Texte intégral
Q - Pour qualifier le Jacques CHIRAC d'hier, si vous aviez l'un et l'autre un seul adjectif, Alain CLAEYS ?
Alain CLAEYS : « Affaibli par ses propres amis. »
Jean-Pierre RAFFARIN: « Libre, libre par rapport aux partis de droite, libre par rapport à JOSPIN et la gauche et libre par rapport surtout à son éventuelle candidature. »
Q - Ça fait plus d'un adjectif, on retiendra libre. Vous savez vous, Alain CLAEYS désormais, qu'il n'y aura pas de grand rendez-vous présidentiel, en 2002, avant 2002. Le président de la République donne trois ans à la cohabitation, au Gouvernement JOSPIN, à sa majorité. Est-ce que ça stimule ?
Alain CLAEYS : « Il se donne trois ans. »
Q - Et est-ce que ça stimule, ou est-ce que. ça use ?
Alain CLAEYS : « Ca stimule. Lionel JOSPIN s'est engagé autour des réformes proposées aux Français sur cinq ans, il entend mener ces réformes, durant ces cinq années. Les lois sont passées ; aujourd'hui il faut les faire vivre sur le terrain. »
Q - Hier, est-ce que vous l'avez trouvé président militant actif de son. camp, arbitre au-dessus des partis, ou président de tous les Français comme il l'a dit ?
Alain CLAEYS : « Je l'ai trouvé..., vouloir régler un certain nombre de comptes avec ses amis. Sur la cohabitation, il a été cruel avec GISCARD d'ESTAING, en lui répondant en quelque sorte : "la cohabitation que j'ai vécu avec vous, a été plus dure que celle que je vis aujourd'hui, j'en ai démissionné". Et, avec ses amis, il a rappelé la raison profonde de la dissolution, je le cite de mémoire : "la majorité de l'époque n'était pas prête à porter un projet". »
Q - Est-ce vrai que vous l'avez trouvé hier,plutôt mitterrandien ?
Alain CLAEYS : « Il prenait le temps des institutions. »
Q - Il confirme, en tout cas, une cohabitation constructive, ce qui ne l'empêche pas de dire ce qu'il veut. Mais est-ce qu'il vous laisse à vous, socialiste, le quinquennat comme en 95 ?
Alain CLAEYS : « Je crois que le quinquennat, Lionel JOSPIN l'avait pris, en 95, comme thème de campagne, il le reprendra. Je crois que sur le quinquennat, CHIRAC est constant. C'est une réforme qu'il ne sent pas, qu'il n'a pas proposé en 95, et je crois qu'aujourd'hui il s'interroge. Il s'interroge pour plusieurs raisons. D'une part par rapport à la situation de la droite, il s'interroge aussi fondamentalement. Donc c'est un thème que nous reprenons et que nous défendons, nous. »
Q - Jean-Pierre RAFFARIN, le quinquennat, suggéré mais non réalisé par Valéry GISCARD d'ESTAING, monsieur CHIRAC dit que c'est une erreur. Il n'en veut pas, il a raison ?
Jean-Pierre RAFFARIN: « Moi je pense qu'il ne veut pas se positionner en tant que candidat, il est président de tous les Français et il dit : l'élection présidentielle, c'est prématuré. Moi je trouve les jugements assez politiciens, j'ai trouvé Jacques CHIRAC en phase avec les Français. Et on a tort de sous-estimer, à mon avis, les deux atouts majeurs de Jacques CHIRAC. 1) sa position institutionnelle et, 2) son contact populaire. Le moment venu, s'il choisit d'être candidat, il devra proposer un projet aux Français, peut-être que dans ce projet, il y aura le quinquennat. En tout cas, moi je crois qu'il faudra donner un coup de jeune. aux institutions. Mais le moment n'est pas venu, il est le- président de tous les Français. »
Q - Vous voulez dire qu'il n'exclura pas le moment venu, de faire allusion au quinquennat ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « S'il est candidat, le moment venu, ceci peut intégrer son projet. »
Q - Pourquoi dites-vous s'il est candidat ? Est-ce qu'il y a, selon vous, une hypothèse selon laquelle le président actuel pourrait ne pas être candidat à sa succession dans 3 ans ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « Le président voulait s'afficher, hier, comme quelqu'un de libre. Je crois qu'il a donné une leçon à ceux qui veulent anticiper la présidentielle, et même monsieur JOSPIN doit être attentif à cela. L'élection présidentielle est prématurée, dit Jacques CHIRAC, et les fonctions de rassemblement doivent l'emporter sur les ambitions de candidature. Le moment n'est pas aux candidatures... Ce que JOSPIN doit assumer, le fait, aujourd'hui, qu'il a à gouverner le pays, qu'il a à régler des problèmes, le financement des retraites, la modernisation... »
Alain CLAEYS : « Ceux qui ont parlé de présidentielles depuis une semaine, ce sont les amis de Jacques CHIRAC, il y répond. Le travail de JOSPIN est clair et c'est les préoccupations des Français, l'emploi, le recul du chômage, recul de l'insécurité et les grandes réformes dont... »
Q - Monsieur CLAEYS, vous n'avez pas le sentiment que maintenant la gauche plurielle, se trouve face - et elle a le temps, trois ans - à ses contradictions, ses projets, le retour bon ou mauvais comme un boomerang de ses décisions, face à elle-même ?
Alain CLAEYS : « Non, mais quelles contradictions ? Quelles contradictions, aujourd’hui, la gauche plurielle a à gérer ? Aucune. Je crois que le contrat que nous avons passé avec les Français - faire l'euro - s'est réalisé ; relancer la croissance c'est fait, et on espère que cette croissance sera enfin durable en France. Faire reculer le chômage, il ne recule peut-être pas suffisamment, mais la courbe est là. Faire un certain nombre de réformes sur la justice, des réformes de société, des réformes de solidarité, c'est en route. Il y·a ce dossier de retraites, on va en reparler .... »
Q - Jean-Pierre RAFFARJN, le Président de la République, fixe le rendez-vous final dans trois ans. Est-ce qu'il ne se prive pas de l'arme absolue de dissuasion que pourrait être une élection anticipée ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « Le président ne veut pas, aujourd'hui, jouer la carte politicienne. Il cherche à rassembler. Le pays a des épreuves à affronter, il cherche à rassembler. Il fait preuve d'une vraie modestie. J'invite les socialistes à avoir la même modestie. Quand monsieur JOSPIN joue un peu les "Tartarin" en disant qu'il a réglé tous les problèmes, moi je lui rappelle quand même que la réduction des déficits publics, de 200 milliards de francs entre 93 et 97, que la baisse des taux d'intérêt tout ça, que la qualification pour l'euro, c'est au moins à partager avec les prédécesseurs de monsieur JOSPIN. Jacques CHIRAC hier, a été modeste. Je voudrais dire à Alain CLAEYS, que le Président donne des conseils à l'opposition. Il s'est montré libre, il n'est pas emprisonné par le parti qui était le sien. Il n'est pas emprisonné par les partis de droite, il donne des conseils à l'opposition. D'abord l'opposition doit travailler sur son projet, il a raison. Et il a dit un certain nombre de choses très importantes. Les valeurs, La responsabilité à la liberté, il dit aussi adapter la France au prochain siècle. Et il dit je crois, ce qui est très important : partager avec les Français les fruits de la croissance.
On va avoir un rendez-vous important, la semaine prochaine, par exemple pour les régions. Il se trouve que je suis président de région, ce qui me donne le charme de faire un Tour de France et de connaître la réalité du pays. On va avoir le partage des fruits de la croissance avec les régions, les contrats de plan, c'est la semaine prochaine, c'est à Arles, le Gouvernement réunit. Est-ce que vraiment on va rendre, aux régions, les fruits de la croissance ? C'est une question. »
Alain CLAEYS : « Deux choses : Jean-Pierre RAFFARIN parle beaucoup de Lionel JOSPIN qui ne s'est pas exprimé hier. Les fruits de la croissance, nous le verrons dans les contrats de plans... »
Q - Vous avez vu ce qu'a dit monsieur CHIRAC, les caisses sont pleines, même si monsieur STRAUSS-KAHN veut le cacher. Et, apparemment, il dit que c'est le résultat mécanique de la croissance, ça marche tout seul, ce qui est vexant pour vous ?
Alain CLAEYS : « Monsieur CHIRAC a dit trois choses importantes : il faut réduire les dettes, ce que nous avons fait depuis deux ans. Il a dit une chose aussi, quand même savoureuse : il faut rendre l'argent qu'on a pris aux Français, mot pour mot. C'est ce que nous faisons, effectivement avec la TVA, la taxation... »
Q - Est-ce que vous pensez que vous allez encore réduire les impôts et les charges fiscales ?
Alain CLAEYS : « Bien sûr, mais avant il fallait réduire les déficits que nous avons trouvés. Et je crois que ces déficits nous les avons réduits, à tel point qu'une des raisons de la dissolution en 97, était de dire : "nous n'arriverons pas à respecter les critères imposés pour passer à l'euro". Nous l'avons fait, en faisant redémarrer la croissance. »
Q - Est-ce que vous allez engager d'urgence, comme il vous le demande, et il vous donne de bons conseils apparemment, la réforme des retraites avec les fonds de pension ?
Alain CLAEYS : « Oui, sur ce sujet, il faut que ce soit clair, le problème des retraites, c'est un problème d'actifs et d'inactifs, le problème de la réforme des retraites, ce n'est pas passer d'un régime de répartition à un régime de fonds de pension. Nous sommes pour garder le régime de répartition. Et je crois qu'à partir de là, il faut ... et à partir des propositions du rapport CHARPIN que, je signale, le président de la République a trouvé excellent, trouver dans la concertation un certain nombre de solutions. Mais quand on parle de retraites, il faut aussi aborder les choses, extrêmement importantes : le vieillissement, le financement de la dépendance, tous ces sujets... »
Q - Ce sont des sujets de l'automne. Vous tous, à droite et au centre, Jean-Pierre RAFFARIN, vous vouliez que CHIRAC durcisse les relations avec Lionel JOSPIN et son Gouvernement. Ce sera peut-être pour la prochaine fois. Est-ce que vous êtes déçu là ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « Non, je pense que le président a donné un rendez-vous quand même sur la cohabitation. Il dit quelle est constructive, mais au fond, il y aura un bilan de santé de la cohabitation. Je ne sais pas si ça sera dans 30 mois, dans trois ans ; quand il décidera qu'il devra faire ce bilan, il verra si vraiment, il y a eu partage des fruits de la croissance. Mais je pense qu'un rendez-vous est donné, il faudra faire, à un moment, le scanner de la cohabitation et voir si elle a toujours été constructive. Et, le moment venu, le président prendra ses décisions. Je crois aussi que pour l'opposition, le président nous a aussi appelé à nous réconcilier, et je crois que ça c'est très important, et je pense qu'il nous faut engager la véritable rénovation de l'opposition, parce qu'il nous faut une union qui, un jour, soit capable de rassembler 50 %. De ce point de vue là, à mon avis, il nous faut un nouveau mouvement politique qui pèse de l'ordre de 25 %, c'est-à-dire qu'il soit un peu l'antithèse du Parti Socialiste et, pour cela, nous avons une option. Ou le RPR se rénove, s'ouvre, c'est-à-dire rassemble les néo-gaullistes, les européens, les libéraux et là nous avons une formation centrale, et le RPR laisse monsieur PASQUA et le souverainisme sur sa droite. Ou le RPR continue à courir à droite, derrière monsieur PASQUA et, à ce moment-là, le centre-droit devra se rassembler et, là, il y a une vraie rénovation à bâtir. »
Q - Jean-Pierre RAFFARIN, deux questions, directement adressées à vous-même. Pour retenir ce qu'on vous a conseillé, la réconciliation et, en même temps, la constitution d'un projet de l'unité de l'opposition, vous, vous faites partie, vous faisiez partie des UDF partis, avec armes et bagages, chez Alain MADELIN. Est-ce que l'heure est venue pour vous, de rejoindre l'UDF de François BAYROU, pour faire l'unité.par exemple, pour écouter CHIRAC ?
Jean-Pierre RAFFARIN: « Je ne veux pas aller dans un parti derrière un leader, mais je veux en effet participer à la reconstitution du centre droit. Je crois que le RPR se trompe en voulant faire sa... »
Q - Non, non, mais répondez aux questions précises qu'on vous pose ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « Je vous réponds aux questions précises. Mais je ne veux pas simplement aller, comme quelquefois vous voulez toujours emmener les hommes politiques, c'est-à-dire à se mettre derrière un autre. Moi ,je veux participer à la construction d'une grande famille politique, qui pèse 20 à 25 %. Je pense que cette famille politique doit comprendre François BAYROU, doit comprendre Alain MADELIN, elle est gaulliste, néo-gaulliste, je dirais, elle peut être européenne, elle doit être centriste et libérale, c'est ce grand centre-droit, qu'il faut maintenant bâtir, mais... »
Q - Vous nous reprochez de vouloir toujours que les politiques suivent un homme. Vous, vous.arrivez à en suivre deux, comment vous faites pour être à la fois proche de GISCARD, le bon fusil et de Jacques CHIRAC ? Ce sont deux fidélités, mais qui sont contradictoires aujourd'hui ?
Jean-Pierre RAFFARIN: « Moi j'ai compris une chose, c'est que dans la Ve République, la fonction essentielle - c'est le Général de GAULLE qui le disait - c'est le Président de la République. Jacques CHIRAC assume cette fonction et je crois qu'il nous donne un certain nombre d'orientations majeures pour l'avenir. Et je crois qu'en politique, c'était le cas avec le septennat de Valéry GISCARD d'ESTAING, c'est le Président de la République qui est l'homme en charge de l'essentiel. »
Alain CLAEYS : « Ce jeu de Mécano intéresse peu les Français. Il y a une caractéristique lorsqu'on interroge des responsables politiques de l'opposition aujourd'hui, c'est qu'ils parlent toujours en leur nom personnel. Ce qui manque à l'opposition et à notre pays, c'est véritablement un projet alternatif. Simplement, sur la cohabitation et les rendez-vous, le seul rendez-vous qui compte, c'est le rendez-vous que le Gouvernement aura avec ses électeurs. »
Q - Et le président avec... Aujourd'hui dans ce climat, est-ce que vous n'avez pas l'impression d'être l'aile gauche de Jacques CHIRAC ?
Alain CLAEYS : « Dans ce climat, j'ai l'impression que Jacques CHIRAC peut être fragilisé par l'absence de projet. Hier il n'a pas trouvé d'angle d'attaque sur le Gouvernement JOSPIN, il était trop préoccupé à régler ses comptes avec ses propres amis. »
Q - Jean-Pierre RAFFARIN, un mot sur Paris. Ville ouverte Paris ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « Le président nous dit : dynamique de terrain à la base. Je ne crois pas à l'auto-proclamation des candidatures. Il faudra des candidatures uniques, des candidatures principales. Pour cela, je crois que le Président a raison, il faut partir de la base... »
Q - C'est-à-dire que l'auto-proclamation de TIBERI, vous ne la retenez pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN : « L'auto-proclamation, c'est de l'autodéfense. Moi, ce que je dis, c'est que, un an avant toutes les élections municipales et législatives, investiture locale. Des conventions locales d'investitures démocratiques, un an à l'avance, candidature unique pour l'ensemble des candidats de l'opposition, avec une vraie légitimité du terrain. Le Président a dit que le siècle qui s'annonce sera non pas celui de la hiérarchie, mais celui de la dynamique de la base, de la dynamique démocratique. Je crois profondément à cette éthique là, qui fait que les candidats auront des chances de gagner, s'ils vont chercher leur légitimité à la base. »
Q - Merci. Nous ne sommes pas en campagne électorale, retenez-vous, vous êtes peut-être en vacances les uns, les autres. j'ai vu que François HOLLANDE est en vacances. Vous, vous allez partir le, moment venu monsieur CLAEYS ?
Alain CLAEYS : « Le 24 juillet. »
Q - Et monsieur RAFFARIN est en Corse un moment, une Corse tranquille...
Jean-Pierre RAFFARIN : « J'irai marcher en montagne pour mes vacances au mois d'août. »
Q - Oui, vous avez trouvé la Corse comment, après les travaux des projets ERIGNAC, BONNET, LACROIX ?
Jean-Pierre RAFFARIN: « Vous savez en 48 heures, je ne me permets pas de juger, mais la Corse a toujours ce charme extraordinaire pour un continental et je crois qu'une ligne d'autorité est en train de s'installer, et je pense qu'il y a là une perspective d'avenir. »
Alain CLAEYS : « Moi je me réjouis d'une chose : c'est que 17 ans après, le Président de la République reprend le dessus de la démocratie locale que nous avons fait avancer, il y a 17 ans, par une loi de décentralisation. Et ça je peux m'en féliciter. »