Déclaration de M. Alain Krivine, porte-parole de la LCR, le 2 octobre 1997, sur le procès de la direction d’Herri Batasuna, accusée de collaboration avec l'ETA, parue dans "Rouge" du 6 octobre 1997.

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Circonstance : Ouverture à Madrid le 13 octobre 1997 du procès de 23 membres de la direction d'Herri Batasuna, accusée de collaboration avec l'ETA.

Média : Emission Fil Rouge - Rouge

Texte intégral

Depuis le 13 octobre, s’est ouvert à Madrid le procès des 23 membres de la direction d’Herri Batasuna accusé de « collaboration avec ETA » pour avoir diffusé un film vidéo dans lequel ETA rendait publiques ses propositions de négociations. Herri Batasuna est une organisation légale qui obtient près de 20 % des voix au Pays basque et qui a été capable, ces derniers jours, de mobiliser plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Bilbao. Indépendamment de ce que nous pensons des méthodes d’ETA et de la politique d’HB, ce procès est très dangereux, car, le motif d’inculpation est en fait une remise en cause de la liberté d’informer, un véritable précédent en ce qui concerne les libertés démocratiques. C’est ce qui explique les prises de position de nombreux démocrates dans l’État espagnol et à l’échelle internationale. Invité à témoigner lors de ce procès, notre camarade Alain Krivine a envoyé au président du tribunal et aux avocats, la déclaration que nous publions ci-dessous.

Le procès intenté à la direction de HB appelle de ma part une prise de position très ferme, comme à chaque fois qu’une liberté fondamentale me paraît menacée. Le simple fait de reproduire dans un article, une vidéo ou tout autre support d’information une offre d’ETA ne saurait constituer, aujourd’hui en Europe, un délit. Il en va de la liberté d’informer. Une condamnation dans ce cadre constituerait un précédent grave.

J’ajoute que nous-même avions rendus publiques ces propositions après en avoir été informé par HB, en 1995.

Nos prises de positions à propos des choix d’ETA sont connues. Solidaires du peuple basque et de son combat pour l’autodétermination, nous avons toujours condamné les méthodes qui desservent cette cause comme l’assassinat, l’été dernier, de Miguel Angel Blanco. Nous n’en sommes que plus à l’aise pour exiger aujourd’hui l’abandon des poursuites contre HB dans le mauvais procès qui lui est fait.

J’ajouterai que dans la sale guerre d’Euskadi, si les crimes de tous bords sont condamnables, ils ne pèsent pas du même poids. La responsabilité des autorités espagnoles dans la situation qui prévaut en Euskadi, l’impunité accordée pendant des années aux assassins du GAL et le refus d’envisager l’ouverture de négociations sont plus accablants que les dérives d’ETA.

À l’heure où d’autres conflits séculaires entrent, comme en Irlande, en voie de résolution par l’ouverture de négociations, il est de notre responsabilité de placer le Gouvernement espagnol devant les siennes. Ce procès, s’il devait connaître un nouveau verdict attentatoire aux libertés, ne ferait que repousser l’échéance de négociations aussi nécessaires qu’inéluctables. C’est pourquoi, je demande l’abandon des poursuites contre la direction d’HB.