Texte intégral
Q - Est-ce que vous approuvez à l'UDF, la décision du Premier ministre de subordonner tout projet éventuel de modification du statut de l'île à un arrêt et à une condamnation de la violence ?
– « Oui. La Corse ne peut pas continuer de vivre à l'heure de la violence permanente. Et je crois que l'ensemble de ceux qui croient en notre pays, en son unité et tous ceux qui aiment la Corse doivent avoir l'idée claire qu'il faut affirmer et exiger de la part de tous, le respect des règles de la République. On ne peut pas parler tous les dix ans d'un nouveau statut. Il va bien falloir finir par s'arrêter, s'estimer satisfait. Mais d'un autre côté, je fais partie de ceux qui pensent que nous avons besoin en France, d'une très profonde décentralisation. Pas simplement pour les Corses d'ailleurs. Moi je suis un homme de l'Ouest, dans l'Ouest aussi on revendique de pouvoir exercer plus de responsabilités. Il faut pour la France de demain, un nouveau partage des responsabilités entre le centre, c'est-à-dire l'État – au sens traditionnel du terme, au sens Louis-quatorzième du mot – et puis les provinces, les territoires. Et la Corse la première naturellement ! Ça fait longtemps qu'elle a de l'avance sur nous. Si elle veut continuer à en avoir pourquoi pas ! »
Q - Vous êtes un responsable de l'opposition. Quelle est votre réaction, lorsque vous voyez qu'un pouvoir depuis plus de deux ans maintenant, les décisions et les méthodes de L. Jospin semblent recueillir – à votre surprise peut-être – l'assentiment des Français ?
– « C'est vrai que les sondages et les élections que nous avons connues dans les deux dernières années – pas les élections locales, je vous ferais observer : les cantonales partielles, les municipales partielles nous envoient des messages beaucoup plus encourageants pour l'opposition –, mais c'est vrai que tous ces signes vont plutôt dans le sens que le Gouvernement et la majorité ne sont pas en trop mauvaise posture. Mais vous savez bien, l'opinion est volatile, fugace, changeante. Je trouve que, du côté du Gouvernement, il y a deux choses qui me préoccupent : premièrement, après un timide excès de modestie, M. Jospin et ses amis, sont tombés les deux pieds dans l'arrogance… »
Q - L'autosatisfaction ou l'arrogance ?
– « Autosatisfaction, auto proclamation ! Quand j'entends qu'on réclame dix ans, mais pour faire quoi ? »
Q - Pour créer de l'emploi.
– « Quelle belle affaire ! J'ai fait les comptes. Le chômage a baissé d'un point. Formidable ! Tout le monde en fait des gorges chaudes, vous le faites vous-mêmes, tous les journalistes font de grands papiers là-dessus. Très bien. Il en reste encore dix, onze exactement. À ce rythme-là, un point en deux, trois ans, c'est trente ans, trente-cinq ans qu'il va nous falloir pour avoir le plein-emploi. Il faut que M. Jospin ne se satisfasse pas des dix ans qu'il réclame, c'est très insuffisant, pour avoir le plein-emploi au rythme où on va. Alors s'il dit ça… et à la fois pour ironiser, parce qu'il faut quand même un certain culot quand on est chargé des responsabilités publiques, pour dire : « Donnez-moi dix ans pour gouverner. « Les Français décideront le temps… »
Q - Mais est-ce que ce n'est pas le rôle de la politique que de faire des projets à long terme ? Vous êtes le premier à le dire.
– « Oui, il faut faire des projets. Mais faire des projets c'est gouverner. Et voyez-vous, moi le reproche que je fais au pouvoir aujourd'hui, c'est d'avoir choisi une espèce de quasi immobilité : moins j'en fais, mieux je me porte ; moins je décide, plus les électeurs sont contents. »
Q - Les 35 heures, les emplois-jeunes…
– « Voilà, alors faites donc la liste, en effet, des rares décisions mauvaises, prises… »
Q - La réforme de la justice…
– « Parce que lorsque vous parlez, très précisément des emplois-jeunes – en effet, c'est un aspect fort de la réduction du chômage – mais c'est autant d'emplois publics, autant d'emplois incertains, autant de problèmes rejetés à plus tard. Parce que les garçons et les filles qu'on embauche aujourd'hui dans nos collectivités, en leur disant : « Dans cinq ans, il faudra vous débrouiller tout seul », c'est bien, ça va peut-être apporter une bonne réponse pour eux mais c'est aussi un problème posé à la société. Autrement dit les emplois-jeunes, moi je ne crois pas que ce soit une bonne solution, une solution durable, c'est une combine. »
Q - Est-ce que le succès de M. Jospin n'est pas dans l'incapacité de l'opposition à s'organiser, deux ans et demi après la défaite électorale ? Est-ce que ça n'agace pas vos électeurs ?
– « Nos électeurs nous demandent d'être plus actifs, mieux organisés, plus imaginatifs et plus combatifs. Et en cette rentrée, si je pouvais dire quelque chose à l'opposition, bien modestement, ce serait de dire : « Il faut impérativement que nous placions la rentrée – la rentrée politique, la rentrée parlementaire – sous le signe de la combativité retrouvée de l'opposition. » Et vous savez nos problèmes d'organisation interne, c'est bien, réglons-les ! Il y a une compétition au RPR qui est en train d'avoir lieu. Plus vite elle aura lieu, mieux ce sera. Plus vite le RPR aura un président, une organisation, une structure, mieux ce sera. Nous avons besoin que toutes les forces de l'opposition soient en ordre de marche. Mais surtout, donnons la priorité à ce qui intéresse nos concitoyens : c'est-à-dire le débat des idées, le combat contre la majorité, la préparation des prochaines échéances. J'espère bien que nous allons gagner. »
Q - Quand vous avez entendu hier le Mouvement Pour la France, de MM. Pasqua et de Villiers, dire qu'ils vont présenter des candidats partout, ça veut dire que l'opposition sera encore divisée dans les combats politiques à venir ?
– « Non. Je constate que ce nouveau parti politique s'installe. Je n'ai rien contre lui. Je ne partage pas toutes ses idées, tant s'en faut, sinon j'y serais naturellement ! Mais, en même temps, je ne crois pas que nous devrions placer l'opposition sous le signe de l'exclusion. S'il y a une nouvelle sensibilité, une nouvelle force politique qui s'organise, il faudra bien en tenir compte. Dans ce cas-là, qu'elle veuille avoir des candidats, qu'elle veuille se placer, je le comprends, évidemment ! Si nous sommes ensemble pour la préparation des élections législatives, il faudra bien que nous regardions ensemble aussi quelle stratégie : candidatures communes… »
Q - Et qui va organiser tout ça ?
– « Ensemble, les uns et les autres. Les dirigeants de l'UDF, les dirigeants nationaux et locaux, des uns et des autres, du RPR, du RPF. Je trouve plutôt bien que chacun exprime sa sensibilité, ses convictions, sa façon de voir l'avenir de la société française, l'avenir de notre pays, mais en même temps, on ait l'idée bien affirmée qu'on travaille ensemble, qu'aux élections législatives on s'efforcera de présenter ensemble un projet commun à nos concitoyens, qu'on le défendra et qu'il gagnera… »
Q - C'est possible, avec le Mouvement Pour la France ?
– « Mais je crois que c'est possible avec tous ceux qui veulent bien avoir comme priorité de battre la gauche. »
Q - Et quand vous entendez à Paris – qui n'est quand même pas rien – pour l'élection à la mairie M. Toubon et M. Tibéri s'insulter tous les jours par presse interposée ?
– « Oui, il vaudrait mieux éviter ça. Je ne crois pas que ce soit des signes qui contribuent à la force de l'opposition. »
Q - L'UDF aura un candidat à Paris ?
– « L'UDF à Paris, s'efforcera en tout cas, d'être présente, de participer, de ne pas être mise sur la touche comme il arrive parfois qu'on ait la tentation de le concevoir. »
Q - Le président de la République doit-il être la clé de voûte de ce dont vous avez parlé ?
– « Je trouve inconsidérées les critiques qui peuvent apparaître – trop souvent hélas ! – contre le président de la République dans l'opposition. Le Président c'est nous qui l'avons fait élire, là où il est. Nous nous sommes battus avec lui, derrière lui, pour qu'il soit président de la République. Eh bien, cela implique que, pendant ses sept années de mandat, on soutienne son action et son effort. Moi je soutiens très clairement l'action du Président. Je pense qu'il est l'inspirateur de l'opposition, qu'il doit l'être, et qu'il doit assumer pleinement cette responsabilité que nous devons de lui reconnaître. »