Texte intégral
lundi 7 juin 1999
Europe 1
J.-P. Elkabbach
Cet été, vous chantez et vous dansez beaucoup. Avec les européennes, apparemment, vous vous amusez bien, non ?
C. Pasqua
- « C’est à dire que nous avons essayé de donner à cette campagne une allure un peu joyeuse. Ce n’est pas parce qu’on est dans une campagne électorale que, de surcroît, il faut faire la tête. Il y en a qui la font. »
J.-P. Elkabbach
Mais c’est comme si vous faisiez un joli tour ou un mauvais tour. Mais à qui ?
C. Pasqua
- « A tous ceux qui, finalement, sont pour la pensée unique et qui considèrent qu’il n’y a qu’une seule façon d’organiser l’Europe, la leur. »
J.-P. Elkabbach
Vous chantez, vous brillez tout l’été, M. Pasqua. Mais est-ce que la cigale Pasqua ne risque pas de déchanter cet hiver elle aussi et d’être punie ?
C. Pasqua
- « Ah oui. Quand la bise fut venue…, je vois que vous connaissez les fables de La Fontaine. »
J.-P. Elkabbach
Vous aussi.
C. Pasqua
- « Oui, naturellement. Notre problème, ce n’est pas de chanter ou de danser. Ça, ce sont les apparences. Les réalités sont plus sérieuses. Elles consistent à dire, contrairement à ce qui a été défendu pendant longtemps, il n’y a pas une seule façon d’organiser l’Europe, il y en a plusieurs, que la façon dont elle fonctionne aujourd’hui est mauvaise. D’ailleurs, personne ne dit le contraire. C’était déjà comme ça en 92. François Mitterrand, Kohl, Jacques Chirac, etc., tout le monde disait « tout fonctionne mal. »
J.-P. Elkabbach
Mais ils ont fait l’Europe peu à peu. Et vous aussi, vous allez y contribuer.
C. Pasqua
- « Elle a été faite avant eux. »
J.-P. Elkabbach
Oui, mais eux l’ont prolongée, l’ont appliquée, l’ont installée dans la douleur.
C. Pasqua
- « Oui. Mais peut être que, si François Mitterrand avait mieux analysé la situation, on aurait pu faire les choses différemment parce qu’au lendemain de l’effondrement du mur de Berlin et de la dislocation de l’Union soviétique, on aurait probablement pu faire en sorte que la politique et la géographie se rejoignent et qu’il y ait une grande Europe. »
J.-P. Elkabbach
Des années sont passées depuis. Ce sont vos ami qui sont au pouvoir.
C. Pasqua
- « Exact, oui. Par intermittence. »
J.-P. Elkabbach
Mais aujourd’hui, c’est le cas.
C. Pasqua
- « Mes amis sont au pouvoir aujourd’hui ? Où ?
J.-P. Elkabbach
Le Président de la République.
C. Pasqua
- « Ah, le Président de la République, oui. »
J.-P. Elkabbach
Je croyais que c’était un ami.
C. Pasqua
- « Mais je croyais que vous pensiez à Jospin. J’allais dire c’est excessif, ça. »
J.-P. Elkabbach
Non, non. Mais on pourrait se tromper parce que, en ce moment, pendant la campagne, vous tapez beaucoup plus sur le Président de la République, Sarkozy et les autres que sur la gauche. On pourrait confondre aussi.
C. Pasqua
- « Non, non, non. Laissons le Président de la République à l’écart de tout ça. Ceux qui ont essayé de l’entraîner dans cette affaire ont eu tort. Il ne s’agit pas d’élection présidentielle, ni d’élections législatives, il s’agit de l’élection européenne. La motivation des électeurs n’est pas la même. La participation ne sera pas la même. Mais il y aura tout de même une première conclusion à tirer et tout le monde devrait s’y préparer. Tout d’abord, le taux d’abstention dont parlait Alain Duhamel il y a quelques instants, je crains qu’il ne soit aux environs de 50 %. Deuxièmement, il faudra voir ce que représentent tous ces grands partis institutionnels qui veulent donner des leçons à tout le monde en termes de pourcentage électoral. Comme il y aura 50 % d’abstention, celui qui fera 25 % représentera 12,5 % du corps électoral, celui qui en fera 17, il en fera 8,5. Ça devrait donc inciter les uns et les autres à plus de modération et à se demander ce qu’il faut faire pour renouer le dialogue avec les Français. »
J.-P. Elkabbach
On en reparlera parce qu’il faudrait parler du Kosovo. La guerre pour les kosovars reprend de plus belle face à Milosévic qui ne regrette pas une fois de plus, qui ne respecte pas ses engagements et qui ment. Est-ce que l’OTAN a ce matin un autre choix que de reprendre les bombardements ?
C. Pasqua
- « Compte tenu de la position dans laquelle s’est mise l’OTAN et les 19 chefs d’États européens, je crois qu’il n’y a pas d’autre solution sauf à accélérer la proposition de résolution que doit présenter le G8 à l’ONU et obtenir du conseil de sécurité premièrement une condamnation ferme de Milosévic, deuxièmement l’ordre de se retirer du Kosovo et troisièmement que l’ONU chapeaute tout ça. »
J.-P. Elkabbach
Mais vous voyez bien qu’il ne comprend que le…
C. Pasqua
- « Oui, ça, je suis tout à fait d’accord. Il n’en reste pas moins que le compromis ou la négociation qui avait été engagée par le Président finlandais et l’ancien Premier ministre russe avait retenu pour l’essentiel le compromis de Rambouillet, voilà, sauf les deux conditions que les Américains avaient ajoutées. Alors on peut se demander si c’est pour en arriver là, pourquoi on a eu ces trois mois de guerre. »
J.-P. Elkabbach
Parce qu’il ne voulait pas Rambouillet.
C. Pasqua
- « Si, il avait accepté les conditions. Il avait accepté à Rambouillet sauf deux conditions que les Américains avaient ajoutées, l’autorisation pour les troupes de l’OTAN de stationner en Serbie, non pas au Kosovo, mais en Serbie et deuxièmement un référendum dans le délai de trois ans. Ces deux conditions ont disparu. Cela étant, je ne suis pas en train de dire qu’on peut quoi qu’il arrive faire front sur la parole de Milosévic, ça, c’est un autre problème. »
J.-P. Elkabbach
Au passage, vous étiez contre l’engagement de l’Europe et de la France dans cette guerre, contre l’OTAN. Vous pensiez peut être avec Mme Garaud qui était le numéro trois sur votre liste qu’il était possible de convaincre Milosévic par la raison. Est-ce que vous pensez que vous pouvez dire « je me suis trompé un peu » ?
C. Pasqua
- « Non. Je pensais que l’accord qui avait été réalisé à Rambouillet aurait dû normalement être appliqué sans qu’on essaie d’y ajouter autre chose. Mais il est clair que, finalement, une erreur d’analyse a été commise, qu’à partir du moment où Mme Albright avait obtenu l’accord des kosovars, elle a pensé qu’il suffirait d’une seule frappe pour que Milosévic vienne à résipiscence. Elle s’est trompée. Cela étant, au plus vite cette guerre se terminera, mieux cela vaudra pour tout le monde et notamment ce qui devrait nous préoccuper avant tout sur le sort des réfugiés et sur les autres pays des Balkans où il y a beaucoup de minorités ethniques. »
J.-P. Elkabbach
Alors on revient aux leçons à tirer dans quelques jours de la campagne des élections européennes. Est-ce qu’il est vrai, M. Pasqua, que vous voulez créer une formation politique le 14 ou le 15 juin prochain ?
C. Pasqua
- « Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que le courant que nous avions incarné ne disparaîtrait pas et qu’il faudrait que se rassemblent ceux qui privilégient avant tout l’intérêt de la France par rapport au reste. Cela ne devrait choquer personne. »
J.-P. Elkabbach
Mais qu’est-ce que ça veut dire parce que tout le monde a compris que vous vouliez créer un mouvement politique ?
C. Pasqua
- « C’est possible. Mais nous verrons bien au lendemain des élections européennes comment se comporteront les mouvements politiques et notamment nous verrons quelle sera la capacité du RPR à sortir de la situation actuelle qui est celle des invectives et des… »
J.-P. Elkabbach
Réciproques.
C. Pasqua
- « Des invectives, ceux qui dirigent et des exclusions et reprendre les principes du rassemblement. »
J.-P. Elkabbach
Attendez. Est-ce que ça veut dire que vous pourriez agir avec les forces qui vont se dégager en votre faveur des élections européennes au sein du RPR ?
C. Pasqua
- « Ça veut dire qu’il appartient au RPR de savoir s’il est capable de se rénover et je ne crois pas cela possible avec la direction actuelle. »
J.-P. Elkabbach
C’est à dire celle aussi qui est à l’Elysée, la direction actuelle ?
C. Pasqua
- « Non. Écoutez, jusqu’à preuve du contraire, le Président de la République n’est pas président du RPR, ni secrétaire général. »
J.-P. Elkabbach
Le Figaro de ce matin sous la signature de P. Guibert dit en éditorial « l’entreprise de Pasqua, dissidente à l’origine, prétend maintenant à une fondation clairement dirigée contre le chef de l’État. »
C. Pasqua
- « Elle n’est pas du tout dirigée contre le chef de l’État. Elle vise à faire en sorte que les principes qui ont animé le mouvement gaulliste et qui ont présidé à sa création inspirent à nouveau l’action politique. Le RPR est-il capable de le faire ? Nous verrons bien. Dans le cas contraire, il faudra bien que d’autres le fassent. C’est assez clair, M. Elkabbach ? »
J.-P. Elkabbach
D’autres le feront ? C’est à dire ?
C. Pasqua
- « Que d’autres le fassent. »
J.-P. Elkabbach
Qui ?
C. Pasqua
- « Dans ce cas là, j’appellerai un certain nombre de gens à le faire. »
J.-P. Elkabbach
De quelle façon ? Et à partir de quand ? Soyons précis comme d’habitude.
C. Pasqua
- « Vous verrez bien, M. Elkabbach. N’allez pas plus vite que la musique. Les élections ont lieu le 13 juin. Ça ne vous a pas échappé. »
J.-P. Elkabbach
Mais vous viendrez le 14 ou le 15, M. Pasqua.
C. Pasqua
- « Le 14, sûrement pas. »
J.-P. Elkabbach
Vous vous servez de la légitimité gaulliste et en même temps, vous attaquez le parti qui en est l’incarnation officiellement.
C. Pasqua
- « Je ne me sers pas de la légitimité gaulliste et je ne revendique rien du tout. Je dis simplement que j’entends, moi, rester fidèle aux principes qui ont inspiré le mouvement gaulliste. Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Je ne donne pas de leçon aux autres. Je constate simplement que le mouvement que j’ai contribué à créer avec Jacques Chirac s’est écarté de ce principe. Où a-t-on vu notamment et à quelle occasion, et même dans les moments les plus difficiles, où a-t-on vu qu’on menace des députés de les exclure parce qu’ils ont une opinion différente ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Ce n’est plus un rassemblement, ça. »
J.-P. Elkabbach
Et à ceux qui demandent « où est Charles Pasqua ? », si dans trois ou six mois, il y avait une présidentielle, Chirac, Jospin, qui vous soutiendrez ?
C. Pasqua
- « Parce que vous vous posez la question ? »
J.-P. Elkabbach
Beaucoup se la posent.
C. Pasqua
- « Enfin, il est bien évident que je ne soutiendrai pas Jospin. Ça, ça me paraît alors une question saugrenue, permettez-moi de vous le dire. »
J.-P. Elkabbach
C’est la réponse que vous donnez aussi à vos amis du RPR qui vous considèrent comme étant à la porte…
C. Pasqua
- « Mais ce n’est pas une élection présidentielle. Qu’ils nous fichent la paix ! Qu’ils se préoccupent donc des vrais problèmes des Français et que, lorsqu’ils prétendent être l’opposition, qu’ils s’opposent, qu’ils ne mettent pas trois semaines pour rédiger une motion de censure. »
J.-P. Elkabbach
Bientôt, vous ne serez plus sénateur si vous êtes élu député européen, vous siégerez à Strasbourg.
C. Pasqua
- « Oui. »
J.-P. Elkabbach
Vous ne serez plus sénateur.
C. Pasqua
- « Je ne pourrai pas être les deux. »
J.-P. Elkabbach
Vous avez choisi l’Europe.
C. Pasqua
- « On ne peut pas faire une chose ou dire une chose et faire le contraire. J’irai à Strasbourg. Je présiderai le groupe des députés qui seront élus sur notre liste et j’espère que ce groupe sera plus important parce que nous accueillerons des représentants d’autres pays qui ont le même sentiment. »
J.-P. Elkabbach
Un mot M. Pasqua, L. Jospin reçoit aujourd’hui les préfets plutôt secoués par la mise en détention provisoire d’un des leurs, le préfet Bonnet. Vous avez été le patron des préfets. Qu’est-ce que vous diriez aujourd’hui, vous ?
C. Pasqua
- « Je dirais d’abord qu’il appartient à la République de fonctionner selon des principes immuables. C’est au ministre de l’Intérieur à diriger le corps préfectoral. Et dès lors que l’on sort de cette épure, on va au-devant des pires ennuis. C’est ce qu’on a vu dans l’affaire de la Corse. »
J.-P. Elkabbach
Dans votre liste, il y a l’ancien préfet Marchiani qui s’est longtemps occupé et qui s’occupe de la Corse.
C. Pasqua
- « Ah non, il ne s’est jamais occupé de la Corse. »
J.-P. Elkabbach
Ah, il paraît qu’il était très au courant, pour ne pas dire à la tête des réseaux Pasqua en Corse.
C. Pasqua
- « Non, non, non. Ne racontez pas n’importe quoi, M. Elkabbach. Ça, c’est totalement faux. Marchiani ne s’est jamais occupé de la Corse. Il s’est occupé du Liban autrefois, peut-être vous en rappelez-vous. »
J.-P. Elkabbach
Très bien, très bien. Mais vous devriez lire toutes les notes du préfet Bonnet. Vous verriez qu’à un certain moment il est bien écrit que M. Marchiani a entravé la politique d’État de droit du Gouvernement en Corse par les réseaux Pasqua.
C. Pasqua
- « Fantasme, fantasme ! »
J.-P. Elkabbach
C’est la dernière… ?
C. Pasqua
- « Eh oui. »
J.-P. Elkabbach
Vous avez vu avec P. de Villiers à Vincennes, il paraît, une voyante, Gilda. Qu’est-ce qu’elle vous a prédit, Mme Gilda ?
C. Pasqua
- « Que je serai chez vous ce matin. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
8 juin 1999
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Quand vous dites : « Je suis pour l’Europe », les gens ont quand même du mal à comprendre le pourquoi de votre liste. Les autres aussi sont pour…
C. Pasqua
- « Pas sûr. Il ne suffit pas de dire que l’on est pour l’Europe. C’est vrai que tout le monde le dit mais la vraie question, c’est quelle Europe veut-on ? Et quelle place veut-on conserver à la France dans cette Europe ? Hollande et Sarkozy font l’impasse sur la place de la France. On les comprend : ils ont voté Maastricht, c’est à dire l’abandon de la monnaie, ils ont voté Amsterdam, c’est à dire l’abandon du contrôle des étrangers aux frontières. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Vos propres valeurs étaient donc suffisamment différentes pour, une nouvelle fois, faire bande à part dans la famille gaulliste ?
C. Pasqua
- « Je ne me détermine pas en fonction de la famille gaulliste. Je me détermine en fonction des idées qui sont les miennes et que je tire de l’exemple du général de Gaulle. Si un certain nombre de dirigeants du RPR ont signé le traité d’Amsterdam, cela n’a évidemment rien à voir avec le gaullisme. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Votre liste paraît cependant nettement ancrée à droite, contrairement à votre projet initial. Correspond-elle à vos sentiments aujourd’hui ?
C. Pasqua
- « Ce n’est pas mon problème. Je considère qu’une affaire comme l’Europe transcende les clivages politiques. Ce ne sont pas les partis mais les électeurs que j’ai appelés à me répondre. Sur l’Europe, il y a une confusion dans les esprits de la part des partis politiques. De tous les partis : le RPR, le PS, le parti communiste… Quant à l’extrême droite, avec leurs divisions, ils se sont ridiculisés… »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Tout de même, compte tenu de vos parcours respectifs, le ticket Pasqua-de Villiers, ça ressemble à l’alliance du glaive et du goupillon. Comment fonctionne cet attelage ?
C. Pasqua
- « Ça marche très bien ! Sur l’essentiel, il y a un accord profond entre nous. Sur Maastricht, sur Amsterdam, nous avons eu les mêmes réactions. Pour le reste, il ne faut pas oublier que le propre d’un rassemblement, c’est justement de rassembler le maximum de personnes au-delà des différences. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Dans cette campagne européenne plutôt molle, il paraît difficile de faire entendre sa différence. Avez-vous l’impression d’être audible ?
C. Pasqua
- « J’essaie de faire en sorte que la campagne s’anime… mais les autres têtes de listes ne souhaitent pas débattre d’Europe. Cela ne les intéresse pas. C’est un problème de fond pour ces candidats. Car s’ils abordent ces questions de fond, les Français verront bien qu’il n’y a pas de différence entre eux. C’est d’ailleurs pourquoi j’espère que ma liste attirera un grand nombre de Français. Car s’il fallait choisir entre Sarkozy et Hollande, que faudrait-il faire ? Lancer une pièce de monnaie en l’air, peut-être… »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Devra-t-on, comme on semble le penser très fort du côté de l’Elysée, additionner vos voix du 13 juin avec celles des listes RPR-DL et UDF ?
C. Pasqua
- « Non parce que cela n’a pas de sens. Il ne s’agit pas d’une élection présidentielle ou de législatives. Et il y aura beaucoup d’abstentions, environ 50 %. L’alternative est claire : il s’agit soit d’élire des députés qui défendront les intérêts de la France en Europe. Ou bien d’autres, qui sont davantage préoccupés par les avantages liés à la fonction d’élu européen. Point. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Vous avez déjà indiqué votre intention de présider un groupe au Parlement européen. Avec qui ?
C. Pasqua
- « Je présiderai certainement un groupe que nous constituerons à Strasbourg. Avec des députés français, y compris, je l’espère, d’autres formations politiques, mais également un certain nombre d’élus d’autres pays d’Europe qui nous rejoindront. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Dans votre combat, Philippe Séguin, votre ex-compagnon de la campagne anti-Maastricht, vous manque-t-il ?
C. Pasqua
- « Non, je ne le regrette pas, je ne suis pas porté au regret ou aux remords. Je suis porté à l’action. Il aurait dû se déterminer plut tôt, quand il était temps. Mais je lui conserve mon amitié. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Dans votre esprit, Jacques Chirac est-il encore gaulliste aujourd’hui ?
C. Pasqua
- « A sa manière certainement, Chirac a du gaullisme… sa propre conception. Il est sûr que sur certains points, je ne suis pas d’accord. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
Parlons du RPR. En faites-vous toujours partie malgré votre dissidence ?
C. Pasqua
– « Et qui m’exclurait ? Hein ? Qui m’exclurait ? Avec les instances dirigeantes actuelles, il n’y a plus de légitimité gaulliste à la tête du RPR. Il n’y en a plus depuis que Philippe Séguin a démissionné. S’ils voulaient m’exclure, il faudrait un motif : ce serait d’avoir trop défendu la souveraineté de la France ! »
Électoralement parlant, certains militants la souhaitent, presque, cette exclusion…
C. Pasqua
- « Je ne crois pas ce soit nécessaire. »
LA DÉPÊCHE DU MIDI
A partir de quel pourcentage estimerez-vous avoir réussi votre engagement ?
C. Pasqua
- « D’ores et déjà, nous sommes partis pour un score à deux chiffres. A partir de 12 %, tout ce qu’on engrangera sera du bonus. Je suis porté à me battre comme d’autres sont portés à se coucher. Il faut se battre contre des montagnes et la volonté des hommes suffit à faire bouger les choses. »
mercredi 9 juin 1999
RMC
P. Lapousterle
Des sondages vous créditent de bons scores. Votre but, c’est évidemment de faire le plus possible, mais c’est d’être le plus proche possible de la liste RPR ?
C. Pasqua
- « Ce n’est pas le but essentiel. Vous savez bien pourquoi je me suis lancé dans cette bataille, c’est parce qu’il n’y a pas eu de référendum sur la révision de la Constitution. J’avais dit à l’époque que s’il n’y avait pas de référendum, je ferais en sorte qu’on ait un grand débat quand même à l’occasion des élections européennes. C’est pour ça que j’ai été candidat. Je le suis en compagnie de P. de Villiers. Naturellement, à partir du moment où on est candidat, il vaut mieux qu’on fasse le meilleur score possible. Les sondages sont ce qu’ils sont. Ce que nous vérifions sur le terrain, c’est qu’il existe un grand courant de sympathie à notre égard. Peut-être parce que les Français se rendent compte qu’il ne s’agit pas d’abandonner, comme si de rien n’était, des pans entiers de la souveraineté nationale et que finalement, ce que la France ne fait pas pour elle-même, ce que les Français ne veulent pas faire pour eux, personne ne le fera. »
P. Lapousterle
Vous avez voté contre le traité de Maastricht, mais maintenant que les Français l’on approuvé, j’imagine que vous l’acceptez.
C. Pasqua
- « Oui, mais ça ne m’empêche pas de voir ses insuffisances. »
P. Lapousterle
Ça veut dire qu’à l’avenir, vous allez travailler dans le cadre de ce que les Français ont accepté, dans le cadre de Maastricht ou vous allez continuer de mener bataille contre l’Europe de Maastricht et de ses suites ?
C. Pasqua
- « Il ne s’agit pas de mener bataille contre l’Europe de Maastricht. Mais il faut voir les conséquences de l’Europe de Maastricht et voir ce qu’on peut redresser. Par exemple, Maastricht a créé une monnaie unique. »
P. Lapousterle
Vous l’acceptez puisqu’elle est là ?
C. Pasqua
- « Oui, naturellement. Mais c’est un peu plus compliqué que ça. On a créé la monnaie unique mais on l’a fait sans harmonisation de la fiscalité et avec des économies qui ont des niveaux de développement différents. Le résultat, c’est qu’il y a des tensions, on le voit bien ; que les critères de convergence prévus par le traité de Maastricht ne peuvent pas être respectés par tout le monde et que d’autre part, il n’y a plus la possibilité de jouer sur la valeur de la monnaie. Résultat : quelle est la variable dont disposeront les États-nations ? C’est uniquement sur les entreprises que ça va reposer. Et comme d’autre part, il n’y a pas d’harmonisation fiscale, on va avoir un certain nombre de délocalisations. Donc, tout ça est un peu incohérent. Je crois qu’il aurait mieux valu passer par une phase d’harmonisation fiscale. Ça me paraît la première des choses. Mais là, une question se pose, que j’ai posée l’autre jour à Hollande qui a commencé à donner un début de réponse. »
P. Lapousterle
Dans quel sens ? Il a dit vers le bas ?
C. Pasqua
- « Non, ce n’est pas aussi simple. Je ne crois pas tellement que ce sera vers le bas. Naturellement, c’est ce qu’il faudrait faire parce qu’en France, nous sommes dans le système capitaliste, mais les entreprises n’ont pas de réserve de capitaux, elles sont donc mal placées. Cela étant, je pense qu’il y a une chose que nous pourrions parfaitement faire dans une première étape, c’est ne pas nous débarrasser de la monnaie nationale. Je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’on ait l’euro, mais je ne vois pas pourquoi, dans le même temps, on bazarderait le franc. Alors ça, ce sera un beau sujet de débat. »
P. Lapousterle
Est-ce qu’il y aurait une signification de politique intérieure à ce vote européen ?
C. Pasqua
- « Ce n’est pas moi qui ai souhaité donner à ce vote une signification de politique intérieure. Certains ont essayé d’entraîner le Président de la République sur ce terrain, ce qui, à mon avis, est une erreur. Ces élections européennes doivent être l’occasion pour les Français de choisir leurs représentants à Strasbourg. La question qui se pose est simple : envoyons-nous des députés français défendre les intérêts de la France à Strasbourg ou envoyons-nous des gens qui vont se fondre dans un magma un peu indéfinissable. »
P. Lapousterle
Du point de vue de politique intérieure, vous avez été déçu du communiqué de P. Séguin qui a rendu hommage au combat personnel de N. Sarkozy, alors que nombreux étaient ceux qui pensaient qu’il penchait plutôt de votre côté ?
C. Pasqua
- « A partir du moment où Séguin s’est retiré, je n’ai pas attendu son soutien. Il ne faut pas oublier que nous avons eu une approche différente, c’est un mot important, sur la révision de la Constitution. Cela étant, j’ai pour Séguin beaucoup d’amitié, il n’y a aucun problème. Je trouve que pour Sarkozy, il a fait quand même le service minimum. Il n’a pas été très gentil envers le Président de la République. »
P. Lapousterle
Vous avez dit que vous vous sentiez toujours membre du RPR dont vous n’avez pas été exclu. Vous ne l’avez pas été parce que les dirigeants ont eu peur de le faire ou parce qu’ils n’avaient pas les moyens politiques de le faire ? Ça fait une différence.
C. Pasqua
- « Je crois qu’en réalité, aussi bien Séguin à l’époque sur les principaux dirigeants du mouvement, ont pensé qu’il valait mieux laisser passer les élections et voir ça après le 13 juin. Alors, en fonction du score que nous ferons, nous verrons bien ce qu’ils feront. Il faudrait que les dirigeants des partis politiques en général, et ceux du RPR en particulier, se rendent compte que quel que soit le résultat des élections, dimanche prochain, l’ensemble des partis institutionnels représentés à l’Assemblée nationale, représenteront moins de 25 % du corps électoral. Comme il y aura 50 % d’abstentions, en admettant que 50 % des suffrages se portent sur les différents partis, ça fera 25 %. Ce qui veut dire que le fossé entre les citoyens et les partis politiques est considérable. Alors, ils devraient se préoccuper de voir quelles mesures devraient être prises pour combler ce fossé. Parce que, ça n’est pas une situation satisfaisante dans une démocratie. Quant au RPR, il devrait se demander ce qu’est un rassemblement. Ce n’est pas un endroit où on se menace, où on menace, où on exclut. C’est plutôt un mouvement, comme le mouvement gaulliste, qui doit s’élargir et pas se rétrécir. C’est ce que je souhaite pour lui. »
P. Lapousterle
Ceux qui voteront pour votre liste, vont-ils voter pour quelqu’un qui cherchera à l’intérieur du mouvement gaulliste d’en modifier le cours et la direction, ou bien quelqu’un, puisque vous avez toujours dit que vous continuerez, le 14 juin, ce que vous avez commencé avant, qui en dehors du mouvement gaulliste fera un parti nouveau ?
C. Pasqua
- « Non, il y a une chose certaine : je ne créerai pas un parti. Parce qu’un parti, ça divise. J’ajouterai que les Français en ont marre. Parce que le propre des partis, c’est de faire des promesses et puis, une fois qu’ils sont élus, de faire le contraire. Ce qui explique d’ailleurs la méfiance légitime des Français. »
P. Lapousterle
Vous êtes de plus en plus nombreux en politique à dire ça.
C. Pasqua
- « Mais moi, je le dis parce que je le pense profondément. Vous remarquerez que dans cette campagne, il y a deux listes qui affichent clairement la couleur : c’est Bayrou d’une part et Villiers et moi d’autre part ; et que les autres pratiquent plutôt la langue de bois et le double langage. »
P. Lapousterle
Donc pas de parti mais à l’intérieur du RPR…
C. Pasqua
- « On verra bien. De toute façon, il y aura un mouvement. Je créerai un mouvement pour défendre ces idées ou je développerai le mouvement qui existe. Ou on verra avec de Villiers ce qu’on fera. Mais de toute façon, l’action que nous avons entreprise pour défendre la souveraineté nationale et l’indépendance de la France aussi bien en France qu’à Bruxelles, nous la continuerons. »
P. Lapousterle
Vous avez reçu hier le soutien affiché de M. Gallo. S’il y avait une bataille présidentielle entre M. Chirac et Jospin, ce qui risque d’arriver, vous choisiriez qui ?
C. Pasqua
- « D’abord c’est une échéance un peu lointaine. Il faudrait d’abord demander à J. Chirac s’il entend se présenter et à M. Jospin s’il sera candidat. Mais naturellement, peut être y aurait-il un autre candidat. Je ne sais pas ce que fera Séguin. Mais de toute façon, si nous étions dans le cas de figure que vous venez d’indiquer, il est bien évident que je ne voterais pas pour Jospin. »