le fond du débat et vous voyez que c’est un débat presque philosophique, en tout cas d’une très grande importance et qui se porte au secours de deux millions de malheureux qui sont traités de façon indigne, qui nous rappelle les pires heures de ce malheureux 20ème siècle en Europe, par MILOSEVIC.
Charles PASQUA
Alors il y a effectivement un aspect philosophique, de philosophie politique, la souveraineté nationale doit-elle disparaître ? En tous les cas le droit d’ingérence humanitaire, ou les droits de l’homme doivent-ils être, doivent-ils avoir le pas sur la souveraineté nationale ? Ca nous donne le débat que nous avons…
Hervé DE CHARETTE
Oui, mais c’est ce qui se passe pour l’instant.
Charles PASQUA
Ça ne m’a pas échappé. Et puis il y a la situation en ce qui concerne le Kosovo et la façon dont tout cela s’est engagée. Personne ne contestera que ce qui se passe au Kosovo est inacceptable, inadmissible à la fin du 20ème siècle. Les gens de ma génération qui ont combattu le nazisme et le fascisme, n’auraient jamais pensé revoir des images pareilles en Europe, ça tout le monde est d’accord là dessus. Et seule question que je serais tenté de me poser, c’est comment en est-on arrivé là, parce qu’il faudra bien également essayer d’y voir clair, comment en est-on arrivé là ? Comment a t-on laissé MILOSEVIC faire ce qu’il voulait, sans réagir auparavant et qu’elles sont les erreurs qui ont été commises et qui nous amènent à la situation actuelle ? Après on parlera de la philosophie politique. Où en étions-nous ? Le Kosovo est une province serbe et jusqu’au 17ème siècle d’ailleurs, elle était peuplée uniquement de Serbes. A l’issue des guerres austro-turques, les Turcs l’ayant emporté, le Kosovo a été vidé de ses habitants serbes, les Albanais sont arrivés après. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation simple, il y a un peu plus de 70 % d’Albanais et, pour moi qui suit fidèle au principe du gaullisme, par conséquent à l’autodétermination, je considère comme normal que l’on donne la parole aux Albanais et qu’on leur demande comment ils veulent être administrés. D’ailleurs TITO qui, manifestement, était plus malin que ceux qui lui ont succédé, avait résolu le problème puisqu’il avait donné au Kosovo une forme d’autonomie très large, qui faisait d’elle pratiquement une République. Parce que TITO, qui n’était pas Serbe, il était Croate et de mère slovène, se méfiait un peu des Serbes et par dessus le marché savait parfaitement que dans les Balkans, il y a, dans chacun des pays des Balkans en Yougoslavie et ailleurs, des minorités importantes et que si on n’a pas un système très tolérant on est… on peut dans n’importe quel pays, avoir une conflagration. Nous avons eu une situation, explosive dans les Balkans qui a été due d’abord au fait qu’un pays européen n’a pas respecté les règles, en l’occurrence l’Allemagne, elle a reconnu la Slovénie et la Croatie, ce qui a entraîné l’éclatement de la fédération yougoslave.
Hervé DE CHARETTE
Oui mais on ne peut pas refaire l’histoire.
Charles PASQUA
Non, on ne refait pas l’histoire.
Hervé DE CHARETTE
Monsieur PASQUA il faut penser…
Charles PASQUA
Nous y venons.
Hervé DE CHARETTE
Il faut penser aux deux millions de Kosovars.
Charles PASQUA
Mais j’y pense
Hervé DE CHARETTE
Et la vraie question, est-ce que oui ou non on avait raison de le faire et moi j’ai cru comprendre que vous pensez qu’on avait tort d’être présent.
Charles PASQUA
Non, non pas du tout, mais j’y pense autant que toi, mais je vais y revenir. On ne peut pas faire l’impasse sur nos propres erreurs, sur celles des gouvernements européens et sur celles de nos dirigeants, parce que c’est trop facile ensuite.
Paul AMAR
Pour l’un et l’autre, qu’elle est la solution pour en sortir ?
Charles PASQUA
La solution, de toute façon je ne connais pas de guerre qui ne se termine pas par des négociations. Alors au plus vite on négociera, au mieux…
Paul AMAR
Avec qui, avec MILOSEVIC ?
Charles PASQUA
Mieux ça vaudra. De toute façon les choses sont simples, la France, enfin ce n’est pas Hervé de CHARETTE qui devrait me contredire, il a été ministre des Affaires étrangères, la France reconnait les Etats, elle ne reconnaît pas les régimes. Les régimes ce n’est pas notre affaire…
Hervé DE CHARETTE
C’est notre affaire.
Paul AMAR
Hervé DE CHARRETTE pardon…
Hervé DE CHARETTE
Moi je crois à la différence de Charles PASQUA…
Charles PASQUA
D’une manière générale…
Hervé DE CHARETTE
Les régimes en Europe c’est notre affaire lorsqu’ ils dépassent je dirais, une certaine limite que nous n’avons pas à accepter.
Paul AMAR
Une question, une question si vous le permettez ?
Charles PASQUA
Oui, mais là c’est le cas.
Hervé DE CHARETTE
C’est le cas.
Charles PASQUA
Mais pour quelles raisons ?
Hervé DE CHARETTE
C’est comme ça.
Charles PASQUA
Non mais pour quelles raisons ?
Hervé DE CHARETTE
Est-ce que nous devons accepter MILOSEVIC et son cortège d’horreur ? La réponse est non.
Charles PASQUA
Est-ce que je peux continuer deux minutes…
Hervé DE CHARETTE
J’essaie simplement de me glisser entre le long discours de monsieur PASQUA.
Charles PASQUA
Non, tu pourras parler le temps que tu veux, il te donnera le temps nécessaire. Pour quelles raisons…
Paul AMAR
Deux minutes.
Charles PASQUA
Pou quelles raisons avons-nous arrêté les négociations de Rambouillet ? Pour quelles raisons avons nous enlevé du Kosovo les 2500 observateurs qui y étaient, de façon à donner les mains libres à MILOSEVIC pour organiser ces déportations massives etc. ?
Hervé DE CHARETTE
Charles écoute…
Charles PASQUA
Non, c’est ce qui s’est passé.
Hervé DE CHARETTE
Ce n’est pas sérieux.
Charles PASQUA
Comment ce n’est pas sérieux, c’est très sérieux.
Hervé DECHARETTE
Non.
Charles PASQUA
C’est très sérieux, c’est l’incapacité de nos gouvernements…
Hervé DE CHARETTE
Oui, sans doute…
Charles PASQUA
Qui nous a mis dans cette situation. Qu’ensuite il ait fallu intervenir, c’est une autre affaire.
Hervé DE CHARETTE
Je pense que lorsqu’on est dans une situation de guerre, il y a deux choses, on est dans une situation de guerre extrêmement éprouvante. Il y a deux choses que nous devrions avoir à l’esprit, d’abord si je peux me permettre, il faut se méfier du café du commerce, chacun y va de sa critique et de sa proposition. Si vous me demandez est-ce qu’il faut envoyer les troupes terrestres, quand est-ce qu’il faut le faire, je vais vous dire tout simplement les choses, je fais confiance au président de la République qui a la charge de conduire les armées et de prendre ce genre de décisions même si je pense, en effet, que ça finira comme ça.
Paul AMAR
Vous le pensez, c’est plus qu’une intuition ?
Hervé DE CHARETTE
Je pense que ça finira à terre comme toutes les guerres, comment voulez-vous, on ne peut pas conduire continuellement les guerres par correspondance.
Charles PASQUA
Monsieur de CHARETTE le pense et il a raison, que les bombardements ne suffisent pas, qu’ils n’ont jamais réglé aucune guerre et qu’on est bien obligé de faire autre chose pour les régler.
Hervé DE CHARETTE
Ceci étant, oui mais il faut se méfier du café du commerce. Je vous donne une indication par exemple…
Charles PASQUA
Oui c’est pour ça qu’il vaudrait mieux que tu n’y ailles pas.
Hervé DE CHARETTE
Il faut s’en méfier par exemple…
Charles PASQUA
N’y va pas.
Hervé DE CHARETTE
On ne se souvient pas que dans l’affaire du Golfe, il y a eu 101 jours de bombardements avant que l’offensive soit déclenchée, aujourd’hui on est au 30ème jour de bombardement, autrement dit…
Charles PASQUA
Et sept ans après la guerre, Saddam HUSSEIN est toujours là. Brillant résultat.
Hervé DE CHARETTE
Et la deuxième chose que je recommande et je trouve que même Charles PASQUA en campagne électorale devrait faire, je pense que le président de la République, dans cette affaire, a besoin du soutien des Français, je veux dire ici, très clairement, qu’à l’UDF nous soutenons le président de la République dans ce moment qui est particulièrement important pour la France. Je crois que la cohésion du pays autour du président, parce que le pays est en situation de guerre, j’emploie ce mot avec toutes les précautions nécessaires, est quelque chose d’important.
Charles PASQUA
Nul ne m’empêchera jusqu’à la minute où des soldats français seront sur le sol du Kosovo, ce qui sera différent, nul ne m’empêchera de dire ce que je pense sur les erreurs qui ont été commises, sur les insuffisances et les incapacités de l’OTAN, personne ne m’en empêchera.
Hervé DE CHARRETTE
Alors le troisième point, oui je trouve ça très bien. Le troisième point qui est important c’est que cette affaire, ce que nous voyons démontre les insuffisances de la construction européenne parce que ce que l’on voit, avec une force formidable, c’est que précisément tout est américain. Alors je ne suis pas surpris car, en effet, comme ministre des Affaires étrangères, j’ai vu fonctionner l’alliance atlantique. J’ai vu que c’était malgré tout ce que l’on peut expliquer, c’est le territoire américain.
Charles PASQUA
Il paie comment ?
Hervé DE CHARETTE
Le général est américain, les buts de guerre sont définis par le président CLINTON à la télévision américaine, les décisions sont prises sous l’impulsion et la préférence, en quelque sorte, américaine et je vous mets mon billet Paul AMAR, le jour où on nous annoncera qu’il y a une offensive terrestre, ça viendra de Washington et sur CNN.
Charles PASQUA
Oui ce sera annoncé probablement à Washington.
Hervé DE CHARETTE
Quand il s’agit du destin de l’Europe, c’est choquant, quand il s’agit d’un pays qui est grand comme deux départements français, on est assez choqué de se dire que 350 millions d’Européens réunis dans l’union européenne n’ont pas les moyens militaires, et n’ont pas l’organisation appropriée qui leur permet de traiter ce problème, voilà ce qui est choquant.
Paul AMAR
Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction à accepter, à la fois l’idée d’une alliance militaire, en l’occurrence l’OTAN et à la regretter en même temps ?
Hervé DE CHARETTE
Moi je ne suis pas contradictoire avec moi même, ce qui est contradictoire c’est de dire, il faut faire la France et en même le rejet des Américains, parce que forcément si on fait la France seule on se trouve…
Paul AMAR
Vous voulez dire il faut faire l’Europe. Alors quelle Europe voulez-vous faire tous les deux ?
Hervé DE CHARETTE
Et progresser plus vite qu’on ne l’a fait jusqu’à présent sur ce terrain de la défense…
Paul AMAR
Année européenne ?
Hervé DE CHARETTE
Oui enfin quelque chose qui soit une communauté européenne.
Paul AMAR
Au sein d’une Europe fédérale.
Hervé DE CHARETTE
Absolument.
Paul AMAR
Qui aurait peut-être même un président un jour.
Hervé DE CHARETTE
Mais voilà, vous avez définit rapidement le programme de l’UDF.
Paul AMAR
C’était pour choquer Charles PASQUA, pour lui permettre de répondre.
Charles PASQUA
Ça ne me choque pas, c’est totalement irréel, c’est très sympathique, c’est totalement irréel et ça ne me choque pas du tout. Par contre, l’analyse que vient de faire Hervé de CHARETTE est beaucoup plus intéressante parce que qu’est-ce qu’il dit ? Il dit qu’effectivement ce qui est choquant pour les Européens, pour tous les Européens, quels qu’ils soient, c’est que dans une affaire concernant l’Europe elle même, l’Europe a été incapable de la traiter et qu’elle a été absente.
Hervé DE CHARETTE
C’était un fait.
Charles PASQUA
Oui et qu’elle s’en est remise. Oui, c’est un fait que tu regrettes comme moi. Et elle s’en est remise parce qu’il ne pouvait pas en être autrement, à partir du moment où on s’en est remis à l’OTAN du soin d’intervenir, puisque nous en étions incapables, il est évident que nous nous en remettions aux Américains. Contrairement à ce que j’entends dire, ici ou là, je n’ai rien du tout contre les Américains que je connais bien, avec lesquels j’ai eu l’occasion de combattre, je n’ai rien du tout contre eux. Je n’oublie pas ce qu’ils ont fait à certaines périodes de notre histoire. Le problème n’est pas là, les Américains, défendent les intérêts de l’Amérique, à l’heure actuelle ce qui n’apparaît pas clairement, ce sont les buts que nous recherchons. Quels sont les buts de l’Amérique et quels sont les nôtres ? Et j’ai lu dans une dépêche, je le disais tout à l’heure et Hervé de CHARETTE a dû l’entendre, qu’il y avait dans une dépêche aujourd’hui, le fait que les chefs d’Etat, membres de l’OTAN allaient être appelés à se prononcer sur le nouveau concept stratégique de l’OTAN, qui aurait permis à l’OTAN, c’est-à-dire en définitif à l’Amérique, d’intervenir le cas échéant à l’Europe sans en référer aux Nations Unies. Je trouve ça très dangereux parce que dans le même temps, dans la presse américaine, il y a une campagne qui se fait jour, pour dire que le moment serait venu de remettre un peu d’ordre dans les Balkans en général. Alors je ne veux pas faire…, ne pas donner dans le pessimisme, ni dépeindre de situations apocalyptiques, je pense simplement…, j’espère que le président de la République qui est dans cette réunion, n’acceptera pas ce principe et qu’en définitive on voudra bien convenir que, dans le cadre de ce qui existe et qui définit les rapports entre les nations, c’est le conseil de sécurité qui doit se prononcer et personne d’autre. J’ajouterais, j’ajouterais…
Paul AMAR
Brièvement.
Charles PASQUA
Oui, oui. Que le fait que la nécessité qu’il y ait une défense européenne ne m’échappe pas et je ne suis pas contre. Mais, pour qu’il ait une défense européenne, il faudrait qu’il y ait une Europe qui soit décidée à se faire entendre et qui ait une envie d’indépendance, une volonté d’indépendance. Il ne s’agit pas d’être contre les États-Unis, il s’agit d’abord d’être soi même. Or, à l’heure actuelle, parmi tous les pays membres de l’OTAN, Hervé de CHARETTE le sait mieux que moi, je n’ai jamais été ministre des Affaires étrangères, il l’a été, il y a un seul pays qui a cette conception, enfin qui l’avait, je ne sais pas s’il l’a toujours, il y a un seul pays qui avait cette conception d’une Europe indépendante, parce qu’on avait même essayé de pousser à un pilier européen au sein de l’alliance, si j’ai bonne mémoire, et que cela ne s’est pas fait, c’est la France. Les autres se trouvent très bien dans le système actuel.
Hervé DE CHARETTE
Oui mais on ne peut pas…
Charles PASQUA
Ils n’ont pas envie d’en changer.
Hervé DE CHARETTE
Oui mais on ne peut pas en rester là. C’est-à-dire on ne peut pas se borner à constater, parce que ça il y a 50 ans que ça dure, qu’il y a des problèmes pour ne rien faire. Il y a deux, face à cette difficulté, il y a deux attitudes, on reste assis par terre et on dit : eh bien on continue à faire ce que l’on faisait et moins on fait d’Europe et mieux on se porte, parce qu’on n’est pas d’accord sur tout. Nous proposons au contraire à I’UDF qu’on saisisse, je dirais, la gravité et le caractère parlant des événements que nous avons devant nous, pour lancer une nouvelle étape de la construction européenne, qui impose que nous organisions de façon volontariste, le pilier européen de la défense. Il faut aller loin, il faut aller vite parce qu’il y va de la capacité de l’Europe d’exercer sa puissance dans le monde d’aujourd’hui.
Paul AMAR
Loin c’est quoi ?
Hervé DE CHARETTE
Eh bien loin, c’est une communauté européenne pour la défense avec évidemment…
Paul AMAR
Avec un même commandement ?
Hervé DE CHARETTE
Oui bien sûr, non seulement un état major mais, comment dire, la capacité d’organiser la structure militaire de telle façon qu’elle soit capable d’agir et d’agir ensemble. Ca veut dire aussi que nous ayons, dans le domaine de l’armement, des décisions rapides et courageuses qui nous permettent d’avoir les armements appropriés. Observez par exemple ce qui se passe pour l’avion militaire européen, il y en a deux en construction aujourd’hui, on va dépenser beaucoup de milliards en pure perte, d’un côté ou de l’autre.
– Partie 3
EMISSION DIRECT DIFFUSEE SUR France 2 LE 22/04/1999
Paul AMAR
Ecoutez, Monsieur de CHARETTE, vous êtes en train de lire, mais non, vous êtes en train de lire le livre d’Akim là.
Charles PASQUA
Taisez-vous…
Paul AMAR
Mais non, vous faites diversion.
Hervé de CHARETTE
On voit bien que Charles PASQUA révèle comment il est, c’est-à-dire que dès qu’on parle d’Europe, en réalité, ça ne l’intéresse plus parce qu’il n’est pas pour la construction de l’Europe, il est pour la construction du prestige et de l’autorité de la France. C’est bien. Moi aussi. J’aime la France mais je veux faire l’Europe.
Charles PASQUA
C’est terminé ? Cette apostrophe est terminée ?
Hervé de CHARETTE
Et nous finirons par le faire malgré ceux qui le freinent Il y a ceux qui sont sur le frein et puis il y a ceux qui sont en train de travailler pour que ça se fasse.
Charles PASQUA
Et il y a ceux qui sont au volant sans savoir où ils vont, fusse dans le mur. Alors la réalité, elle est d’une autre nature. Je suis tout à fait partisan d’une Europe capable d’assumer sa défense. Je crois que c’est une nécessité. Et que tant que l’Europe ne se sera pas donnée les moyens et qu’elle n’aura pas consenti les sacrifices correspondants parce que ce n’est pas aussi – c’est très joli de critiquer les Américains mais dans le même temps, ce sont eux qui paient. Ce sont les contribuables américains qui paient pour notre défense. Le jour où nous serons capables d’assumer notre indépendance et notre défense, nous aurons fait un grand pas en avant. Il faudrait donc nous dire – peut-être le sais-tu – combien ça peut coûter. Pour moi, ce n’est pas un piège. Je veux dire par là, je suis prêt à dire il faut le faire. En réalité, le débat avec de CHARRETTE, il est d’une autre nature. Le débat entre nous, il est d’une autre nature. Non seulement pour le Kosovo mais, d’une manière générale, il y a ceux qui considèrent que les nations ont fait leur temps et il y a ceux qui considèrent que l’Europe ne peut se construire que sur les réalités. Les réalités, ce sont les nations et les Etats, on ne s’en passera pas. D’ailleurs, au Kosovo, ils se battent pour quoi actuellement ? Ils ne se battent pas pour une Europe indépendante. Ils en ont rien à foutre. Ils se battent pour un Kosovo qui soit indépendant, qui ait une souveraineté et qui ait sa propre indépendance.
Hervé de CHARETTE
C’est bien pour ça. Toute l’histoire de l’Europe, c’est l’histoire des guerres organisées au nom du nationalisme.
Charles PASQUA
Non. Oui, autour du nationalisme. Ah, c’est autre chose.
Hervé de CHARETTE
Toute l’histoire de l’Europe. Et franchement, je pense qu’à la jeunesse d’Europe aujourd’hui, on peut proposer quelque chose de plus enthousiasmant que de réitérer, au XXème siècle, un nouvel élan des nationalismes de tout poils.
Charles PASQUA
Il ne s’agit pas de ça.
Hervé de CHARETTE
Je ne pense pas du tout que les Nations doivent disparaître, Charles.
Charles PASQUA
Mais si. Souveraineté nationale est à ranger au magasin des accessoires.
Hervé de CHARETTE
Est-ce que je peux parler ?
Charles PASQUA
Oui.
Hervé de CHARETTE
Bien. Par conséquent, il ne faut pas ranger les Nations au magasin des accessoires, mais il faut avoir l’idée que les Européens ensemble, le peuple européen ensemble, peuvent construire quelque chose qui l’emporte en effet sur les Nations.
Charles PASQUA
A condition qu’on n’essaie pas, par idéologie…
Hervé de CHARETTE
Mais non, Charles.
Charles PASQUA
Mais si. A condition qu’on n’essaie pas, par idéologie de gommer 2 000 ans de culture, etc.
Hervé de CHARETTE
Personne ne demande ça. C’est même exactement l’inverse.
Charles PASQUA
Nous, ne sommes pas aux Etats-Unis.
Hervé de CHARETTE
Je vais donner des exemples pratiques, parce que nous défendons des thèses fédérales. Nous disons… Ca veut dire quoi « fédéral » ? Ca veut dire qu’il faut qu’il y ait un pouvoir politique européen capable de prendre des décisions. C’est exactement ce que Charles PASQUA ne veut pas.
Paul AMAR
Les Etats-Unis d’Europe.
Hervé de CHARETTE
Ca, c’est des mots…
Charles PASQUA
Ah, moi, je suis partisan…
Paul AMAR
Une définition du fédéral.
Hervé de CHARETTE
Je vais vous donner des exemples pratiques. Depuis le traité de Rome – donc, le général de GAULLE l’a accepté – l’agriculture, c’est largement l’Union européenne. Qui fixe les prix des produits agricoles ? Il y en a pas beaucoup dans les Hauts-de-Seine, mais il doit y en avoir un peu, qui fixe les prix des produits agricoles ? C’est la Commission européenne en discussion avec les ministres, enfin c’est pour l’essentiel sous la responsabilité de la Commission européenne. C’est de nature fédérale parce que, s’il n’y avait pas une autorité de cette nature qui soit capable de fixer les prix agricoles, il n’y en aurait pas, ou plutôt il y en aurait. Nous serions soumis à la loi des prix agricoles américains. Deuxième exemple…
Charles PASQUA
On n’en est pas très loin, avec les négociations actuelles.
Hervé de CHARETTE
Non, non, on n’y est pas encore.
Charles PASQUA.
Dans la viande bovine.
Hervé de CHARETTE
Deuxième exemple, l’euro, ça, c’est le traité de Maastricht.
Charles PASQUA
Oui.
Hervé de CHARETTE
On s’est battu les uns ou les autres pour ou contre. Moi, j’étais pour. Charles PASQUA était contre. On a dit les pires choses. Ca, c’est évidemment une réalisation de type fédéral. Eh bien, il y a quelque quinze jours, le taux d’intérêt a été abaissé dans toute l’Europe, de 0,5 points. C’est très important pour la croissance économique, c’est très important pour nos entreprises. Merci l’euro. Troisième exemple qui intéresse le ministre de l’Intérieur, la drogue. L’affaire de la drogue est une affaire très intéressante car c’est, dans le traité d’Amsterdam, le projet de faire en sorte que nous soyons capables de lutter entre Européens contre la drogue. Depuis l’origine, les ministres de l’Intérieur s’opposent à ce qu’il y ait véritablement une autorité politique européenne capable de lutter sur ce terrain là.
Charles PASQUA
Totalement faux
Paul AMAR
Je vous ai donné longuement la parole à l’un et à l’autre. On va devoir conclure, pour passer au de temps de cette émission, avec l’interview d’Albert du ROY. Simplement une question…
Charles PASQUA
Moi, je ne peux pas quand même…
Paul AMAR
Alors brièvement, très brièvement parce qu’il nous reste peu de temps.
Charles PASQUA
Mais non, je ne peux pas laisser dire que nous sommes contre toute avancée de l’Europe, etc. Il y a deux conceptions qui s’affrontent – il l’a très bien dit tout à l’heure – une Europe fédérale, c’est-à-dire un pouvoir capable d’imposer, aux Etats, les décisions fussent-elles contraires à leurs intérêts vitaux. Et moi, je suis contre cette Europe là. Je suis, au contraire, partisan de ce qu’on appelle une Europe que je caricaturerais de confédérale, c’est-à-dire qui regroupe les Etats et c’est à ce moment là, à eux, de décider de ce qui doit être fait. La seule question que je veux poser à mon ami de CHARETTE, c’est à quel moment a-t-on demandé leur avis aux Français, pour ou contre le type d’Europe qu’ils souhaitent ? Jamais. Eh bien, nous allons le faire à cette…
Hervé de CHARETTE
Eh bien voilà, c’est très bien. Moi, ma conception de l’Europe, elle tient vraiment en deux phrases. Je pense que cette façon de voir, c’est-à-dire l’Europe des Etats, ça n’avance pas, ça ne marche pas. Ca fait 50 ans que ça dure. On avance au pas de la tortue. Et je crois que, si on veut aller loin, et si on veut faire changer le cours des choses, en effet, il faut avoir l’idée d’une Europe politique. C’est tout simple…
Charles PASQUA
L’Europe politique, elle peut exister sans avoir cet aspect.
Paul AMAR
Charles PASQUA, vous aurez l’occasion de reparler de l’Europe avec Albert. J’imagine qu’il y a d’autres questions sur l’Europe. Simplement, d’un mot, après ce débat passionnant.
Charles PASQUA
Vous passez votre temps à nous couper la parole.
Paul AMAR
Mais pas du tout, on vous a bien entendu.
Hervé de CHARETTE
J’ai pris sur ce sujet un peu d’avance.
Paul AMAR
Oui, depuis tout à l’heure.
Hervé de CHARETTE
Il nous coupe la parole en permanence.
Paul AMAR
Est-ce que, si demain vous reveniez au pouvoir, vous-pourriez gouverner ensemble, après de telles divergences sur l’Europe ?
Charles PASQUA
C’est-à-dire que, quand il y a un gouvernement, avant la constitution d’un gouvernement, en principe, il y a un programme. De toute façon, moi, je n’ambitionne pas de revenir au gouvernement. Donc, pour moi, les choses sont simples. Je n’ai pas ce type de préoccupation.
Hervé de CHARETTE
Oui, mais Paul AMAR, moi je n’ai pas de préoccupation de ce genre.
Charles PASQUA
Hervé de CHARETTE est très jeune. Il a sûrement cette ambition.
Hervé de CHARETTE
Merci pour la jeunesse, elle n’est pas négligeable. Non, c’est un sujet très important que vous évoquez là. Evidemment, dans l’opposition, elle est plurielle sur l’Europe, elle a des points de vue qui sont différents les uns des autres. Eh bien, ça veut dire que, quand on s’apprête à se présenter aux électeurs pour des élections législatives par exemple, eh bien on discute, on négocie. Et, en fonction des rapports de force, on propose un programme à ses concitoyens.
Charles PASQUA
On leur explique, par exemple, tout ce qu’on a fait dans le domaine de la lutte contre la drogue, sans avoir eu besoin de faire ce que disait de CHARETTE.
Paul AMAR
Merci, Hervé de CHARETTE d’avoir participé à ce premier débat sur l’Europe. Albert ?
Albert du ROY
Monsieur PASQUA, bonsoir.
Charles PASQUA
Bonsoir, Monsieur. On ne peut pas avoir un peu d’eau ? Non, c’est trop demandé.
Paul AMAR
Si, si, on va vous l’apporter. Valentine, un verre d’eau. Tiens, vous voulez mon eau ?
Charles PASQUA
Ah non.
Paul AMAR
Mais si.
Charles PASQUA
Non. Vous l’avez bue ?
Paul AMAR
Mais bien sûr. Tenez…
Charles PASQUA
Je ne veux pas savoir ce que vous pensez.
Paul AMAR
Oh, vous en sauriez… Allez-y, Albert.
Albert du ROY
Bien. Quelques questions pour terminer.
Charles PASQUA
Pas de question politicienne s’il vous plaît. L’émission avait un certain ton, elle avait un bon niveau grâce d’ailleurs au débat que nous avons eu avec de CHARETTE. Il ne faudrait pas maintenant qu’on tombe…
Albert du ROY
Vous êtes entièrement maître de vos réponses. Laissez-moi maître de mes questions, ok ?
Charles PASQUA
Bien.
Albert du ROY
Une question sérieuse, même si je la pose sous forme d’une boutade sur le Kosovo. Vous connaissez bien Jacques CHIRAC. Pendant très longtemps, il a souvent écouté vos conseils. Aujourd’hui, on est, il se trouve, la France se trouve, et l’OTAN se trouvent dans une situation très difficile. Jacques CHIRAC vous téléphone comme il le fait de temps en temps et il vous dit « à ma place, qu’est-ce que vous feriez ? »
Charles PASQUA
D’abord, il ne me dirait certainement pas ça, heureusement, parce que, s’il devait me dire « à ma place, qu’est-ce que vous feriez ? », ça serait ennuyeux.
Albert du ROY
Non, parce que vous avez décrit le passé, condamné la façon dont ça s’était passé. Mais comment on s’en sort d’après vous ?
Albert du ROY
La mode ou l’idée dominante, dans des familles politiques auxquelles vous avez appartenues, auxquelles vous appartenez encore, c’est de laisser de plus en plus l’initiative privée maîtresse du dynamisme de l’entreprise, de l’activité et de demander à l’Etat de se retirer d’un certain nombre d’activités. Est-ce que cette vision vous plaît ou pas ?
Charles PASQUA
Ça ne me choque pas seulement… Voyez-vous, il y a une différence essentielle entre ceux qui sont les théoriciens du libéralisme et moi. Moi, je sais que la liberté est le principal moteur de l’économie. Seulement, à l’inverse de ces théoriciens qui n’ont jamais dirigé d’entreprise, qui n’ont jamais été responsables sur leurs fonds propres, qui n’ont jamais su ce que c’était que les fins de mois pour une entreprise, moi, j’ai connu tout ça. J’ai été cadre supérieur mais j’ai également été chef d’entreprise. Alors je connais les avantages et je connais les limites. C’est vrai que l’Etat peut être appelé à se dégager d’un certain nombre de responsabilités. Et il y a des choses que l’Etat doit faire : rétablir l’égalité des chances entre les hommes et les territoires. Ce n’est pas la loi du marché qui le fera, n’en déplaise à monsieur MADELIN ou à monsieur SARKOZY.
Albert du ROY
Donc, c’est un point sur lequel il y a aussi, en dehors de l’Europe, une différence entre vous et la liste…
Charles PASQUA
Mais non. Mais moi, je suis pour la liberté économique, mais je ne suis pas pour le libéralisme intégral. Je ne suis pas pour qu’on se remette à la loi du marché parce que la loi du marché, des gens qui travaillent, elle s’en fiche éperdument. Que fait le président d’ELF à l’heure actuelle ? Il s’en fout pour augmenter ses bénéfices parce qu’il a des fonds de pension américains dans son entreprise, il se moque éperdument de mettre 3 000 personnes à la porte. Ca lui est égal. Et c’est pareil dans un certain nombre d’autres entreprises.
Albert du ROY
Réglementer la loi du marché, c’est pas vraiment du libéralisme.
Charles PASQUA
Je ne dis pas qu’il faut réglementer la loi du marché. Je dis qu’à ce moment là, il faut s’interroger sur ce que font les entreprises et sur ce que l’Etat fait pour elles.
Albert du ROY
Bien. Là encore, je change tout à fait de sujet mais c’est d’actualité et puis c’est un sujet que vous connaissez très bien. Depuis quelques mois, le gouvernement actuel, le ministre de l’Intérieur, votre successeur, a entrepris une politique dite de fermeté en Corse. Est-ce que la politique qu’il mène en Corse est la bonne selon vous ?
Charles PASQUA
Je n’ai aucun commentaire à faire sur la politique menée par le ministre de l’Intérieur. Il y a une règle, c’est que les ministres de l’Intérieur ne s’expriment jamais sur les tâches qu’ils ont assumées.
Albert du ROY
Est-ce qu’il faut, vis-à-vis de la situation en Corse, que les services de l’Etat fassent preuve d’une très grande, d’une plus grande fermeté ?
Charles PASQUA
Pas de commentaire.
Albert du ROY
Vous n’avez pas d’avis ? Vous ne pouvez pas exprimer d’avis sur la politique à mener en Corse ?
Charles PASQUA
Mais il y a un gouvernement. Il a en charge une politique.
Albert du ROY
Et vous êtes parlementaire d’opposition.
Charles PASQUA
Non, non, vous m’avez posé une question, alors vous me laissez répondre. J’ai assumé des responsabilités dans ce domaine. J’en connais les difficultés. Je ne vais donc rien dire qui soit de nature, éventuellement à gêner ou à compliquer la tâche de mon successeur. Si j’ai quelque chose à dire, je lui réserverai la primeur de mes observations.
Albert du ROY
Bien. Alors on change de sujet.
Charles PASQUA
Oui, très bien.
Albert du ROY
Il y a quelque chose qui empoisonne depuis longtemps la vie politique entre d’autres choses, c’est ce qu’on appelle les affaires de la mairie de Paris. Est-ce que vous seriez plutôt…
Charles PASQUA
Les affaires de la mairie de Paris, les affaires de la MNEF, les affaires du Parti socialiste, etc.
Albert du ROY
Oui, oui il y en a d’autres.
Charles PASQUA
Ce sont les affaires en général, ce qu’on a appelé les affaires.
Albert du ROY
Pour en terminer avec tout ça, est-ce que vous seriez partisan de tout mettre sur la table, de faire la lumière sur tout et puis de tourner la page ?
Charles PASQUA
Ça serait certainement préférable, plutôt que de traîner ça pendant des années et des années.
Albert du ROY
Même si certaines affaires, celles que j’ai citées notamment, devaient mettre en cause des amis ou des anciens amis politiques à vous ?
Charles PASQUA
Je ne vois pas pourquoi ces amis, ou ces anciens amis, seraient davantage mis en cause que des amis d’autres personnes qui ne sont pas mes amis.
Albert du ROY
Bon, d’accord. Vous avez dit que vous ne souhaitiez pas de question sur la politique politicienne. Mais je fais référence…
Charles PASQUA
Non, c’était une boutade.
Albert du ROY
Ah, il me semblait bien. Je fais référence à l’interview que vous avez donnée dans L’EXPRESS aujourd’hui. Il y a une phrase de vous qui m’a un peu surpris. Vous dites l’extrême gauche – vous parlez je suppose de la liste LAGUILLER et KRIVINE – l’extrême gauche défend, d’une certaine manière, la souveraineté populaire.
Charles PASQUA
Oui, parce que l’extrême gauche proteste contre le fait que les Français n’ont pas été consultés et ne sont pas appelés à s’exprimer dans un certain nombre de domaines comme cela devrait être fait…
Albert du ROY
Est-ce que le score de cette liste là fera partie de votre addition du 13 juin ?
Charles PASQUA
Non, non, pas plus que celui du Front national.
Albert du ROY
Donc, vous ne les considérez pas, quand même, comme des défenseurs d’une autre nature que vous de la souveraineté nationale que vous défendez ?
Charles PASQUA
On peut dire ça.
Albert du ROY
Bon. Le gaulliste PASQUA, allié en tête d’une liste avec quelqu’un qui est le représentant d’une famille politique qui a toujours été anti-gaulliste, Philippe de VILLIERS.
Charles PASQUA
Et Philippe de VILLIERS a toujours été anti-gaulliste, lui ?
Albert du ROY
La famille politique ?
Charles PASQUA
Non, mais lui, de VILLIERS, il a toujours été anti-gaulliste ? Et ses parents, ils ont été anti-gaullistes ? Quand son père a été déporté, il a été anti-gaulliste ?
Albert du ROY
Vous ne voyez pas de contre-indication politique ?
Charles PASQUA
Ça, ce sont vraiment des observations…
Albert du ROY
Non, mais c’est une question qui se pose.
Charles PASQUA
Non, pas du tout. Moi, je conduis la ligne qui est la mienne. Si j’avais considéré à un moment donné qu’il n’y avait pas d’accord possible avec de VILLIERS, je n’aurais pas fait d’accord. Il se trouve que sur la souveraineté nationale et c’est ce qui est en cause, de VILLIERS et moi, nous avons exactement la même position et dans bien d’autres domaines. Et dans d’autres domaines, nous avons des positions qui ne sont pas les mêmes.
Albert du ROY
Bien. Dans le sondage qu’on a vu tout à l’heure, la cohabitation qui sort renforcée de l’épreuve du Kosovo.
Charles PASQUA
Ah oui, ça, ça ne m’étonne pas. Si on avait fait un sondage en 1941, les Français auraient considéré que, si on avait pu mettre dans le même gouvernement PETAIN et de GAULLE, c’eut été très bien. On n’en est pas là évidemment. Ce n’est pas ce que je veux dire. Mais je veux dire que le fait qu’il y ait deux adversaires qui partagent les responsabilités du pouvoir et qui ne s’étripent pas, les Français trouvent ça très bien même si – et ça, ils ne s’en rendent pas compte – même si ça a des conséquences, à la fois sur l’évolution des institutions et sur la conduite des affaires de la France.
Albert du ROY
Et ça a des conséquences qui, à votre avis, sont nuisibles ?
Charles PASQUA
Oui, ça, je crois.
Albert du ROY
En quoi est-ce que cela peut nuire ?
Charles PASQUA
Sur l’évolution des institutions certainement, parce que le pouvoir présidentiel – je mets à part la situation que nous vivons actuellement qui est un peu particulière. Là, il s’agit d’une situation de conflit dans laquelle la France est engagée, c’est un autre problème – mais autrement, le pouvoir présidentiel se trouve naturellement diminué. Et à terme, cela aura des conséquences.
Albert du ROY
Une toute dernière question qui ne va certainement pas vous plaire mais, manifestement, les autres ne vous plaisaient pas non plus…
Charles PASQUA
Si. Je vous en prie. Ne soyez pas timide.
Albert du ROY
Charles de GAULLE sur la liste LE PEN, ça vous fait quoi ?
Charles PASQUA
Ca me fait mal au cœur. Ça m’a fait mal au cœur.
Albert du ROY
Le petit-fils évidemment, il faut le dire.
Charles PASQUA
Oui. Ça me fait mal au cœur et je pense que je ne suis pas le seul. Je pense surtout plus qu’à moi et plus qu’aux gaullistes, je pense à ses parents qui doivent trouver cela difficile à vivre. Mais on n’est pas responsable de ses enfants, ni de ses petits-enfants.
Paul AMAR
Merci, Albert. L’émission va se…
Charles PASQUA
Vous m’appelez Albert maintenant ?
Albert du ROY
C’est à moi qu’il a dit merci.
Paul AMAR
C’est à lui. Et dans un instant, je vais vous dire bonsoir parce que l’émission se termine. Ne vous inquiétez pas à terme mais on ne va pas, nous, dans le mur, nous.
Charles PASQUA
Très bien.
Paul AMAR
Parce que vous, vous au pluriel, samedi, vous serez dans le Lot-et-Garonne, c’est ça ?
Charles PASQUA
Oui.
Paul AMAR
Vous assistez à un match de rugby.
Charles PASQUA
Oui.
Paul AMAR
Agen-Toulouse ?
Charles PASQUA
Oui.
Paul AMAR
Grosse mêlée ?
Charles PASQUA
Oui.
Paul AMAR
Vous penserez à la situation dans l’opposition ?
Charles PASQUA
Oh, d’abord, j’aime le rugby. J’aime bien quand les packs s’affrontent. Mais j’applaudis indistinctement lorsqu’il y a une belle passe, je l’applaudis. Et je ne porterai aucun maillot.
Paul AMAR
Il y a une nouvelle dépêche qui arrive à l’instant. Merci. L’offre de Belgrade pourrait être un pas en avant, d’après le président Bill CLINTON. Donc, voilà, je donne aussi l’info à Hervé de CHARETTE. Il est possible que l’intervention ait servi ou servira à quelque chose. On va devoir se séparer, Charles PASQUA. A l’instant, Albert du ROY citait Charles de GAULLE. L’EXPRESS qui était notre partenaire ce soir, fait sa couverture sur de GAULLE. Il y a trente ans, il quittait le pouvoir, le géant, avec en sous-titre, vous le voyez, « affaire SEGUIN, la débandade des héritiers ».
Charles PASQUA
C’est pas très gentil. Ils auraient pu se dispenser de faire ça. C’est pas très bon.
Paul AMAR
Sur ? La débandade ?
Charles PASQUA
Le sous-titre là, c’est pas très bon.
Paul AMAR
Qui est l’héritier aujourd’hui ?
Charles PASQUA
Il n’y a pas d’héritier. C’est le peuple français.
Paul AMAR
Vous ne vous considérez pas, non ?
Charles PASQUA
Qui ? Moi ? Non. Moi, j’essaie d’avoir un comportement conforme aux idées que j’ai pu, qui m’ont été inculquées par ce que je fais sous le général de GAULLE et derrière lui. Mais pour le reste, je ne prétends pas du tout en quoique ce soit, donner des leçons à qui que ce soit.
Paul AMAR
Qui a dit « on ne construit son destin que sut une rupture » ?
Charles PASQUA
Plusieurs personnes, dont moi.
Paul AMAR
Et j’ai l’impression qu’à vous entendre ce soir et à lire toutes vos déclarations depuis quelque temps, que vous êtes en rupture de tout, notamment par rapport à votre famille politique ?
Charles PASQUA
Monsieur Paul AMAR, la différence, c’est que moi, je n’essaie pas de construire un destin. Je laisse ce soin à ceux qui ont, devant eux, une très longue carrière. Moi, je n’ai pas ce genre de préoccupation. Ce que je veux, c’est rester fidèle aux engagements qui ont été les miens quelles que soient les conséquences. Et ce que je souhaite, c’est que ce que je vais permette à un certain nombre de jeunes gens de se reconnaître en moi et à leur tour de prendre le flambeau et de mener le même combat, voilà.
Paul AMAR
Merci, Charles PASQUA, d’avoir été l’invité de cette troisième édition de DIRECT. Dans quelques instants – ne partez pas tout de suite, attendez le générique. Vous faites vos affaires déjà – dans quelques instants, un film, « Le brasier ». C’est un titre… Vous l’avez vu, ce film ?
Charles PASQUA
Non.
Paul AMAR
Ça se passe au début du siècle. Il y a déjà des difficultés économiques et sociales et politiques avec Jean-Marc BAHR, Marushka DETMERS et Thierry FORTINO. Un film d’Éric BARBIER avant le journal de Laurence OSTOLAZA qui vous confirmera, sans doute, les deux nouvelles que j’ai données ce soir, un pas en avant semble-t-il en Yougoslavie avec l’acceptation, par MILOSEVIC, d’une force internationale au Kosovo, sous l’autorité des Nations-Unies. Jeudi prochain, ENVOYE SPECIAL.
Charles PASQUA
Des Nations Unies, Monsieur de CHARETTE, pas de l’OTAN.
Hervé de CHARETTE
J’espère bien. Je ne suis pas là pour défendre… Je ne veux pas être entraîné là où je n’étais pas à un aucun moment. Je serais le plus mauvais défenseur de l’Alliance. Je suis le défenseur de l’Europe. Ça n’est pas pareil.
Paul AMAR
On vous laissera continuer tout à l’heure, après le générique de fin.
Charles PASQUA.
Vous voyez, il n’ose pas défendre l’Alliance.
Paul AMAR
Après le générique fin. Le 20 mai prochain, ce sera Dominique STRAUSS-KAHN, le ministre de l’Economie et des Finances, qui sera à votre place.
Chartes PASQUA
Vous êtes vraiment obligé de l’inviter celui-là ?
Paul AMAR
Oui, pour l’équilibre droite-gauche et pour parler de Sarcelles, tiens, une ville qu’il connaît bien. Bonne soirée sur FRANCE 2.
Charles PASQUA
Il faudrait demander, à la jeune femme qui vient de Sarcelles de venir.
Paul AMAR
On a Catherine qui reviendra peut- être parler de Sarcelles. Merci. Bonne soirée.