Articles de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, dans "Force Ouvrière Hebdo" le 7 novembre 1997, sur la préparation des élections prud'homales et sa candidature à Paris.

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Circonstance : Elections prud'homales le 10 décembre 1997

Média : FO Hebdo

Texte intégral

Il y a maintenant de nombreuses années, plus de trente ans, un militant syndical, qui aura laissé un nom dans l’activité prud’homale, Lucien Laze, m’expliquait que celui (le candidat) qui n’avait jamais défendu un camarade devant un Conseil de Prud’homme n’était pas complet, qu’il lui manquait quelque chose, une expérience déterminante selon lui. Pour l’avoir quelque fois assisté en préparant des dossiers, je crois qu’il avait raison.

Est-ce en pensant à cela que j’ai demandé à l’Union départementale de Paris de me présenter lors du renouvellement des Conseils en décembre 1997 ? Peut-être. Ou est-ce le constat journalier des violations du code du travail et des conventions collectives qui m’ont guidé dans ma volonté de faire respecter de que nous avons négocié ?

Je ne sais, c’est peut-être les deux. Cela étant dit, pour le secrétaire général de FO, être candidat aux élections prud’homales, dans la section encadrement, revêt plusieurs significations dont, en priorité, la volonté de participer activement, et sur le terrain, à la campagne prud’homale à partir des raisons que je précise dans l’éditorial de ce journal.

C’est sur la notion de cadre que je voudrais maintenant centrer mon propos. C’est un lieu commun de dire qu’être cadre aujourd’hui n’est pas une position toujours facile. Deux exemples éclairent plus précisément les difficultés : la durée du travail et la notion de confiance, liée à celle de compétence.

En matière de durée du travail, nombre de cadres sont conduits à ne plus pouvoir compter leurs heures, nombre d’entre elles sont forfaitées. Disponibles, ils doivent être, et ils le sont, parfois même le week-end. Très souvent leur vie privée se trouve réduite à la portion congrue. Ramenée à l’heure de travail, leur rémunération apparaît brutalement beaucoup plus modeste. Dans ces conditions, comment peut-on, comme certains, demander aux cadres de voir leur rémunération amputée au nom du partage du travail et des revenus ? Pour les cadres, la réduction de la durée du travail, pour avoir un sens concret, doit prioritairement s’orienter vers les quatre jours par semaine ou les congés supplémentaires. Le reste n’est bien souvent qu’illusion. De même, combien de cadres, femmes ou hommes, n’ont pas la possibilité d’opter pour un temps partiel, ne serait-ce que temporairement, leurs employeurs interprétant ce désir comme une perte de motivation, voire une preuve de désintéressement.

Confiance et compétence sont, par ailleurs, de plus en plus évoquées, notamment quand il s’agit de se séparer d’un cadre. Or il n’y a rien de plus arbitraire que ces deux notions. Autant l’expérience et la qualification ont un sens, autant la confiance et la compétence sont sujettes à toutes les interprétations possibles. Elles permettent également de maintenir en permanence la pression psychologique. Cela vaut pour toutes les fonctions et secteurs d’activité. Chaque individu a droit au respect de ses droits et de sa dignité. Il a le droit de pouvoir équilibrer vie professionnelle et vie privée. Il a le droit de pouvoir confronter objectivement ses résultats.

Un cadre est d’abord un être humain, avec ses opinions, sa personnalité, sa conscience professionnelle. Pour ne pas l’oublier et pour aider à les faire respecter, il faut pouvoir compter sur des collègues déterminés à défendre les droits collectifs et individuels, en toute indépendance. C’est le choix fait par les candidats FO cadres aux Prud’hommes, et c’est la raison pour laquelle je suis fier de conduire notre liste au Conseil de Prud’hommes de Paris.

 

Votez

Le journal est une première : non seulement il fait l’objet d’un grand tirage – cinq millions d’exemplaires – mais, de plus, il est départementalisé. Il y a autant d’éditions que de départements (métropole et outre-mer). C’est une première sur le plan technique, mais surtout cela exprime notre souci d’être proches du terrain.

Les Prud’hommes ont pour rôle de rendre la justice dans les conflits individuels entre les salariés du privé et leurs employeurs. Leur originalité tient dans leur composition : pour moitié des représentants de salariés, pour moitié des représentants des employeurs. Ce sont eux qui tranchent, en rendant le droit. Pour les salariés, il est alors essentiel de se garantir en votant pour des conseilleurs Prud’hommes qui les représenteront et défendront activement leurs droits, et ce, sans concession.

Certes, a priori, on peut penser qu’aller devant les Prud’hommes ça n’arrive qu’aux autres. Dans les faits, depuis 1990, ce sont plus d’un million de salariés du privé qui ont saisi la justice prud’homale. Que l’on travaille dans l’industrie, le commerce, les services ou l’agriculture, que l’on soit cadre, employé, agent de maîtrise ou ouvrier, que l’on soit actif ou chômeur, que l’on soit en CDI, en CDD, CIE, CES ou emploi-jeune, chaque salarié peut un jour ou l’autre avoir recours aux Prud’hommes pour faire reconnaître ses droits. Cela peut bien entendu être le cas pour un licenciement, mais pas uniquement. Tous les différends en matière d’application de conventions collectives et de code du travail sont du ressort de cette juridiction.

Dans les grandes entreprises, celles où le syndicat est présent, nombre de ces contentieux peuvent se régler entre les services des relations humaines et le syndicat ou les institutions représentatives du personnel, mais pas tous. Dans les plus petites entreprises, celles où le syndicat est plus difficilement présent, les Prud’hommes sont souvent le seul recours du salarié.

Ce n’est pas un hasard. Les employeurs continuent fréquemment de penser que le syndicat, c’est le diable, et font tout pour s’opposer à son implantation.

Pour toutes ces raisons, il est essentiel que les salariés votent aux élections prud’homales le 10 décembre 1997, l’employeur étant, il est bon de le rappeler, dans l’obligation légale de leur accorder et de payer le temps nécessaire, sur le temps de travail, pour aller voter.

Force ouvrière présentera, sur tout le territoire, quatorze mille candidats, femmes et hommes, de toutes qualifications, de tous âges et secteurs d’activité. Ce sont des salariés comme tous les autres. Beaucoup d’entre vous reconnaîtront d’ailleurs dans les listes présentées un ou une collègue, car les Prud’hommes, c’est aussi une justice de proximité, comme l’on dit maintenant, justice dont le ministère de tutelle reconnaît lui-même l’efficacité.

Voter Force ouvrière, c’est l’assurance de voter pour un syndicat qui ne se prend pas pur autre chose qu’un syndicat, indépendant de tout pouvoir, franc et d’terminé. Ce n’est pas voter pour un syndicat qui reçoit des louanges… du patronat ou pour un syndicat qui n’est pas encore immunisé de son virus politique. C’est voter pour un syndicat qui, depuis sa création (en 1948), impose, développe et défend la pratique contractuelle : c’est le contrat collectif qui, bien souvent, maintenant, forge le droit. Nous n’avons, en matière, rien à prouver ? C’est dans cet esprit également que les syndicats FO soutiennent les salariés devant les Prud’hommes pour aider à défendre leurs droits ; nous formons ainsi tant les candidats conseillers que les défenseurs devant cette juridiction. Cette pratique de près de cinquante années est garante de notre liberté de comportement ; nous contractons lorsque cela est bon pour les salariés, mais jamais nous ne nous soumettons.

En tant que secrétaire général de l’organisation, j’ai décidé d’être candidat à ces élections prud’homales. C’est pour FO une façon de montrer l’importance de ces élections qui conditionneront en partie l’avenir des Prud’hommes, les professionnels de la justice prétextant la spécificité française pour conquérir ce qu’ils considèrent, selon le cas, comme un marché ou une compétence judiciaire exclusive. C’est aussi pour avoir l’occasion, concrètement, de faire une campagne de terrain, au plus proche des électeurs, au plus proche de vous. C’est enfin l’occasion de montrer qu’un candidat FO n’a d’autre souci que de représenter efficacement les intérêts des salariés.

Votez pour défendre vos droits, pas ceux de votre patron. En votant pour défendre vos droits, de salariés ou de chômeurs, vous ne votez pas pour défendre l’intérêt général. Les Prud’hommes ne sont pas une élection politique.

Pour l’intérêt général, on a un gouvernement ; pour l’intérêt des salariés, on a Force ouvrière, un syndicat qui reste un syndicat.

Au-delà des salariés, qui sont, de fait, les plus concernés, le résultat global des Prud’hommes est attendu par les interlocuteurs patronaux et gouvernementaux.

C’est aussi pourquoi voter pour FO sera un signal fort au gouvernement et au patronat sur leurs positions et leur comportement.

C’est leur dire : attention à ce que vous faites, ne vous croyez pas tout permis, nous sommes là, conscients et déterminés à nous faire respecter.

Alors, votez et faites voter Force ouvrière.

Votez pour le respect de vos droits.

Force ouvrière c’est votre force.