Interview de M. Daniel Vaillant, ministre des relations avec le parlement, à France 2 le 29 septembre 1999, sur l'action gouvernementale de Lionel Jospin et son intervention devant les parlementaires socialistes à Strasbourg, le soutien de la gauche et sur la préparation des élections municipales de 2001.

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Média : Emission Les Quatre Vérités - France 2 - Télévision

Texte intégral

Q - Lors des journées parlementaires du Parti socialiste, le Premier ministre a fait une sorte de déclaration de politique générale en annonçant plusieurs dispositions. Quand on lit la presse, ce matin, que l'on écoute les commentaires, il y a grosso modo deux attitudes. Ceux qui disent : « Coup de barre à gauche, poussée étatiste », même du côté du patronat. Et puis au contraire, côté, disons, PC ou gauche de la gauche : « Reformes en trompe-l'oeil, effets de vocabulaire, mais rien sur le fond. »

« – Vous venez d'apporter la réponse : c'est ni l'un ni l'autre. Le Premier ministre a réaffirmé un certain nombre de conceptions qu'il a de l'action gouvernementale : la réforme, l'efficacité économique, la justice sociale, faire en sorte que des abus qui sont patents soient corrigés par des dispositions législatives ou par des décisions du gouvernement. Et d'une certaine manière, il n'y avait pas tellement de scoops dans ce qu'a dit le Premier ministre. Le Premier ministre l'a réaffirmé avec pédagogie, avec force devant les parlementaires socialistes et, bien évidemment, c'est normal que ça donne droit à des commentaires. Mais il n'y a pas changement de cap. »

Q - Comment expliquez-vous que sa prestation télévisée ait été analysée comme l'expression d'une nouvelle gauche, disons, à visage libéral, et qu'aujourd'hui vous dites: « Il n'y a pas changement de cap. » Mais c'est vécu, au contraire, comme un retour à un discours plus classique à gauche ?

« – Je ne crois pas. D'abord ça n'est pas une déclaration de politique générale – il l'a faite le 19 juin 1997. C'est vrai que beaucoup de choses ont été faites depuis deux ans et demi et qu'il est normal de prévoir le programme législatif pour les deux ans et demi qui viennent, qui va nous conduire à 2002. Et c'est dans ce cadre-là que L. Jospin a décliné le projet de réformes. C'est très ambitieux – y compris pour le ministre des relations avec le parlement que je suis – que de prévoir l'inscription au Parlement de tous ces textes. Nous avons deux ans et demi et nous allons continuer à réformer et à rendre plus juste la société et l'économie telle qu'elle est en France aujourd'hui. La priorité c'est la lutte contre le chômage. Et, de vous à moi, on est quand même satisfaits de voir le chômage décroître régulièrement dans notre pays. »

Q - Si je vous comprends bien, à la télévision, c'est volontairement qu'il n'a parlé de « deuxième étape » que de façon un peu vague et qu'il avait réservé le meilleur pour les socialistes. Donc il y avait une sorte de volonté programmée, deux discours différents ?

« – Mais pas du tout. Il était intervenu à La Rochelle, il est intervenu sur votre antenne, en direct. Et là, devant les parlementaires, ce qui était quand même normal, il a décliné le programme en l'explicitant. D'une certaine manière, si l'insatisfaction qui semblait être née de son intervention télévisée lui a permis d'expliquer – et d'une certaine manière aussi de montrer que c'est un gouvernement, c'est un Premier ministre qui écoute, qui n'est pas autiste, qui n'est pas aveugle –, et si cela lui a permis de préciser, voire de corriger, voire de donner des indications supplémentaires avec des dispositions qui seront examinées au Parlement au cours de cette session, pour répondre à une véritable attente, pour corriger des abus – et Michelin était, de ce point de vue, utile  –, eh bien, pourquoi pas, à la limite ? »

Q - Les députés, les sénateurs socialistes ont écouté tout cela avec satisfaction. Les troupes ont quel moral ?

« – Ils ont écouté, bien évidemment. Nous sommes des acteurs, nous sommes dans une disposition politique où il y a le gouvernement qui gouverne, mais avec sa majorité. Donc le travail en commun va se poursuivre. Et je peux vous assurer que j'ai vu des parlementaires ! D'abord des parlementaires communistes, je suis allé à Sète aux journées communistes… »

Q - Les communistes qui maintiennent leur manifestation le 16, mais qui vont se retrouver un peu seuls puisque ni les Verts…

« – ... j'ai été aussi chez les Verts, j'ai été chez le Mouvement des citoyens, et j'ai trouvé des parlementaires socialistes motivés, fiers du travail qu'ils accomplissent et prêts à continuer à faire ce travail de réforme. Quant à la manifestation c'est le problème des partis politiques. Pour le Parti socialiste, F. Hollande s'est exprimé. »

Q - Ce sera une manifestation d'opposition des communistes face au gouvernement ?

« – Ca n'est pas à moi, membre du gouvernement, de définir la manifestation organisée par un parti en l'occurrence le Parti communiste. »

Q - Mais, vous pourriez comprendre que certains membres du gouvernement, appartenant à ce parti, soient dans la rue ce jour-là ?

« – Chacun fait ce qu'il veut, nous sommes un gouvernement où chacun peut exister, affirmer son identité, laisser sa trace, à partir du moment où la volonté d'être ensemble pour redresser le pays n'est pas compromise. Donc, aucune difficulté. »

Q - Après « l'effet Michelin », on parle « d'effet Jaffré » qui aurait touché des indemnités qui varient entre 200 à 300 millions de francs. C'est quand même une somme absolument colossale ! Indemnités versées sous forme de stock-options, des parts d'entreprise, des actions. Aujourd'hui, au sein du Gouvernement, on pense qu'il faudrait mettre un peu de transparence ?

« – Vous avez totalement raison. Dès le séminaire gouvernemental de Rambouillet, D. Strauss-Kahn avait dit : “Un des problèmes qu'il nous faudra résoudre, c'est le problème de la transparence de ces dispositifs.” Mais en même temps, plus globalement, revoir la question de l'épargne salariale. Cette question va être au coeur de la réflexion gouvernementale, d'un projet et donc d'une réforme à venir. Nous sommes le gouvernement de la réforme, pour redresser le pays, pour redresser la France. Cela fait partie du travail que le gouvernement va accomplir. »

Q - Plusieurs membres du Gouvernement sont tentés, nous dit-on, par le mandat de maire. On dit que M. Aubry pourrait se présenter à Lille, que C. Trautmann a très envie de retrouver sa mairie de Strasbourg. Cela ne va pas être un peu compliqué à gérer pour le gouvernement, si plusieurs figures fortes ont envie d'aller tenter une autre expérience ?

« – Ce n'est pas une autre expérience. Il est de tradition que des personnalités politiques, membres du gouvernement ou pas, soient candidats à des élections. Ce sera sans doute le cas en mars 2001. Les élections municipales seront importantes, il faut qu'il y ait des chefs de file. Et, l'on sait très bien que les membres du gouvernement, traditionnellement, sont sollicités pour tirer des listes, de la gauche notamment. Ce sera sans doute le cas en 2001 et on verra, à ce moment-là, le choix que feront ces personnalités. On verra le moment venu. Pour l'instant, le Gouvernement est au travail. »