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Partenaires : Au cœur des débats de la formation professionnelle des six, sept dernières années, figure la relance de l'apprentissage. Depuis, deux lois ont été votées à cette fin. Si la diminution des effectifs d'apprentis a été enrayée, les jeunes, dans leur ensemble, s'orientent encore peu vers cette filière de formation. Qu'est-ce qui, selon-vous, explique la persistance de cette désaffection ?
Michel Giraud : Cette désaffection, de la part des parents comme des élèves, ne concerne pas seulement l'apprentissage mais toutes les filières techniques et professionnelles. L'effet de génération est certain : beaucoup de parents gardent de ces formations une image négative, dévalorisante socialement et intellectuellement.
L'équation apprentissage-marginalisation a été renforcée par les discours affichés de vouloir porter 80 % d'une génération au baccalauréat. Ambition louable mais qui a pour conséquence de considérer comme « anormales » les filières autres que le cursus d'études classiques ou générales.
Il y a eu des initiatives, en 1987, avec la loi Séguin, et en 1992, avec la loi Aubry, pour rénover l'apprentissage. Mas il faut aller plus loin, se montrer plus ambitieux pour que les prochaines mesures conduisent véritablement à un changement profond des mentalités.
Partenaires : Sur quoi aujourd'hui convient-il d'agir pour que cette nécessaire réhabilitation de l'apprentissage et de l'alternance en général devienne effective ? L'alternance à la française ne doit-elle pas jouer sur la complémentarité des différentes filières de formation professionnelle, qu'elles soient sous contrat de travail ou sous statut scolaire ?
Michel Giraud : L'apprentissage doit être entendu comme une filière d'avenir gratifiante. C'est l'engagement même du Premier ministre et c'est mon objectif.
Pour cela, il faut non seulement jouer la complémentarité des différentes filières de formation professionnelle, mais surtout développer les passerelles entre apprentissage et système éducatif général, en y associant plus étroitement les professions et l'Éducation nationale. La formation par l'apprentissage doit permettre à ceux qui la suivent d'accéder aux diplômes professionnels, y compris ceux de niveau supérieur. C'est à ces conditions que l'apprentissage pourra s'ouvrir à des jeunes un peu plus âgés qu'actuellement, à des entreprises plus nombreuses en proposant des filières technologiques novatrices.
Ainsi notre réponse s'inscrit-elle dans une perspective nécessairement globale. C'est pourquoi elle constitue un volet du projet de loi quinquennale de lutte pour l'emploi. L'accent sera porté notamment sur l'orientation des jeunes, la formation des maîtres d'apprentissage et les débouchés vers l'enseignement supérieur.
Partenaires : Le développement de l'alternance repose sur un partenariat étroit entre tous les acteurs : État, chefs d'entreprise, organisations professionnelles, syndicats de salariés, élus locaux. Les nouveaux contrats d'objectifs prévus par l'accord interprofessionnel du 3 juillet 1991 ne s'offrent-ils pas comme un moyen pertinent de favoriser et renforcer une telle dynamique ?
Michel Giraud : Je suis un farouche partisan du partenariat entre les différents acteurs de la formation. La concertation, d'abord, la définition d'objectifs communs, ensuite, débouchant sur un engagement de chacun me semblent la voie la plus pertinente pour développer la formation, notamment l'apprentissage. J'ai d'ailleurs réaffirmé mon attachement à une telle démarche devant le comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle, le 26 avril dernier. L'ordre du jour en était justement les contrats d'objectifs. C'est, en effet, en prenant en compte les besoins et les capacités des entreprises que l'on peut offrir aux jeunes de vraies perspectives d'orientation vers l'apprentissage. Des perspectives qualifiantes et correspondant aux réalités économiques. Là est bien la clé de l'avenir.