Texte intégral
Q - « Dix sénateurs, trente et un délégués départementaux à la jeunesse, vingt-cinq députés et, bientôt, une centaine de maires vous demandent de faire votre « devoir ». Qu'attendez-vous pour déclarer votre candidature à la présidence du RPR ?
- S'il n'y avait que moi en cause, j'aurais déjà fait connaître mon choix. Il faut comprendre qu'il y a une différence entre les autres candidats et moi, c'est qu'ils n'engagent qu'eux-mêmes quand moi, secrétaire général du RPR, j'engage le mouvement. C'est plutôt un frein. Je me fais une idée assez précise de mon rôle à la tête du RPR dans une période troublée, et je serai donc sans doute le dernier, d'ici au 4 octobre, à faire savoir si je suis ou non candidat à la présidence du RPR. D'ici là, je dois garantir l'unité du mouvement.
Q - L'engagement public que vous aviez pris, le 14 juin, selon lequel, « en toute hypothèse », vous ne seriez « pas candidat à la présidence du RPR », fait-il obstacle ?
- Chaque candidat a jusqu'au 4 octobre. Que n'aurait-on dit si j'avais fait connaître ma décision avant ? Soit j'aurais perdu l'autorité pour impulser le mouvement, soit on m'aurait accusé de fausser le débat et d'empêcher les candidatures. Je n'ai pas encore pris ma décision.
Q - On commence à y voir plus clair…
- Je suis certain qu'il y aura d'autres candidats, et c'est une bonne chose. Car la démocratie, la vraie, celle que notre famille politique a mis tant de temps à acquérir, celle qui ne fait pas vraiment partie de la culture spontanée du mouvement gaulliste, c'est la première marche vers la modernité. Cette élection doit être une véritable élection, transparente, équitable, juste, forte de sens. Il n'y aura plus de mouvement politique clanique, représenté par un seul homme et où un seul homme pouvait décider de tout. Cette époque appartient à un passé révolu. Qu'il y ait plusieurs candidatures crédibles, c'est la meilleure preuve que le RPR est en train de se moderniser. Début octobre, quand toutes les candidatures seront connues, il m'appartiendra de voir si mon éventuelle candidature apporte un plus, remplit un vide, ou bien si elle est inutile.
Q - Vous avez été interpellé au bureau politique sur la transparence de cette élection…
- J'ai bon espoir que l'organisation de la campagne fera l'objet d'un consensus. Car l'élection du président du RPR sera gagnée si personne ne peut la contester. L'égalité sera scrupuleusement respectée du 4 octobre au 21 novembre. D'ici là, je ne peux mobiliser des moyens en faveur de candidats dont je ne sais s'ils pourront l'être jusqu'au bout. Et je n'envisage surtout pas, non plus, de mettre le RPR entre parenthèses. Je dois continuer à faire mon travail de secrétaire général. J'ajoute que les candidats sont condamnés à s'entendre et à travailler ensemble. Celui qui serait élu à l'issue d'une campagne violente se serait tiré une balle dans le pied.
Q - Regrettez-vous qu'à ce jour presque aucun « poids lourd » du mouvement ne se soit encore prononcé clairement ?
- Ils ont raison. Je suis en contact avec chacun d'eux. Nous avons parlé : pourquoi voudriez-vous qu'ils prennent position sans connaître tous les candidats ?
Quant à Philippe Séguin, il a rompu le silence pour manifester son soutien à l'action que je mène comme secrétaire général du RPR. Cela ne m'étonne pas. Et c'est bien mal connaître les rapports que nous avons eus que d'imaginer que les deux ans de travail en commun puissent être égratignés par deux jours de campagne.
Q - Et Jacques Chirac ? Certains candidats s'en réclament, d'autres prônent une autonomie du mouvement à son égard. Vous a-t-il donné un signe ?
- Je suis secrétaire général depuis bientôt deux ans et demi et le premier dirigeant du RPR depuis cinq mois. Depuis cinq mois, le président de la République a été informé de tout ce que j'ai dit et fait avant que je ne le dise ou avant que je ne le fasse.
Q - Vous dites bien « informé » ?
- Oui, informé. Les mots ont un sens. Le président me donne son avis et il laisse libre le RPR de faire ce qu'il croit utile de devoir faire. Qui peut imaginer qu'il n'existe pas de contacts fréquents et confiants entre Jacques Chirac, fondateur du RPR, et les dirigeants du mouvement ? S'agissant de l'élection à la présidence du mouvement, la consigne formelle de Jacques Chirac est que personne, quelle que soit sa qualité, ne puisse, si peu que ce soit, y mêler le président de la République. Je le répète, c'est une consigne formelle du président. Ce n'est pas lui rendre service que de le mêler à une compétition électorale qui occupe ses amis.
Quant à la question de fond, celle de l'autonomie du mouvement, il est facile d'y répondre. Le RPR a un avantage sur toutes les formations politiques : si Jacques Chirac décidait d'être candidat à sa propre succession, il serait le candidat naturel du RPR. Le mouvement doit s'occuper des prochaines élections municipales, des prochaines cantonales, des prochaines sénatoriales, des prochaines législatives, tous rendez-vous préalables à la présidentielle. C'est parce que le RPR aura tranché cette question dans la transparence et dans la clarté que son autonomie peut être affirmée. Le RPR doit être une force d'opposition plus déterminée qu'elle ne l'a été jusqu'à présent.
Le président de la République a des impératifs constitutionnels – la cohabitation en est un ; nous n'avons pas les mêmes.
Q - Etre autonome est-il possible ? Votre prédécesseur avait fini par estimer que non…
- C'est non seulement possible, mais également indispensable. Il n'existe pas de grande formation politique qui ne puisse développer de façon autonome et collective son projet politique. On aide Jacques Chirac en s'opposant à Lionel Jospin et en étant porteur d'un projet politique moderne. S'agissant de Philippe Séguin, je me suis toujours abstenu de commenter le détail de ses relations avec le président de la République. J'ai l'obsession de l'unité parce que, dans la famille gaulliste, l'unité est un élément, non négligeable de notre identité. Désunis, nous avons toujours perdu ; unis, nous gagnons.
Q - Chaque formation de l'opposition essaie de faire son aggiornamento sur les idées, mais pour ce qui est de son organisation, comment voyez-vous les choses ?
- Il est trop tôt pour figer l'organisation de l'opposition. Et proposer des schémas aujourd'hui, c'est prendre le risque de compliquer la tâche. En revanche, il n'est que temps de fixer un nouvel état d'esprit. Pas un député, pas un sénateur, pas un maire ne sera élu sans les voix de toute l'opposition. Nous ne pouvons rien les uns sans les autres. L'union de l'opposition est incontournable. Y aura-t-il dans l'avenir de nouveaux et plus vastes rassemblements ? C'est l'évidence. On ne pourra pas rester indéfiniment dans la situation d'éparpillement dans laquelle nous sommes. L'élection présidentielle est un bon rendez-vous pour provoquer ce rassemblement. Le changement d'état d'esprit, en revanche, doit se faire tout de suite.
Q - Cette réponse vaut-elle aussi pour le RPF et Charles Pasqua ?
- Cela paraît plus passionnel qu'avec François Bayrou et Alain Madelin, mais c'est, en même temps, plus nécessaire encore. La réconciliation de la famille gaulliste est un rendez-vous incontournable pour qui a l'ambition de préparer l'alternance. Je ne ferai donc rien qui puisse compliquer cette rencontre.
Q - A vous entendre, vous avez envie d'« y aller », non ?
- Je participerai au débat, mais il n'y a pas, pour moi, une façon d'y participer, il y en a plusieurs. Et le moment n'est pas encore venu. Je ne me laisserai pas enfermer. J'ai tiré de toutes ces années de politique une idée assez précise du prix de la liberté. Aujourd'hui, j'ai besoin d'être libre. »