Déclaration de M. Michel Deschamps, secrétaire général de la FSU, sur les emplois-jeunes, l'échec scolaire et l'organisation de la FSU, à Paris le 17 septembre 1997, parue dans "Pour info" le 17 septembre.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse de la FSU, le 17 septembre 1997.

Média : Pour info

Texte intégral

A l’heure où notre société semble découvrir, presque avec étonnement, que les jeunes ont envie de travailler, qu’ils se saisissent de toutes les opportunités qu’on leur offre d’avoir un emploi – fut-ce un emploi « pas comme les autres » – qu’ils renoncent à beaucoup d’exigences et de garanties pourtant légitimes pour rompre avec la dépendance ou la gêne matérielle mais aussi avec le sentiment d’inutilité.

A l’heure des emplois-jeunes, est-ce que nous ne devrions pas – collectivement – interroger sur ce qui se joue, aujourd’hui, dans ce pays, autour de la place des jeunes, de la formation des jeunes, de l’insertion des jeunes ?

Ces questions sont à la fois trop graves, trop aiguës pour les aborder de façon globalisantes, abstraites.

C’est pourquoi, dès l’arrivée de nouveau ministre de l’Éducation nationale, nous avons souhaité que s’ouvre une négociation forte sur ce qui nous paraissaient être les vrais problèmes, les plus urgents.

Ces dossiers, je ne les reprends pas tous devant vous : nous vous les avons présentés lors de la dernière conférence de presse en juillet. Mais je voudrais cependant attirer votre attention sur ceci :

Allègre

Nous avions dit au ministre de l’Éducation nationale dès son arrivée rue de grenelle : « Pour nous, la priorité des priorités, c’est l’échec scolaire ». Nous lui avions dit : Nous pouvons faire reculer de façon significative l’échec lourd et les sorties sans qualificatifs, cela nous semble possible.

C’est un défi qu’on peut relever. On le peut si on a vraiment la volonté collective que l’école tout entière devienne une voie de promotion réelle, basée sur le travail et la réussite scolaire et non pas sur des critères sociaux. On le peut si tout le système éducatif est porté par une exigence de culture y compris dans les zones les plus difficiles (parce qu’à chaque fois qu’on baisse la barre des exigences, on rabaisse le regard que les jeunes concernés portent sur eux-mêmes).

On le peut, si on croise l’amélioration des conditions d’études, l’aide sociale, l’aide scolaire et le travail sur le contenu et les méthodes d’enseignement – plutôt que de les séparer – on le peut si les enseignants ont les moyens de diversifier leur pratique pédagogique. On le peut si nous pouvons travailler en équipe pluridisciplinaire. On le peut si la qualification professionnelle des personnels –  leur formation initiale et continue – grandit.

Nous avons dit cela. Qu’avons-nous eu comme réponse ? Depuis trois mois, aucune négociation véritable n’est engagée ! En revanche, nous avons eu le droit aux « petites phrases » que vous savez :
    - le dégraissage du Mammouth : on voudrait aujourd’hui nous faire croire que ce n’était pas dirigé contre l’Éducation nationale et ses personnels ;
    - la charge contre la co-gestion : on voudrait nous faire croire aujourd’hui que ce n’était pas dirigé contre le SNES et donc contre la FSU ;
    - l’attaque contre les congés maladie : on voudrait nous faire croire aujourd’hui que ce n’était pas dirigé contre les droits des salariés de l’Éducation nationale ;
    - La remise en cause des moyens de remplacement, évidemment pas dirigé contre la formation continue des enseignants.

Quel est le sens de ces provocations ? Qui peut croire qu’elles relèvent de maladresses ou d’excès de langage ? Quel sens a cette tentative de jouer l’opinion contre les enseignants, de faire en permanence des enseignants des boucs-émissaires. Qui ne peut pas voir la gravité de l’engrenage ainsi créé. C’est pourquoi, je veux dire ici, à Monsieur Allègre à travers vous, Mesdames et Messieurs les journalistes : « Cela suffit » Le ministre a franchi la ligne jaune ! Il ne peut feindre de croire qu’il va changer les choses dans l’Éducation nationale en s’en prenant aux personnels, en dénigrant leur engagement, en caricaturant leurs positions. Il ne peut continuer sans mettre en péril la position des enseignants dans leur classe, des personnels dans l’établissement, et ce dans leur travail au quotidien !

Je le dis très clairement, ici, à Claude Allègre : si ce jeu continue, si la négociation sur les transformations nécessaires du système éducatif reste impossible, si le conflit devient inévitable, si les chances de changement dans l’Éducation Nationale reculent... Vous en porterez la responsabilité.

Emplois jeunes

La FSU va être reçue prochainement par le Premier Ministre. Nous lui réaffirmerons notre volonté de voir le service public d’éducation changer et d’obtenir les moyens de ce changement. Nous ne lui dirons pas que cela !

Nous lui parlerons aussi du budget 98 et de l’emploi public. Nous lui parlerons des services publics dans la construction européenne. Nous lui parlerons de la protection sociale, des droits et libertés. Nous lui parlerons surtout de la jeunesse et de l’emploi des jeunes. Le débat pour nous n’est pas clos !

Pour nous, pour la FSU, la question de l’emploi des jeunes n’a pas commencé avec le débat parlementaire. Elle ne s’arrêtera pas avec lui ; elle ne fait que commencer !

Elle est avec la question de la réduction des inégalités dans et par l’école à mes yeux, une autre urgente priorité. C’est pour elle que la FSU avait organisé, le 23 mars dernier, une manifestation nationale réunissant à paris l’ensemble des organisations syndicales de l’éducation. Les parents, les organisations de jeunes. C’est pour elle que nous sommes activement intervenus depuis juin pour que le projet de loi Aubry soit nettement amélioré et pour que les conditions de la mise œuvre de emplois-jeunes permettent une insertion durable des jeunes.

Les trois syndicats de la FSU directement concernés, le SNES, le SUIPP, le SNETAA, viennent de prendre des dispositions communes pour accueillir les jeunes dans les établissements, aider à ce que tout se passe bien, peser pour que leurs droits soient respectés e leur avenir ouvert.

C’est cette volonté qui s’inspire toute la démarche FSU sur cette question des emplois-jeunes.

Je la résume en quelques mots :

1. La démarche des emplois-jeunes ne peut pas résumer la politique de l’emploi en direction des jeunes.

L’ouverture des emplois-jeunes ne peut se substituer à la relance d’une politique de création d’emplois dans le secteur privé comme dans le secteur public (et a fortiori se substituer aux emplois existants).

2. Transitoirement, limitée dans le temps, la démarche emplois-jeunes doit permettre d’insérer les jeunes, le plus rapidement possible dans un emploi véritable.

3. La rémunération des jeunes tient compte de leur qualification ; le contrat de travail qu’ils signent dès leur entrée comporte l’ensemble des garanties attachées au contrat de droit public.

4. Une formation complémentaire, intégrée au temps de travail, qualifiante, permet une insertion réussie au terme du contrat.

5. C’est dès la mise en place des premiers emplois-jeunes qu’il faut se préoccuper de la sortie réussie du système. Pour nous la réussite du dispositif ne se mesurera pas au nombre de jeunes candidat à l’entrée dans l’emploi mais au nombre de jeunes qui dans 5 ans auront un emploi stable.

C’est sur ces bases que nous avons rencontré des quinze derniers jours les organisations de jeunesse et constaté une totale convergence d’approche. C’est sur ces base que nous allons continuer à intervenir dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.

Nous avons au fond deux convictions, simples mais fortes.

Si nous rejetons toute logique qui conduirait à n’envisager l’emploi dans notre pays que sur le modèle statutaire Fonction publique, nous ne croyons pas que l’insertion professionnelle des jeunes doive obligatoirement ni même majoritairement passer par des CDD payés au SMIC.

C’est pourquoi, il faut relancer une vraie dynamique d’emplois qui impliquent d’autres choix économiques et sociaux. Nous participerons si cela se révèle possible à toute initiative interprofessionnelle qui irait dans ce sens. Nous prendrons toutes nos responsabilités pour casser le dogme du gel des emplois publics et obtenir dans le budget 98, des créations d’emplois.

C’est la meilleure façon de donner aux jeunes un vrai emploi, un vrai métier et pour la part d’entre eux qui travaillent dans la Fonction publique, un vrai statut.

Ce sont des propositions que nous débattons dans les journées banalisées que nous avons demandées au ministre. Il nous a donné sa parole – Elle doit être tenue.

Je voudrais terminer par la FSU : y a-t-il crise à la FSU ? Je veux sur cette question parler clair comme je l’ai fait sur Allègre ou sur les emplois-jeunes.

De quelle crise parle-t-on ?

La FSU, nous l’avons créée en 1993, dans les conditions difficiles que vous savez : celles de l’implosion de la FEN. En quatre années la FSU est devenue la première fédération de l’Éducation –  dans tous les secteurs d’enseignement, à l’éducation nationale mais également dans tous les ministères qui ont une activité éducative.

La FSU est également devenue la première fédération de fonctionnaires de la Fonction publique d’État. Les effectifs de chacun des 18 syndicats de la FSU ont progressé comme leurs résultats à l’ensemble des élections professionnelles.

Dans la perspective de notre prochain congrès, trois syndicats nouveaux demandent soit à adhérer, soit à être associés, soit à se rapprocher de la FSU.

Enfin la FSU qui a joué le rôle que vous savez dans les grandes mobilisations sociales des quatre années passées : révision de la loi Falloux – CIP – Mouvement social de décembre 95 a proposé la mise en place d’un lieu permanent, de rencontre, d’échange et de construction d’initiatives unitaires qui a été accueilli de façon positive par un nombre très significatif d’organisations syndicales.

Convenez avec moi que ce bilan n’est pas tout à fait un bilan de crise ou qu’il s’agit pour le moins d’une crise de croissance.

Mais je veux aller plus loin dans l’analyse.

La FSU s’est dotée de règles de vie un peu curieuses, originales en tous cas dans le syndicalisme français -mais ces règles sont la garantie de principes auxquels nous tenons par dessous tout.

1. La FSU est une fédération de syndicats nationaux parce que c’est la voie de l’efficacité – parce que le syndicat national est, dans les conditions du syndicalisme français d’aujourd’hui, le point d’ancrage, de référence de mobilisation première, naturel aux syndiqués.

Fédération de syndicats nationaux la FSU garantit évidemment à chaque syndicat national le respect de son champ de syndicalisation et de ses mandats. C’est pourquoi, le SNETAA a totalement sa place dans la Fédération qu’il a contribué à créer. C’est pourquoi, je pense qu’il n’y a pas actuellement un seul mandat de la FSU en matière d’Éducation nationale, Fonction publique, de droits sociaux qui contredisent les intérêts du SNETAA. Et s’il y a un problème dans le fonctionnement interne – et il y en a eu, évidemment, forcément la FSU est assez mûre pour qu’on en discute tranquillement.

2. La FSU a fait de l’unité son emblème, parce que nous pensions que la divisions qui affaiblit aujourd’hui tellement le syndicalisme français pouvait et devait reculer. Depuis quatre ans nous avons cherché à nouer des relations intersyndicales avec tout le monde sans relations privilégiées et sans exclusive. Nous avons dit clairement que nous rejetons la politique es camps si pesante à l’automne 95 : CFDT – UNSA d’un côté – FO – CGT de l’autre.

Les initiatives que nous avons prises ou que nous allons prendre n’ont qu’un but : faire reculer la division – permettre au syndicalisme français de retrouver la voie de l’unité. Ces positions sont claires. Elles débouchent sur des propositions de rencontres, sur les lieux de travail, sur les coordinations sans doute. Elles ne passent pas par des structurations. Elles n’ont rien à voir avec une quelconque logique de recomposition syndicale.

B. Pabot sait tout cela. Les textes préparatoires au Congrès sont discutés dans la Fédération. Ils vont être publiés. Ils seront proposés à la décision du Congrès.

3. La FSU a choisi d’être pluraliste, c’est-à-dire de regrouper en son sein des syndicats différents, des représentants des courants de pensée qui ont traditionnellement traversé le syndicalisme français, des catégories professionnelles différentes. Tout cela n’est pas toujours facile à faire vivre, mais c’est le choix de la diversité. C’est le choix de la richesse des échanges, des débats, des contradictions même. Et nous ne voulons pas y renoncer. Et nous avons donc le courage de dire à B. Pabot et à la direction du SNETAA qu’il y a là une ligne à ne pas franchir. Nous qui avons subi, à la FEN, les procès et les exclusions, nous ne pouvons le reproduire à la FSU. Le SNETAA doit accepter la diversité et le pluralisme, renoncer à la stratégie de l’exclusion, cesser de mettre un barrage à l’expression de la diversité, au débat d’idée, à la vie des courant de pensée.

Mais ceci posé et clairement posé qu’est-ce-qui empêche d’engager le dialogue ? La FSU veut contribuer à faire émerger un syndicalisme moderne, très à l’écoute de la demande sociale, soucieuse de transformations concrètes… Qui empêche la direction du SNETAA de continuer à y participer ?

Et s’il y a de vrais problèmes quel meilleur lieu que le Congrès pour les régler et que moyen que le dialogue pour le préparer ?

De toutes façons rien de tout cela ne va nous arrêter – Qu’allons-nous faire face aux grands rendez-vous des prochaines semaines :
    - La mise en place des emplois-jeunes ;
    - La préparation du budget 98 ;
    - La négociation Fonction publique (salaires-emplois-RTT…).

Notre bureau fédéral a décidé de proposer à notre conseil national des 23 et 24 septembre trois axes.

1. Permettre à nos collègues, aux personnels de s’exprimer, d’intervenir, à travers notamment une consultation que nous organiserions face à ce qui se passe actuellement au MEN.

2. Continuer notre écoute de l’opinion cela pourrait être à travers une dizaine de forums décentralisés sur l’Éducation.

3. Décider d’une initiative nationale d’action dans les prochaines semaines.

Voilà ou en est la FSU. Voilà ce qu’elle pense sur quelques questions d’actualité. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.