Texte intégral
Brive, le 4 septembre 1997
Mes chers compagnons,
Merci à vous tous et à vous toutes d'être venus, souvent de fort loin, pour participer à cette réunion. Je sais l'effort que cela représentait pour nombre d'entre vous, et je vous sais d'autant plus gré d'avoir compris l'importance de notre rencontre.
Il ne m'est pas possible, vous le comprendrez, de saluer nommément toutes les personnalités, tous les amis que je vois aujourd'hui présents à mes côtés ou dans cette salle.
Cependant je remercie en particulier Lucien Renaudi et son équipe, qui ont travaillé à la réussite de cette réunion.
Je remercie également les députés et sénateurs de vos régions, ainsi que tous les élus et présidents d'exécutifs locaux qui ont pu venir participer à cette réunion.
Merci enfin à tous les membres des comités départementaux des régions du Limousin et de l'Auvergne, qui sont venus depuis les quatre coins de la « grande région » que nous avons dessinée pour lancer ce débat sur l'avenir du Rassemblement.
Je suis heureux, avec Charles Pasqua, François Fillon, Nicole Catala et Nicolas Sarkozy, de me retrouver ici en terre corrézienne. Une terre sur laquelle le président de la République a livré et gagné ses premiers combats politiques et de laquelle il a tant de fois tiré, grâce à vous, l'énergie pour poursuivre son action.
Je ne doute pas qu'il soit par la pensée, par le cœur, avec nous aujourd'hui. Ma première parole est pour lui, pour ce qu'il a fait pour notre mouvement, pour ce qu’il fait à l'Élysée pour toute la France.
Je garde quant à moi un souvenir fort de la ville de Brive, où j’ai eu le plaisir et l'honneur, voici déjà un an, de présider la fête des 20 ans du Rassemblement, à l'invitation de Bernard Murat.
Je ne suis donc pas surpris de la qualité de l'accueil chaleureux qu'il nous réserve aujourd'hui à Brive.
Nous avons, mes chers compagnons, traversé des moments difficiles au cours de ces derniers mois.
La défaite électorale nous a meurtris.
Les événements qui ont suivi, les changements qui sont intervenus, même s'ils se sont déroulés, le plus souvent dans un climat de dignité, ont parfois créé chez les uns ou chez les autres, parfois pour des raisons contradictoires, des amertumes ou des incompréhensions...
Ces temps sont derrière nous.
Je me réjouis que notre mouvement ait tenu le choc, ait fait la preuve de sa solidité.
Je m'en réjouis d'autant plus qu'il a maintenant à relever de grands défis.
Et si je suis là où je suis, c'est uniquement pour l'y aider, de toutes mes forces et de toute mon âme.
En prenant mes fonctions, je m'étais assigné un triple mot d'ordre :
- réconciliation ;
- rénovation ;
- ouverture.
Je crois sincèrement que le processus de réconciliation est bien entamé. Grâce aux efforts de tous.
Ces efforts, il faut les poursuivre.
Rénovation qui est la condition même de notre ouverture à de nouveaux adhérents et à des secteurs de l'opinion française qui nous échappent encore largement...
Nous nous retrouvons donc ici ce soir pour accomplir une étape importante du processus lancé par nos assises, et plus précisément pour mettre en œuvre le contenu de la motion que nous y avions voté et qui constitue notre feuille de route.
Nous avons, pour lancer notre rénovation, à organiser, aussi précisément que possible, la consultation de l'ensemble des adhérents de notre mouvement en vue de déboucher :
- sur l'architecture de notre projet politique d’abord ;
- et sur une nouvelle organisation de notre mouvement, ensuite.
Les deux vont de pair. Le débat sur notre organisation interne, sur notre mode de fonctionnement, est inséparable du débat sur les idées.
Si nous voulons nous réformer, c'est précisément pour nous donner les moyens de pouvoir, demain, définir en permanence et aussi démocratiquement que possible notre ligne.
Et, à l'inverse, c'est en ayant défini préalablement, au plus précis, nos grandes options, que nous pourrons choisir utilement le mode d'organisation le plus adapté.
Ce soir, je voudrais, aussi brièvement que possible, situer l'enjeu politique de cette consultation.
Puis, Charles Pasqua interviendra pour décrire le déroulement pratique de la consultation.
Enfin, nous passerons à la phase de discussion, et nous nous efforcerons, les membres de l'équipe de transition et moi-même, de répondre à toutes les questions que vous pourriez vous poser.
Sans vouloir empiéter le moins du monde sur ce que va dire Charles Pasqua, je voudrais indiquer que ce grand débat interne auquel nous sommes appelés, je souhaite qu'il soit :
- approfondi ;
- sincère ;
- et authentique.
C'est pourquoi, je souhaite qu'il se déroule dans une atmosphère de très grande liberté, sans le moindre tabou, dise ce qu'il a sur le cœur, ce qu'il pense de la France, de son avenir, des problèmes des Français, de la manière dont nous pouvons et devons y répondre...
Que chacun puisse y prendre sa part, que les résultats de ce débat soient loyalement exposés et pris en compte.
Bref, que ce soit des profondeurs du mouvement que viennent les moyens d'un nouveau départ.
Ce n'est certes pas la première fois qu'une consultation a lieu au sein du mouvement.
Je sais bien que nous n'inventons rien.
Pourtant, rarement, au cours des dernières années nous n'aurons été confrontés à un tel enjeu.
C'est sur le pourquoi de notre existence même, sur notre rôle, notre vocation, que nous devons nous interroger.
Depuis 1976, les choses étaient simples et claires.
Notre mouvement avait été constitué, à titre principal, pour reconquérir l'Élysée, et y porter notre président fondateur Jacques Chirac. Il avait été organisé en conséquence.
L'objectif a été atteint.
Et si aucun problème existentiel ne se posait pour notre mouvement, aussi longtemps que nous détenions à la fois l'Élysée et la majorité de la majorité. Les choses aujourd'hui se présentent en termes radicalement différents.
Il ne s'agit plus de conquérir l'Élysée, mais de soutenir le président de la République face à une majorité parlementaire hostile.
Il s'agit ensuite de se préparer à une revanche législative qui pourrait bien être la condition sine qua non de la conservation de l'Élysée.
Il s'agit enfin de briser un cycle d'alternance qui devient systématique, à chaque consultation, et qui empêche notre pays d'avoir des stratégies continues et cohérentes.
Songez qu'en 6 ans nous aurons eu 6 Premiers ministres ! Qu'en un peu plus de 10 ans, nous aurons connu 3 périodes de cohabitation. Et que, si nous n'y prenons garde, la cohabitation d'exception va devenir la règle.
Les entreprises ont besoin de règles claires, simples, stables. Dans le domaine fiscal, social, juridique. Comment veut-on qu'elles se développent, qu'elles investissent, qu'elles embauchent, si elles ne savent pas de quoi demain sera fait, si elles ne savent pas quelles seront les règles du jeu, puisqu'on en change tous les 2 ou 3 ans.
Et on pourrait en dire autant sur l'immigration, les systèmes sociaux.
Or, nous n'atteindrons ce triple objectif, que je viens de définir... qu'à une condition de retrouver une véritable crédibilité.
Cette crédibilité, nous ne l'atteindrons pas seulement en attendant notre tour, c'est-à-dire en nous bornant à critiquer les socialistes.
Nous l'atteindrons si nous savons répondre vraiment aux interrogations, aux attentes des Français. Si nous les convainquons d'abord que la politique peut encore quelque chose pour eux.
Ensuite, que c'est bien nous qui sommes susceptibles de proposer la meilleure politique possible.
En d'autres termes, il ne s'agit pas seulement de combattre la majorité actuelle, il s'agit de réconcilier les Français avec la chose publique, leur rendre confiance en elle.
Ce qui montre bien, mes chers compagnons, que si nous nous lançons dans ce gigantesque effort de rénovation, ce n'est pas seulement parce que nous avons perdu les élections.
Perdre les élections, ça nous est déjà arrivé et ça nous arrivera encore... Ça n'est pas ça l'essentiel. Même si, c'est vrai, nous sommes confrontés à une situation difficile et sans précédent : c'est la première dissolution ratée de la Ve République. D'autre part, je le répète, nous sommes confrontés à une période de cohabitation, alors même que le septennat n'est seulement entamé que depuis 2 ans.
Si nous avons à nous rénover, c'est pour régler la grave crise morale et politique dans laquelle notre pays est enfoui.
Dont nous avons fait nous-mêmes les frais, lors des législatives... Comme les socialistes avant nous.
Comme les socialistes demain, à nouveau, je n'en doute pas un instant.
Et alors, il faudra faire en sorte que nous revenions, non pas pour en faire un petit tour et nous en aller, mais pour rester, de manière durable...
Car, mes chers compagnons, nous le sentons bien. Le vote des Français a marqué surtout une contestation de l'ensemble du système politique, pour des raisons de fond et de forme.
Pour le fond : il y a un reproche adressé au système pour son incapacité chronique à apporter des réponses aux problèmes de notre société, en particulier en termes de chômage.
Sur la forme, il y a rejet d'une forme d’action politique considérée comme trop péremptoire, trop déconnectée des réalités, insuffisamment basée sur le dialogue et l'écoute.
Ce qui nous impose de mettre à profit la période d'opposition pour trouver de nouvelles réponses.
Des réponses de fond. Il est évident que notre discours n’a pas été en accord avec les principes définis par Jacques Chirac qui nous ont fait gagner en 1995. Nous devons sortir de ce piège, et commencer par nous mettre en accord avec nous-mêmes.
Rien ne serait pire que de recommencer à agir en n’éliminant pas un certain nombre d'incohérences qui nous ont été fatales.
La priorité doit être à la synthèse entre des contraintes qui sont contradictoires. Sinon, notre discours ne redeviendra pas crédible.
Réponses de forme aussi : notre mouvement doit s'adapter pour se donner le moyen de trouver en permanence les synthèses nécessaires.
Il n'est plus seulement une force de manœuvre. Il doit être aussi un lieu de débat et d'échanges.
C'est à ce prix qu'il trouvera les solutions qu'attend notre société. C'est à ce prix qu'il pourra attirer de nouveaux adhérents et sympathisants. C'est à ce prix qu'il aura la force de protéger et d’accompagner Jacques Chirac. C’est à ce prix qu’il pourra reconquérir la majorité à l’Assemblée nationale.
Nous devons donc inventer ensemble une nouvelle forme d’action politique, adaptée à notre temps. Inventer ensemble un nouveau type de mouvement politique.
C’est tout le sens des débats que dans chaque circonscription vous aurez à conduire, selon les schémas que vous détaillera Charles Pasqua.
Autour de 3 questions clés :
- quelle France voulons-nous, dans quelle Europe ?
- quelle raison d’être pour notre mouvement ?
- quelle organisation pour notre mouvement ?
Quand nous aurons répondu à ces questions, nous serons en mesure de démontrer qu'à la politique à la petite semaine des socialistes, qui gèrent sans rien régler, nous opposons une vision d'avenir réelle.
Nous apporterons une réponse à ce faux débat que j'entends parfois se développer sur l'utilité, l'actualité de notre référence gaulliste.
Si cette référence qui, il est vrai, signifie de moins en moins pour les jeunes, veut dire que nous nous complaisons dans l'évocation du passé, dans l'entretien de grands et beaux souvenirs et que nous voulons appliquer les recettes et les solutions d'hier et d'avant-hier, alors oui, il est clair que nous faisons fausse route. C'est d'ailleurs, je l'indique, le contraire même du gaullisme.
Mais si, à l'inverse, comme je l'ai dit aux assises, nous considérons que le gaullisme ce sont quelques principes simples de liberté et de responsabilité, et une méthode.
Si le gaullisme, c'est l'idée de rassemblement, la volonté de représenter l'ensemble de la société française en dépassant les clivages – ce qui ne veut pas dire les nier, mais regarder au-delà – alors la référence gaulliste est pour nous plus que jamais d'actualité.
Chers compagnons, quand nous aurons répondu à ces questions, nous aurons apporté enfin une réponse à cet autre faux débat sur la fusion.
Et sur ce point, je souhaite être très clair…
J'admets tout à fait que certains puissent être séduits par cette idée – on pourra d'ailleurs la défendre tout à loisir, si on le souhaite, dans le débat. Pour autant, je ne suis pas persuadé qu'on rende actuellement un grand service à l'opposition en faisant de l'idée de fusion le point central du débat, voire en réduisant le débat à cette seule question.
Nous avons actuellement un déficit en termes d'idées, en termes de contenu et de cohérence de notre projet.
En termes de réponse à cette question centrale : comment concilier, comment rendre compatibles, avec les marges de manœuvre dont nous disposons, les contraintes diverses de la communication, de la mondialisation du marché, et de l'explosion technologique avec notre souci de maintenir et de promouvoir une société solidaire ?
Nous sommes d’accord sur le fait que le dosage socialiste n'est pas le bon.
Encore faut-il que nous travaillions au notre.
C'est à cela que nous devons nous atteler d'abord, les uns et les autres.
Il sera toujours temps ensuite, sur la base de nos résultats respectifs, de voir comment s'organiser entre nous.
J’ajoute que l’idée d’une coalition RPR-UDF, battue du fait de ses divisions, me paraît assez éloignée de la réalité…
Qu’est-ce que l’existence d’une formation unique aurait changé au résultat des élections de 1997 ?
Nous avions des candidats uniques, un programme unique. Nous avons été battus.
Nous avions 2 candidats en 1995. Nous avons gagné.
Le problème des structures est intéressant, important. Mais le problème de fond est prioritaire.
Bref, pour notre part, nous avons décidé de nous engager dans une période de réflexion.
Nous n'allons pas la conclure avant même de l'avoir entamée.
Ceux qui veulent une fusion s'exprimeront comme les autres – selon les règles qui auront été définies.
Je crois que là est la bonne méthode.
Que chacun conduise sa réflexion.
Et sur la base de ses résultats, nous verrons quelle est la meilleure forme à donner à l'union de l'opposition.
Voilà, mes chers compagnons, ce que je souhaitais dire, ce soir, pour introduire notre débat.
Je compte sincèrement sur chacune et chacun d'entre vous.
Les jours, les semaines qui viennent, seront placés sous le signe du sérieux, de l'humilité et de la résolution...
Que chacun en fasse montre et, je vous le dis, le chemin que nous ouvrirons sera prometteur de grands succès pour demain pour notre mouvement. Donc, pour le président de la République et pour la France...
Épinal, le 11 septembre 1997
Mes chers compagnons,
Merci à vous toutes et à vous tous d'être venus, souvent de fort loin, pour participer à cette réunion. Je sais l'effort que cela a représenté pour nombre d'entre vous. Je vous sais gré de l'avoir accompli de si bonne grâce et d'avoir ainsi montré que vous compreniez l'importance de notre rencontre et, au-delà, l'importance du processus dans lequel est engagé notre mouvement.
Merci également à Christian Poncelet pour son mot d'accueil, à Gérard Trautmann, et à toute l'équipe de la fédération des Vosges qui ont organisé de main de maître ce rassemblement.
Je n'oublie évidemment pas que je suis aussi puissance accueillante pour cette huitième et ultime étape du Tour de France que j'ai entrepris avec les membres de l'équipe nationale.
À mon tour, donc, je souhaite une très cordiale bienvenue aux membres des comités départementaux des régions de Champagne-Ardenne, d'Alsace et de Lorraine, auxquels s'est jointe en outre, par dérogation spéciale, la fédération du Doubs.
Que personne, surtout, ne voie dans le découpage de cette « grande région » Nord-Est, et dans le choix de sa capitale d'un soir la marque d'un subit élan d'impérialisme de la part d'Épinal.
Même si vous ne me croyez pas, je veux dire que je ne suis pour rien dans ce choix qu'on m'a justifié, cartes routières à l'appui, comme étant le plus rationnel.
En tout cas, il me vaut le plaisir, le très grand plaisir de retrouver bien des visages amis.
Je ne pourrai évidemment tous les citer. Même si je me dois de saluer les parlementaires actuels et anciens, ainsi que les présidents Jean Kaltenbach, Philippe Leroy et Georges Grillot.
Vers eux, vers chacune et chacun d'entre vous, va mon salut le plus chaleureux et celui des membres de l'équipe nationale de transition qui m'accompagnent ce soir, quasiment au complet : Élisabeth Hubert, Françoise de Panafieu, Nicole Catala, Magali Benelli, Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Guy Drut, Éric Raoult et Renaud Muselier, dont certains en sont à leur toute première visite à Épinal – il était temps.
Mes chers compagnons,
Nous avons traversé, tous ensemble, des moments difficiles au cours de ces derniers mois.
La défaite électorale nous a meurtris.
D'autant que pour un grand nombre d'entre nous, elle était largement imprévue.
Les événements qui ont suivi, les changements qui sont intervenus dans notre Mouvement, même s'ils se sont déroulés, le plus souvent, dans un climat de grande dignité, ont pu créer parfois chez certains d'entre nous des incompréhensions, voire même des amertumes...
Nous pouvons, nous devons considérer que ces temps, désormais, sont derrière nous.
Je me réjouis que notre mouvement ait tenu le choc, qu'il ait fait la preuve de sa solidité.
C'est là le premier enseignement que je retire, au terme de ce périple qui m'aura permis en huit jours de rencontrer tous nos comités départementaux de la France métropolitaine.
Notre mouvement est toujours là. Nombreux. Disponible. Impatient.
Parfois même un peu trop. Car il ne faut pas aller plus vite que la musique. Nous commençons seulement à entrevoir la fin de cette période habituelle au cours de laquelle une grande partie de l'opinion, où la plus grande partie des médias, parce que c'est la nouvelle mode, parce que c'est tout beau tout nouveau, estiment que toutes les initiatives du gouvernement sont frappées du sceau du génie, et où les erreurs à peine commises sont excusées...
Nous arrivons au terme de cette période. Et on commence à se dire, par exemple, que M. Allègre parle beaucoup, mais ne fait pas grand-chose, sinon s'emmêler dans les chiffres et, quoi qu'il en dise, à engraisser le mammouth, toujours et encore, où l'on commence à se dire que lorsqu'il y a à choisir entre le dogmatisme et le bon sens, c'est toujours le dogmatisme qu'on choisit, comme pour Air France, où l'on commence à se dire que lorsqu'on décrète la fin du cumul des mandats, c'est pour organiser une pantalonnade qui voit les ministres-maires devenir adjoints avec tous les pouvoirs et ainsi ajouter l'hypocrisie aux vices supposés du système.
C'est dire qu'il nous fallait, qu'il nous faut remonter en puissance progressivement. Au rythme du rétablissement de la capacité d'écoute de l'opinion.
En tout cas, je le répète, notre mouvement, contrairement aux pronostics de beaucoup, n'est pas entamé. Il est vrai qu'il en a vu d'autres...
Je m'en réjouis d'autant plus, qu'il a maintenant à relever de grands défis.
Et si je suis là où je suis, c'est uniquement pour l'y aider, de toutes mes forces et de toute mon âme.
Quelle que soit l’ampleur de la tâche.
Mes chers compagnons,
En prenant les fonctions que vous m'avez confiées, j'avais assigné un triple objectif pour les mois qui viennent :
- notre réconciliation ;
- notre rénovation ;
- notre ouverture.
Je crois sincèrement que le processus de réconciliation est bien entamé.
Il est bien entamé, grâce aux efforts de tous, efforts qu'il va falloir poursuivre, encore et toujours.
Car nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.
Or, cela ne m'a pas échappé, la perspective des élections régionales n'est pas toujours de nature, çà ou là, à renforcer l'amour que nous nous portons.
Eh bien, il faudra quand même pousser le processus de réconciliation, malgré les régionales. Malgré tous les autres obstacles.
La meilleure façon d'y parvenir, c'est de créer un climat de respect et de tolérance mutuelle. J'y veillerai, jour après jour...
Quant à la rénovation, à laquelle il faut désormais consacrer nos forces et notre imagination, elle est évidemment la condition même de notre ouverture.
J'entends de notre ouverture future à de nouveaux adhérents, et à des secteurs de la population qui nous échappent encore largement...
Ouverture, qui est une nécessité si nous voulons avoir une chance de retrouver demain les responsabilités, et si nous voulons nous mettre en mesure de les exercer. Et surtout…
Nous nous retrouvons donc ici ce soir pour accomplir une étape importante du processus lancé par nos assises, et pour mettre en œuvre le contenu de la motion que nous y avions voté, et qui constitue notre feuille de route à tous.
À vous, comme à moi.
Nos assises, vous vous en souvenez, ont posé le principe de la rénovation.
Elles ont bien précisé que ses conditions et ses modalités ne devraient pas être fixées, unilatéralement, au sommet.
Qu'elles ne devaient pas venir d'en haut.
Mais qu'elles seraient définies au terme et sur la base de la consultation de l'ensemble des adhérents de notre mouvement.
Nous avons donc à organiser cette consultation.
Nous avons à l'organiser pour pouvoir déboucher :
- sur le rappel ou la redéfinition de nos valeurs ;
- sur une nouvelle organisation de notre mouvement, ensuite.
J'insiste sur le fait que les deux vont de pair.
Le débat sur notre organisation interne, sur notre mode de fonctionnement, est inséparable du débat sur les idées et les valeurs.
Si nous voulons nous réformer, c'est précisément pour nous donner les moyens de pouvoir, demain, définir en permanence et aussi démocratiquement que possible notre ligne politique.
Et, à l'inverse, c'est en ayant défini préalablement, au plus précis, nos grandes options, que nous pourrons choisir utilement le mode d'organisation le plus adapté.
Ce soir, je voudrais, aussi brièvement que possible, situer l'enjeu politique de cette consultation.
Puis, Charles Pasqua interviendra pour décrire le déroulement pratique de la consultation qui s'étendra sur tout le mois d'octobre et une partie du mois de novembre.
Enfin, nous passerons à la phase de discussion, et nous nous efforcerons, les membres de l'équipe de transition et moi-même, de répondre à toutes les questions que vous pourriez vous poser.
Je précise bien que nous sommes là pour vous écouter, recueillir vos avis et suggestions. Ce n'est que lorsque nous les aurons entendues que nous formulerons nos propositions définitives que le Conseil national du 27 sera invité à avaliser.
Sans vouloir empiéter sur ce que va dire Charles Pasqua, je voudrais indiquer que ce grand débat interne auquel nous sommes appelés, j'ai souhaité, dans l'esprit de nos assises, qu'il soit :
- approfondi ;
- sincère ;
- et authentique.
C'est pourquoi j'ai voulu qu'il se déroule dans une atmosphère de très grande liberté, sans le moindre tabou, que chacun puisse dire ce qu'il a sur le cœur, ce qu'il pense de la France, de son avenir, des problèmes des Français, de la manière dont nous pouvons et devons y répondre... Que chacun puisse prendre sa part à la discussion.
Et surtout que ses résultats soient loyalement exposés et pris en compte.
Bref, que ce soit des profondeurs du mouvement que viennent les moyens d'un nouveau départ.
Il ne s'agit donc pas d'amuser la galerie.
Il s'agit, loyalement, courageusement, de nous demander qui nous sommes et ce que nous voulons.
Et ce ne sera pas du luxe...
Ce n'est certes pas la première fois qu'une consultation a lieu au sein du mouvement.
Je sais bien que nous n'inventons rien.
Je sais bien les sourires empreints de lassitude et de scepticisme que tout cela peut susciter...
Je sais bien aussi que cette démarche n'est pas tout à fait conforme à notre culture. Qu'elle peut apparaître comme une faiblesse du centre national, dont on se dit volontiers que s'il interroge les militants, c'est sans doute parce qu'il ne sait pas trop où aller...
À ces objections, je réponds ceci.
Que s'il n'y avait rien à changer dans nos rangs, ça se saurait.
Et puis, aussi, que les changements que nous avons à entreprendre, les résolutions que nous avons à prendre sont si importantes que nous devons les avoir réfléchies et débattues ensemble. Faute de quoi nous n'aurions aucune chance de les mener à leur terme...
Mes chers compagnons, c'est sur le pourquoi de notre existence même, sur notre rôle, notre vocation, que nous devons nous interroger.
Et au cas où je ne saurais pas me faire comprendre, je pourrais résumer l'ensemble de nos interrogations à deux questions.
Deux questions qui nous donnent la mesure de la réflexion à conduire et que, pardonnez-moi, je vais formuler brutalement :
Première question :
Si aujourd'hui le RPR n'existait pas, serait-il utile de l'inventer ?
Serait-il utile, indispensable de le créer ?
Et pourquoi ?
Deuxième question :
Quelle raison, quelle bonne raison peut avoir en 1997 un jeune d'adhérer au RPR ?
Ou encore, - puisque nous sommes tous restés jeunes dans l'âme : si nous n'avions pas, les uns et les autres, adhéré au RPR, il y a déjà bien longtemps, quelle bonne raison aurions-nous d'y adhérer aujourd'hui ?
Je vous le dis :
Quand nous apporterons des réponses satisfaisantes à ces deux questions, nous aurons bien avancé !...
Car, mes chers compagnons, depuis 1976, les choses étaient simples et claires.
Notre mouvement avait été constitué, à titre principal, pour reconquérir l'Élysée, et y porter notre président fondateur Jacques Chirac.
Il avait été organisé en conséquence.
L'objectif a été atteint.
Et si aucun problème existentiel ne s'est posé ensuite pour notre mouvement, aussi longtemps que l'un des nôtres occupait l'Élysée, que l'un des nôtres occupait Matignon et que nous détenions la majorité de la majorité, les choses aujourd'hui se présentent en termes radicalement différents.
Il ne s'agit plus de conquérir l'Élysée, mais de soutenir le président de la République face à une majorité parlementaire fondamentalement hostile. Et cela entraîne deux grands changements.
D'abord parce que la cohabitation, du fait de sa durée possible, va se dérouler en termes autrement plus subtils que les deux précédentes. Il va falloir que nous trouvions le ton juste, alors que les socialistes vont se garder d'attaquer de front le président de la République, et même tenter d'introduire un coin entre lui et nous, en particulier dans les domaines européen et international.
La 2e conséquence, elle tient à la nature de la présidence du mouvement. Cette nature n'est plus la même. Elle n'implique plus aucun droit particulier à postuler à quoi que ce soit. Aucun droit à héritage. Elle est occupée par un militant parmi les militants, au service des militants. Rien de plus et rien de moins.
Il s'agit donc, de soutenir le président de la République...
Il s'agit ensuite de se préparer à un scrutin législatif – qui aura lieu dans les 4 ans et 9 mois qui viennent – qui pourrait bien être la condition sine qua non de la conservation de l'Élysée.
J'insiste sur ce point. C'est la différence essentielle avec les cohabitations de 86 et de 93 dont le terme, dont le dénouement était constitué par une élection présidentielle.
Sauf circonstances dramatiques, le terme de cette cohabitation, quelle que soit sa date, sera législatif.
Car même si la cohabitation va à son terme, les textes sont formels : les élections législatives auront lieu, en tout état de cause, avant les élections présidentielles.
J'ai lu il y a quelques jours, dans un grand quotidien, que l'opposition ne devait se faire guère d'illusions et que son prochain rendez-vous avec l'opinion sera la présidentielle. C'est à mes yeux la chose la plus erronée qu'on ait écrite depuis longtemps.
Et Dieu sait pourtant si on en a lu.
Il s'agit donc de soutenir le Président.
De préparer un rendez-vous législatif...
Il s'agit enfin de briser un cycle d'alternance qui devient systématique, à chaque consultation, et qui empêche notre pays d'avoir des stratégies continues et cohérentes.
Songez qu'en 6 ans nous aurons eu 6 premiers ministres !
Qu'en un peu plus de 10 ans, nous aurons connu 3 périodes de cohabitation.
Et que, si nous n'y prenons garde, la cohabitation d'exception va devenir la règle.
Comment notre économie, comment l'emploi n'en subiraient-ils pas les contrecoups ?
Les entreprises ont besoin de règles claires, simples, stables.
Dans le domaine fiscal, social, juridique.
Comment veut-on qu'elles se développent, qu'elles investissent, qu'elles embauchent, elles ne savent pas de quoi demain sera fait, si elles ne savent pas quelles seront les règles du jeu, puisqu'on en change tous les 2 ou 3 ans.
Et on pourrait en dire autant sur l'immigration, les systèmes sociaux. La France ne peut plus se satisfaire de ces à-coups continuels alors que nos partenaires bénéficiaient de la durée...
Or, nous n'atteindrons ce triple objectif (protection du Président, victoire législative, pérennité de notre présence au pouvoir) que je viens de définir... qu'à condition de retrouver une véritable crédibilité.
Cette crédibilité, nous ne l'atteindrons pas seulement en attendant notre tour.
Certes, nous devons remplir notre rôle d'opposants. Et le remplir sans faiblesse. Mais ne nous y trompons pas. Cela ne suffira pas.
Nous devons de surcroît répondre vraiment aux interrogations, aux attentes des Français.
Et les convaincre d'abord que la politique peut encore quelque chose pour eux.
Ce qui n'est pas si évident.
Car si les Français sortent aussi systématiquement les sortants, ça n'est pas toujours parce qu'il leur semble que les entrants sont meilleurs que les sortants, mais parce qu'ils ne croient plus en grand chose...
Et pour le dire, pour l'exprimer, ils n'ont rien trouvé de mieux que de battre toujours, de renvoyer systématiquement ceux qui sont en place...
Voilà qui suffirait à démontrer que si nous nous lançons dans ce grand effort de rénovation, ce n'est pas seulement parce que nous avons perdu les élections.
Perdre les élections, ça nous est déjà arrivé et ça nous arrivera encore...
Là n'est pas l'essentiel.
L'essentiel, il est dans la crise morale et politique dans laquelle est enfoncé notre pays.
Crise morale et politique dont nous avons fait nous-mêmes les frais, lors des législatives...
Comme les socialistes en avaient fait les frais avant nous.
Comme les socialistes demain en feront les frais à nouveau, je n'en doute pas un instant.
Car je ne doute pas de notre capacité à gagner les prochaines élections législatives.
Mais, lorsque cela se passera, il faudra avoir fait en sorte que nous revenions, non pas pour faire un petit tour et nous en aller, mais pour rester, de manière durable...
Les socialistes ont moins gagné que nous n'avons perdu. Et nous n'avons pas perdu du seul fait de nos erreurs...
Non, je le répète, le vote des Français a marqué surtout une contestation de l'ensemble du système politique, une contestation forte, pour des raisons de fond et de forme.
Le reproche de fond qui est adressé au système politique tient à son incapacité chronique à apporter des réponses aux problèmes de notre société, à apporter en particulier des réponses au problème lancinant du chômage. Il tient au décalage entre notre discours, nos analyses et les réalités nouvelles.
Et ce reproche de fond, que nous avons entendu si souvent, et dont nous pouvons difficilement contester la légitimité, il exacerbe les reproches touchant à la forme.
Qui ne voit qu'il y a, aujourd'hui, rejet d'une forme d'action politique considérée comme trop péremptoire, jugée d'autant plus insupportable qu'elle est déconnectée des réalités, une forme d'action politique insuffisamment basée sur le dialogue et l'écoute.
Tout cela nous impose de mettre à profit la période d'opposition pour trouver de nouvelles réponses, de fond et de forme.
Des réponses de fond.
Rien ne serait pire que de recommencer à agir avant d'avoir réglé un certain nombre d'incohérences, de contradictions, qui nous ont été fatales.
Réponses de forme aussi.
Notre mouvement doit s'adapter pour se donner le moyen de trouver en permanence les synthèses nécessaires.
Il n'a pas vocation à être seulement une force de manœuvre.
Même si cette force de manœuvre a fait merveille.
Il doit être aussi un lieu de débat et d'échanges.
Débat et échanges entre nous.
Débat et échanges avec l'extérieur.
C'est à ce prix qu'il trouvera les solutions qu'attend notre société.
C'est à ce prix qu'il pourra attirer de nouveaux adhérents et sympathisants.
C'est à ce prix qu'il aura la force de soutenir et d'accompagner Jacques Chirac.
C'est à ce prix qu'il pourra contribuer à la reconquête d'une majorité durable à l'Assemblée nationale.
Nous devons donc inventer ensemble une nouvelle forme d'action politique, adaptée à notre temps.
Inventer ensemble un nouveau type de mouvement politique.
C'est tout le sens des débats que dans chaque circonscription vous aurez à conduire, selon les schémas que vous détaillera Charles Pasqua.
Autour de 3 questions clés :
- quelle France voulons-nous, dans quelle Europe ?
- quelle est la raison d'être de notre mouvement ?
- quelle organisation devons-nous concevoir, en conséquence pour notre Mouvement ?
Quand nous aurons répondu à ces questions, nous serons en mesure de démontrer qu'à la politique à la petite semaine des socialistes, qui gèrent sans rien régler, et dont l'affaire Air France nous rappelle qu'ils font encore passer l'idéologie avant le bon sens, nous pouvons opposer une vision d'avenir réelle.
Nous serons dès lors au clair sur l'utilité, l'actualité de notre référence gaulliste. Référence qui est souvent en question.
On fait souvent valoir que cette référence signifie de moins en moins pour les jeunes.
Qu'elle nous enferme dans une image passéiste.
Et de fait, s’il apparaissait que cette référence signifie que nous nous complaisons dans l'évocation du passé, dans l'entretien de grands et beaux souvenirs et que nous voulons plaquer à toute force les recettes et les solutions d'hier et d'avant-hier aux situations d'aujourd'hui, alors oui, il serait évident que nous faisions fausse route.
Mais si, à l'inverse, comme je l'ai dit aux assises, nous nous mettions en position de considérer, et de faire admettre que le gaullisme ce sont quelques principes simples de liberté et de responsabilité, et une méthode d'action politique.
Que le gaullisme, c'est l'idée de rassemblement, la volonté de représenter l'ensemble de la société française en dépassant les contradictions, pour définir un intérêt général, alors la référence gaulliste pourra trouver tout son sens...
Chers compagnons, quand nous aurons répondu à toutes ces questions, nous serons également au clair sur cet autre débat qui se développe sur la fusion.
Et sur ce point, je souhaite vous redire mon point de vue personnel, avant qu'au cours de votre débat interne vous ne me livriez le vôtre...
J'admets tout à fait que certains puissent être séduits par cette idée – on pourra d'ailleurs la défendre tout à loisir, si on le souhaite.
En toute liberté.
Pour autant, je ne suis pas persuadé qu'on rende actuellement un grand service à l'opposition en faisant de l'idée de fusion le point central de toute la réflexion, voire en réduisant la réflexion à cette seule question.
Nous avons actuellement un déficit en termes d'idées, en termes de contenu et de cohérence de notre projet.
En termes de réponse à cette question centrale : comment concilier, comment rendre compatibles, avec les marges de manœuvre dont nous disposons, les contraintes diverses, de la mondialisation, de l'explosion technologique avec notre souci de maintenir et promouvoir une société solidaire ?
Nous sommes d'accord sur le fait que le dosage socialiste n'est pas le bon.
Encore faut-il que nous disions d'abord quel est le nôtre.
C'est à cela que nous devons nous atteler d'abord les uns et les autres.
Il sera toujours temps ensuite, sur la base de nos résultats respectifs, de voir comment nous organiser entre nous.
J'ajoute que l'idée d'une coalition RPR-UDF, battue du fait de ses divisions, me paraît assez éloignée de la réalité...
Qu'est-ce que l'existence d'une formation unique aurait changé au résultat des élections de 1997 ?
Nous avions des candidats uniques, un programme unique.
Nous avons été battus.
Alors, si vous me permettez cette métaphore sportive, qu'on n'aille pas nous raconter que nous allons pouvoir récupérer sur le tapis vert ce que nous avons perdu sur le terrain.
Bref, pour notre part, nous avons décidé de nous engager dans une période de réflexion.
Nous n'allons pas la conclure avant même de l'avoir entamée.
Voilà, mes chers compagnons, ce que je souhaitais dire, ce soir, pour introduire notre débat.
Aurai-je assez dit que je compte sincèrement sur chacune et chacun d'entre vous.
Nous avons du pain sur la planche.
Les jours, les semaines qui viennent, je souhaite qu'ils soient placés sous le signe du sérieux, de l'humilité et de la résolution...
Que chacun fasse preuve de ce sérieux, de cette humilité, de cette résolution et, je vous le dis, le chemin que nous ouvrirons sera prometteur de grands succès demain, pour notre mouvement.
Donc, pour le président de la République et pour la France...