Texte intégral
France 2 - 4 juin 1999
F. Laborde
Français et Allemands sont maintenant convaincus que la paix est là. Est-ce qu’on n’est pas un peu trop optimiste si on compare par exemple avec la réaction des Américains et des Britanniques ?
F. Hollande
- « C’est un pas décisif et il ne faudra pas poser de nouvelles conditions ou avoir des exigences nouvelles, parce que je crois qu’on ne serait pas dans le processus. Les Serbes ont accepté ce qu’on leur demandait. Il reste bien sûr à s’assurer de l’application, c’est-à-dire le retrait de leurs forces du Kosovo et la fin de l’épuration ethnique, parce que dans les jours qui viennent, ils pourraient aussi essayer de marquer un avantage là-dessus, sur ce terrain. »
F. Laborde.
Se retirer en brûlant tout sur leur passage ?
F. Hollande
- « Exactement. C’est pour cela qu’il faut maintenir la pression. Mais nous devons considérer que le vote du Parlement serbe, la décision de Milosevic – certains ont parlé de « capitulation » – c’est l’acceptation de toutes les conditions qui avaient été posées, et donc nous sommes dans un processus qui ne s’arrêtera pas et qui conduit vers la paix. C’est une victoire pour tous ceux qui avaient été heurtés par cette politique scandaleuse, honteuse, d’épuration ethnique. Mais c’est une victoire pour l’Europe, qui a été cohérente, fidèle à ses principes, qui a été présente dans le conflit et qui doit maintenant être présente dans la sortie de ce conflit, c’est-à-dire dans la préparation de la paix et dans l’installation durable de la paix. C’est cela l’enjeu maintenant pour l’Europe. »
F. Laborde
Pour l’instant, on n’arrête pas les bombardements ?
F. Hollande
- « On devrait aller vers l’arrêt des bombardements dans les jours qui viennent si les Serbes se retirent à l’évidence du Kosovo. Quand je dis « se retirent », c’est-à-dire retirent leurs troupes de répression. Alors, à ce moment là, il n’y a plus d’utilité aux frappes. Donc on est dans une phase où, progressivement, à mesure que l’ONU va être saisie, parce que tout cela doit revenir vers l’ONU, c’est le Conseil de sécurité qui doit valider. A partir de là, les frappes pourront s’arrêter. Il y a encore un moment où il faut faire la pression décisive pour marquer la détermination des alliés, des Européens, pour que les Serbes et leur régime ne massacrent plus au Kosovo. »
F. Laborde
Vous employez le terme de « capitulation ». Cela veut-il dire que le régime de Milosevic est gravement affaibli à votre sens et que, même s’il n’est pas évoqué dans cet accord, l’avenir de Milosevic est obéré ?
F. Hollande
- « Il est, me semble-t-il, menacé parce qu’il a fait subir à son pays 70 jours de conflit, de frappes sur les populations civiles, sur des victimes totalement innocentes des actes de son régime. C’est vrai qu’on lui demandera des comptes mais d’abord dans son pays. Ce n’est pas à nous de dire aux Yougoslaves : « faites votre choix comme nous, nous le proposons. » Mais : « c’est à vous de dire si vous avez envie de garder celui qui vous a mis dans cette situation, qui vous a affaiblis, qui vous a atteints gravement dans votre honneur, qui vous a imposé des bombes, tout cela pour arriver aux conclusions qui existaient au mois de janvier, au moment du processus de Rambouillet ». La France et l’Angleterre avaient voulu, une solution pacifique, une solution diplomatique. C’est Milosevic qui l’a refusée pour l’accepter 70 jours après, après tant de crimes, tant de massacres et puis tant de violences sur sa propre population. Oui, je suppose qu’il sera appelé à la responsabilité par son peuple ».
F. Laborde
On s’est rendu compte dans cette affaire que l’Europe avait besoin quand même d’être épaulée, pour ne pas dire plus, par les États-Unis. Cela reste quand même une victoire européenne ?
F. Hollande
- « C’est une victoire politique de l’Europe, mais ce n’est pas une victoire, si je puis dire, militaire de l’Europe. II faut en tirer les leçons. Nous avons dit très tôt, nous, les socialistes – parce que nous avons plus de responsabilité en Europe – qu’il faut maintenant accélérer. Vous avez vu, il y a eu une rencontre d’abord entre T. Blair et L. Jospin, était au mois de janvier. Pour la première fois, les Anglais ont accepté d’aller vers une Europe de la défense un peu plus éloignée des États-Unis d’Amérique. Et puis, récemment, à Toulouse, G. Schröder et L. Jospin ont évoqué un corps européen d’intervention qui nous aurait permis, par exemple au Kosovo, de prévenir peut-être la crise, de l’empêcher, et puis peut-être aussi de la dénouer s’il le fallait, sans le recours exclusif. Cela ne veut pas dire qu’on n’ait pas d’alliés, les, Américains restent nos alliés. Mais enfin, on a vécu une pression assez forte des Américains au sein de l’OTAN. Je crois qu’il faut qu’on en tire les leçons parce qu’il y va de l’honneur de l’Europe, de la dignité de l’Europe et puis aussi de son indépendance. »
F. Laborde
L’Europe va se doter d’un Monsieur politique extérieure et de sécurité commune, un Monsieur PESC qui sera le visage de l’Europe vis-à-vis des autres interlocuteurs. Qu’est-ce que cela va changer concrètement ?
F. Hollande
- « Là aussi, c’est un pas important. Il va y avoir en Europe un responsable de la politique extérieure et de sécurité commune de l’Europe. Il faut que ce soit une personnalité politique forte d’ailleurs. »
F. Laborde
Ce sera sans doute Monsieur J. Solana ?
F. Hollande
- « On en parle. Mais c’est en ce moment, je crois, que cela se décide. Donc, il faut que les chefs de gouvernement puissent investir, un homme ou une femme – allons jusqu’au bout de la parité – pour qu’elle ou qu’il incarne cette politique extérieure commune. Mais, et cela ne suffirait pas, il faut qu’il y ait des stratégies communes, il faut qu’il y ait des moyens communs pour une fois que des principes politiques ont été définis, une fois que des choix ont été faits, qu’ensuite, on puisse assurer leur bonne exécution. C’est une première étape d’une politique extérieure, mais une politique extérieure n’est forte que si elle est accompagnée de moyens militaires. »
F. Laborde
Concrètement, cela veut dire que l’Europe va continuer à suivre ce qui se passe sur les Balkans ? Cela veut dire que l’Europe va se préoccuper de ce qui se passe au Kosovo, qu’il y aura un protectorat au Kosovo géré par les Européens ?
F. Hollande
- « Je pense qu’il n’y aurait rien de pire que d’avoir voulu arrêter un conflit – l’Europe l’a tenté –, de l’avoir finalement gagné et puis ensuite de se désintéresser de la situation des Balkans – pas simplement du Kosovo. Le rôle de l’Europe, maintenant, c’est d’assurer la stabilité politique et l’aide économique à ces pays parce qu’en définitive, les dictateurs prospèrent sur la misère et le désarroi des peuples. C’est pour cela que nous avons proposé une Conférence sur les Balkans qui justement, permettrait à l’Europe d’assurer la stabilité politique puis le soutien au développement de ce pays. »
F. Laborde
Avez-vous le sentiment que ce dénouement heureux, pour l’instant en apparence, au·Kosovo, peut inciter les Français à voter davantage aux élections européennes parce qu’on a le sentiment que l’abstention est encore très forte ?
F. Hollande
- « Je ne crois qu’il faille rapprocher les deux événements. Les Français doivent comprendre que l’Europe peut peser, peut jouer un rôle. Elle n’en joue pas suffisamment. Et puis, l’Europe c’est fait pour la sécurité, pour la paix. C’est quand même le produit de ce qui a été engagé il y a maintenant cinquante ans. Mais l’Europe doit aussi servir les Européens. C’est pour cela que nous mettons l’accent dans cette campagne et je crois que c’est suffisamment important pour qu’on s’y intéresse, sur l’emploi et sur le social, parce que ce sont les manques cruels de l’Europe. »
LIBERATION - 7 juin 1999
Libération
La paix au Kosovo influence la fin de la campagne ?
F. Hollande
Cette campagne a commencé avec la guerre au Kosovo, elle va s’achever avec la paix. L’Europe est sortie renforcée de cette épreuve. Elle a pris ses responsabilités en recourant à la force. Elle a contribué à l’issue diplomatique. C’est elle qui va permettre le retour des réfugiés et aider à la reconstruction des Balkans. Elle doit néanmoins tirer une leçon : celle de mettre enfin en place une capacité autonome de défense. C’est un enjeu de la campagne. L’autre, c’est de mettre l’emploi et le social au cœur de la construction européenne.
Libération
Faire campagne à l’ombre du bilan de Lionel Jospin, cela vous a rendu la tâche facile ?
F. Hollande
Se réclamer de l’action du gouvernement de Lionel Jospin ne me paraît pas être un handicap pour la tête de liste que je suis ! Je ne vois pas pourquoi j’essaierais de prendre mes distances à l’égard d’une politique qui emporte la confiance des Français, même s’il reste beaucoup à faire et s’il faut prolonger nos efforts à l’échelle européenne.
Libération
Croyez-vous avoir fait passer dans cette campagne une touche personnelle ?
F. Hollande
Quoi qu’il advienne, je ne sortirai pas de cette campagne comme j’y suis entré. Une chose est d’être porté à la direction d’un parti, au lendemain d’une victoire électorale, une autre est d’affronter le suffrage universel dans un scrutin réputé comme le plus difficile de tous. Je sens dans les meetings naître une reconnaissance, mais beaucoup dépendra du résultat lui-même. Si j’arrive en tête le 13 juin, ce sera la première fois que la liste socialiste y parviendra depuis 1979. On dira que mon mérite est relatif puisque la droite est divisée, mais il fallait marquer ce point décisif dans le débat gauche-droite, et peut-être aussi dans la cohabitation.
Libération
En clair, cela renforcera Lionel Jospin par rapport à Jacques Chirac ?
F. Hollande
Mon objectif est d’abord de faire une campagne utile pour l’Europe, qui ne peut rester un grand marché et une monnaie. Maintenant, si nous finissons les premiers au soir du 13 juin, ce sera l’un des éléments du débat post-électoral et une manière de peser dans le rapport de force en faveur du Gouvernement, même si nous ne sommes pas les seuls dépositaires de la marque.
Libération
Lionel Jospin en profitera-t-il pour s’attaquer aux dossiers qu’il garde sous le coude, comme celui des retraites ?
F. Hollande
Le scrutin européen est toujours redoutable. L’an dernier, nous pouvions craindre que la droite n’en fasse sa revanche des législatives, que la gauche n’éclate à cause du scrutin proportionnel et que Jacques Chirac ne se saisisse – d’une manière ou d’une autre – de cette occasion. Et c’était aussi un anniversaire, deux ans, qui semble être une fatalité de notre vie politique, puisque depuis 1991 aucun Gouvernement n’a dépassé ce cap. Je suis convaincu que nous allons surmonter ces épreuves et faire des élections européennes une manière de renforcer l’action réformatrice de Lionel Jospin. Il y a encore beaucoup à faire dans la lutte contre le chômage, les inégalités, dans le renforcement du pacte républicain, dans la réforme de la fiscalité (assiette des cotisations sociales, baisse de la TV A...). Et il conviendra aussi de faire des choix en matière de retraite qui n’ont pas besoin d’être présentés dans un contexte catastrophique.
Libération
Les Verts et le PC n’ont pas apprécié d’être écartés du bilan Jospin.
F. Hollande
Il ne tient qu’à eux de le défendre. Ils le font d’ailleurs chacun à leur façon. Si nous avions fait campagne ensemble, c’eût été une belle façon de marquer nos convergences. C’était difficile pour les communistes qui n’y sont pas encore prêts, c’était davantage possible pour les Verts qui ne l’ont pas voulu. En tout cas, si je me bats pour ma liste, je souhaite également – et c’est ce qui nous distingue de la droite – que les Verts aient des élus et que le PC fasse mieux qu’en 1994. Je suis dans une dynamique de gauche plurielle. Je ne me suis livré, dans cette campagne, à aucune attaque, aucune petite phrase contre nos partenaires.
Libération
Avec la campagne qui s’achève, c’est Cohn-Bendit qui s’en va. Content ?
F. Hollande
Ce n’est pas moi qui ai dit qu’il fallait le mettre, après le 13 juin, dans un train pour Bruxelles...
Libération
Vous ne le regretterez pas ?
F. Hollande
Je pense que tous les talents dans la gauche plurielle sont les bienvenus.
Libération
Cela n’a pas été trop difficile de faire campagne avec lès amis de Jean-Pierre Chevènement, malgré vos désaccords sur l’Europe ?
F. Hollande
Le sujet essentiel ne porte pas sur les institutions européennes qu’il faudra néanmoins renforcer, mais sur l’Europe sociale et sur l’emploi. Et nos alliés ont accepté l’ensemble du programme des socialistes européens. Que demander de plus ? Nous avons voulu répondre à la seule exigence : comment faire pour que le marché ne prenne pas toute la place ?
Comment faire pour que les 16 millions de chômeurs aient au plus vite un avenir professionnel ? Comment donner une dimension sociale à l’union des Quinze ?
Libération
Après les élections, vous allez pousser les chevènementistes et le PRG à fusionner avec le PS ?
F. Hollande
Non. Nous devons à la fois être ouverts et refuser l’hégémonie dont on nous accuse parfois. Nous ne pratiquons pas la « fusion-acquisition ». La majorité plurielle permet la cohérence et la diversité, elle ne doit pas se transformer en une machine à uniformiser.
RTL - 8 juin 1999
O. Mazerolle
La paix au Kosovo : les Russes bloquent en disant qu’il faut arrêter les bombardements.
F. Hollande
- « Il faut d’abord gagner la paix en maintenant la pression militaire qui est indispensable, sinon on voit bien que Milosevic continuera à essayer de gagner du temps ou à jouer de nos éventuelles divisions. Et, deuxièmement, il faut aller au plus vite -–et de ce point de vue nous sommes d’accord avec les Russes –, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, pour qu’une résolution soit prise. »
O. Mazerolle
Oui, mais ils disent qu’il faut arrêter les bombardements.
F. Hollande
- « C’est tout le sujet. Est-ce qu’il faut arrêter les bombardements, avant d’aller devant le Conseil de sécurité ou aller devant le Conseil de sécurité pour, enfin, permettre l’arrivée d’une force d’interposition qui elle même garantira le retour des réfugiés. Et à ce moment-là, les bombardements n’auront pas de place, bien évidemment. Mais ce que nous devons dire, c’est que s’il n’y a plus la pression militaire, s’il n’y a plus la menace militaire, on sait trop comment fait Milosevic. C’est ce qui s’était produit il y a maintenant quelques mois. »
O. Mazerolle
Oui, mais le problème, ce sont les Russes.
F. Hollande
- « Comme l’a dit H. Védrine, je crois qu’on doit continuer à les convaincre. Et si on va très vite devant le Conseil de sécurité, aujourd’hui ou demain, alors, cette condition russe, à mon avis, sera levée. Mais vraiment, on est dans un moment où il faut à la fois saisir toutes les occasions diplomatiques – et les Russes peuvent nous y aider en allant devant le Conseil de sécurité –, et en même temps, continuer à avoir une menace. Sinon, sans menace, on sait très bien qu’on peut repartir pour encore quelques semaines et ça, ni pour les réfugiés, ni pour la population serbe, ce n’est acceptable. »
O. Mazerolle
Les poulets à la dioxine : beaucoup de gens se demandent si on peut se nourrir de façon saine. Qui a failli dans cette affaire ? L’Europe ou les différentes nations ?
F. Hollande
- « Ce sont d’abord des entreprises qui ont failli. Il faut quand même bien le dire. Il y a des fraudes en Belgique, on même vu qu’il y avait un cas de fraude en France. C’est-à-dire qu’il y a des entreprises qui, pour la recherche du profit ou tout simplement par malveillance ou par indifférence à l’égard de la santé d’autrui, utilisent des produits, des farines animales contaminées par la dioxine. Donc, nous sommes d’abord devant un cas de fraude. Ensuite, que faut-il faire ? Cette affaire de poulet à la dioxine nous pose deux problèmes. Le premier c’est la nécessité de renforcer les contrôles européens. Il faut une agence de sécurité sanitaire et alimentaire à l’échelle de l’Europe, c’est la proposition que je fais. Deuxièmement, il faut sans doute à terme, interdire les farines animales. C’est quand même elles qui nous ont mis déjà dans l’incident, l’accident même, de.la vache folle. »
O. Mazerolle
Mais pourquoi ne prend-on pas cette décision ? Ca fait quand même un certain nombre d’années.
F. Hollande
- « J’ai toujours été favorable à cette position, mais jusqu’à présent, les experts disaient : « ce n’est pas parce qu’il y a eu un cas – la vache folle – que pour autant c’est dangereux.» Et puis il y a tout le·problème de ce qu’on fait des carcasses. Bref, peut-être qu’il y a des raisons industrielles, peut-être qu’il y a des raisons économiques, mais aujourd’hui, il y a des risques. Même s’ils sont minimes, nous n’avons pas le droit de prendre le moindre risque quant à notre alimentation. C’est pourquoi je propose qu’on interdise les farines animales. Donc, il y a des contrôles européens qu’il faut renforcer, il y a des produits qu’il faut interdire. Mais nous sommes devant une dérive du modèle d’agriculture. Il y a à la fois le souci d’avoir des agricultures industrielles, productivistes, qui écrasent les prix et un système de distribution qui veut les prix les plus bas. Et donc, nous devons – et c’est un problème à la fois européen et français, mais surtout européen –, développer un autre modèle d’agriculture. Certes, il faut avoir la compétitivité nécessaire, mais il faut avoir les garanties de qualité, les labels. »
O. Mazerolle
Sujet sensible en France.
F. Hollande
- « Oui, mais il faut quand même poser cette question. Il y a une nécessité de défendre la qualité, de retrouver la trace des produits, d’assurer une certaine sécurité, mais j’allais dire une totale sécurité pour le consommateur. Et c’est pourquoi, nous avons fait – nous, les socialistes et le Gouvernement de L. Jospin – une loi d’orientation agricole qui défendra ce principe d’une agriculture de qualité. »
O. Mazerolle
Et vous attendez que l’Europe prenne le relais ?
F. Hollande
- « Il faut que l’Europe pose des conditions telles, des normes telles de fabrication et de production que cette agriculture de qualité puisse être la seule qui soit véritablement aidée. Est-ce qu’il est normal que la plupart des aides à l’agriculture soient toujours dirigées vers de très grandes exploitations à caractère productiviste, industriel alors que ce sont les exploitations ... »
O. Mazerolle
Souvent à la demande de la France !
F. Hollande
- « Bien sûr, il y a des lobbies agricoles qui existent. Dans certains cas, ça ne pose pas de problème quand il s’agit d’avoir plus de production avec les respects de la qualité. Personne ne s’en plaindra el je crois que c’est normal : il vaut mieux produire davantage dans la qualité que produire moins sans la qualité. Mais il faut avoir une conception de l’agriculture. Donc c’est un problème européen : des normes, des contrôles, une agence de sécurité sanitaire, l’interdiction sans doute des farines animales mais aussi une conception de l’agriculture. »
O. Mazerolle
La gauche en Europe n’arrive pas à s’entendre sur l’Europe sociale. A Cologne, L. Jospin s’est fait retoquer sur les grands travaux, sur la réduction du temps de travail, sur les objectifs de croissance.
F. Hollande
- « Ce n’est pas tout à fait vrai. On va essayer de trier ce qui est juste et ce qui l’est moins. Ce qui est juste c’est que nous avons, depuis deux ans, réorienté la construction européenne. C’est-à-dire que L. Jospin, dès qu’il arrive à Matignon dit : « je ne signe le Traité d’Amsterdam que s’il y a un sommet sur l’emploi.» Ca a été Luxembourg. A Luxembourg, en novembre 1997, chaque pays a été obligé pour la première fois, de déposer un pacte national pour l’emploi, de dire ce qu’il pouvait faire en matière de lutte contre les chômages des jeunes, lutte contre le chômage de longue durée. C’est un acquis. Ensuite, nous avons dit : « il faut un pacte européen pour l’emploi.» Et je ne cesse de le dire dans la campagne que je mène. Pacte européen pour l’emploi, ça a été l’objet du Conseil européen de Cologne. Qu’est-ce qu’on obtient à Cologne ? On obtient pour la première fois le fait qu’il y aura une conférence sociale deux fois par an avec tous les partenaires sociaux – syndicats, patronats, Banque centrale européenne, Gouvernements européens – pour savoir quels sont les objectifs que l’on peut poursuivre en matière d’emploi et de croissance. Deuxièmement, en matière de grands travaux, vous savez qu’on est très attaché nous à cette notion de grands travaux pour créer de l’emploi. On obtient déjà 3 milliards d’euros pour les nouvelles technologies. C’est très important parce que ça nous permet de rattraper notre retard, notamment en matière de technologie de l’information, par rapport aux États-Unis. Troisième point que l’on obtient : l’harmonisation fiscale, éviter qu’il y ait du dumping fiscal – dans certains pays, il y a des taux d’impôt sur les sociétés trop faibles –, et on obtient la baisse de la TVA sur un certain nombre de produits. C’est quand même très important. »
O. Mazerolle
Mais la France est la seule à imposer par la loi la réduction du temps de travail. Cela n’affaiblit-il pas la compétitivité de ses entreprises dans une Europe ouverte ?
F. Hollande
- « Nous ne sommes pas, pour l’instant, suivis sur deux sujets, vous avez raison le temps de travail, les 35 heures, et sur l’objectif de croissance. J’y reviens. Les socialistes européens acceptent l’aménagement du temps de travail. Ils disent : « vous avez les 35 heures, nous avons d’autres solutions » ; notamment le temps partiel aux Pays-Bas ou les congés formation. C’est la bonne méthode. Chacun peut se fixer un objectif de réduction du temps de travail et chacun peut trouver .... »
O. Mazerolle
On n ‘affaiblit pas la France avec ça ?
F. Hollande
- « On a fait une réforme des cotisations sociales justement pour baisser les charges sociales .des entreprises qui vont créer des emplois et prélever davantage sur celles qui font des bénéfices. Je crois que c’est un bon mécanisme pour favoriser la création d’emplois. Deuxièmement, à nous de démontrer, avec les 35 heures – puisque c’est nous qui avons promu cette idée –, que ça peut marcher. Et c’est tout l’enjeu de la deuxième loi. Il faut être suffisamment souple pour qu’il y ait de la négociation, c’est ce que nous souhaitons et en même temps, suffisamment contraignant pour que les entreprises rentrent… »
O. Mazerolle
Vous ne vous sentez pas isolé en Europe ?
F. Hollande
- « Les Italiens nous suivent, d’autres ne nous suivent pas. Je fais quand même observer que les Allemands sont en-dessous de 35 heures, ainsi que les Hollandais. Donc ça prouve quand même que le processus est, en marche. Deuxièmement, sur la croissance, c’est vrai que nous sommes aujourd’hui le pays qui fait le plus de croissance et que certains pays nous disent : « on ne peut pas vous suivre.» Alors, on essaye de leur dire : « écoutez, votre intérêt, c’est qu’il y ait le plus de croissance en Europe parce que ça fera le plus d’emplois.» Les élections européennes ça sert à ça. Ça sert au fait que nos idées, en France et en Europe, doivent être défendues. Ce que je demande, c’est qu’on soutienne la liste que je conduis parce que cette idée d’une Europe de l’emploi et d’une Europe sociale, on doit la porter y compris dans le mouvement socialiste européen. »
O. Mazerolle
Objectif : plus de 20 points ?
F. Hollande
- « Objectif : arriver en tête et plus de 20 points si c’est possible. D’ailleurs, pour arriver en tête, il faut essayer de faire plus de 20 points. Mais je ne veux pas fixer un objectif. Pour moi et pour les socialistes, je fixe un objectif : pour le pays et pour l’Europe, il faut mettre l’Europe au niveau de ce qu’on attend d’elle, c’est-à-dire l’emploi, la croissance et le social. »