Texte intégral
Valeurs actuelles : Vous transformez La Droite en parti, et vous en changez le nom. Pourquoi ?
Charles Millon : J’ai créé La Droite il y a dix-huit mois avec trois objectifs. Réhabiliter le mot « droite » que l’opposition avait banni de son vocabulaire : C’est chose faite puisqu’elle ose de nouveau l’employer. Refonder une pensée de droite : nous y avons participé par nos forums. Je constate aussi que certains orateurs se sont explicitement référés à des valeurs de droite au cours des débats sur le Pacs et sur les 35 heures.
Valeurs actuelles : Pas tous !
Charles Millon : Hélas ! Le « politiquement correct » continue de sévir : il y a donc encore à faire. Nous voulions enfin créer un grand rassemblement pluraliste de la droite, sur le modèle de la démocratie chrétienne allemande (la CDU-CSU) ou du Parti populaire espagnol. Nous n’y sommes pas parvenus, à cause des ambitions personnelles et des calculs électoraux qui rongent l’opposition. Ceux qui se réclament du souverainisme ou du libéralisme, continuent de rêver à des rassemblements unissant la droite à la gauche, sans voir que personne, à gauche, ne répond à leurs avances. Chaque courant de la droite doit clairement s’identifier pour hâter sa recomposition. Ce que nous faisons en transformant La Droite en parti politique.
Valeurs actuelles : Vous avez quand même eu des contacts avec Pasqua et Villiers…
Charles Millon : Le RPF [Rassemblement pour la France] aurait pu être l’embryon d’un rassemblement pluraliste. On m’a répondu qu’il serait de droite et de gauche et que la référence commune de ses adhérents serait le souverainisme exclusif. En l’état actuel des choses, le RPF n’est donc pas un rassemblement. C’est pourquoi nous n’avons pas donné suite aux contacts pris. Je crains que ce « positionnement », à cheval sur la droite et sur la gauche, ne lui pose de graves problèmes, car les principaux clivages apparaîtront demain sur des problèmes de société : la bioéthique, la famille, l’éducation, le travail… Autant de sujets qui distinguent clairement la droite de la gauche.
Valeurs actuelles : Vous évoquez la famille, mais l’opposition était bien molle sur le Pacs…
Charles Millon : En raisonnant « sondages » et non pas convictions, les hommes politiques se discréditent eux-mêmes. Le Pacs fragilise le droit de la famille. Dans ce contrat, les conjoints n’ont pas d’obligations l’un envers l’autre, ni les parents envers les enfants. Plus grave encore, il ouvre la porte à l’adoption d’enfants par les couples homosexuels. J’ose espérer que le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, le déclarera non conforme. J’ajoute que la gravité du texte appelle une prise de position du chef de l’État, sous la forme qu’il décidera.
Valeurs actuelles : Les déclarations d’Alain Juppé sur l’immigration vous ont-elles surpris ?
Charles Millon : L’opposition a l’obsession du consensus ! Je comprends qu’Alain Juppé le recherche, mais on ne peut pas le décréter. Or, il y a bien des débats à mener sur l’immigration, qui n’ont pas encore été tranchés : sur la nationalité, sur l’intégration, sur l’immigration clandestine, sur la coopération avec les pays d’origine. Qu’on en discute sereinement, sans sacrifier ses convictions.
Valeurs actuelles : N’êtes-vous pas trop sévère avec l’opposition ? Le RPR [Rassemblement pour la République] organise en ce moment même l’élection de son futur président par ses militants : c’est plutôt une bonne méthode…
Charles Millon : À condition que ce choix corresponde à une ligne politique et non à des considérations tactiques. Le RPR ne doit pas être paralysé par les concessions, malheureusement inévitables, que le Président de la République consent en période de cohabitation.
Valeurs actuelles : Si la droite ne parvient pas à retrouver ses esprits, n’est-ce pas précisément à cause de la cohabitation ?
Charles Millon : La cohabitation est dangereuse : elle pervertit nos institutions, elle entretient la confusion entre la droite et la gauche, elle participe à la dévalorisation de la fonction présidentielle. J’y ai toujours été hostile. Je regrette que les hommes politiques qui se réclament du gaullisme n’aient pas eu, dans cette situation, une attitude comparable à celle du général de Gaulle en 1969.
Valeurs actuelles : Présenterez-vous des candidats aux municipales ?
Charles Millon : Évidemment !
Valeurs actuelles : À la présidentielle ?
Charles Millon : À chaque jour suffit sa peine. J’espère que la droite saura se ressaisir en organisant un rassemblement pluraliste. Mais si les querelles d’hommes, les batailles d’appareil et les stratégies de boutiquiers l’emportent sur la raison malgré les défaites des législatives, des régionales et des européennes, la droite essuiera de nouveaux revers aux prochaines élections.