Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à Europe 1 le 10 novembre 1997, sur la nécessité pour l'Irak de respecter les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU et de coopérer avec la commission spéciale, et sur la journée pour l'Algérie.

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Média : Europe 1

Texte intégral

P. Belin : Bagdad menace toujours d’abattre les avions américains. Vous avez rencontré T. Aziz en route pour New York. Vous n’avez pas l’impression qu’on pourrait donner l’impression que la France n’est pas sur la même longueur d’onde que les Américains et ses alliés de la guerre du Golfe ?

H. Védrine : C’est une question qui ne se pose même pas. Ce que j’ai dit à M. T. Aziz a été dit en parfaite cohérence avec les autres membres permanents du Conseil de sécurité. D’ailleurs, ils en étaient informés, donc ce n’est pas une question qui se pose. Ce qui est important, c’était de saisir cette occasion d’un passage, ici, de M. T. Aziz, qui était une escale technique, pour lui redire d’une façon tout à fait ferme et la plus claire possible que l’Irak n’a pas d’autre solution que de respecter les résolutions du Conseil de sécurité, les appliquer pleinement, ce qui, malheureusement, après plusieurs années, n’est pas encore le cas.

P. Belin : Le ton, disons, est un peu plus guerrier du côté de Washington. Cela dit, la Maison Blanche a fait savoir aujourd’hui qu’elle s’attendait à une attitude positive de la France. Vous avez été en contact avec la diplomatie américaine ?

H. Védrine : Attendez, le problème qui est posé, ce n’est pas celui de la diplomatie française. C’est une discussion – ce n’est pas une discussion d’ailleurs –, c’est une épreuve de force entre l’Irak qui a décidé de ne plus coopérer avec certains éléments de la Commission spéciale, c’est-à-dire les Américains. L’Irak s’est mis en contradiction avec les résolutions du Conseil de sécurité. L’Irak ne peut pas poser ses conditions au Conseil de sécurité. La seule solution pour l’Irak, pour réintégrer la communauté internationale, c’est d’appliquer les résolutions sans réticence. L’Irak ne peut pas trier entre les uns et les autres. C’est sur ce point qu’a lieu la situation actuelle entre l’Irak et le Conseil de sécurité. Il n’y a pas de problème français. Il y a une question irakienne et il est question de savoir maintenant ce que nous faisons face à cette attitude réitérée par M. T. Aziz. Ce que je ne peux que déplorer.

P. Belin : Mais que va faire la France justement, si M. T. Aziz, si M. Saddam Hussein, si l’Irak répète : il faut que les Américains partent ?

H. Védrine : Que vont faire les membres du Conseil de sécurité…

P. Belin : Dont fait partie la France ?

H. Védrine : Ce n’est pas un problème franco-irakien. C’est une question de détermination par le Conseil de sécurité, à commencer par les membres permanents. Nous ne pourrons que redire que l’Irak doit se conformer aux résolutions, doit revenir sur sa décision de ne pas coopérer avec la Commission spéciale, et nous n’hésiterons pas, compte tenu de cette attitude malheureusement négative, répétée, à un certain renforcement dans les pressions exercées par le Conseil de sécurité. Et c’est cela qui est en discussion en ce moment même, une discussion qui commence à New York, sur ce point.

P. Belin : Donc, T. Aziz va demander au Conseil de sécurité la levée de l’embargo international alors que la position irakienne ne bouge pas. Quelle est la position de la France sur l’embargo ?
Souvent, on entend dire que, du côté, disons européen, on aime moins l’embargo très dur, que du côté américain ?

H. Védrine : Il faut distinguer une réflexion générale sur les embargos, une façon globale. Il y a des cas où ça marche, des cas où ça ne marche pas, des cas où c’est utile, d’autres non. Il faut distinguer cette réflexion un peu vaste du cas particulier de l’Irak. Sur le cas particulier de l’Irak, il y a des résolutions du Conseil de sécurité qui engagent l’ensemble de l’ONU, à commencer par les membres permanents. Il n’y a pas de distinction entre les membres permanents sur ce point. Il y a une ligne française qui est tout à fait claire, qui est de dire : toutes les résolutions, rien que les résolutions. Et malheureusement, l’Irak n’est toujours pas en conformité avec ces résolutions. Donc, l’Irak ne peut pas aujourd’hui, par la bouche de M. T. Aziz, faire comme s’il avait rempli les conditions en question et passer à l’étape suivante. Donc nous sommes obligés de nous répéter, c’est un peu lassant mais il n’y a pas de façon de faire autrement. L’Irak doit remplir les conditions posées par les résolutions.

P. Belin : Aujourd’hui a lieu la Journée pour l’Algérie qui se déroule en France. Votre porte-parole a dit qu’il fallait absolument que la communauté internationale sache exactement ce qui se passe en Algérie.

H. Védrine : Notre nouvelle porte-parole, qui est Mme A. Gazeau-Secret, a déclaré qu’il fallait comprendre ce désir de savoir qui s’exprime à propos de l’Algérie, qu’il fallait le comprendre comme étant un des éléments de cette solidarité qui a été le mot d’ordre de mobilisation de cette journée qui regroupe des associations et des ONG. Je profite de cette occasion pour ajouter que ce concept de solidarité est à la base de notre politique. Et nous avons une action au jour le jour très concrète par rapport à de nombreux éléments de la société algérienne pour maintenir tous les liens utiles avec eux.