Texte intégral
Date : mardi 22 avril 1997
Conférence de presse Cannes 97
Monsieur le président,
Monsieur le délégué général,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d’être avec vous aujourd’hui pour découvrir dans quelques minutes la sélection officielle de ce cinquantième Festival de Cannes.
Je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter Pierre Viot et Gilles Jacob pour leur action permanente et déterminée au service du Festival de Cannes qui est le premier festival du monde.
Ce n’est pas ici devant vous que je rappellerais l’importance que j’attache au rayonnement culturel de notre pays, à la place particulière que tient notre cinéma dans ce domaine et plus particulièrement au rôle irremplaçable du festival de Cannes, ce moment unique où le monde entier a les yeux braqués sur notre pays.
Ce cinquantième anniversaire doit être l’occasion de souligner l’engouement des Français pour le 7e art, la grande vitalité de notre cinéma national et la diversité de la création cinématographique à laquelle je suis très attaché. C’est en effet pour moi une grande fierté et en même temps une action quotidienne que de défendre le cinéma français afin de préserver sa richesse, sa diversité et sa créativité.
La célébration de ce cinquantième anniversaire, concentrée sur la journée du 11 mai et construite autour de l’image de la palme d’or, sera un événement exceptionnel qui rassemblera les plus grands noms du cinéma mondial de Gérard Depardieu à Martin Scorsese en passant par Claude Lelouch, Ettore Scola, Jeanne Moreau, Michelangelo Antonioni, Francis Ford Coppola, Vittorio Gassman, Robert Altman et Wim Wenders entre autres. Que ceux que je n’ai pas cité me pardonne.
Ainsi, le 11 mai, après une montée des marches exceptionnelle par l’ensemble des grands artistes présents, la soirée connaîtra deux temps forts avec pour commencer un spectacle chorégraphique sur thème du cinéma que Philippe Decouflé a créé et mis en scène pour le festival, puis la cérémonie de remise de la palme des palmes d’or à un grand réalisateur qui ne l’a jamais reçue.
Mais j’ai aussi voulu que cet anniversaire ne soit pas seulement célébré à Cannes mais aussi dans la France entière à travers l’opération « Cannes dans votre salle », qui offrira aux Français, ce même 11 mai, la possibilité de voir dans une centaine de salles réparties dans toute la France les trois films qui, à leurs yeux, auront marqué le palmarès du festival.
Je voudrais pour conclure, avant de laisser Pierre Viot et Gilles Jacob, vous présenter dans le détail cette cinquantième édition du festival, vous dire ma confiance dans la réussite de cette célébration exceptionnelle, souhaiter à cette cinquantième édition du festival tout le succès qu’elle mérite et vous donner rendez-vous l’année prochaine pour la présentation de la cinquante et unième édition du festival de Cannes
Date : mercredi 23 avril 1997
lancement de l’association « Saint-Germain-des-Prés : l’esprit du lieu »
Monsieur le président, Cher Dominique Giulani,
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis très heureux de me trouver à la Galerie de Westles aujourd’hui pour lancer avec vous l’association « Saint-Germain-des-Prés : l’esprit du lieu ».
Habitants du 6e arrondissement ou d’autres quartiers de Paris, artistes, écrivains, éditeurs, universitaires, libraires ou galeristes, simples citoyens, vous avez voulu vous regrouper dans une nouvelle association culturelle, qui se donne pour but de préserver l’esprit de Saint-Germain-des-Prés et sa vocation culturelle. Au-delà de Saint-Germain-des-Prés, naturellement, votre geste manifeste votre souci de préserver l’esprit et l’activité culturels de chacun des quartiers de Paris et, dans toute la France, des centres de nos villes.
Croyez-le : votre préoccupation rejoint parfaitement celle qui m’anime en tant que ministre de la Culture. Il est vrai que les transformations qui ont récemment affecté Saint-Germain-des-Prés ont créé une véritable émotion, et doivent être pour chacun de nous l’occasion d’une véritable prise de conscience. Nous sommes ici au cœur du Paris culturel. Saint-Germain-des-Prés, dans le monde entier, est comme un condensé de la culture française. Avec son église, une des plus anciennes de Paris, avec ses vieilles rues, Saint-Germain-des-Prés est d’abord un lieu patrimonial. C’est aussi naturellement le quartier de l’édition et de la librairie. C’est le quartier des galeries d’art ; c’est celui des cinémas d’art et d’essai. C’est enfin le quartier des grands cafés : on s’y rencontre, on y parle de tout et de rien, mais on s’y livre aussi aux discussions les plus élevées. On vient du monde entier respirer cette atmosphère à la fois dense et déliée, qui est celle des « Deux Magots », du « Flore » ou du « Bonaparte ». Or, nous sommes les témoins d’une transformation qui ne doit pas aller jusqu’à compromettre la vocation culturelle unique de ce quartier. Son charme unique attire des commerces de luxe de grande qualité. C’est normal. Mais ces commerces doivent venir s’ajouter aux commerces culturels, et non s’installer à leur détriment. La disparition du disquaire Raoul Vidal, puis la fermeture de la librairie Le Divan ont résonné, pour chacun d’entre nous, comme un signal d’alarme. Nous savons tous qu’Antoine Gallimard, le propriétaire du Divan, n’a pas accepté de gaité de cœur de s’en séparer, et qu’il ne l’a fait que pour ouvrir dans le 15e arrondissement, au 203, rue de la Convention, une très importante librairie. Avec la grande librairie du boulevard Raspail, avec la librairie Delamain au Palais Royal, où je me rends en voisin, avec La librairie de Paris, place Clichy, Gallimard fait partie des éditeurs qui ont toujours œuvré en faveur de la librairie. Et je crois que nous devons un hommage particulier à ces éditeurs, parmi lesquels je citerai – figures illustres de Saint-Germain-des-Prés ou de ses environs immédiats – Serge Eyrolles, président du Syndicat national de l’édition, Charles-Henri Flammarion, propriétaire de La Hune, Éric Hazan, ou encore Jérôme Lindon, président des Éditions de Minuit et propriétaire de la librairie Compagnie, rue des Écoles.
Dans Saint-Germain-des-Prés, dans nos centres villes, dans nos quartiers, nous devons éviter de nouveaux départs, de nouvelles fermetures de commerces culturels.
Comment pouvons-nous y parvenir ? Devons-nous créer des baux spéciaux, à loyer limité et réservant l’exploitation des lieux à des commerces à vocation culturelle ? Face à une situation très dégradée, ce serait une mesure à étudier. Mais cette idée se heurte à la liberté du bailleur et au droit de propriété. Elle ne pourrait passer que par une lourde et longue réforme de nature législative. Plutôt que d’envisager immédiatement des contraintes, je souhaite, dans le respect de la liberté des uns et des autres, créer des incitations. Dans cet esprit, je suis venu aujourd’hui vous annoncer deux initiatives :
1 - En premier lieu, j’ai mis à l’étude la création d’un « label national des commerces d’utilité culturelle ». Ce label serait délivré par le ministère de la Culture en fonction de critères précis, et notamment fonds et collections, spécialisation, périmètre géographique, densité de la population desservie. L’instruction des dossiers serait réalisée conjointement par les directions régionales des affaires culturelles et les délégations régionales au commerce et à l’artisanat. Après avis de ces échelons régionaux, les dossiers remonteraient à une commission nationale consultative, composée de représentants des organisations professionnelles et de représentants des ministères concernés : ministère de la Justice, ministère de la Culture, ministère de l’Économie et des Finances, ministère des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce et de l’Artisanat.
La possession de ce label constituera pour le commerçant une preuve de qualité, de compétence, d’utilité sociale qu’il pourra faire valoir auprès de son bailleur, et particulièrement s’il s’agit d’un propriétaire institutionnel ou public. Je souhaite qu’en province, l’attribution de ce label national puisse ouvrir un accès prioritaire aux aides aux commerces de proximité, et notamment aux aides accordées par le FISAC, fonds d’intervention pour la sauvegarde des activités commerciales. Je souligne que les aides du FISAC peuvent notamment consister, si l’immeuble appartient à une collectivité publique, en un allégement du loyer pour trois ans.
2 - En second lieu, ce qui concerne plus particulièrement la Ville de Paris, le ministère de la Culture prépare actuellement une initiative en direction de la mairie. La mairie de Paris est propriétaire de baux. Nombre d’entre eux abritent des librairies ou d’autres commerces culturels. Actuellement, la commission du patrimoine immobilier de la Ville de Paris, nous le savons, mène un travail d’examen de ces baux et propose parfois des hausses de loyer très difficiles à supporter pour des commerces culturels, qui cumulent, comme par exemple les librairies, lourdeur des charges et faiblesse du rendement. Je veux demander à la Ville de Paris de jouer activement tout le rôle qui peut être le sien dans la présentation des activités culturelles, en tenant compte dans la révision des baux des spécificités des commerces culturels. Je me réjouis que la ville ait adopté cette attitude en ce qui concerne la librairie Outremer, et je dis que nous devons tous ici l’en remercier. J’irais plus loin, en cohérence avec ma première proposition. La Ville de Paris pourrait jouer, me semble-t-il, un rôle exemplaire et moteur, en décidant de réserver une partie de ses baux aux titulaires du label national des commerces d’utilité culturelle, dès que ce label sera créé.
Voilà, Mesdames, Messieurs, Chers amis, les deux initiatives dont je voulais vous réserver l’annonce, parce que leur succès – ou le succès de toute autre mesure – dépendra de la mobilisation de gens tels que vous, c’est-à-dire de citoyens décidés à préserver l’âme de leur quartier, son identité culturelle, bref, ce qu’on appelle si justement « l’esprit du lieu ».