Articles de Mme Arlette Laguiller, porte parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte ouvrière"des 3, 10, 17, 24 et 31 octobre 1997, sur la réduction du temps de travail, le procès Papon et le krach boursier en Asie du Sud Est.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

Date : 3 octobre 1997
Source : Lutte ouvrière

Les 35 heures

Depuis son installation, le Gouvernement présente la conférence entre les représentants de l’État, du patronat et des syndicats qui doit se tenir le 10 octobre, comme le sommet de ses propositions sociales, là où doivent se discuter toutes les questions liées à l’emploi, aux salaires et à la durée du travail.

Il n’a jamais été question qu’il s’agisse d’autre chose à cette conférence que d’une « concertation entre partenaires sociaux ». Cela signifie en général que les représentants du patronat et ceux des confédérations syndicales discutent ensemble… puis les patrons décident tout seuls. Mais voilà que plus on se rapproche de la date, plus le grand patronat tape du poing sur la table pour dire que, concertation ou pas, il n’accepte pas de se voir imposer quoi que ce soit de contraignant. La voilà qui est lancé dans une campagne frénétique contre l’idée même d’une loi-cadre fixant l’horaire de travail à 35 heures. Ses ténors, PDG de grandes entreprises qui font des profits faramineux, défilent à la télévision pour affirmer que les 35 heures sans diminution de salaire, ce serait la ruine pour l’économie.

Plus de soixante ans après la loi sur les 40 heures, alors que la productivité a été multipliée au bas mot par vingt, ces gens-là osent répéter qu’il serait impossible de réduire le temps de travail.

Ce que veulent surtout les patrons, c’est que la loi ne leur impose plus aucune contrainte. Ils veulent pouvoir fixer les horaires librement, au gré de leurs seuls besoins : faire faire des heures supplémentaires une semaine, quitte à mettre leur personnel au chômage technique la semaine suivante.

Devant le chantage des patrons au boycott de la « conférence sur l’emploi », le Gouvernement a déjà commencé à reculer. Pourtant, le chantage n’en est un que parce que le Gouvernement tient à la présence des patrons à la table de négociations. Que les patrons boycottent la conférence ou non, le Gouvernement a les moyens et une majorité pour faire voter les 35 heures.

Mais Jospin veut la présence et l’accord des patrons sur tout ce qu’il propose. Comme Juppé, Rocard ou Balladur, il ne veut rien faire qui déplaise au grand patronat. Or, sur tous les problèmes qui concernent le monde du travail et l’écrasante majorité de la société, les intérêts des travailleurs et du grand patronat sont rigoureusement opposés. Il est impossible d’améliorer le pouvoir d’achat des familles ouvrières, et, surtout, de combattre avec efficacité le chômage, sans puiser dans les coffres-forts des patrons.

Ces coffres-forts sont pleins. Rarement dans le passé les grandes entreprises ont réalisé des bénéfices aussi élevés que depuis deux ans. Il y a de quoi réduire le temps de travail à 35 heures et à moins encore sans diminution de salaire. Il y a de quoi augmenter les salaires. Il y a surtout de quoi arrêter les licenciements, quitte à partager le travail entre tous ; il y a de quoi financer la création d’emplois nouveaux utiles à toute la collectivité.

Il est vital d’imposer au patronat ces mesures. Sinon, le chômage continuera à augmenter, la misère aussi et l’aggravation de la situation ouvrira un boulevard devant Le Pen et sa politique anti-ouvrière violente.

On aurait pu s’attendre à ce que la campagne patronale déclenche une réaction des organisations syndicales et qu’à l’approche du 10 octobre, le patronat ne soit pas le seul à se faire entendre et à exercer une pression sur le Gouvernement. Même si la conférence ne sert à rien, cela aurait pu être au moins l’occasion de rappeler les revendications essentielles du monde du travail. Pour le moment, il n’en est rien.

Il y a bien eu l’appel à la grève à France Télécom pour le 30 septembre. Il y en a un à la SNCF pour le 8 octobre. Il ne suffit pas que ces journées soient largement suivies, il faut aussi qu’elles ne soient pas sans lendemain. La riposte aux attaques, le mouvement pour imposer au grand patronat les revendications vitales des travailleurs, pour faire payer ceux qui s’enrichissent depuis le début de la crise, restent à préparer et à organiser. Notre avenir en dépend.

 

Date : 10 octobre 1997
Source : Lutte ouvrière

Papon est devant ses juges, mais qui jugera ceux qui l’ont réemployé après-guerre ?

On juge donc Papon et, peut-être, va-t-on le condamner. Plus ou moins symboliquement ! Mais uniquement parce qu’il a eu le tort de ne pas détruire des documents compromettants portant sa signature. Pourtant on pouvait bien penser, dès la fin de l’Occupation, que les fonctions qu’il exerçait à la préfecture de la Gironde l’avaient amené à engager sa responsabilité dans les actes du régime de Vichy !

Et même si ce document n’avait pas été retrouvé, il aurait sûrement dû être jugé alors, pour bien d’autres faits que sa fonction impliquait. Là aussi les documents devaient exister et porter sa signature.

Pourtant cela n’a pas empêché le Gouvernement provisoire, puis la IVe République de le maintenir dans de hautes fonctions. Il est devenu un haut-fonctionnaire de la IVe République puis de la Ve, ministre et préfet de police de Paris au moment de la répression sanguinaire, par la police parisienne, de la manifestation des Algériens d’octobre 1961. Il était aussi préfet de police lorsque des policiers furent responsables de la mort de neuf manifestants à Charonne en 1962. Mais Papon servait alors la Ve République et, pour cela, bien sûr, il ne sera pas jugé.

Mais quand Papon dit qu’il paie pour les autres, dans un certain sens, il n’a pas tort. Car il y en a eu bien d’autres comme lui, hauts fonctionnaires de Vichy, réemployés comme lui après-guerre dans la haute administration, voire le pouvoir.

Sous Vichy, la police française arrêtait des résistants qui étaient emprisonnés ou fusillés ou déportés. Les donneurs d’ordres ont été souvent les préfets, les sous-préfets, les hauts-fonctionnaires de toute sorte, de la police ou de l’administration pénitentiaire. Beaucoup plus rarement directement de la Gestapo.

Et des juges ont fait pareil, bon nombre ont condamné aussi des résistants et surtout des militants communistes.

Ou même, bien que cela ait eu de moins graves conséquences, mais sur le fond c’est pareil, il y eut des policiers pour faire des barrages dans le métro ou les gares pour arrêter des travailleurs ou de malheureuses mères de famille revenant d’aller chercher quelques patates ou une livre de lard chez des parents à la campagne. Et il y eut des juges pour les condamner pour « marché noir ».

Mais les trafiquants de haut vol et tous les industriels, petits ou grands, qui coopéraient avec l’industrie allemande et sa machine de guerre ne furent pas inquiétés.

Il y eut des policiers pour arrêter les travailleurs réquisitionnés pour aller travailler en Allemagne et qui ne répondaient pas à la réquisition, ou les jeunes de vingt ans qui ne se soumettaient pas au STO, le service du travail obligatoire (en Allemagne). Et des responsables pour donner des ordres à ces policiers.

Après la guerre, quelques juges ou responsables de la police ont été cassés ou condamnés, mais ce fut une petite minorité, dont une partie d’ailleurs fut réintégrée. S’il avait fallu épurer réellement la magistrature, il n’y aurait plus eu de juges… même pour condamner les collaborateurs !

Bien d’autres que Papon ont fait déporter des Juifs, d’autres les ont fait arrêter par des gendarmes ou des policiers français. À Drancy, c’étaient des gardes mobiles qui surveillaient les Juifs qui y étaient entassés. Ce n’est pas Papon qui leur donnait des ordres, c’en étaient d’autres. D’autres de la même sorte.

Tous les responsables de l’appareil d’État de la IIIe République sont, dans leur immense majorité, restés en place sous Pétain, pour ne perdre ni leur place ni leur salaire. Ils sont aussi restés en place après la guerre car les partis qui gouvernaient à l’époque, le PC, le PS, le MRP et de Gaulle, avaient besoin d’eux. Pour de Gaulle, c’était la « raison d’État ! »

Ces gens étaient-ils irremplaçables à ce point-là ? Cela dépend justement pour quoi faire !

Pour construire un État réellement démocratique, au service du peuple, on aurait pu se passer d’eux. Des juges inexpérimentés, mais non compromis, il y en avait plein la jeunesse des facultés de droit. Des policiers, il y en avait parmi les masses populaires. Et c’est Maurice Thorez qui a dit qu’il ne fallait plus de « milices » car il ne fallait « qu’une seule police ». C’est-à-dire l’ancienne police, celle de Vichy.

Oui, pour construire un État démocratique on aurait pu se passer de tous ces gens-là, d’autant qu’ils étaient terrés quand ils n’étaient pas en fuite. Mais on les a blanchis, décorés pour des faits mineurs de résistance réels ou supposés. Car il s’agissait de remettre en place le même État qu’avant pour imposer de nouveaux sacrifices aux travailleurs afin de leur faire reconstruire la puissance industrielle de la bourgeoisie française.

Alors Papon paie, il est vrai, alors que d’autres qui lui ressemblent ou lui ont ressemblé n’ont pas payé.

Mais malheureusement il ne paiera pas pour tous ceux qui l’ont employé, lui et les autres, après-guerre.

Car tous les Papon avaient, en plus d’un fond de racisme, une bonne spécialité, bien utile dans la guerre froide : la haine du peuple, la haine des travailleurs, la haine du communisme.

Des Papon, il y en a eu des milliers. Mais les plus coupables, ce sont vraiment ceux qui les ont réemployés après, en particulier dans toutes les tâches entourant les guerres coloniales comme celle d’Indochine ou celle d’Algérie.

Et si les représentants de la Ve République ont reconnu la responsabilité de l’État français dans le régime de Vichy, c’est uniquement parce que, 50 ans après, tous ceux qui pouvaient être utiles sont morts et aussi que les archives deviennent légalement accessibles aux historiens.

C’est cela qu’il ne faut pas oublier, à propos de ce procès qui ne sera que celui d’un seul homme.


Date : 17 octobre 1997
Source : Lutte ouvrière

Les patrons crient pour cacher qu’ils n’ont pas mal

Que de cris de la part des patrons qui ont débarqué Gandois à cause d’une loi sur les 35 heures qui n’a pourtant que bien peu de chance de leur faire le moindre mal ! Pour tous ces gens-là, toutes les occasions sont bonnes pour prétendre que ce qui augmente les coûts de production, ce sont les salaires, les impôts et les charges sociales, mais pas les superbénéfices des entreprises.

Pourtant, avec cette loi prévoyant pour le 1er janvier 2000 l’horaire de travail à 35 heures par semaine, Jospin n’a, pour le moment, pas touché à un seul centime des profits patronaux.

La loi en question, même si elle est votée telle que l’a dit Jospin, ne sera appliquée, si elle l’est, que dans deux ans. Seuls sont applicables les cadeaux fiscaux pour les entreprises qui trouveraient avantage à conclure d’ici là des accords particuliers. Les 356 heures pour tous devront attendre le prochain millénaire.

Mais Jospin a déclaré aussi que cette loi sera rediscutée au Parlement… fin 1999. Il a ajouté que des arrangements seront décidés en fonction des exemples d’accords éventuellement signés d’ici là mais, surtout en fonction de la conjoncture économique. C’est-à-dire que les 35 heures pourront être reportées… au millénaire suivant. Jospin tient ses promesses électorales à crédit.

Enfin, les patrons affirment à qui veut bien les entendre que cela fera une augmentation de salaire supérieure à 10 % ce qui serait inacceptable pour eux.

Mais, depuis vingt ans, les salaires réels n’ont cessé de baisser et de bien plus que de 10 %. La part des salaires dans les prix de revient de toutes les entreprises n’a cessé de décroître.

De plus, si Jospin a bien déclaré que le passage aux 35 heures se ferait sans perte de salaire, il a ajouté aussi à l’usage du patronat qui ne veut décidément rien comprendre à demi-mot, que cela se traduira par une modération de l’évolution des salaires. C’est-à-dire que, non seulement le chômage continuera à peser sur les salaires réels, mais que le Gouvernement s’y mettra aussi.

Pourtant aujourd’hui, beaucoup plus de salariés qu’il y a vingt ans sont payés au SMIC. Beaucoup plus sont au chômage ou, quand ils ont trouvé un emploi, n’en ont retrouvé un que moins payé. Le nombre accru de chômeurs pèse sur le revenu de toutes les familles. Les gouvernements s’en sont déjà mêlés. Ils ont complété les trous de leur budget, non en prenant sur les bénéfices des entreprises dont ils ont, au contraire, diminué les impôts depuis des années, mais en s’en prenant aux revenus des masses populaires. La CSG, le RDS, l’augmentation de deux points de la TVA, pèsent sur les revenus les plus faibles. Et les patrons osent quand même hurler.

Jospin leur rend pourtant service en leur évitant des conflits sociaux autant qu’il le peut, du moins si les travailleurs sont dupes.

Cette loi, pas encore votée d’ailleurs, n’apporte pour le moment rien aux travailleurs. Si elle est appliquée, les patrons essaieront d’obtenir une flexibilité plus grande des horaires, que les heures supplémentaires soient comptées à l’année et, bien sûr, de bénéficier d’avantages financiers du Gouvernement.

Alors, ce n’est pas cela qui peut donner une lueur d’espoir, ni immédiatement ni en l’an 2000, aux trois millions de chômeurs et aux deux millions de travailleurs qui n’ont que des emplois précaires. Le Gouvernement se refuse à créer des emplois en prenant l’argent là où il est, c’est-à-dire en imposant au patronat de rendre une partie de ce qu’il nous a extorqué.

Les syndicats, au lieu de pleurer, feraient mieux d’expliquer que de telles négociations, entreprise par entreprise, que le patronat va peut-être refuser, divisent et séparent les travailleurs les uns des autres. Ils feraient mieux de préparer, matériellement et moralement, l’ensemble du monde du travail à la riposte. Une riposte qui fasse rentrer dans la gorge du patronat les propos cyniques qu’il tient actuellement et qui fasse sortir des coffres des entreprises de quoi nous éviter la misère et la paupérisation qu’on nous prépare.

 

Date : 24 octobre 1997
Source : Lutte ouvrière

L’État, c’est bien eux !

Le procès Papon a pris un tour auquel les hommes politiques, surtout du RPR, ne s’attendaient pas vraiment. Ils auraient pu s’en douter, mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils ont été surpris. Au point que, maintenant, certains d’entre eux, avec certains journalistes, se demandent si, pour Papon, on aurait réellement dû respecter la procédure qui est de mise, en principe, dans tous les procès de cour d’assises.

En effet, on en est comme pour tous les accusés devant cette juridiction, à examiner tout le passé et toute la vie de Papon. Du coup, on ne parle pas seulement de ses fonctions avant-guerre ou de ses fonctions pendant l’Occupation, mais aussi de ce qu’il a fait après.

Et c’est ainsi qu’à la Une de tous les journaux et en vedette dans tous les journaux télévisés, a surgi la journée du 17 octobre 1961, où la police se déchaîna contre une manifestation pacifique d’Algériens qui protestaient contre le couvre-feu à 20 h 30 qui leur était imposé sélectivement et de façon discriminatoire, à eux qui étaient pourtant, juridiquement, même si c’était malgré eux, des « citoyens français originaires des départements français d’Algérie ».

Les interventions policières pour empêcher cette manifestation, bloquer les Algériens qui venaient de toutes les banlieues et les empêcher de pénétrer dans Paris firent, le quotidien « Libération » du 22 octobre en apporte la preuve officielle, au moins des dizaines de morts et plus probablement des centaines. Matraqués, enchaînés, jetés dans la Seine, abattus à coups de révolver.

Papon était alors préfet de police et donc chef de la police parisienne. Ce ne sont pas ses seuls titres de gloire de ce type. Cela s’ajoutait seulement à son attitude pendant ‘Occupation, qu’on voudrait prétendre corrigée par son revirement de dernière heure en faveur du « gaullisme », à des massacres sous son autorité à Constantine, ou aux dix morts de Charonne, pour ne citer que ceux que la presse rappelle ces jours-ci.

Et c’est là que cela prend un tour politique. Car beaucoup sentent, à juste titre, que ce qui est en cause n’est pas seulement l’Occupation, ni même la réutilisation par la IVe République de milliers de gens comme Papon dont l’anticommunisme patenté par Vichy fut bien utile au temps de la guerre froide. Mais cela met en cause aussi les années noires de la Ve République, la République mise en place par de Gaulle en 1958. Car Papon, en 1961, n’était que préfet de police de Paris.

Il y avait alors un ministre de l’intérieur, supérieur à Papon. Il y avait aussi un Premier Ministre, devant lequel Papon avait aussi à répondre. Et il y avait surtout un célèbre président de la République. Tous ces gens-là n’ont rien ignoré, n’ont rien empêché, n’ont rien sanctionné si même ils n’ont pas ordonné.

Voilà pourquoi Séguin est monté au créneau si l’on peut nommer ainsi le perchoir de l’Assemblée nationale. Voilà pourquoi tous ces hommes commencent à dire que le gaullisme est attaqué, surtout quand, sous la pression de la presse et de l’opinion, Catherine Trautmann parle d’ouvrir avant l’heure les archives nationales de cette époque.

Du coup, prenant prétexte des propos de Le Pen, disant qu’il était plus facile de résister à Londres qu’à Paris, Philippe Séguin accuse les socialistes d’emboîter le pas au Front national contre la « résistance gaulliste » qui n’a rien à voir là-dedans.

Mais, en parfait homme d’État, bien fidèle à l’État et à ce que les partis de gauche ont fait après la guerre en remettant en place l’appareil d’État, c’est-à-dire des hommes comme Papon ou la police de Vichy, Lionel Jospin n’a pas tardé à faire amende honorable.

En effet, il s’est aplati pour dire que le procès Papon ne devait être que le procès d’un homme. Un seul homme, à défaut, loin s’en faut, d’être un homme seul.

La « République », que ce soit la IVe ou la Ve, il ne faut pas y toucher !

Pourtant, c’est moins leurs républiques qui sont en cause, que l’appareil d’État, cette ossature de tous les régimes, et les hommes qui le composent.

Alors Papon, de la tribune de son procès, fait l’éloge de la police parisienne pour avoir servi l’État en massacrant des Algériens désarmés. Papon le prend de haut en disant en substance : mon cas n’a pas d’importance, mais je ne laisserai pas toucher à « la France ». Comme l’ont écrit certains journalistes, il eut par moment des « accents gaulliens », ce qui veut sans doute dire qu’il s’est pris pour la France. Si c’est pour l’État, il n’a sans doute pas tort.

Et, finalement, cette conception de l’État qui consiste à absoudre, à minimiser ou à taire tous les crimes, les massacres, les compromissions d’État, aussi bien Philippe Séguin que Lionel Jospin, que Chevènement et que bien d’autres la font leur.

Au travers de ces quelques remous qui agitent le monde politique, ils nous démontrent que, quelle que soit la couleur politique des hommes qui sont à la tête du Gouvernement, l’État, qui est en dernière analyse celui de la grande bourgeoisie, qu’il soit celui de Pétain ou celui des républiques successives, est par nature oppressif et réactionnaire.


Date : 31 octobre 1997
Source : Lutte ouvrière

Krach boursier : sacrifices sans fin pour les uns, spéculation effrénée pour les autres

L’économie mondiale malade du capitalisme

Qui peut croire un instant que la remontée des cours des bourses intervenue le 28 octobre met fin à l’incertitude économique que révèle le krach boursier qui, depuis l’Asie du Sud-Est, a gagné les places financières occidentales ?

Les explications rassurantes de tous les commentateurs ont évidemment pour but de s’emparer de tous les opérateurs, grandes entreprises et banques, grands capitalistes et autres spéculateurs qui agissent sur le marché des actions dans le monde entier.

Mais que comprennent donc tous ces experts économiques qui font semblant de savoir et d’expliquer ? Il y a quelques semaines, ils disaient que la crise des marchés financiers asiatiques, déjà en cours, n’avait qu’un caractère « régional » : là-bas, on aurait trop spéculé, le cours des actions aurait été surévalué relativement à l’économie réelle et le rééquilibrage, nécessaire. Mais toujours d’après ces commentateurs, le retour d’un krach boursier semblable à celui de 1987 était impossible.

Mais la spéculation n’est pas le fait des seules bourses asiatiques, elle est générale et elle est même plus importante, ne serait-ce que par les masses de capitaux en jeu, dans les places financières de New York ou Londres ou des autres pays occidentaux. Quant aux capitaux, ce sont les mêmes qui se déplacent d’un bout à l’autre de la planète, à la recherche des opérations les plus avantageuses. On nous a assez dit que l’on est à l’heure de la « mondialisation » et que, sur un simple coup de téléphone, des milliards de dollars peuvent se déplacer en quelques secondes de Singapour à New York ou à Tokyo !

Alors la panique commencée à la bourse de Hong-Kong s’est logiquement étendue à toutes les autres places financières de la planète.

Et ce n’est pas seulement à Hong-Kong, c’est à New York, Londres ou Paris, que les cours des actions ont été multiplié par deux ou par quatre en quelques années. Alors que les salaires ouvriers stagnent ou baissent, que le chômage s’étend, que les conditions sociales se dégradent, les capitalistes peuvent doubler ou quadrupler leurs avoirs par des coups de bourse judicieux ! Mais c’est justement les licenciements et sacrifices de toute nature, l’aggravation des conditions de vie et de travail d’une majorité de la population dans tous les pays, qui sont pour les capitalistes une promesse de profits et qui les font spéculer à la hausse sur le cours des actions. Tout cet argent tiré de l’exploitation sert à spéculer sur la hausse des actions, simplement parce que ceux qui ont fait des profits escomptent en faire encore plus… jusqu’à ce que leurs espoirs s’écroulent et qu’ils se retirent en panique.

Et c’est bien ce fonctionnement qui est irrationnel. Bien sûr, journalistes et hommes politiques ne manquent pas d’argumenter, dans leur langage, sur « les fondements de l’économie » qui sont sains. Mais qu’il y ait des usines et des travailleurs sachant les faire tourner et fabriquer des produits, qu’il y ait des champs et des agriculteurs capables de faire pousser de quoi nourrir tout le monde, chacun le sait. Le problème, c’est pourquoi malgré cela l’économie ne peut fonctionner de façon cohérente, pourquoi pour produire de richesses a-t-elle besoin de rejeter une fraction croissante de la population vers le chômage, la misère et dans certains pays la famine ? Et c’est aussi de savoir pourquoi le fonctionnement de toute l’économie mondiale peut dépendre du comportement irrationnel des possesseurs de capitaux qui placent ceux-ci à la bourse, ou les retirent, à peu près comme on joue à la roulette dans un casino.

Tout cela, ce sont simplement les lois de l’économie capitaliste, une économie dans laquelle celui qui possède quelques milliards a le droit d’en faire ce qu’il veut, de vendre une usine ou de la fermer, de licencier son personnel et de le condamner au chômage simplement parce qu’il y trouve un profit immédiat ; où les mêmes ont le droit d’engloutir des milliards dans des spéculations immobilières, d’empocher les bénéfices et de faire payer les pertes par la collectivité.

C’est une économie dans laquelle le seul véritable pouvoir de décision est entre les mains de ces possesseurs d’énormes capitaux privés, qui jugent en fonction de leurs perspectives de profit immédiat et non pas des intérêts collectifs de l’humanité. Un Clinton peut toujours leur dire que l’économie est saine et qu’il n’y a pas de raison de paniquer : ce sont eux qui décident de vendre, de transférer leurs capitaux ou de fermer leurs usines s’ils estiment que leur intérêt immédiat est là. Autant de décisions individuelles, sur lesquelles aucun gouvernement n’a de contrôle, et qui entraînent un fonctionnement aveugle de toute l’économie.

Malheureusement, c’est la vie de toute l’humanité qui dépend de ce jeu de loto planétaire qui, même en l’absence de krach, entraîne la crise, la misère et le chaos économique et social pour une fraction croissante de la population mondiale. Alors, il faut une organisation consciente et rationnelle de l’économie, à l’échelle mondiale, en fonction des besoins des hommes et non des profits d’une minorité. C’est la crise capitaliste elle-même qui démontre la nécessité du communisme.