Interview de M. François Fillon, conseiller politique du RPR et candidat à la présidence du RPR, à RTL le 2 novembre 1999, sur la mise en cause de Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire de la MNEF.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL : Réclamez-vous la démission de Dominique Strauss-Kahn ?

François Fillon : Moi, j’attends d’abord de voir ce que la justice va décider, s’il sera mis en examen ou non.

RTL : S’il est mis en examen ?

François Fillon : Ce que je constate, c’est qu’il est très difficile pour un membre du gouvernement français d’exprimer la voix de la France tout en étant, en même temps, obligé de se défendre face à la justice. C’est la jurisprudence Balladur.

RTL : Alors s’il est mis en examen, doit-il démissionner ?

François Fillon : Je pense qu’il le devrait. Je l’avais déjà souhaité pour Roland Dumas. C’est la jurisprudence Balladur. Seul le Premier ministre et lui-même peuvent prendre cette décision, mais moi, ma conviction, c’est qu’on ne peut pas représenter les intérêts de la France et même temps se défendre devant la justice.

RTL : Alors n’est-ce pas paradoxal tout de même, vous qui avez défendu dans l’enceinte du Parlement l’idée de la présomption d’innocence, de vous entendre dire ça aujourd’hui ?

François Fillon : Je crois qu’il y a deux choses. Il y a d’abord la situation dans laquelle se trouve le monde politique par rapport à l’opinion. Cette situation est extrêmement dégradée et, moi, je ne vois pas d’autre solution pour sortir de cet état de chose que de renforcer encore les règles du jeu pour les hommes et les femmes publics. Nous sommes des hommes et des femmes publics. Nous n’avons pas les mêmes droits que les simples citoyens et je pense que, quand on est au gouvernement, la question de la crédibilité de la France, de sa voix, surtout dans un domaine comme celui dont Dominique Strauss-Kahn a la responsabilité, ne peut pas ne pas être pris en compte.

RTL : Alors vous donnez là, incidemment ou indirectement, un pouvoir énorme aux magistrats. Après tout, Dominique Strauss-Kahn joue un rôle très important dans la conduite de la politique économique du gouvernement. Est-ce que deux magistrats instructeurs, pour les besoins de leur enquête, peuvent affluer sur le cours de cette politique économique ?

François Fillon : C’est une solution qui n’est pas satisfaisante, j’en conviens tout à fait, mais je ne vois pas d’autre solution que celle de demander aux formations politiques, elles-mêmes aussi, de faire le ménage chez elles et d’avoir un œil un peu plus rigoureux et un peu plus attentif à ce qui se passe dans les formations politiques.

RTL : Alors jusqu’à présent, on avait observé que la plupart des leaders de droite étaient assez modérés comme s’il y avait eu pendant un moment l’idée à droite d’un donnant-donnant, la MNEF contre la mairie de Paris…

François Fillon : Je crois que c’est une idée qui n’a pas de sens. Il y a deux choses dans l’affaire de la MNEF : il y a des affaires qui, manifestement, qui semblent concerner le financement des partis politiques, et là je trouve qu’il serait grand temps de mettre un terme aux affaires qui concernent le financement des partis politiques pour le passé ; et puis il y a manifestement un problème d’enrichissement personnel. Et puis je dirais, il y a au-delà la collusion entre un syndicat étudiant, une mutuelle étudiante et le Parti socialiste qui présentent toutes les apparences d’un système un peu mafieux et pour lequel les poursuites doivent évidemment aller jusqu’à leur terme.

RTL : Alors attendez, deux choses là-dedans : d’abord comment met-on un terme au financement des partis politiques en ce qui concerne le passé ?

François Fillon : Moi, j’ai toujours dit que la situation du financement des partis politiques avant les lois Rocard et Balladur était peut-être illégale, mais qu’elle était morale et elle était morale pour une raison simple : c’est qu’il n’y en avait pas d’autres. Il y avait à l’époque aucun autre système permettant de financer la vie politique.

RTL : Donc amnistie ?

François Fillon : Donc moi, je pense qu’il est temps de mettre un terme à ce passé et la seule façon de mettre un terme à ce passé, c’est de voter des lois, ce qui a été fait par le Parlement, et puis de faire en sorte qu’il n’y ait plus de poursuite pour la période antérieure à ces lois.

RTL : Alors ça met fin à l’affaire de la mairie de Paris ?

François Fillon : Je n’en sais pas parce que je ne sais pas, moi. Je ne suis pas magistrat. Dans l’affaire de la mairie de Paris, il y a des problèmes qui sont liés au financement de partis politiques. Il y a peut-être des problèmes liés à d’autres aspects des choses. Moi, je ne vise pas l’affaire de la mairie de Paris. Le Parti communiste est aux prises avec des affaires de financement, le Parti socialiste, l’UDF, toutes les formations politiques et pour la raison que j’évoquais tout à l’heure : il n’y avait pas de moyens de financer la politique avant, c’est donc que tout le monde avait accepté tacitement le fonctionnement passé.

RTL : Alors l’histoire de la MNEF, est-ce qu’elle serait également rayée d’un trait de plume à votre idée ?

François Fillon : Non, je ne le crois pas d’ailleurs. Dominique Strauss-Kahn n’est pas accusé d’avoir financé le Parti socialiste.

RTL : Non, mais je parle des autres composantes de l’affaire.

François Fillon : Et il y a dans les autres composantes de l’affaire manifestement beaucoup de sujets qui n’ont pas l’air liés avec le financement de partis politiques.

RTL : Alors vous avez dit tout à l’heure système, mafieux, c’est très fort ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

François Fillon : Vous avez un syndicat étudiant, une mutuelle qui est la principale mutuelle étudiante et un Parti socialiste qui sont complètement mêlés, qui se financent les uns les autres, qui s’appuient les uns sur les autres et chacun sait que le Parti socialiste a utilisé dans le passé le syndicat étudiant en question pour mettre en difficulté les gouvernements de droite. C’est un sujet qui dépasse, à mon avis, très largement le problème du financement des partis politiques.

RTL : Attendez, vous voulez dire que le PS a manipulé les étudiants, des étudiants lambda pour les instituer…

François Fillon : Mais c’est connu de tout le monde. L’UNEF-ID, la MNEF et le Parti socialiste sont complètement imbriqués. D’ailleurs, on passe de l’un à l’autre extrêmement facilement. On est dirigeant de l’UNEF-ID, on devient dirigeant de la MNEF et on termine au Parti socialiste. C’est un système sur lequel il y a, à mon avis, beaucoup plus à dire que sur le financement des partis politiques.

RTL : Mais vous avez des preuves de ce que vous avancez, cette manipulation politique ?

François Fillon : Mais je vois simplement que ceux qui dirigeaient l’UNEF-ID deviennent dirigeants de la MNEF. Je vois que ceux qui étaient à la MNEF deviennent députés socialistes. Il y a là une mainmise d’un parti à la fois sur un syndicat étudiant et sur une mutuelle étudiante qui n’est pas saine.

RTL : Alors vous êtes candidat à la présidence du RPR. Vous publiez un manifeste dans lequel vous dites : il faut en finir avec la vieille idée d’un RPR qui se repose sur le clivage gauche-droite. Il faut des idées nouvelles. Mais quelles sont-elles, les vôtres ?

François Fillon : Oui, non, seulement c’est le cas du RPR, vous le savez, mais c’est le cas aujourd’hui de la plupart des partis politiques dans notre pays. On a le sentiment que, depuis la chute du mur de Berlin, il n’y a plus de réflexion politique dans ce pays et ce n’est pas vrai seulement pour le RPR. Moi, je pense que les partis politiques sont d’abord là pour proposer aux Français des réponses aux questions qui se posent, pour proposer à la société des réponses aux questions qui se posent et aujourd’hui la question qui se pose pour nous, c’est : est-ce qu’on accepte le capitalisme mondialisé comme étant la fin de l’histoire ? Ou est-ce qu’on a à cœur de vouloir proposer à la société française une évolution, une régulation politique de ce capitalisme mondialisé ? Et c’est autour de cette idée qu’avec un certain nombre de responsables du RPR, j’ai proposé une contribution qui vise à ouvrir ce débat-là.