Texte intégral
Tous ceux qui participent à l'Union sacrée pour le bombardement de la Serbie et du Kosovo se posent en défenseurs du peuple kosovar. Pire, ils cherchent à imposer l'idée que ces bombardements, voire une intervention militaire terrestre des puissances occidentales, seraient la seule façon d'être du côté du peuple kosovar, soumis à la terreur de l'épuration ethnique, et qu'exprimer son opposition serait prendre le parti des bourreaux contre les victimes. Les plus stupides ou les plus cyniques des va-t-en-guerre vont jusqu'à affirmer comme une vérité révélée que s'opposer à la guerre aérienne menée par l'Otan, c'est soutenir Milosevic.
Le chantage contenu dans cette argumentation ne mérite que du mépris. N'en déplaise à ceux qui le répètent, l'infamie de la purification ethnique justifie d'autant moins les bombardements 'que ce qui était prévisible hier est patent aujourd'hui : les bombes qui rendent responsables le peuple serbe des crimes de ses dirigeants aggravent en même temps le sort de la population albanaise du Kosovo.
Milosevic est un dictateur sanguinaire et sa politique de purification ethnique est la pire qui soit dans ces Balkans aux peuples entremêlés.
Mais non seulement les bombardements n'empêchent pas Milosevic de chasser la population albanaise, ils lui donnent aussi des moyens politiques supplémentaires pour le faire. Les bombes qui détruisent des ponts, des centrales électriques, des usines y compris loin du Kosovo, et qui touchent la population civile, favorisent les éléments les plus chauvins en Serbie et leur donnent le prétexte de museler toute opposition à Milosevic, réduite de toute façon au silence au nom, précisément, du chantage: c'est eux ou nous.
Comment prétendre que la raison de l'intervention des grandes puissances est de faire respecter le droit du peuple kosovar à disposer librement de lui-même, alors que les accords de Rambouillet, dont le refus par Milosevic a servi de prétexte à la guerre, nient explicitement ce droit, en refusant formellement aux Kosovars le choix de l'indépendance ou celui du rattachement à l'Albanie ?
Comment penser que les grandes puissances pourraient éteindre le feu qui embrase la région, alors qu'elles n'ont fait jusqu'à présent que l'attiser ?
Car la responsabilité des grandes puissances est écrasante dans la situation catastrophique des Balkans. Il ne s'agit pas seulement de leur responsabilité historique, de tous ces traités imposés de l'extérieur, faisant et défaisant les frontières de la région en fonction des rapports de forces entre puissances occidentales rivales, il s'agit également des pillages parles capitaux occidentaux et des interventions guerrières périodiques, qui sont la cause majeure de l'impossibilité pour cette région de l'Europe, de sortir de la pauvreté, de l'oppression et de la violence ethnique.
Mais, plus récemment, les grandes puissances ont encouragé ceux qui poussaient à l'éclatement de cette Yougoslavie qui n'était certainement pas un modèle sous Tito, mais où, au moins, les peuples avaient coexisté, se sont mélangés, et où on pouvait ignorer son « ethnie » pour être simplement yougoslave. Elles ont contribué à imposer comme frontières d'Etat des limites administratives en créant une situation où pratiquement chacun des peuples se voyait, selon les pays, en partie ou pour certains en totalité, réduit au rang de minorité opprimée. Il ne restait plus aux démagogues nationalistes et aux bandes armées, ultra qu'à exacerber les nationalismes, à creuser un fossé de sang et de haine. En jouant les cliques nationalistes les unes contre les autres, les grandes puissances n'ont cessé de jeter de l'huile sur le feu. La seule raison des bombardements de l'Otan est d'imposer l'ordre mondial des grandes puissances et d'amener Milosevic à être plus obéissant à cet ordre. Le peuple kosovar n'a rien à attendre des grandes puissances, même pas une aide conséquente et rapide dans l'exode. Quel cynisme de voir le gouvernement de la gauche plurielle refuser l'accueil aux victimes de l'épuration ethnique. Elles feront malheureusement l'expérience que les dirigeants occidentaux finiront par s'entendre avec Milosevic, ou au mieux avec un successeur du même acabit XXX comme ils l'ont fait en Bosnie, organiser un découpage territorial de XXX le rapport de forces créé sur le terrain sûr le cadavre de XXX sont morts, des Albanais victimes des paramilitaires comme des Serbes victimes des bombes de l'Otan, foulant par l'occasion aux pieds le droit du peuple kosovar à disposer librement de lui-même.
Alors, oui au droit des Albanais du Kosovo, comme de tous les peuples des Balkans, à disposer d'eux-mêmes; oui au droit de toutes les minorités d'être traitées au même titre que, la majorité, avec toutes les libertés démocratiques que cela implique. Oui surtout à la coexistence fraternelle entre les peuples, car cette coexistence, le mélange, est une richesse potentielle. Mais cela ne pourra se réaliser ni avec les cliques nationalistes au pouvoir dans les Etats, ni' sous le diktat des grandes puissances, mais contre les unes comme les autres.
Nous devons aider à la mobilisation la plus large des peuples, pour imposer :
- l'arrêt des bombardements et le refus de l'intervention terrestre de l'Otan ;
- l'arrêt de la politique de purification ethnique de Milosevic ; le retrait des troupes serbes du Kosovo ;
- l'autodétermination du peuple du Kosovo, dans le respect des droits des minorités qui y vivent.