Texte intégral
S. Paoli
B. Mégret, vous croyez en parole de S. Milosevic ?
B. Mégret
- « Je ne suis pas du tout un ami de M. Milosevic, je ne le soutiens pas M. Milosevic est un pur produit du système soviétique, je le rappelle. Donc, s’il devait avoir des amis en France, ils seraient plutôt au Gouvernement français. Donc je ne me préoccupe pas de sonder sa parole, je constate simplement qu’il y a là un geste positif qui va dans le sens d’un apaisement. Je suis assez choqué de constater que de l’autre côté, les Américains n’en tiennent pas compte. Et que la France - puisqu’en tant qu’homme politique français, c’est d’abord cela qui me préoccupe - ne saisit pas cette occasion pour engager un phénomène de désescalade et pour se désengager de ces actions militaires de bombardements - on voit d’ailleurs qu’elles sont loin d’être sans dommages « collatéraux » comme on dit, c’est-à-dire, en réalité, sans victimes civiles - pour se positionner en situation de médiation. Encore faut-il, pour qu’on en arrive à la table de négociation, que l’on n’impose pas un diktat à l’une des parties, mais que l’on soit prêt à des compromis réciproques. »
S. Paoli
L’hypothèse de négocier avec S. Milosevic vous paraît concevable ?
B. Mégret
- « Cela me paraît d’autant plus nécessaire que l’intervention militaire américaine a soudé le peuple serbe - on peut le regretter - autour de M. Milosevic qui était autrefois très contesté dans son pays, et qui a acquis, du fait de l’agression américaine, une légitimité auprès de son peuple que l’on peut sans doute déplorer, mais c’est un fait. »
S. Paoli
Quel sens donner à la politique lorsqu’on verra peut-être des responsables politiques avec un homme aujourd’hui mais au ban de la communauté internationalité et pour lequel on parle du Tribunal pénal international ?
B. Mégret
- « Ce sont les opérations paramilitaires qui ont été engagées sur le plan médiatique qui ont créé cette situation. Ce qui me paraît essentiel, c’est de trouver une solution politique. Il faut remettre les choses à leur place : le Kosovo n’est pas un pays étranger à la Serbie. Ce n’est pas la Serbie qui envahissait le Kosovo. Le Kosovo est une province de la Serbie. Ce que les Américains essayent d’imposer par leurs bombardements, c’est que la Serbie donne son indépendance à la province du Kosovo. On peut comprendre, non pas de la part de M. Milosevic, ce n’est pas mon problème, mais de la part de la population serbe, qu’elle soit réservée à l’idée d’abandonner une partie de son territoire qui était de surcroît une province historique de la Serbie. »
S. Paoli
Mais les déportations, l’épuration ethnique, vous en dites quoi ?
B. Mégret
- « J’en dis que c’est tout à fait scandaleux ; j’en dis que j’ai beaucoup de compassion pour les victimes de cet exode forcé, comme j’ai de la compassion pour les victimes serbes des bombardements. Je crois que dans cette affaire, ce n’est pas le nationalisme qui est la cause de ces troubles et de ces guerres, c’est le nationalisme contrarié ; c’est parce qu’on oblige des populations qui ne veulent pas vivre ensemble à vivre ensemble, à vivre coûte que coûte sur le même sol. C’est un petit peu comme si, dans la société civile aujourd’hui, on ne reconnaissait pas à un couple qui voudrait se séparer le droit de le faire et qu’on envoyait la police pour vérifier qu’ils continuent bien de vivre ensemble sous le même toit et de dormir dans le même lit. C’est complètement absurde. Si les Kosovars albanais, musulmans et les Serbes orthodoxes, chrétiens ne veulent pas vivre sur la même terre, il faut trouver le moyen que chacun puisse avoir sa terre sur laquelle il soit maître chez lui. C’est la vraie solution. Or c’est contraire à l’idéologie dominante, du mondialisme et du melting-pot général que la prétendue communauté internationale veut imposer partout. Et en agissant ainsi, loin de résoudre les problèmes, on en assure la pérennité. »
S. Paoli
Vous revenez dans l’argumentaire qui est le vôtre, s’agissant des prochaines européennes. Mais au fond, la question des nationalismes telle que vous l’évoquez, c’est justement la crainte de tous ; c’est le danger de la montée des nationalismes qui pourrait être à l’origine des conflits à venir. Vous, vous dites : « pas du tout. »
B. Mégret
- « Oui, je dis : « pas du tout », à condition de prendre en compte cette réalité essentielle de la nature humaine et de la réalité des peuples et des communautés humaines, que chacun doit pouvoir avoir son propre territoire, de la même manière que chaque famille doit avoir son foyer. C’est une donnée incontournable de la réalité humaine. Si on la refuse, on crée des conflits. C’est ce que nous sommes en train de produire sur le territoire français, avec cette immigration massive, créant ainsi des foyers de conflits à venir, qui se manifestent déjà d’ailleurs par une très forte montée de l’insécurité dans certaines cités qualifiées d’ailleurs de « cités interdites » où la souveraineté française n’est plus pleinement assurée ; ce qui est l’amorce de phénomènes à la Kosovo. »
S. Paoli
Mais, c’est le nationalisme qui pousse S. Milosevic, à pratiquer la déportation et l’épuration ethnique.
B. Mégret
- « Je crois que M. Milosevic n’est pas nationaliste, comme je vous l’ai dit, c’est un communiste… »
S. Paoli
Les arguments qu’il emploie sont des arguments nationalistes s’agissant de la Serbie et de son action au Kosovo.
B. Mégret
- « Je pense que ce qui pousse le peuple serbe à résister à ces bombardements et à se regrouper autour de M. Milosevic, alors qu’il le contestait, c’est le sentiment national qui est un sentiment tout à fait honorable. Je crois que c’est positif d’aimer son pays, et que si l’on n’est plus en mesure d’avoir un pays auquel se rattacher pour vous donner une identité à l’échelle de l’histoire, pour vous permettre d’exister dans le monde, de traverser les siècles, eh bien il manque quelque chose à l’homme. »
S. Paoli
Est-ce qu’aimer son pays doit conduire à l’épuration ethnique et à la déportation ?
B. Mégret
- « Je n’ai jamais dit cela. »
S. Paoli
Le nationalisme de Milosevic est inscrit là-dedans.
B. Mégret
- « En 1962, lorsque le général de Gaulle a donné l’indépendance à l’Algérie, 1,2 million de nos compatriotes ont dû quitter l’Algérie en quelques mois sous la menace de la valise et du cercueil. A l’époque, on n’appelait pas cela de l’épuration ethnique, on appelait cela un rapatriement. C’était quand même bien un petit peu la même chose. »
S. Paoli
Franchement ! Les conditions ne sont pas les mêmes. Vous ne pouvez pas comparer les images que vous voyez à la télévision et ce qui s’est passé en 62 au moment du rapatriement des pieds-noirs !
B. Mégret
- « Je ne vais pas peser la souffrance des uns et des autres. Ce serait tout à fait indécent, bien évidemment. Mais il n’en demeure pas moins que le processus est le même. Nous ne pouvons pas nier la chose, que les Algériens ont voulu être chez eux entre Algériens en Algérie. A l’époque, tout le monde trouvait cela normal. Alors, pourquoi ce qui est acceptable et valable pour les Algériens, pour les Africains, ne le serait pas pour des peuples européens ? Excusez-moi, mais pourquoi un Européen qui va en Afrique c’est un horrible colonisateur qui doit partir, et un Africain qui vient en France ou en Europe c’est un gentil immigré qui doit s’intégrer ? Non, les choses ne sont pas ainsi. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures. Chaque peuple a le droit d’exister, de rester lui-même à l’intérieur de ses frontières. Ce qui n’est pas le fait d’un repli sur soi ; c’est simplement le fait de l’affirmation de son identité. Je vous signale que si tout devenait pareil partout, je me demande à quoi il servirait d’échanger. »
S. Paoli
Vous dites que votre mouvement fera mieux y compris que la liste Pasqua-Villiers qui est créditée de 12 % alors que les sondages vous donnent moins de 5 %.
B. Mégret
- « Pasqua-Villiers, il faut d’abord constater que c’est un attelage tout à fait contre nature ; c’est un peu comme de l’eau bénite dans du Pastis. M. Pasqua est favorable à la régularisation générale des clandestins, il est favorable au Pacs ; il se dit à la fois de droite et de gauche. M. de Villiers, il est contre l’immigration - d’après ce que j’avais compris -, il est contre le Pacs et il est plutôt de droite. Quand à Pasqua, plus globalement, c’est ce que j’appellerais « un intermittent du patriotisme », parce qu’il était contre le Traité de Maastricht en 92 et après, il est entré au Gouvernement de M. Balladur où il a appliqué le traité de Maastricht. Alors, ce n’est pas sérieux ! En réalité, nous sommes seuls à proposer une alternative à l’Europe de Bruxelles ; nous sommes contre cette Europe parce qu’elle est bureaucratique, parce qu’elle met en cause la souveraineté de la France, parce qu’elle ne sert aucunement les intérêts de l’Europe. On le voit bien, elle met toujours l’Europe à la remorque des Américains. Mais nous sommes pour une autre Europe : une Europe des nations qui soit européenne - préférence européenne, frontières, Europe sans immigration -, qui respecte la souveraineté des nations - décision à l’unanimité, supériorité du droit français sur le droit européen -, et qui organise la libre coopération entre les États européens.”