Déclaration de M. Philippe Séguin, président du RPR, sur la rénovation du RPR, Paris le 31 janvier 1998.

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Circonstance : Assises extraordinaires du RPR à Paris les 31 janvier et 1er février 1998

Texte intégral

Mes chers compagnons, chères amies,

Nous voici donc réunis, une fois encore, Porte de Versailles, pour y vivre à nouveau, un temps fort de l’histoire de notre mouvement.

Nous n’oublions pas, en effet, qu’ici même, il y a trois ans, presque jour pour jour, Jacques Chirac sut accomplir un pas décisif vers son destin.

Nous n’oublions pas davantage que c’est également ici, qu’il y a un peu plus de vingt-et-un an, Jacques Chirac organisa et lança le Rassemblement pour la République.

Si j’évoque ces précédents, ce n’est pas dans le seul souci de commémorer notre passé. C’est pour nous appeler à en être dignes…

Et nous ne le serons qu’en prenant, à l’image de notre fondateur et inspirateur, toute la mesure des enjeux…

Oui, mes chers compagnons, nous devons bien comprendre, alors que s’ouvrent nos assises, que nous ne sommes pas qu’entre nous, pour ne nous parler que de nous, en restant indifférents au monde qui nous entoure.

Non, si nous sommes ici, si vous êtes ici, venus de toutes les régions de la métropole, des départements et territoires d’outre-mer, ou de l’étranger, ce n’est pas pour cultiver un particularisme, c’est pour parler aux Français, pour leur parler de la France.

Si vous êtes ici, quel que soit votre âge, votre métier, votre origine, jeunes ou moins jeunes, hommes ou femmes, ce n’est pas pour avancer critiques, revendications ou récriminations, c’est pour refaire, avec les Français, le parti de la République.

La France, la République, les valeurs qu’elles portent, vous n’avez pas renoncé à les faire vivre. C’est la vocation même de notre mouvement.

Notre mouvement qui doit avoir, plus que jamais, une claire conscience de ses responsabilités vis-à-vis de tous nos compatriotes, au nom même de la tradition et des principes dont il se réclame.

Notre mouvement qui doit aborder les nouvelles échéances dans la solidarité, fort de son unité retrouvée, fidèle à ses idéaux et à celui qui en est comptable devant les Français : Jacques Chirac.

Notre mouvement qui doit se tourner, résolument, vers l’avenir. Un avenir qui n’est écrit nulle part, mais dont il reste à inventer les lignes. Un avenir auquel il nous revient de donner la forme de l’espérance.

 

Mes chers compagnons,

Lors de nos assises du 6 juillet dernier, nous nous étions rejoints sur une commune analyse.

Au-delà de nos propres insuffisances et de nos divisions, notre défaite nous était apparue comme une nouvelle illustration d’une instabilité politique chronique qui ne faisait que traduire le scepticisme des Français vis-à-vis de toutes les options qui leur étaient proposées. Scepticisme qui fondait un divorce grandissant entre nos compatriotes et la chose publique.

Et nous ressentions d’autant plus cette situation qu’en 1995, nous le savions, Jacques Chirac était parvenu à se faire entendre, avait su trouver les mots et les chemins.

Dès lors, et au-delà des conséquences d’une défaite électorale à maîtriser et dépasser, nous nous trouvions naturellement investis de la responsabilité d’apporter des réponses à ce qui était plus qu’une crise de confiance : une crise profonde de notre démocratie.

Notre redressement ne pouvait dès lors avoir de sens et d’utilité que dans la mesure où il était de surcroît, où il était surtout, un élément de réponse à cette situation.

C’est bien pourquoi nous nous étions fixés ensemble, et d’emblée, trois objectifs majeurs et étroitement solidaires :
- la réconciliation ;
- la rénovation ;
- l’ouverture.

La rénovation était au cœur de cette démarche, puisqu’elle supposait l’effort de réconciliation et conditionnait l’ouverture.
Vous m’avez investi de la responsabilité de la conduire.
C’est bien ce qui a été fait, jour après jour, plus de six mois durant…

Rien n’a été imposé à quiconque. Je n’ai pas cherché à faire prévaloir mes vues. Je me suis simplement efforcé d’aider le mouvement à faire un retour sur lui-même et à aider chacun, en son sein, à retrouver tous les motifs que nous avons de nous rassembler.

C’était la bonne méthode. C’était la seule compatible avec notre tradition. C’était la seule promesse de modernité.

Car le mouvement gaulliste n’est rien sans vous, sans votre inlassable ardeur, sans votre désintéressement militant, sans votre participation quotidienne.

Grâce à vous, demain plus encore qu’hier, notre rassemblement peut et doit incarner la société française, avec ses contradictions, ses aspirations, ses exigences.

C’est à cette condition qu’il pourra toujours, en son sein, dégager une synthèse acceptable par tous ; dépasser les oppositions pour tracer les voies d’un intérêt général qui ne se confonde pas avec l’addition des intérêts particuliers ; servir ainsi la France et la République.

Le rendez-vous d’aujourd’hui marque en fait le vrai point de départ de notre renouveau. C’est fort du projet que nous adopterons, de l’organisation que nous nous donnerons, que nous irons à la rencontre des Français dès les toutes prochaines semaines.

Mais chaque chose en son temps : comme vous l’aviez décidé, ces assises sont d’abord l’occasion pour vous de vérifier que nous avons bien réalisé ce que nous avions collectivement voulu.

Vous aviez décidé que la parole devait être rendue à nos adhérents.

Vous aviez décidé que nos valeurs devraient être redéfinies.

Vous aviez décidé que notre projet devait être réactualisé.

Vous aviez décidé que le rassemblement devait prendre une part déterminante à la construction de l’opposition.

Vous aviez décidé que notre organisation interne devait évoluer.

Je vous laisse juges du travail accompli pour traduire ces orientations en actes.

Vous le ferez en émettant trois votes distincts : un sur le projet, un sur les statuts, un sur notre dénomination.

Nous aurons deux débats successifs, sur le contenu du projet, d’abord, puis sur la réforme des statuts, sachant que l’ensemble des textes qui vous sont présentés ont fait l’objet d’une large discussion et ont été amendés, dans sa foulée, en conseil national. À vous de dire si, conformément à la motion adoptée le 6 juillet, nous avons su, si vous avez su, « rénover pour rassembler, afin de répondre aux aspirations des Français ».

 

Mes chers compagnons,

J’attends votre verdict avec confiance…

1. Vous aviez décidé que la parole devait être rendue aux militants.

Nous l’avons fait.

Nous l’avons fait, et nous continuerons demain.

Nous l’avons fait, en organisant un grand débat, portant à la fois sur la place de la France dans le monde, le rôle et les priorités de l’État dans la société, l’actualité du gaullisme et la pertinence d’un mouvement politique s’y référant.

Et ce débat n’a pas été tronqué, si j’en crois les quelques mille cinq cent assemblées générales qu’il a nécessitées dans tout le pays. Pas plus qu’il n’a été vain, puisque ses conclusions ont permis de donner corps à notre projet politique et d’esquisser nos nouveaux statuts.

Ce retour sur nous-même était indispensable. Il était souvent souhaité. Il a été compris et vécu intensément…

Il ne s’est pas réduit, comme certains avaient pu le craindre, à une introspection démoralisante ou à une psychothérapie de groupe inopérante. Au fil de son déroulement, il est apparu pour ce qu’il devait être : une condition de notre crédibilité, un préalable à la reconquête de l’écoute des Français, une préfiguration du dialogue que nous allons maintenant engager avec eux.

Cette réflexion a, en effet, permis de dégager une synthèse, au sens plein du terme. Une synthèse et non un compromis. Nous ne nous en sommes pas tenus à la recherche du plus petit commun dénominateur… Nous n’avons pas cherché à éliminer, à éluder ou évacuer, à dissimuler sous les phrases ambiguës des contradictions irréductibles. Non, nous avons cherché, ensemble, ce que nous avions en commun.

Des orientations communes ont ainsi pu être exprimées avec force, qu’il s’agisse de la nécessité d’une éthique irréprochable, de valeurs donnant leur sens à la vie en commun, d’un projet répondant au défi de la mondialisation, d’un rassemblement ouvert sur son temps.

Nous avons eu, chemin faisant, la confirmation que ce qui nous unit est beaucoup plus fort que ce qui nous sépare. Et la synthèse à laquelle nous sommes parvenus – loin de ces textes boiteux que l’on accepte sans s’y reconnaître – appartient à tous, est le fruit de tous, et peut donc recueillir l’assentiment de chacun d’entre nous.

C’est assez dire que cet effort d’échange, cette volonté de démocratie ne resteront pas sans lendemain. Si la parole a été rendue aux adhérents, ce n’est pas pour leur reprendre aussitôt, après ce qui n’aurait été qu’une parenthèse ou un intermède en forme de récréation.

Pour autant, il faut que, pour demain, les règles du jeu soient claires. La démocratie, ce n’est pas la chienlit. Ce n’est pas l’anarchie et la cacophonie. Il suffit pour les éviter de s’en tenir à quelques principes simples :

? la liberté d’expression de nos compagnons est reconnue, même quand elle peut diverger des positions arrêtées par le mouvement ; il est seulement demandé de s’abstenir de tout propos agressif ou sécessionniste, et de bien préciser qu’on s’exprime à titre personnel. Faute de quoi, l’effort accompli pour faire leur juste place à l’ensemble des sensibilités n’aurait aucun sens… ;
? sauf décision collective préalable, dans un nombre de cas limités, la liberté de vote est également reconnue.

C’est dans le seul domaine de la stratégie électorale qu’une discipline stricte s’impose. Il est vrai qu’on est là au cœur de la vocation constitutionnelle d’un mouvement politique, et que ce serait singulièrement la méconnaître que d’autoriser à plusieurs candidats de se prévaloir des mêmes couleurs… L’essentiel est évidemment que ce choix se fasse démocratiquement. À ce sujet, nos anciens statuts, comme les nouveaux, sont parfaitement clairs… Et je crois qu’ils ne sont que sagesse…

Quel spectacle offrirons-nous si, à l’image de la gauche plurielle dont nous dénonçons volontiers les comportements schizophréniques, nous reproduisions le triste spectacle qu’elle donne aux Français, si nous nous empressions de nous sentir déliés de tous engagements, et préférions systématiquement l’expression de nos divisions, à l’exposé de notre démarche commune ? Où serait alors le sens, où serait l’utilité de l’appel au rassemblement ?

D’autant, je le répète, que les Français attendent un message clair, simple et vrai… Ils attendent que nous posions les vrais enjeux, que nous sortions des débats sommaires, caricaturaux, dans lesquels ils reprochent à la classe politique de se laisser enfermer.

Les Français ne veulent plus de ce face à face stérile et réducteur où s’opposeraient libéraux et socialistes, conservateurs et progressistes, pro et anti Européens, partisans de l’ordre et tenants du mouvement.

Tout cela ne correspond plus à grand-chose. Je sais bien que le Premier ministre n’est pas le dernier à s’échiner à revisiter l’histoire, les armes à la main, à singer les drames d’hier avec les acteurs d’aujourd’hui, rangés, selon leur étiquette, dans le camp des bons ou dans celui des méchants. Qu’importe, dès lors, la confrontation des arguments, la compréhension des phénomènes qui affectent notre organisation économique et sociale, l’information à laquelle le citoyen a droit ! Ils sont de peu de poids au regard de cette représentation manichéenne de la vie politique, qui transforme le débat public en foire d’empoigne où tous les coups sont permis…

Nous refusons, une fois pour toutes, cette dérive. Car j’ai – avec vous – la conviction que les Français sont lassés des visions doctrinaires sans rapport avec le monde dans lequel ils vivent…

C’est pour cela qu’ils affectent si souvent de l’indifférence à notre égard. Pour cela et pour nulle autre raison…

On veut nous faire croire, à tort, que ce sont les Français qui sont incorrigibles et que notre pays refuse les réformes. Qu’il est rétif aux adaptations nécessaires. Qu’il est replié sur lui-même. C’est oublier que la France a subi d’autres mutations et réussi d’autres modernisations. Qu’elle peut affronter, avec succès, les réalités d’aujourd’hui, pour peu qu’on les explique, qu’on fixe un cap à l’action, qu’on associe les Français à sa définition.

Cette participation de nos compatriotes à la vie politique ne saurait s’accommoder des arrangements et ménagements entre clans ou factions aux intérêts antagonistes. Autant qu’elle est éloignée du marchandage entre les états-majors de parti, qui transforme le débat politique en un happening quotidien dont les Français se sentent exclus.

Nous entendons laisser ce genre d’exercice au gouvernement. Chacun en perçoit les limites. Et cela doit servir de leçon.

Quand il n’y a pas d’objectifs clairs et reconnus, il ne peut y avoir de majorité cohérente, donc il ne peut y avoir de gouvernement ferme. Et de fait, ce gouvernement ne gouverne pas. Il navigue… Un jour, il veut les 35 heures, le lendemain, il se propose de réhabiliter le travail. Un jour, il débloque en catastrophe des fonds pour les chômeurs, le lendemain, il se déclare contre la société d’assistance.

Un jour, il prépare l’euro, le lendemain, il lâche la bride aux dépenses publiques. Un jour le Premier ministre se prend pour le président de la République, le lendemain, il refuse d’assumer les pouvoirs qu’il tient de la Constitution.

Certes, le Gouvernement fait la politique de sa majorité. Mais comme il n’a pas de vraie majorité, il n’a pas de vraie politique. À majorité virtuelle, politique virtuelle. Et encore n’insisterai-je pas sur le fait qu’à bord du navire gouvernemental, il y a un passager clandestin de marque, dont on voudrait nous faire oublier le rôle central. C’est décidément un bien étrange équipage que cette majorité, avec des socialistes flanqués sur leur gauche, d’un Parti communiste qui pratique avec bonheur la participation sans soutien et, sur leur droite, d’un Front national qui a fait sien le soutien sans participation…

Non, décidément, mes chers compagnons, gouverner avec les Français, c’est tout autre chose, c’est dégager par un débat préalable, les voies d’un intérêt général qui transcende les revendications particulières, comme on y parvint sur la nationalité en 1987, ou sur l’aménagement du territoire en 1993. Comme nous y parviendrons, demain, sur d’autres sujets, à condition que nous sachions entendre la voix du peuple et, au besoin, la solliciter. C’est cela, rendre à la politique sa véritable dimension. Et c’est pour cela qu’il nous fallait, nous-mêmes, commencer par rendre la parole aux militants.

2. Vous aviez décidé, dans le même esprit, que nos valeurs devraient être précisées, affinées, affichées…

Nous l’avons fait.

Nous l’avons fait, forts de la conviction que la politique est d’abord un choix : un choix entre des projets inspirés par des valeurs.

Or, depuis des années, nos compatriotes ont le sentiment qu’ils n’ont plus de choix ; que la politique se réduit à une gestion des contraintes, à une simple technique comptable, dont les principes sont fixés ailleurs et dont seules les conséquences sont directement perceptibles…

Faute de valeurs clairement définies et revendiquées, tout finit par se ressembler. Et les Français en arrivent ainsi à douter de leur capacité à peser sur le cours des choses.

L’évolution de notre système politique ne les divertit plus. Elle les irrite, voire même les exaspère. Comment justifier autrement la progression d’un vote protestataire qui exprime le refus d’un avenir programmé aussi bien que la révolte devant un présent inexpliqué ?

Alors, mes chers compagnons, que devons-nous faire ?

Certainement pas hurler avec les loups, chercher des boucs émissaires, contribuer à la désunion nationale.

Car nous sommes collectivement responsables d’une situation qui ne nous satisfait pas.

Nous avons, fût-ce à notre corps défendant, participé depuis deux ou trois décennies, à un mouvement général qui a fait passer la rente avant l’activité, le fonctionnement avant l’investissement, la monnaie avant la production, l’assistanat avant la solidarité.

De même, nous nous sommes laissés aller à tolérer la suprématie du technique sur le politique, c’est-à-dire, des moyens sur les fins, des instruments sur les buts, et cela, aussi bien sur le plan national que sur le plan européen.

C’est cette logique que vous nous avez demandé, une bonne fois pour toutes, d’abandonner.

Il n’était pas d’autre voie que de dire, de redire, sans crainte ni complexe, ce que nous voulons, ce à quoi nous croyons. Car ce qui distingue, précisément, la politique de la gestion, c’est que la première agit en fonction de valeurs subjectives que la société estime nécessaire à son épanouissement, là où la seconde raisonne en termes de seule efficacité marchande et de rationalité objective.

La publication de notre « manifeste pour nos valeurs » tend donc à fixer des références pour l’avenir. Ce ne sont pas des tables de la loi qui dicteraient la conduite à tenir en toutes circonstances, mais plutôt des balises qui fournissent un cadre général dans lequel prend place notre projet.

Rien, en effet, ne serait plus dangereux et plus faux que de voir dans l’énoncé de nos valeurs une simple déclaration d’intention sans portée pratique, une incantation qu’on s’efforcerait d’oublier dès lors qu’il s’agirait de passer aux choses sérieuses.

Ces valeurs nous engagent car nous ne pourrions sans dommage proclamer notre attachement à la Nation, à la liberté, à la famille, à la solidarité, à l’égalité des chances, à la responsabilité, au travail, et en même temps accepter des décisions ou des orientations qui concourraient à leur effacement.

Nos valeurs, enfin, nous distinguent de la gauche et contribuent ainsi à dessiner, en des termes clairs et simples, cette alternative politique que les Français recherchent depuis le début des années 80. Une alternative qu’il nous restait à formuler en tirant les conséquences concrètes de l’affirmation de nos valeurs.

3. Vous aviez ainsi décidé que notre projet politique devait être redéfini.

Nous l’avons fait.

Nous l’avons fait sur la base du mandat que vous nous aviez fixé dès nos assises du 6 juillet.

Ce projet, nous l’avons élaboré, sur la base de vos propres réflexions, en tenant compte des contributions de tous nos compagnons qui ont souhaité apporter leur pierre à cet édifice. Et je les en remercie chaleureusement, qu’ils s’appellent Daniel Garrigue, Pierre Lellouche, Philippe Marini, Serge Vinçon, Gérard Larcher, Josselin de Rohan, Michel Barnier, Adrien Gouteyron, Benoît Apparu, Charles Pasqua, Hervé Gaymard, Jacques Godfrain et beaucoup d’autres encore…

C’est assez dire combien ce projet est d’abord le vôtre. Avant d’être, espérons-le, celui de la France et des Français de métropole, de l’outre-mer et de l’étranger.

Ce projet n’est pas réductible à un catalogue de mesures techniques.

Ce n’est pas un programme, qui traiterait pareillement tous les sujets.

C’est une vision, qui repose sur l’identification des défis que la France doit relever.

C’est une perspective proposée aux Français, un chemin qui leur est tracé.

Car nous ne croyons pas que les évolutions du monde nous condamnent au déclin, ni que l’internationalisation des phénomènes nous conduise inéluctablement à la vassalisation. Pour peu que nous sachions concevoir une politique ambitieuse, rassembleuse, offensive, assise sur une juste perception des réalités contemporaines. Et la réalité contemporaine, c’est la mondialisation des échanges.

Dès lors, le vrai courage consiste à reconnaître lucidement, plutôt que d’entretenir des illusions qui ne pourraient déboucher que sur un désenchantement durable.

La vraie grandeur consiste à nous donner les armes pour affronter ce défi nouveau.

La vraie politique consiste à prendre appui sur l’Europe pour tirer le meilleur parti de nos atouts.

La vraie modernité consiste à doter l’État des moyens nécessaires à l’exercice de ses missions essentielles, et donc à le transformer en conséquence.

Là est l’esprit, là est le sens de notre projet pour le pays.

Qu’on ne s’y trompe pas : nous sommes confiants dans les chances de la France. Mais l’exception française, ce n’est pas la France recluse, perdue dans un coin de l’Europe, livrée à des expériences qui n’ont réussi nulle part, ce n’est une France affaiblie qui cumulerait les handicaps de l’instabilité politique et de la stagnation économique.

L’exception française, ce n’est pas, non plus, une rhétorique vidée de sa substance, qui masquerait la sclérose de notre société ou revêtirait d’un voile pudique la liste de nos abandons et de nos renoncements.

L’exception française, bien au contraire, c’est la capacité, sans cesse renouvelée, de notre pays, de son peuple, à préserver les valeurs républicaines face aux bouleversements du monde, à concilier la liberté individuelle, l’égalité des chances et la solidarité dans un espace ouvert aux échanges et acceptant les règles de la concurrence.

Et c’est, une fois encore, ce à quoi nous sommes appelés.

Oh, je sais bien… On nous dit que pour une majorité de Français, le gaullisme serait une « classification dépassée ». En somme, le gaullisme ne serait plus seulement chez les gaullistes : loin d’être lui-même périmé, il serait partout. Il serait carrément tombé dans le domaine public. La boutade du général était donc fondée : tout le monde a été, est, ou sera gaulliste…

La vérité, c’est que le gaullisme est là, au cœur de la politique française. Irréductible. Incontournable. La vérité c’est que, faute de le réduire ou le contourner, on s’efforce de le neutraliser en le banalisant. Le calcul est limpide : à force d’être cité, pillé, explicité, appliqué à tout et n’importe quoi, il finira bien par perdre de sa force et de son originalité. On finira bien par l’étouffer, sous le poids d’un consensus meurtrier…

Alors, je ne sais pas si le gaullisme est une classification dépassée. Ce que je sais, en revanche, c’est qu’il est le contraire absolu des idées floues et des pensées molles. Ce que je sais, c’est qu’il nous parle de la France, de son unité, de sa grandeur et qu’il n’a jamais cessé, lui, d’inscrire ce discours dans les réalités. Le gaullisme n’est pas soluble dans la politique du jour, qui est une politique de partis, donc une politique démodée. Par sa vitalité même, par sa modernité, il reste un symbole d’énergie qui gêne et qui encombre.

Cette vitalité, cette modernité, il nous appartient d’en faire la démonstration. En rassemblant, et en suscitant une authentique adhésion aux vrais principes du gaullisme.

Il ne s’agit pas de célébrer l’effort pour l’effort mais, fidèles à l’inspiration du gaullisme, d’inviter les Français à se mobiliser pour assurer la pérennité d’un certain mode de civilisation. L’enjeu n’est pas mince. L’ambition n’est pas modeste. Il nous revient d’en convaincre nos compatriotes.

Et c’est adossés à notre projet que nous nous opposerons, avec encore plus de force, à la politique conduite par le gouvernement de la gauche…

4. Car vous aviez décidé aussi que notre mouvement devrait combattre clairement et fermement la nouvelle majorité parlementaire.

Nous l’avons fait.

Nous l’avons fait à l’Assemblée nationale, où notre groupe parlementaire, sous l’impulsion de Jean-Louis Debré, a dénoncé les orientations erronées du gouvernement ; au Sénat, où notre groupe, sous l’égide de Josselin de Rohan, a multiplié les initiatives pour démontrer qu’une voie était possible.

L’expression de nos positions s’est progressivement affermie :
- au fur et à mesure que la capacité d’écoute de nos compatriotes se rétablissait, après l’euphorie et l’anesthésie des tous premiers mois ;
- au fur et à mesure qu’il devenait clair que nous serions en mesure de bâtir un projet alternatif crédible ;
- au fur et à mesure que les contradictions de la majorité apparaissaient au grand jour. Nous nous sommes ainsi engagés, résolument, dans la critique des projets de loi inique sur la nationalité et l’immigration. Car l’affaiblissement du contrôle des flux migratoires met en péril l’intégration des étrangers installés régulièrement en France. Quant à l’acquisition automatique de la nationalité, elle méconnaît que la citoyenneté française est acte d’adhésion à une histoire assumée, à un projet souhaité, à des valeurs reconnues ; un acte entraîne des devoirs tout autant que des droits.

De même, nous nous sommes engagés dans la critique des orientations économiques et sociales du gouvernement : car ce gouvernement et l’économie, c’est comme cette grande firme étrangère, à ce que j’entends dire, avec sa petite voiture. On lui a donné un prototype bien dessiné, mais dont les derniers réglages restaient à faire. Tout à son émerveillement de se trouver aux commandes, il s’est laissé aller à alourdir le châssis avec ses taxes, et il a mis des pneus lisses, avec sa majorité plurielle. Et c’est ainsi qu’il s’apprête, avec les 35 heures, à faire le test de la baïonnette. Et bien sûr, il prend le risque de mettre l’économie sur le toit, et le pays avec.

Et cela ne devra rien aux circonstances, car tout cela sera le produit de trois erreurs d’appréciation :

D’abord, le Gouvernement ne voit, ni ne raisonne qu’à l’intérieur de l’hexagone : l’économie est pour lui toujours fermée, enserrée dans une ligne Maginot, alors que chaque Français est aujourd’hui libre de travailler et d’investir où il veut.

De même, le Gouvernement ne voit, ni ne raisonne qu’au travers de l’État : l’économie est pour lui toujours administrée, alors que le ressort de la création de richesses et d’emplois se situe désormais dans le secteur marchand. Dans notre esprit, cela ne signifie nullement que l’État ait vocation à disparaître ; bien au contraire, il doit être renforcé comme autorité et comme principe de cohérence nationale. Mais cela signifie que l’État ne peut plus être à lui seul le moteur de l’économie.

Enfin, le Gouvernement vit dans l’idée que la croissance et l’emploi obéissent à des cycles mécaniques, qu’il suffit d’attendre pour que l’économie reparte et qu’elle croît ensuite automatiquement, quels que soient les fardeaux dont on la charge. Or, c’est tout l’inverse : avec les taxes, les taux et les 35 heures, nous avons au moins une certitude, c’est qu’il n’y aura ni croissance forte, ni création d’emplois marchands en France dans les années qui viennent. Or, si la croissance ne fait pas tout, il est clair que sans croissance, on ne fait rien.

Oui, mes chers compagnons, nous nous sommes efforcés de démontrer, jour après jour, que l’inspiration même de la politique du gouvernement reposait sur les pires contre-sens ; que l’on ne pouvait, dans ces conditions, s’étonner que le Premier ministre ait recours aux vieilles ficelles de l’affrontement idéologique pour ressouder une majorité aux bords de la crise de nerfs…

Une majorité qui aura réussi l’exploit, en moins d’un an, de se diviser elle-même sur à peu près tout : l’immigration, la nationalité, la politique européenne, les réponses à apporter au chômage ; ensuite de diviser les Français entre eux, en ressuscitant des querelles historiques, en opposant entrepreneurs et salariés, familles aisées et familles modestes, professeurs et élèves, j’en passe et des meilleures…

Notre devoir est, à l’inverse, de favoriser le rassemblement des Français face à la dérisoire entreprise de division lancée par le Gouvernement. Et c’est dans cette perspective que vous aviez décidé, dès juillet dernier, que nous devions être ouverts à une coopération organisée, renforcée, avec les formations politiques qui veulent la prééminence de l’intérêt national et la libération des initiatives.

L’accord auquel nous sommes parvenus, pour les élections régionales, avec l’Union pour la Démocratie française ainsi qu’avec le Mouvement pour la France est une première réponse à votre exigence. Établi sur des bases claires, fondé sur la loyauté mutuelle, il nous permet d’exprimer ensemble notre refus d’une politique qui n’est pas à la hauteur des enjeux posés au pays.

Je m’en réjouis d’autant plus que j’ai toujours eu la conviction, comme vous, que les Français n’attendent pas de nous que nous cherchions notre salut dans d’hypothétiques rapprochements d’appareil, mais que nous entendions, tout simplement et ensemble, leur message.

5. Vous aviez ainsi décidé qu’une mutation de notre organisation et de notre fonctionnement était nécessaire.

Nous l’avons fait.

Parce que ces transformations correspondaient à vos souhaits ; parce qu’elles étaient la conséquence naturelle de nos choix politiques. Je voudrais, à cet égard, rendre hommage et exprimer ma gratitude à tous les membres de l’équipe de transition qui m’ont accompagné dans cette entreprise. À Charles Pasqua, à Nicolas Sarkozy, à Élisabeth Hubert, à François Fillon, à Éric Raoult, à Françoise de Panafieu, à Guy Drut, à Magali Benelli, à Nicole Catala, à Renaud Muselier. Avec eux, je veux remercier, du fond du cœur, l’ensemble du personnel de notre centre national. Entre la préparation de ces assises, auxquelles il faut ajouter celle de trois conseils nationaux en trois mois, entre le débat interne et la rénovation du mouvement, sans compter la préparation des élections régionales et cantonales, ils ont dû mener de front plusieurs tâches dont chacune eût suffit à occuper leur temps.

Nous avons choisi d’être un rassemblement, c’est-à-dire de réunir autour d’un même idéal, des Français de tous milieux, de toutes origines, de toutes conditions.

Nous avons choisi de dépasser les oppositions traditionnelles pour dégager les voies d’une synthèse.

Nous avons choisi d’être un mouvement politique moderne, et d’en assumer toutes les fonctions.

Notre objectif majeur est donc de faire vivre notre diversité, et de tirer la plus grande richesse de la variété de nos sensibilités. Pour être fidèles à l’exigence du rassemblement, il faut écarter à la fois, le centralisme et le basisme, le caporalisme qui étouffe sûrement et l’atomisation qui tue à petit feu…

Dans cet esprit, la généralisation du principe de l’élection des responsables, de la base au sommet, consacre la suprématie de la légitimité militante sur la règle de la cooptation.

Le rééquilibrage des rôles et la redéfinition des missions entre le secrétariat départemental et le comité départemental a pour but de faciliter les échanges et la confrontation des arguments au sein de nos fédérations, sans remettre en cause la nécessaire unité de décision et la cohérence de l’action du mouvement sur le territoire national.

La nouvelle configuration de nos instances dirigeantes, marquée par une redistribution des fonctions entre l’exécutif du mouvement et les organismes délibératifs vise, encore et toujours, à nous ouvrir davantage sur l’extérieur, pour tirer le meilleur parti de nos différences.

Car la réforme des statuts n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit que d’un moyen, parmi d’autres, de faciliter ce dialogue avec les Français qui est décidément l’objectif majeur de la refonte de notre organisation.

Au demeurant, les textes ne seraient que peu de chose si nous n’avions pas la volonté de leur donner leur pleine signification. Et j’en appelle à vous pour y parvenir, en commençant par donner de notre mouvement une image d’ouverture et de renouvellement.

C’était d’ailleurs, là encore, ce que vous aviez souhaité en réclamant que les jeunes et les femmes accèdent plus largement aux responsabilités, que le rôle des sections locales et professionnelles soit revalorisé, que toutes les sensibilités puissent s’exprimer par le biais de contributions soumises au vote.

Nous avons commencé d’y travailler en dépit des obstacles qui n’ont pas manqué de se dresser sur notre route. Car sont trop nombreux encore ceux qui ont une approche – comment dirais-je ? – patrimoniale de l’action politique. Plus de deux cents ans après l’abolition de la vénalité des charges et des offices, il ne saurait pourtant être question de ressusciter les privilèges de l’hérédité, ni d’encourager les porphyrogénètes…

Ce n’est pas votre intention.

Et je me suis appuyé sur votre résolution pour promouvoir, à l’occasion des prochaines élections régionales et cantonales, un profond renouvellement de nos candidats, un rajeunissement et une féminisation significatifs de nos équipes.

Il est temps, en effet, qu’une nouvelle génération de responsables arrive aux commandes. Nous allons, ensemble, y contribuer. C’est pour notre mouvement, la condition de sa vigueur et la clé de ses succès futurs.

Il n’est jusqu’à l’organisation même de nos assises qui ne porte la marque de cette volonté de renouvellement, de large ouverture du débat et de meilleure participation des adhérents à nos travaux.

Ainsi a-t-il été décidé de bien marquer la différence entre la journée du samedi, tournée vers l’interne, à laquelle participent directement nos mandataires, et celle du dimanche, ouverte à l’ensemble des militants qui souhaitent y prendre part, et au cours de laquelle nous nous tournerons résolument vers l’extérieur…

Ainsi a-t-il été décidé de lancer un nouveau mode de vote, plus vivant, plus convivial, qui, dans un premier temps, s’ajoutera au système traditionnel et permettra à l’ensemble de nos fédérations départementales de s’exprimer tour à tour…

Ainsi a-t-il été décidé, enfin, de changer radicalement les conditions dans lesquelles nous siégions. Et de substituer au mode de répartition, quasi-hiérarchique, des participants, une répartition par région le samedi, et un autre, le dimanche, qui, sous réserve de la presse, de nos hôtes étrangers et des orateurs, place résolument sur le même pied tous les adhérents de notre mouvement, quels que soient les fonctions ou mandats qu’ils assument…

Car ces mandats, ces fonctions électives, ne sont pas un dû ; ils ne constituent pas un statut ; nous ne les occupons, nous ne devons les occuper que pour servir les idéaux dans lesquels nous croyons.

C’est bien la raison pour laquelle notre rassemblement sera de la plus extrême sévérité avec tous ceux qui l’oublieraient. Il prendra des sanctions exemplaires à l’égard de ceux qui s’affranchiraient des règles élémentaires de la morale publique. Des sanctions à la mesure des engagements pris dans la « Charte de l’élu » que nous aurons adoptée, je l’espère, dimanche soir.

Qu’il soit bien clair que le rassemblement ne reconnaît aucun droit à la carrière ; que chacun doit se donner à tout moment le moyen de son retour à la base ; que nul ne saurait considérer qu’il est propriétaire de son mandat ou qu’il détient un droit prioritaire à son renouvellement.

 

Mes chers compagnons,

Voilà donc ce qui a été fait, conformément à ce que vous aviez décidé.

Mesurons, mesurons avec fierté le chemin accompli et le défi que nous avons relevé.

Tout le monde nous annonçait liquidés, exsangues, entrés en agonie…

Quinze jours à peine après nos assises du 6 juillet, on nous reprochait de n’avoir aucun projet, d’être à court d’idées, de surcroît, profondément divisés…

Mais nous avons enduré les sarcasmes et les quolibets.

Entre ceux qui avaient écrit la chronique de notre mort annoncée, et ceux qui s’étonnaient de tant de pusillanimité de notre part, nous avons adopté une démarche patiente, méthodique, exigeante autant que résolue.

Entre les impatiences des uns et le scepticisme des autres, nous avons débattu, échangé, et nous avons avancé, humblement mais sûrement…

Et aujourd’hui, nous pouvons nous dire que nous ne nous sommes pas trompés.

Le chemin est tracé. Nous devons maintenant nous y engager. Résolument. Car, n’en doutons pas, ce chemin sera long et difficile. Nous devons bien comprendre qu’en dépit des très grands efforts accomplis ces derniers mois, en dépit de la rénovation que nous avons engagée, tout reste à faire.

Rien ne serait plus faux que de croire, dans l’enthousiasme du moment, que nous y sommes, que c’est arrivé ou que cela arrivera bientôt. Les vrais combats sont devant nous. Nous le savons, nous l’avons compris : ce ne sont pas les erreurs, les insuffisances, les contradictions de notre adversaire politique qui nourriront notre renouveau. IL ne s’agit pas de préparer un nouveau tour de manège électoral. Il serait sans lendemain.

Notre tâche est infiniment plus vaste ; elle est de revivifier notre démocratie, de chasser le doute qui s’est emparé des Français, de renouer le dialogue avec eux, de les réconcilier avec la politique, de les convaincre que nous avons un vrai projet à leur consacrer. Soyons donc vigilants avec nous-mêmes. Mais, pour autant, que cette vigilance sonne ainsi comme un charitable avertissement à la majorité « plurielle » : attention, vous n’avez encore rien vu !

Tout au long de ces deux journées, l’écho de nos débats, les images de notre rassemblement vont parvenir à un grand nombre de Français.

Sachons, par le sérieux de nos travaux, le ton de nos discussions, le fond même de nos interrogations, capter leur attention, sachons susciter leur intérêt…

Ces assises n’ont pas d’autre sens.

À nous de faire en sorte que notre effort porte ses fruits.

À nous de démontrer que nous sommes résolus à le poursuivre…

À nous de convaincre qu’avec Jacques Chirac, nous n’avons d’autres préoccupations que l’avenir de la France et le bonheur des Français.